BEEING LOOKED AT

Je ne suis pas vraiment quelqu'un de spécial. Certains trouveraient ça dommage, de ne pas être spécial, mais en vrai ça ne me dérange pas. En fait, je me fous complètement d'être original ou comme tout le monde. Aujourd'hui, je veux surtout qu'on me foute la paix et si le confinement du mois de mars m'avait bien profité de ce côté-là, ce faux confinement ne me convient pas du tout !

La solitude ne me pèse pas du tout. Au contraire, j'adore ça. Ne pas avoir à m'emmerder à consacrer du temps aux autres me permet d'en consacrer à des activités que j'aime. Je lis, je fais de l'exercice, de la musique, du jeu de rôle... Et quand je sors pour aller bosser ou faire mes courses je n'ai plus vraiment l'impression de faire partie de cette grande communauté qu'est la société. J'ai plutôt l'impression d'être « parmi vous » mais sans « en faire partie ». Je ne sais pas si je suis très clair là... Bref, mon problème aujourd'hui est que si je suis, aussi discrètement que possible, parmi vous, « Eux » sont parmi nous ! « Eux », c'est lui ! Ce putain de gars qui me regarde ! Ça a commencé en sortant du boulot. Comme le gars avait une capuche et une casquette, je ne voyais pas sa tronche. Avec son look de racaille en jogging, j'ai d'abord pensé que c'était un des gosses du lycée. Mais non ! On a quelques élèves plutôt baraqués mais aucun de ce calibre. Celui-là a une silhouette... massive ! Ou je ne sais pas trop comment dire. Quad je l'ai remarqué, je me suis senti mal à l'aise. Pourtant, même les plus baraqués des élèves me font rigoler. Mais là, non !

Ce week-end, j'ai compris !

Ce type n'est pas un gamin du lycée.

Ce type n'est pas un type !

Ce type est un Soar !

Comment je le sais ? Parce qu'hier, il était sur le trottoir d'en face et je l'ai vu par la fenêtre de ma chambre. Il était là, juste à l'entrée de ma rue. Et quand il a vu que je l'avais vu, il a baissé sa capuche. Et j'ai vu sa tête ! Sa tête de Soar ! Sa tête d'homme-porc ! Ce n'était pas un masque comme celui que portait Batro quand il faisait la promo de la Trilogie de la Crasse. J'en suis sûr car il n'y avait pas ces reflets typiques du plastique dont sont fait ces masques intégraux. Non ! Là, c'était sa vraie tête ! Une tête de porc qui me regardait... droit dans les yeux. J'avoue, j'ai baissé la tête... et le volet !

Mais juste avant, j'ai compris que quelque chose de vraiment bizarre était en train de se passer. Pile à ce moment, des joggeurs sont passés et... rien ! Ils n'ont manifesté aucun signe d'étonnement à voir un Soar dans la rue ! Et ça, c'est parce qu'ils ne l'ont pas vu. Pourquoi ? Parce qu'il est invisible. C'est un de leurs pouvoirs, non ? Il n'y a que moi qui peut le voir. Et il ne regarde que moi !


Et là, on est dimanche. Il est presque 15h et je suis claqué. Je suis claqué car je ne dors (presque) plus. Là, je suis debout depuis 3h du matin. J'aime la solitude et j'ai eu le temps de faire plein de trucs de ma journée. Mais là... je commence à être sérieusement claqué...

Est-ce que c'est comme dans Fight Club ? Est-ce qu'à force de ne pas dormir je vais avoir des hallus ? Est-ce que ce Soar est une hallu ? Là, je suis en train de taper ce texte sur mon PC. Je suis dans ma chambre. Je jette un œil par la fenêtre et ce saligot est là ! Exactement à la même place qu'hier. Je ne vois pas sa tête à cause de la capuche et de la casquette mais je sais que c'est lui. J'ai mal à la tête.


Je crois que j'ai dû piquer du nez quelques instants car j'ai eu une drôle de sensation. Ma vue s'est brouillée. Tout est devenu noir et... je me suis senti flotter. Puis, j'ai senti la même odeur que ces bâtonnets d'encens qui sentent l'herbe fraîchement coupée. J'étais allongé. J'ai ouvert les yeux. J'étais allongé... dans l'herbe. J'ai fermé les yeux. J'ai ouvert les yeux et... je suis en train de taper ce texte...


Une voix dans ma tête (mais en vrai, c'est la mienne) me dit que je devrais peut-être prendre rendez-vous avec mon généraliste. En vrai, je crois que c'est tout ce contexte de confinement à la con qui me travaille plus que je ne l'imagine. Ça doit être ça. J'ai beau (affirmer bien haut) me foutre éperdument de ce virus... peut-être que je ne m'en fous pas tant que ça...


Bon, voilà, c'était ZE événement de mon week-end de confiné je crois bien. J'ai la tête lourde. Les yeux lourds aussi. Faut que je ferme les yeux (?).

