ABNORMAL / EAT YOUR DARLING



           « Le Rajon 10 – dans le kvartali ouest –  est connu pour être une des plus pauvre et violent, l’un des plus pollués en dehors de la Zona également. Et, une fois de plus, il n’a pas failli à sa réputation. Un nouveau corps a été découvert ce matin à proximité du Zavod Djarzinski. Une mort violente, une de plus, la victime a été tranché par ce que notre informateur pense être un sabre japonais… »
            Haze n’en lit pas plus. Depuis cette nuit où il a discuté avec Alone Guru et ses « protégés », il a une idée assez précise de celui qui s’amuse à trancher dans le vif. Les autres lui avaient dit qu’ils le trouvaient bizarre. Et les autres, ce sont des morts-vivants évadés de ce qu’ils appellent le Tas de Merdes des Cafards, Cafards qui leur collent au derch par ailleurs. Donc, déjà, ces types-là sont bizarres. Et s’ils trouvent leur pote japonais bizarre, c’est qu’il doit être vraiment bizarre. La question, pour Haze, n’est donc pas tant de savoir qui est ce serial killer mais plutôt pourquoi il tue et quels sont ses critères pour « choisir » ses victimes. Après, ce n’est que de la curiosité. Black Rain ne lui a pas demandé d’enquêter là-dessus. L’organisation semble d’ailleurs s’en foutre éperdument.
            Et Haze s’en fout aussi. En fait, ce qui l’inquiète ce matin, c’est cette couche de transpiration dont il n’arrive pas à se débarrasser. Il s’en est aperçu en voulant se raser. Ça lui coller sur le menton. C’était bizarre, collant. C’était translucide et ça sentait le moisi. Il a fallu frotter fort pour s’en débarrasser. Ça l’inquiète car il se demande où il a pu choper ça. Vit-il trop près de la Zona ? Cela expliquerait tout. Ou alors, est-ce que c’est lié à son rencart dans les bois avec Alone Guru et ses protégés. Cela serait plus gênant, même s’il ne sait pas trop pourquoi.
            Haze s’était une fois de plus installé à sa fenêtre avec vue sur la Zona. Il savait ce qu’il s’y passait vraiment. Ou, en tout cas, il savait ce qu’il pouvait s’y passer parfois. Maintenant, il voulait en être le témoin direct. Il aurait voulu installer une caméra avec une vue plongeante sur la zone mais craignait de se faire griller par un de ces drones de surveillance qui passent un peu trop régulièrement devant sa fenêtre. Alors, il reste là, comme un con qu’il se dit, à fixer la décharge pendant des heures en attendant qu’il se passe quelque chose. Et là, il se passe quelque chose. Enfin, il croit qu’il se passe quelque chose. Mais ce n’est pas dans la Zona que ça se passe. C’est à la limite de son champ de vision. En fait, il a l’impression, juste un instant, que le mur de son salon vient de se couvrir de lierre grimpant. Mais, quand il se tourne pour regarder : rien, évidemment !

            Spider Tank, c’est son nom quand il chasse. C’est son nom de scène. C’est pas son vrai nom mais il l’a choisi car il trouve que ça en jette. Le Tank, c’est pour montrer que c’est un dur. Et le Spider, c’est pour montrer qu’il est intelligent car il tisse sa toile et tout et tout. En vrai, il est pas tout seul pour chasser. Il y a le caméraman aussi. Sa chasse et la bouffe qui va suivre, c’est sa part du contrat passé avec Rouges-Dents en échange de sa protection. Le Soar le met à l’abris des Cafards mais, en échange, il lui livre quelques images bien crados pour son label de snuff movies. En vrai, ça ne le dérange pas vraiment car, de toute façon, faut bien qu’il mange. C’est juste que, en vrai, il est pas vraiment obligé de manger de la chair humaine.
            Cette nuit, il chasse dans la vieille ville. Le Rajon 11 abrite des commerces et la classe moyenne de Mertvecgorod. C’est un quartier plutôt paisible. Il ne devrait pas y faire de mauvaise rencontre. Non, cette nuit, la mauvaise rencontre, c’est lui ! Spider Tank jette son dévolu sur un gamin d’une quinzaine d’années qui n’a rien à faire dehors à cette heure de la nuit. Il porte des fringues plutôt confortable. A la lueur d’un réverbère, il lui trouve le regard éclaté. Le gosse est plutôt maigrichon mais il fera l’affaire. Il fait au caméraman de le suivre.
            Spider Tank manque une occasion de sauter sur le môme. En fait, il a cru qu’il parlait à quelqu’un mais… le môme parlait tout seul. En fait, en le suivant, il se rend compte que le gosse parle vraiment tout seul. Il doit être défoncé, ou schizo ou les deux… En fait, ce gosse lui plait bien.
            Spider Tank s’approche, tranquille, et pose assez fermement sa main sur l’épaule du gosse qu’il contraint à se retourner. Et là, c’est le drame ! Les joues du môme sont déchirées par plusieurs bouches et ses yeux, les deux !, sont comme deux vortex tourbillonnant ! Et toutes ces bouches parlent en même temps. Ça ne veut rien dire. Et ces yeux ! Ces Yeux !
            Spider Tank a alors une vision. Il est sous terre. Il y a des zombies autour de lui. Pas des comme lui. Des zombies dégueulasses à moitié décomposés. Mais c’est pas eux le problème. Le problème, c’est ce type qui lui saute dessus. Et le problème, c’est cette pièce sous terre. Elle n’est pas normale. Il ne sait pas pourquoi mais ça lui file la gerbe.
            Spider Tank se réveille dans sa piaule, dans son lit. La caméraman est à côté de lui. Il a l’air tracassé. Il lui raconte ce qu’il s’est passé. Lui aussi, il a vu ce qu’était ce gosse. Il ne sait pas à quoi il s’est cartonné mais c’est quand même ultra-violent comme produit. A part ça, il parait plutôt indifférent. Certes, il n’a aucune image pour le prochain film de Rouges-Dents mais… ils ont encore du temps. Que Spider Tank se repose, ils sortiront ce soir.



            C’est une bonne nuit pour le commissaire Sohn Kang. Il a procédé à l’arrestation de quatre cultistes adorateurs de Nyarlathotep. Il a également mis la main sur deux « potions » aux effets pour l’instant inconnus, ainsi que sur la moitié d’un très vieux journal. Il possède déjà l’autre moitié et va enfin pouvoir se plonger de cette lecture dont il attend beaucoup.


            Sohn Kang a également quatre morts sur les bras mais il sait déjà que l’un deux va se réveiller en pleine forme demain matin puisqu’il s’agit de son nouveau « protégé » : Kenishiro Watanabe, un ronin ancien membre du clan Sonoda.


            Le commissaire a fait la connaissance du jeune ronin par hasard. Ce dernier lui a raconté son histoire. Samouraï dans un Japon médiéval improbable, il a été sacrifié par les prêtres de son clan lors d’un rituel en l’honneur d’Azathoth. Ce nom n’était malheureusement pas inconnu de Kang. Mort, Ken s’est retrouvé à devoir travailler comme un forçat au milieu d’un infini tas de détritus sous la surveillance de… Cafards géants. Là, il a eu un peu plus de mal à accepter cet état de fait mais cela prenait malgré tout un peu de sens quand Ken expliqua comment un passeur lui avait permis de quitter ce tas de Merdes pour atterrir, en plein Mertevcgorod, au beau milieu de la Zona.


            Si Ken avait raconté son histoire à n’importe quel autre commissaire de police de la RIM ou même du monde, il aurait enfermé dans le premier asile affichant une place de libre. Mais Kang était au fait de l’existence des Anciens et menait sa propre croisade personnelle. Aussi, il prit le jeune ronin sous son aile et lui laisse à peu près les mains libres afin d’assouvir sa propre vengeance contre les cultistes.


            Ken est jeune et inexpérimenté. Il manie le sabre mais est très loin d’égaler l’auteur du Traité des Cinq Roues. Ainsi, cette nuit, certes il a pu abattre trois cultistes mais… le quatrième a eu raison de lui. Peu importe, Ken, à sa façon, est immortel et il se réveillera en pleine forme demain matin. Et demain soir, il repartira dans les rues de Mertvecgorod à la recherche d’autres serviteurs des Anciens à passer au fil de son katana.




            Ce matin encore, au moment de se raser, Haze constate cette couche de « sueur » collante. Il se dit que ça doit venir de la pollution environnante. Il passe un bon moment à se frotter le visage avec du savon puis une serviette bien rêche. Ça lui laisse le visage rouge mais ça lui parait satisfaisant. Alors, il se poste à sa fenêtre et scrute la Zona dans l’espoir de voir surgir un Cafard géant.

            Entre deux cigarillos aromatisés au café au lait, il jette un œil dans le journal. C’est très loin de la première page mais on a encore trouvé des gars les tripes à l’air. Pour Haze, il est à peu près certain qu’il s’agit de ce mort-vivant japonais. Il devrait peut-être informer ses supérieurs quand même…

            Au bout d’un moment, Haze se rend compte qu’il est en train de se gratter le dos. Il y a un truc, quelque chose. Ça le démange. Ça ne colle pas. Ce n’est pas comme cette transpiration sur son visage. c’est autre chose. C’est dur. Il va dans la salle de bain et se contorsionne pour essayer de voir de quoi il s’agit dans le miroir au-dessus du lavabo. Il y a un truc au niveau de sa colonne vertébrale, un relief. Un bouton ? Un kyste ? Il le touche du bout du doigt. C’est dur… comme de l’acier. Ça a une arête qui pourrait être tranchante. Ça présente des angles aigus. Qu’est-ce que c’est que ce truc ? On lui a implanté quelque chose pendant son sommeil ? Qui ça, pourquoi ? Ses chefs de Black Rain ? Ils lui auraient fourré une sorte d’émetteur ? Ou alors, des ennemis de Black Rain ? La police politique de la RIM ? Mais pourquoi, quand et comment ? Là, il va quand même falloir appeler Black Rain !



            La nuit tombe. Spider Tank et son caméraman sont de nouveau de sortie. Spider Tank voulait éviter ce rajon mais… d’après son partenaire, c’est un bon coin, discret et tout donc… Et puis, ce serait quand même pas de bol de tomber deux fois de suite sur un toxico-muto quand même ! Non, non, ce soir ils vont faire de bonnes images et le cochon sera content.
            Spider Tank jette son dévolu sur une femme qui, selon lui, doit être complétement débile puisqu’elle a choisi cette heure et ce quartier pour faire son jogging. Après, elle a vraiment besoin de faire du sport. Mais c’est tout bénef pour le zombie qui voit là l’occasion d’un bon festin bien mérité après sa loose de la veille. Toutefois, il reste sur ses gardes. La femme jette un peu trop souvent des regards derrière elle. L’a-t-elle repéré ou est-elle juste parano ? Ou… est-ce que quelqu’un d’autre la suit déjà ?
            Spider Tank veut se tenter un truc. C’est en compagnie du caméraman qu’il aborde cette femme. Ils se font passer pour une équipe de journaliste et Spider Tank commence à l’interroger sur qui elle est et pourquoi elle court ici et à cette heure. Il la sent anxieuse. Il fait de son mieux pour apaiser ses craintes, notamment en insistant qu’ils sont deux pour la protéger en cas de besoin. Mais peut-être qu’elle préfèrerait poursuivre cet interview dans un endroit plus calme ?
            Ils se regardent avec le caméraman, c’est inespéré ! La bonne femme n’en peut plus de courir et elle court à fond dans son baratin. Spider Tank en fait des tonnes dans son rôle de journaliste et joue autant qu’il peut la carte du charme quand il la fait monter à l’arrière du « fourgon technique ». En guise de matériel, il n’y a que quelques câbles et batteries dans une caisse en plastique mais ça suffit à la mettre en confiance. Sous l’œil de la caméra, elle lui fait les yeux doux.
            Spider Tank déplie la banquette arrière et laisse le charme agir. La femme, elle, se laisse aller. La caméra ne semble pas la gêner le moins du monde. Elle n’a pas non plus l’air vraiment gênée quand Spider Tank plante ses dents dans ses poignées d’amour. Le zombie y va progressivement. Il commence à mâchouiller la viande avant de l’arracher. Il veut voir comment elle réagit. Et quand il sent que tout va bien se passer, il arrache un bout de barbaque ! Elle se met à brailler mais c’est un peu tard. La suite, on la trouvera dans quelques jours, quelques heures si le caméraman bosse bien, sur le site de Rouges-Dents !
            Les deux artistes abandonnent ce qui reste de cette femme sous un réverbère. Ils lui ont fait une injection de Vish. Même extrêmement diluée, la substance fournie par le Soar va bousiller la mémoire de cette pauvre femme et elle ne saura plus démêler le vrai de l’hallucination quand elle se réveillera. Elle n’aura que de vagues souvenirs de ce qui s’est vraiment passé et le tout sera mélangé avec des visions oniriques qui la feront douter de la réalité des dernières heures.
            Le caméraman lâche Spider Tank près de chez lui et repart avec la camionnette. Le zombie est content. Ce soir, tout s’est bien passé. Il a bien mangé et ils ont fait de bonnes images. Il espère que Rouges-Dents lui foutra la paix pendant quelques temps. Mais, alors qu’il rentre chez lui, quelqu’un, ou plutôt quelque chose lui tombe dessus. Et ce… truc… n’a plus d’humain que la silhouette. Ouais, OK, deux jambes et deux bras mais… c’est surtout une espèce d’éponge moisie avec des pics et des triangles en ferraille qui lui sortent d’un peu partout. Et ça pue !
            Heureusement, la chose semble maladroite. Elle titube plus qu’elle ne marche et Spider Tank a l’impression que c’est presque par hasard qu’elle lui est tombée dessus. Il s’en débarrasse assez facilement. La chose tombe par terre et peine à se relever. Là, il a une idée de génie. Il voit que cette chose est moisie, humide, spongieuse. Alors, il va dans les chiottes et se saisit du spray désodorisant. Il s’empare d’un briquet dans la cuisine et improvise un lance-flamme qui dézingue ce truc bizarroïde. Il prend son temps pour bien débarrasser cette silhouette de tout ce moisi. Il veut savoir ce qui, ou juste qui, il y a dessous. Mais, en réalité, quand il en a enfin terminé, il ne reste qu’une poignée de cubes et de triangles en ferraille. Il hésite à toucher ses trucs. Il utilise alors un sac poubelle en guise de gants et se promet de montrer ça à Alone Guru. Et si le Guru n’a aucune idée de ce que c’est, alors il le montrera au Soar.


            Kang est satisfait. Il a de nouveau procédé à l’arrestation d’une bande de cultistes qui s’étaient mis en tête d’ouvrir un Portail en l’honneur de Yog-Sothoth. Il n’est pas sûr de présenter les choses ainsi dans son rapport mais le plus important reste que leur projet a échoué.
            Il a, de plus, récupéré deux nouvelles potions qu’il va pouvoir remettre à son protégé. D’ailleurs, il se félicite que ce dernier n’a pas tué la nuit dernière. Pourtant, il y a bien eu une agression au sabre. Une rumeur dit qu’un homme a été agressé par un bretteur et… un nuée de chauves-souris ?! Il va quand même falloir qu’il ait une petite discussion avec Ken.
            Il faudrait aussi qu’il laisse un message à son contact au sein de Black Rain. Ce n’est pas normal que les serviteurs des Anciens s’agitent comme ça tout d’un coup. Le plus souvent, leurs rituels ne sont que le prétexte à des orgies qui intéressent plus la brigades des stups ou des mœurs. Mais là, ça devient quand même sérieux.
            Il s’est également plongé dans la lecture du Pacte de la Cité sans Nom. L’auteur a beau être un prêtre défroqué, celui-ci ne semble pourtant rien avoir perdu de sa ferveur religieuse et celle-ci est contagieuse. Kang se sent… bizarre quand il referme l’ouvrage. Il est en proie à une sorte de crainte diffuse non seulement de transgresser la loi, ce qu’il pourrait imputer à son métier, mais aussi, et c’est nouveau, d’offenser Dieu.
            Quoi qu’il en soit, cette lecture le met mal à l’aise vis-à-vis des activités de Ken. De plus, il a besoin d’en apprendre plus sur cette Cité sans Nom et ce fameux Pacte. Malheureusement, l’auteur reste très vague sur ce sujet. Il va devoir de nouveau se frotter aux cultistes pour en apprendre d’avantage mais… cela ne va-t-il pas offenser le Seigneur ?



            Qu’il se mette à transpirer et puer plus que d’habitude ne l’inquiétait pas plus que ça. Mais avoir des trucs en ferraille sous la peau, ça, ça l’inquiète. Et Haze ne peut s’empêcher de penser que c’est peut-être bien Black Rain, malgré tout, qui lui aurait implanté un truc, un genre d’émetteur. Alors, il se décide à contacter Alone Guru. Il ne compte pas lui faire part de ses doutes concernant Black Rain mais, en plus, il se dit que tout ça peut aussi venir de leur dernière entrevue dans les bois. Alors ?

            Alors ça ne se passe pas complétement comme prévu. Au moins, Haze est moins enclin à penser que son employeur lui a fait un sale tour (même si c’est toujours possible). Mais le problème, c’est que Alone Guru n’a aucun élément de réponse à son problème. Autrement, il l’aurait réglé vu que… il a le même problème !! Lui aussi a vu des formes géométriques apparaitre sous sa peau. Et sa « transpiration » s’est comme condensée en plaque de mousse fongique. Et il pue ! En vérité, ils sont tous les deux convaincus qu’il s’est passé quelque chose dans les bois. Surtout que… un des trois évadés du Tas de Merde a disparu et… l’un d’entre eux a été attaqué par une créature vraiment trop bizarre. Un sorte de champignon humanoïde qui n’a laissé derrière lui que quelques volumes métalliques derrière fois cramé. Tous les deux n’en ont évidemment pas la preuve mais… Et si ce truc qui a attaqué Spider Tank était justement cet évadé disparu ? Qu’est-ce qui attend les deux autres morts-vivants ? Qu’est-ce qui les attends eux ? Ont-ils ramené cette merde de la Plage des Cafards ou l’ont-ils chopé dans les bois de ce parc de Mertevcgorod l’autre nuit ?

            Haze se sent comme un gamin qui a fait une connerie et qui ne voit plus d’autre solution que de le dire à ses parents tellement il est dans la merde. Il sait qu’il va se faire engueuler mais… il ne peut plus vraiment faire autrement. Il va falloir prévenir Black Rain.

            Une fois chez lui, Haze va pour prendre son téléphone mais… sa main ! Elle a changé. Ce n’est plus vraiment une main. C’est un gros bout de chair. Il y a des trucs au bout qui ressemblent à des doigts mais ce ne sont pas des doigts. C’est recouvert d’un mucus gris-vert et il ne peut pas les bouger. De son autre main, normale elle, il relève sa manche pour voir jusqu’où s’étend ce truc et là, juste en dessous de son coude, un… vide ! C’est fugace. Ça ne dure qu’un seconde mais… il y a un vide. Il n’y a rien. Puis, son bras et sa main sont de nouveau comme avant. Haze fonce dans la salle de bain. Il se fige devant la glace. Sa peau colle. Il pue. Il a le teint vert-de-gris mais… ça va…

            Il va appeler Black Rain. Demain…


            Spider Tank voulait parler à Alone Guru mais… il n’était pas disponible. Dommage. Il voudrait discuter de certaines avec lui plutôt qu’avec le Soar mais, si la situation dégénère, il faudra bien qu’il informe Rouges-Dents. Enfin, pour l’instant, l’interphone vient de brailler. Le caméraman l’attend en bas.

            Le caméraman prend le volant et l’emmène dans le même quartier que l’autre jour. Et là, ô surprise, ils retrouvent la même grosse femme en train de faire son jogging. L’autre fois ne lui a pas suffi. Elle en redemande. En fait, ils sont tous les deux d’accord pour dire que ce doit être une grosse maso qui a adoré le « tournage ». Et puis bon, on peut jamais trop savoir quels sont les effets secondaires d’une dose de Vish. En tout cas, ils sont certains qu’elle en redemande et… elle va en avoir !

            Alors, ils lui rejoue le coup de l’équipe de journaliste. Spider Tank affiche son plus beau sourire et explique que son « redac chef » l’a adorée dans cette « interview » et qu’il veut absolument qu’elle devienne le sujet d’une série de reportages. Ce baratin minable ne fonctionne que parce qu’effectivement elle en redemande. Grosse maso ou simplement rendue accro au Vish, Spider Tank s’en fout. Il l’a fait monter dans la fourgonnette et… roule ma poule !

            Le caméraman arrête le fourgon pas très loin de ce parc boisé où Spider Tank et ses potes ont rencontré l’autre gars, ce Haze, l’autre soir. Coïncidence ? En tout cas, ça ne lui plait que moyennement. Il a l’impression que le caméraman est en train de lui faire une sale blague. Alors, il va se venger… sur la grosse ! Elle va prendre cher… ou chair. Ça le fait marrer. Par contre, il va faire ça bien. Il va y aller crescendo mais lentement, pour qu’elle ne voit rien venir, qu’elle ne panique pas et… que ça fasse de bonnes images.

            Spider Tank est content. Il arbore le sourire de celui qui a fait du bon boulot. Ce soir, ils vont avoir de superbes images et, en plus, il n’y aura pas eu besoin de gaspiller une dose de Vish puisque… il ne reste rien de la grosse ! Il l’a toute bouffée, même les os ! Cerise sur le gâteau, pas besoin de se débarrasser du corps puisque… pas de corps justement. Et ça le fait marrer. Du coup, pour fêter ça, il se dit qu’ils pourraient peut-être se partager le Vish avec le caméraman. Ce dernier affiche un sourire géant !

            Ils s’installent tous les deux à l’arrière du fourgon et le camé-raman prépare le Vish. Il lui explique que s’ils devaient le prendre à la « mode Soar », il faudrait qu’ils baisent mais… en vrai, ils sont pas obligés, hein ?

            Spider Tank se réveille chez lui, seul et avec toutes ses fringues. Par contre, il a un gros doute et ne sait absolument s’il a fait un bon ou bad trip. En fait, il n’est pas certain d’être entièrement redescendu. Il croit qu’il est encore sous l’effet de la drogue qui s’estompe progressivement, comme les images de son « voyage ». C’était un drôle de voyage. Il a été très loin et très haut. Il a vu l’espace et le temps, ce grand type qui chantait « Aum ! ». Puis, il a pris un bout d’espace et de temps et il l’a mis entre deux fines plaques de verre et il a mis tout ça sous la lunette d’un microscope géant. Et là… Rien ! Il ne sait pas s’il n’y a rien parce qu’il ne se rappelle (déjà ?) plus de rien ! S’il n’y a jamais rien eu ou… Est-ce qu’il n’y avait rien parce qu’il ne s’était encore rien passé à cet endroit de l’Aum-monde…

            En tout cas, Spider Tank a une certitude, il a vu la Dernière Période ! Et pour l’instant, il n’y a rien…


            Kang est appelé en urgence sur une affaire extrêmement déplaisante : une prise d’otages. Sauf que le preneur d’otages est un de ses collègues, quelqu’un qu’il connait bien et dont il apprécie le boulot… d’habitude.

            Iossif s’est retranché dans un entrepôt désaffecté avec neuf victimes. Il se dit accusé d’un complot et exige d’être blanchi. Le problème est qu’il n’a rien dit du complot en question et que sa hiérarchie affirme que Iossif a tout simplement « craqué ». D’après ses supérieurs, il n’y a pas de complot ! Il faut donc sauver les otages et découvrir ce qui a fait péter les plombs à Iossif.

            Mais la situation est extrêmement tendue. Kang n’a jamais vu Iossif comme ça et ce n’est que de justesse qu’il parvient à éviter que Iossif n’abatte un otage sur un coup de tête. En vérité, tout va très vite et Kang voit très vite que sa marge de manœuvre déjà très réduite ne va pas aller en s’élargissant. Alors, à force de diplomatie, il obtient malgré tout la libération de quatre des otages. De ces derniers, ils apprends que certains se sont rangés derrière Iossif. Syndrome de Stockholm… Pas tout à fait d’après les otages libérés.

            En vérité, Iossif n’a rien dit de la nature du complot dont il se prétend victime. Pourtant, deux des otages ont pris parti en sa faveur. En fait, certains pensent qu’ils se connaissaient avant la prise d’otage. Kang n’en dit rien aux otages ni à ses supérieurs, mais il se demande si Iossif n’aurait pas plutôt été manipulé par ces deux prétendus otages.

            Et soudain, Kang apprend que Iossif s’est volatilisé. Littéralement ! il a disparu, laissant là les derniers otages. Personnes n’est capables d’expliquer ce qui vient de se passer. Kang fait en sorte que les otages soient pris en charge et que, surtout, on les garde bien à l’œil. Il y en a deux parmi eux qui sont de moins innocentes victimes qu’ils n’en ont l’air et dont il va devoir percer les secrets.


            Haze n’est pas très à l’aise avec la démarche. Pourtant, c’est assez logique et normal mais ça l’emmerde de devoir appeler Black Rain. Il a l’impression que ses chefs vont l’engueuleur pour une connerie qu’il n’a pas faite. Mais là, ça prend quand même des proportions. Un des évadés du Tas de Merdes a disparu. Un autre semble se livrer à une vendetta au sabre dans les rues de Mertvecgorod et puis, surtout Alone Guru et lui ont chopé une putain de saloperie ! Difficile de penser que tout ça n’est pas lié. En fait, Haze pense que ces trois là ont ramené un souvenir du Tas de Merdes. Ils ne l’ont certainement pas fait exprès mais… ils l’ont fait quand même !

            La Mouche l’écoute et… ne l’engueule pas. On lui fait quelques prélèvement s de cette « sueur » qui le fait vraiment puer la mort. On examine ces « trucs » sous sa peau et on lui confirme qu’il s’agit bien de « trucs » métalliques. Mais on lui affirme aussi que ce n’est pas Black Rain qui les a mis là. Toutefois, il ne s’agirait pas d’un émetteur. Tout ce qu’on peut en dire pour l’instant c’est que… c’est là et que ça doit bien servir à quelque chose.

            Pour ce qui est des protégés d’Alone Guru, Black Rain semble au courant des « activité » de Ken. Le mort-vivant japonais est en fait déjà placé sous surveillance. Les deux autres sont également sous la protection de Rouges-Dents, le Soar qui les fait tourner dans des snuff-movies et leur accorde sa protection en échange d’informations. Il semblerait que le Soar cherche… une Hache. Mais, cela ne dit absolument rien à Haze. Il peut toujours demander à Guru…

            Il est possible, et même très probable, que ce soit ces évadés qui leur aient refilé cette merde à Guru et lui. Mais, pour Black Rain, c’est tout à fait involontaire de leur part. La Mouche pense plutôt qu’ils ont été utilisé par les Cafards pour atteindre Rouges-Dents. D’ailleurs, Haze n’a observé aucune activité cafardeuse depuis sa rencontre avec ces trois-là ?

            L’entretien touche à sa fin. Haze ne s’est pas fait engueuler. La Mouche ne lui a pas donné non plus de consignes particulières. Qu’il continue son observation de la Zona et prévienne Black Rain si quelque chose devait se passer.

            Haze rentre donc chez lui. Il ne s’est pas fait engueuler mais il a quand même l’impression qu’on s’est un peu foutu de sa gueule. Maintenant qu’il attend le métro, il se dit que la Mouche devait en savoir beaucoup plus sur cette histoire. Et puis, elle n’a pas eu l’air plus préoccupée que ça de sa santé. Tout ça est lié à autre chose. La Mouche le sait. Et Haze sait aussi que ce n’est pas la première fois que « tout est lié » à une échelle qui le dépasse. Mais c’est une des règles de Black Rain. Lui, à son niveau, collecte et rapporte des informations qui sont analysées et mises en relations entre elles à un niveau supérieur.

            Haze est de retour dans son appart. Il reprend sa place à sa fenêtre et scrute la Zona. Il transpire beaucoup alors il a viré ses fringues qui collaient et puaient trop. Il ne porte plus qu’un slip (douteux, évidemment) et un marcel qui a été blanc, il y a très longtemps. A des fins de purifications internes, il s’est muni d’une bouteille de vodka la plus bon marché qui soit, de celle dont on se sert en cas de pénurie de carburant pour les tracteurs dans les campagnes de la RIM. Il s’allume un petit cigarillo aromatisé au chocolat histoire de renouveler l’air dans ses poumons mais alors qu’il porte le cigarillo à ses lèvres, il ressent une sensation bizarre. C’est un peu comme le snap crac pop de ces céréales de la pub, quand le gamin ricain (dents blanches et coupe au bol) verse du lait dessus. Une vive douleur lui fait jeter le cigarillo au sol. Sa vue se trouble et il tombe de sa chaise.

            Quand il se réveille, il est tout gluant de transpiration. Il est entièrement recouvert de transpiration. Et les murs de son salon sont aussi recouverts de « sueur ».


            Spider Tank repart pour un tournage. Il est un peu ennuyé car ces meurtres (il faut bien appeler les choses par leurs noms) deviennent un peu trop fréquent et il a peur de se faire gauler par les flics. Mais le caméraman le rassure. Rouges-Dents a le bras long et il ne risque pas grand-chose de ce côté-là. Mais bon, Spider Tank est aussi emmerdé car il sait bien que le Soar attend certaines choses, des informations… sauf que ces informations, il ne les a pas. Alors, que fera le porc quand il se rendra compte qu’il ne lui est en réalité d’aucune utilité ?

            Spider Tank n’a pas vraiment l’opportunité de voir Rouges-Dents comme il veut. Mais il peut quand même solliciter un rendez-vous par l’intermédiaire de tout le réseau de la boite de prod. Alors, ce soir, il a pris avec lui les petits bouts de ferrailles qui restent de la crémation du truc de l’autre soir. Il veut les montrer au caméraman pour savoir si ça peut intéresser le porc.

            Le caméraman prends les bidules en ferraille et s’installe au volant. Spider Tank s’allonge sur la banquette arrière et écoute l’autre lui expliquer qu’ils vont quand même changer de rajon pour ce soir. Faut varier les plaisirs et brouiller les pistes. Mais tout se brouille. En fait, c’est bizarre car d’habitude, c’est la vue qui se brouille. Là, c’est l’ouïe. Soudain, le gars a l’air si loin. Enfin, sa vue se brouille aussi. Spider Tank ne se sent pas super bien. Il transpire un max. sa langue devient pâteuse. Il a l’impression qu’elle gonfle. Puis, un truc le démange dans le dos. Il se gratte puis s’arrête immédiatement car il a l’impression que le « quelque chose » sous peau va la déchirer s’il y touche de trop. Il est mal. Il a du mal à respirer. Malgré tout, il arrive encore à additionner deux et deux même si c’est compliqué. Tout ce qu’il arrive à faire, c’est demander au caméraman d’arrêter le fourgon.

            Spider Tank ne sait ce qui s’est passé. En fait, il en a une vague idée. Il comprend bien qu’il a commencé à devenir aussi dégueulasse que le truc qu’il a cramé l’autre nuit et que le caméraman s’est débarrassé de lui aussi vite que possible. Est-ce que c’est lui qui l’a ramené jusqu’à son appartement ou bien il l’a juste jeté au coin d’une rue et il s’est débrouillé pour rentrer ? Spider Tank s’en fout. Il a mal mais… le sommeil est finalement plus fort. Il aurait bien besoin d’une bonne dose de Vish, là !




            On en parle pas encore dans les médias sérieux mais la rumeur enfle. Le « Bat-Samouraï » a encore frappé. La rumeur ne dit rien sur ces soi-disant innocentes victimes d’agressions au sabre. Mais on parle de plus en plus de nuées de chauves-souris qui accompagneraient le bretteur.

            Là où l’affaire devient de plus en plus gênante pour Sohn Kang, c’est quand un témoin poste sur les réseaux sociaux qu’il a assisté à une de ces agressions. Il affirme avoir un type vêtu d’un kimono en attaquer deux autres avec son katana. Là encore, on parle des chauves-souris. Mais cette fois, le « témoin », qui est évidemment resté anonyme et n’a pas daigné prévenir les forces de l’ordre, déclare que la première victime s’est finalement relevée pour se battre, cette fois, aux côtés du samouraï pour être finalement abattu par son ancien compagnon.

Moins doué que le Bat’ de Gotham, le Bat Samouraï s’est finalement fait avoir mais si en croit encore les rumeurs, il reviendra car… pour l’instant en tout cas, il revient toujours !

            Kang finit l’article et se dit que Ken va vraiment devoir lâcher du lest avec sa vendetta. Si ça continue, il ne pourra plus le couvrir très longtemps. Mais avant ça, il doit régler cette histoire de prise d’otages. Et comme il le soupçonnait, certains d’entre eux sont liés au « milieu » de l’occulte.
            Kang ne fait pas parti de Black Rain mais y possède quelques contacts. Cela lui permet de bénéficier de certaines informations et ressources. Cela lui permet aussi de garder la tête froide quand il est témoin de certaines choses.
            Sa filature des deux prétendus otages l’a mené sur les lieux d’un rituel. Une ouverture de Portail ou quelque chose comme ça. Pour ce qu’il en a compris, et en liant tout ça à ce que lui ont raconté les gars de Black Rain, c’est un mélange de magie et de mathématique. De géométrie. Une sorte de superposition d’espace qui crée des failles, des fractures dans l’espace-temps. Une faille de ce genre aurait permis à Iossif de s’enfuir ? Ou… de se débarrasser de lui ? Est-ce que cette prise d’otages devait servir de diversion ? Mais dans ce cas, pourquoi impliquer un flic comme Iossif ? Avait-il mis le doigt sur quelque chose ? Les cultistes ont-ils vu là un moyen de faire d’une pierre deux coups ?
            Kang n’a qu’une connaissance très vague du monde de l’occulte et de tout ce qui concerne les Anciens. Toutefois, il sait reconnaitre l’influence de Shub-Niggurath quand elle se fait sentir. Et c’est la Chèvre Noire qui était de l’autre côté du Portail.
            Là, fait étonnant, les gars de Black Rain ont commencé à se faire plus dissert. Oui, les serviteurs de la Chèvre Noire s’agitent en ce moment. Et si la divinité n’a pas traversé le Portail, ce doit uniquement être parce qu’elle n’en avait pas l’intention. Par ce rituel, ses serviteurs ont certainement dû se borner à sceller un pacte et recevoir de nouvelles instructions.
            Kang réagit quand il entend parler de pacte. Il pense bien sûr à ce livre, « Le Pacte de la Cité sans Nom ». Et les gars de Black Rain lui font jurer de garder le secret. Ils veulent se livre car si cette Cité est Sans Nom, c’est parce qu’elle n’en a pas encore. Elle n’en a pas car elle n’existe pas encore ! Quand elle aura été construite, cette Cité aura un nom et son nom sera Uzrun ! Et si Kang devait révéler cette information à qui que ce soit, les hommes de Black Rain le tueront.
            Kang doit bien saisir que tout cela est très important. Tout est lié à une échelle difficile à saisir pour un humain. Mais il doit prendre la mesure de ce qui est en train de se passer. Tout est lié et Shub-Niggurath est derrière tout ça. Et ils lui demandent si Ken a changé. Kang ne se rappelle pas leur avoir parlé de lui mais… non le jeune mort-vivant japonais va plutôt bien, pourquoi ?
            Parce qu’il semblerait que lui et ses copains ne soient pas revenus les mains vides du Tas de Merdes des Cafards. Et on dirait bien que ce qu’ils ont ramené soit un virus du type Millevaux ! Mais ça, Kang n’est pas sûr qu’on l’a dit en sa présence…






            Haze réfléchit. Ce n’est pas son job mais il essaye quand même de comprendre. Les Cafards auraient tenté de piéger un Soar en relâchant trois zombies porteur d’une saloperie dans la Zona. Le Soar en question cherche des informations sur un hache et il pense que les évadés du Tas de Merdes peuvent en avoir. Il doit donc penser que cette hache (ou des bouts ?) doivent se trouver au Tas de Merdes. Mais, est-ce que les Cafards savent vraiment ce que cherche Rouge-Dents ? Et cette putain de hache se trouve-t-elle vraiment là-bas ? Est-ce qu’ils veulent des informations eux-aussi ou juste infecter ce Rouges-Dents avec la merde qu’il a chopé ? Est-ce que les Cafards vont finir par se manifester ou vont-ils juste… attendre ? Et lui, va-t-il juste rester à sa putain de fenêtre à attendre qu’il se passe quelque chose dehors… ou dedans ?


            Haze pense à autre chose. Si ce truc se transmet, est-il possible que ça devienne comme une espèce de pandémie dans tout Mertevecgorod, comme le COVID dans le reste de l’Europe ? A part lui et Guru, qui d’autre l’a chopé ? Les trois zombies trainent en ville en toute liberté. Et le Japonais s’amuse même à découper des gens en rondelles la nuit ; il l’a lu sur le net. Le « Bat-Samouraï » ! Tu parles ! Pourquoi fait-il ça d’ailleurs ? Il lui avait semblé bizarre, oui, mais il n’avait pas l’air d’un psychopathe non plus.


            Bref, Haze songe qu’il devrait peut-être tenter de filer un coup de main à Guru. Il pourrait demander à Black Rain de le faire sortir de la ville, mais pour aller où ? Et pour faire quoi ? Est-ce que les Mouches ont quoi que ce soit pour le guérir, pour les guérir ? Et peut-être qu’il faudrait aussi commencer à chercher d’autres éventuels infectés ?


            Haze s’en va pour passer un coup de file à Alone Guru mais… il s’écroule dans son salon. Quand il se réveille, les murs sont de nouveau recouvert de « mousse », de « moisi ». Lui, il schlingue comme pas permis. Ses avant-bras, et d’autres parties de son corps quand il s’examine, sont recouvert de plaques de moisi et de champignons. Il sent aussi, à divers endroits sous sa peau, ces trucs métalliques aux angles tranchants. Tranchant ? Et Haze se demande si ce ne serait pas comme des bouts de cette putain de hache que cherche le Soar ! Est-ce que ce serait le moyen qu’aurait trouvé les Cafards pour attirer Rouges-Dents dans leur piège et lui transmettre leur saloperie ? Si c’est ça, c’est sacrément tordu et ils doivent vraiment lui en vouloir pour risquer de répandre leur truc dans toute la RIM !


            Spider Tank se sent mal. Il craint que le truc qu’il a cramé l’autre jour ne lui ai refilé quelque chose. Il espère que les babioles qu’il a refilé au caméraman vont intéresser Rouges-Dents car il a vraiment d’aide, là ! Pour l’instant, le moisi n’a pas gagné de terrain mais… il a une sacré dalle. Ça tombe bien, le caméraman sonne. Ils s’en vont en virée. Ce soir, direction le rajon 14. Il y a plein de grosses baraques mais, et surtout, des studios de cinémas. Le caméraman espère pouvoir lever une proie dans la partie modeste du rajon et profiter des infrastructures d’un des studios pour faire un super film ! D’après lui, ce sera facile de trouver quelqu’un car le quartier abrite aussi tous les esclaves de kinogorod. Il est certains que certains vont même se jeter sous les roues du fourgon pour participer à leur tournage. Ce soir, tout devrait bien se passer. Le caméraman ne parle pas des trucs métalliques qu’il a normalement transmis à Rouges-Dents. Spider Tank n’ose pas aborder le sujet.

            Le fourgon s’arrête à côté d’un homme au physique plutôt épais. Il porte des fringues « casual ». Il a les yeux grands ouverts mais Spider Tank lui trouve quelque chose de « froid ». il n’aime pas ce type. Mais le type accepte la proposition du caméraman qui le fait monter à l’arrière. Ils font « connaissance » et Spider Tank commence à se mettre à l’aise. Il boit beaucoup de vodka. En présence de ce type, il a… froid. Il dit qu’il a froid, qu’il a besoin de se réchauffer. Et pourtant, voila qu’il commence à se dessaper et le type pose des questions quand il voit les plaques de moisi sur le torse de Spider Tank. Il interpelle le caméraman, toujours au voulant, et dit qu’il refuse de tourner avec un séropo. Spider Tank localise un bout de son avant-bras d’où saillit un bout de métal et s’en sert pour frapper le type alors qu’il est tourné vers l’avant du véhicule. Le gars ne voit rien venir. Frappé au visage il commence à saigner. Et avant qu’il ne réagisse, Spider Tank le roue de coups. La caméraman stoppe le véhicule sur le bas-côté et s’empare de sa caméra.

            Et, à la grande surprise de Spider Tank, le type en redemande ! Il ne cherche pas à se défendre. Pas vraiment en tout cas. Il fait semblant, pour le film, mais Spider Tank fait vraiment ce qu’il veut alors même que, entre l’alcool et sa « maladie », il n’est pas vraiment au top.

            Finalement, ils n’auront pas eu à fracturer la porte d’un des studios de cinémas. Ces images sont excellentes. Spider Tank est gavé. Il a bien mangé et bien bu. Le type est abandonné, quasiment exsangue, au pied d’un réverbère. Comme à son habitude, le caméraman l’a shooté d’une dose de Vish. Au pire, l’homme dira avoir été agressé par une meute de chiens sauvages. Ou il parlera de loups-garous et tout le monde se foutra de sa gueule. Il se marre mais Spider Tank ne l’écoute pas. En fait, là, il se sent bien.

            De retour chez lui, il fonce dans la salle de bain. Il se regarde, non ! Il se scrute dans le miroir à la recherche du moindre changement. Il sait qu’il a chopé quelque chose mais il se demande si le sang, la chair humaine ou le Vish peuvent combattre ce truc qui l’a infecté. Et maintenant qu’il se sent mieux, il se sent con de ne pas avoir demandé au caméraman ce que Rouges-Dents avait pensé de son « cadeau ».


            Une nouvelle vidéo circule sur le net. Elle montre le « Bat-Samouraï » en maraude, sabre à la main, dans un parc de Mertvecgorod.
            C’est une vidéo amateur et l’adolescent qui l’a prise avec son smartphone se laisse emporter par son enthousiasme dans des commentaires sans aucun intérêt. Pourtant, il parvient à suivre le samouraï sans se faire repérer. Ou alors, c’est qu’il s’en fout. En tout cas, il a l’air de chercher quelque chose. Et il finit par le trouver !
            Le « Bat-Samouraï » se retrouve donc face à un véritable colosse revêtu d’une armure comme on en voit dans les films et les jeux vidéo. Ce truc est énorme et son casque, son masque, exhibe une tête de démon ricanant qui fout la flippe, surtout quand on voit la taille de son arme.
            Mais ça ne décourage pas le « Bat-Samouraï » qui charge et… se prend ce qui restera une branlée d’anthologie. Certes, quelques-uns de ses coups portent mais le colosse s’en moque comme de sa première geisha. Et, au final, le monstre s’enfonce dans les bois en laissant derrière lui un cadavre salement dégueulasse.

            Ce ne sera pas une meilleure nuit pour Kang. La dernière chose dont il se souvient est d’avoir reçu un coup derrière la tête. Maintenant, il se réveille, vaseux, dans un entrepôt. Il entend du bruit et cherche un endroit où se planquer.
            Il comprend qu’on l’a enfermé dans un des studios de ciné du 14ème rajon quand il se retrouve devant un tank. Il saute dessus et tente d’ouvrir l’écoutille du faux char d’assaut. Mais plusieurs coups de feu retentissent. Il s’écroule alors qu’on le saisit par les chevilles.
            Le « on » est un putain de zombie !! Pas un tox, un vrai morts-vivants de merde ! Kang parvient à se dégager et sortir du studio. Il court jusqu’à un arrêt de bus. Il monte et court s’assoir prêt de la porte de sortie.
            Il ne s’en rend pas compte tout de suite mais le bus ne suit pas l’itinéraire prévu. En fait, il s’arrête au fond d’une impasse. Le chauffeur se lève, se retourne et… Kang se retrouve de nouveau face à un zombie ! Toujours pas un tox qu’il aurait pu tenter de raisonner. Kang essaye pourtant de lui prendre les clés du bus. Mais, et ça c’était pas prévu, des passagers pas vivants du tout montent.
            Kang se réveille… à la morgue. A côté de lui, sur un autre brancard, il y a un autre cadavre… en train de se faire bouffer par… une fillette d’une dizaine d’années. Elle le regarde, se lèche les babines et change de plat.

            Haze est emmerdé. Non qu’il se sente coupable de l’infection qui touche Alone Guru – ce serait d’ailleurs plutôt à ce dernier de ce sentir coupable si, effectivement, ce sont bien ses protégés qui ont ramené cette merde de la Plage des Cafards – mais il a quand même envie de faire quelque chose pour lui. Mais quoi ? Lui faire quitter Mertvecgorod en douce ? Pour aller où ? Et surtout, ce serait aussi prendre le risque de répandre cette merde. Demander de l’aide à Black Rain. Sûr que l’organisation trouvera un endroit où garder le Guru au frais mais il y a aussi de grandes chances qu’ils en profitent pour étudier cette infection en profondeur ; ce qui inclus le recours à la vivisection si nécessaire. Et, soyons franc, il n’a aucun moyen d’être sûr que les Mouches ne se livreront à aucune expérience dégueulasse sur le Guru.
            Alors, ne sachant que faire, Haze se plante à sa fenêtre avec vue sur la Zona. Et il attend. Et… il ne se passe rien, bordel ! Rien du tout !
            En fait, si, il se passe quelque chose. Haze a soudain hyper mal au dos. Il se passe la main le long de la colonne vertébrale. Ça bouge dessous. La peau, SA peau, à cet endroit devient plus épaisse et gommeuse. Ça se fronce. Il sent comme un bourrelet, un pli et il peut y mettre le doigt. C’est pas pratique parce que c’est dans son dos mais il peut enfoncer le bout d’un doigt dans ce repli. Et il touche quelque chose de dur et coupant. Et ce truc… pousse vers l’extérieur.
            Haze se met à haleter. Là, il a franchement les jetons car il sent bien que quelque chose veut – va ! – sortir et que ça va pas être cool du tout. Il se met à transpirer. C’est horrible. C’est n’importe quoi. Il se vide de tout ce que son corps peut contenir de liquide en fait. Et ça prend une couleur grise et verdâtre en se répandant au sol. Il tombe de sa chaise. Il tente, comme un con, de se mettre en PLS et voit sa « sueur » puante atteindre les murs et commencer à… grimper ! Sa transpiration semble se solidifier et devenir une sorte de mousse moisi, de champignon. Il se rappelle ces vidéos sur cette forme de vie qu’on appelle le « blob ». Un truc jaunâtre et dégueulasse qui se répand et qu’on dit intelligent. Il pense à ça en voyant ses murs se recouvrir de champignons moisis. Puis, ce qu’il a dans le dos se remet à pousser. Un truc fin et tranchant s’extrait. Une lame ! Il avait une putain de grosse lame dans le dos. Comme ces haches qu’on voit dans les films de Conan ! Ce truc fait hyper mal mais, paradoxalement, moins que ça devrait puisqu’il arrive à ne pas hurler de douleur.
            En vrai, mais Haze ne peut pas le savoir, il ne hurle pas parce qu’il n’en a pas le temps. Tout est allé beaucoup plus vite qu’il n’en a eu l’impression. Et dans quelques jours, quand ses voisins s’inquiéteront de l’odeur, les flics, ou des agents de Black Rain selon qui sera le plus rapide, entreront un salon qui ressemblera à une caverne et en plein milieu, il y aura une énorme hache à deux lames de presque deux mètres de haut. Elle sera enfoncer dans le plancher et, juste là, ils trouveront des bouts de chair humaine ayant appartenu au locataire des lieux, un certains Damon Haze à en croire l’étiquette sur la boite aux lettres.

            Ce soir, Spider Tank est en maraude. Pas pour un tournage. Il a la dalle et n’a pas pu attendre que le Sar exige un nouveau tournage. Alors il a pris le métro pour ce rendre dans ce rajon où il y a ce parc avec ce bois. Il a bien aimé l’endroit. Il pense, il espère, qu’il y aura un jogger nocturne et qu’il pourra lui tomber dessus. Et c’est le cas. Sauf que le jogger en question est en meilleure forme que lui. Il se défend et… lui aussi a la dalle. Putain ! Il fallait qu’il tombe sur autre goule en chasse !
            Spider Tank n’aime pas ça mais il doit se la coller avec ce type. Ils se roulent dans les bosquet et commencent à se taper dessus en essayant de se mordre. Et Spider Tank a d’autant plus de mal que… ça bouge à l’intérieur de lui. Il halète, il est clairement situation de faiblesse. Il lutte autant contre cette autre goule que contre cette chose qui est en lui.
            Et pourtant, malgré tout, Spider Tank ne se laisse pas faire. Il se sent lent, maladroit mais malgré cela il parvient à planter ses crocs dans la chair de la goule et lui arracher quelques bouts de barbaques qu’il avale sans mâcher. Mais, une fois arrivée dans son estomac, cette viande se révèle… dégueulasse, corrompue. Alors, il se relève et s’enfuit en courant. Il se plante au pied d’un arbre et se force à vomir car il a l’horrible sentiment que cette viande pourrie va tenter de… le remplacer. Il sent que cette chair va grandir en lui comme le truc qui grandit déjà, que les deux vont se mêler et s’allier pour prendre sa place. Il jette un œil dans la direction d’où il vient et l’autre ne semble pas l’avoir suivi. Alors, il vomit et recrache tout ce qu’il peut mais… il sent qu’une partie de cette viande reste accrochée à l’intérieur. Putain mais qu’est-ce qu’il a fait là ? Il va crever !!! Il en est sûr !
            Spider Tank rentre chez lui en courant. Il transpire. Il a mal au bide. Il sent un truc ramper dans son estomac. Il doit continuer à dégueuler mais il va lui falloir plus que deux doigts. Il va lui falloir de la vodka ! Plusieurs bouteilles ! Et il espère que l’alcool tuera tout ce qu’il a à l’intérieur. Mais, quand il arrive chez lui, la porte est entr’ouverte. Il sait très bien qu’il l’a correctement fermée en partant. Celui ou ceux qui sont rentrés veulent qu’il sache qu’il est attendu. Il entre. A l’intérieur, il fait noir. Il allume la lumière. Il y a deux Cafards Géants dans le salon. Ils n’ont même pas pris la peine d’enfiler une marionnette de chair. Et Spider Tank comprend qu’il est fort possible qu’il devienne une de ces marionnettes…
            Alors, il se met à gueuler aussi fort qu’il peut. Pas pour que les voisins appellent les flics. Non ! C’est… c’est pour faire sortir de dedans tout ce qui le fait souffrir. Et ça sort. La viande pourrie de la goule sort. La sueur dégueulasse se répand elle aussi. Elle traverse les pores de sa peau et traverse même ses fringues. Spider Tank retire, déchire plutôt, son T-shirt car il a soudain super mal au dos. Sa douleur veut aussi sortir par-là ? Qu’elle sorte par où elle veut ! Qu’elle lui sorte par le cul si elle veut mais que toute cette souffrance se barre et s’en prenne à ces deux putains de Cafards géants !
            Puis c’est le blanc !
            Et quand Spider Tank se réveille il a une méga gueule de bois et deux cadavres de Cafards géants dans le salon. Putain ! Il pensait même pas que c’était possible de buter ces trucs-là ! Il savait même pas que les gardiens du Tas de Merdes pouvaient mourir.



            C’est ça qui est formidable avec les états virtuels et le cités imaginaires, c’est qu’on peut vraiment y trouver tout ce qu’on veut. Ainsi, Spider Tank s’est rendu dans le nord du rajon 12, le pôle étudiant et culturel. Là, dans une des bibliothèques universitaires, il a pu mettre la main sur un bouquins traitant de vieux mythes et autres légendes oubliées.


            Oubliées… L’oubli… Et Spider Tank se rend compte qu’il a oublié quelle était sa véritable identité. Ce pseudo n’est qu’un nom de scène pour ses prestations dans les productions de Rouges-Dents mais… quel est son vrai nom. Il ne sait plus. Sa mémoire est en train de se fragmenter. Les deux cadavres de Cafards sont toujours dans son salon. Ça, il s’en rappelle. Il se souvient du Tas de Merde mais avant… Rien ! Il se rappelle cette douleur quand il est rentré chez lui et a trouvé ces deux Cafards géants mais après… Rien !

            Le Soar veut des informations sur une espèce de Hache légendaire. Spider Tank pense que Rouges-Dents s’imagine qu’elle est planquée, ou perdue, dans le Tas de Merdes. En vrai, il n’a jamais rien vu là-bas qui ressemble à une hache légendaire. Il a vu des haches mais c’était plus du genre de celles qu’on trouve à leroy-merlin ou dans une boutique de cosplay. Mais bon, après tout, sa mémoire lui joue des tours et il a peut-être vu cette putain de hache.

            L’oubli, les légendes, les légendes oubliées… C’est pour ça qu’il a emprunté ce bouquin. Il espère trouver quelque chose. Il ne trouve rien concernant un hache mais il trouve quelque concernant un forêt et l’oubli. La Forêt de Millevaux est décrite comme le domaine et l’avatar de Shub-Niggurath, la Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevreaux. Certes Lovecraft était un vrai connard prétentieux et raciste mais… il a aussi vu toutes ces choses qu’il a (d)écrit(e)s. A l’époque, et même longtemps après, la plupart n’ont vu dans ses écrits et ceux de Howard ou Smith que des récits fantastiques tout droit sortis de leur imaginaire commun mais… Dans une cité imaginaire comme Mertvecgorod, on peut très bien se laisser aller à considérer que ces trois-là, comme ceux qui les ont suivis, ont (d)écrit, de manière imagée