XxXxX

Je ne sais plus trop quoi penser. Évidemment, qu'un Soar me stalke et je pense à la Trilogie de la Crasse de Siebert, à Mantoid de Batro. Mais il s'est passé quelque chose d'encore moins normal lundi. Après le boulot, j'attendais le bus. Au moment de monter, un type en jogging-capuche-casquette descend par l'autre porte. Je le repère direct ! Lui, ne m'accorde aucune attention. Pourtant, je l'ai vu, il était assis à MA place ! Celle tout au fond du bus. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai pensé qu'il avait laissé quelque chose pour moi. Un paquet, une enveloppe. N'importe quoi qui pourrait m'en dire un peu plus sur le pourquoi du comment de sa présence. Sauf que rien. Enfin, presque rien... La barre en inox était complètement rouillée, dégueulasse. Et le siège aussi, pas rouillé mais trempé et puait le moisi. Je me suis rabattu sur un autre siège. Que ce soit chez Sibert ou Batro, je ne me souviens pas avoir lu quoi que ce soit concernant une capacité des Soars à provoquer de tels phénomènes. Alors, qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Et c'est en tapant ces lignes que je me dis que c'était peut-être ça le message. Ce Soar est « différent ». Cette histoire est différente. Ce n'est pas comme toutes les parties de jeu de rôle que j'ai pu faire dans cet univers. Qu'est-ce qui m'attends ?

Quelque chose en moi se fissure. Je pense à l'Arcane de la Tour. Et si c'était moi la Tour ? Et si j'étais en train de m'écrouler ? Il est presque 16h quand je tape ces mots. Sauf que, toujours sujet à mes insomnies, je suis debout depuis 2h du matin et... je suis vraiment crevé. Je vais m'écrouler de fatigue. Je vais crever. Je dois dormir.

Je dois dormir mais des fois, quand même, je dors. J'ai plutôt bien dormi dans la nuit d elundi à mardi pour être franc. Je me suis réveillé vers 4h du matin mais comme je m'étais écroulé vers 21h, c'est plutôt un bon score de sommeil. Sauf que, maintenant, j'ai l'impression que ma mémoire me joue des tours. Je fais des trucs entre le moment où je me lève et celui où je me retrouve au boulot. Je lis, je check mes mails, je fais de la musique, je m'occupe de mon ménage. Mais quand je rentre du boulot, c'est comme si certaines choses n'avaient pas été faites. Alors, est-ce que quelqu'un est rentré chez moi pour défaire ce que j'ai fait la nuit ou est-ce que j'ai rêvé m'être levé et avoir fait ces choses ? Je ne sais plus trop.

Hier soir, j'ai fait un crochet par la piscine en rentrant du boulot. Je voulais voir s'il y avait un affichage concernant une « hypothétique » réouverture. Ça me ferait vraiment du bien de nager, pour plein de raisons. Je suis donc arrivé devant la porte et là, il était là ! Le Soar ! Je ne sais pas s'il m'attendait. En vrai, quand je suis arrivé, j'ai vu quelqu'un à l'intérieur, de dos. J'aurais dû me douter que c'était lui et me tirer mais, je sais pas, je voulais savoir si quelqu'un savait quelque chose sur la réouverture. Alors, j'ai frappé à la vitre et il s'est retourné. Et il m'a fixé. C'est dingue comme un être à la tête de porc peut être complètement inexpressif et flippant à la fois. Je me suis retourné. J'allais pour me barrer en courant quand mon regard s'est porté sur le petit terrain de sport qu'il y a juste à côté de la piscine.

Et il était là !

En jogging-capuche et casquette. Les mains dans les poches. La tête baissée. Un putain de masque chirurgical cachait mal son groin. Il a relevé la tête. Il n'a fait que ça. Il n'a même pas sorti les mains de ses poches. Dans ma tête, je voulais me mettre en courir, m'enfuir et me réfugier chez moi. Mais je voulais aussi lui sauter dessus et le frapper... à mort. Et je crois que j'ai fait les deux !

Dans les romans de SF, quand ils parlent de la mécanique quantique et du chat de Schrödinger, les auteurs imaginent souvent que c'est à ce genre de moment que se créé une sorte de fracture et qu'un univers alternatif apparaît. Comme ça, dans chaque univers, chacun des événements se réalise et l'histoire se poursuit avec deux versions du héros, qui se rencontreront peut-être.

Sauf que je ne suis pas un héros. Je ne suis qu'un gars ordinaire. L'univers n'allait pas se fracturer, se diviser en deux et encore moins se plier en quatre pour moi. Alors c'est moi qui me suis casser en deux. Un moi est ici à taper ces lignes mais l'autre et sur le parking de la piscine. L'univers ne s'est pas divisé en deux. Et l'un des deux moi n'est qu'une illusion. Je crois que ce n'est pas l'autre...


GAME OVER


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog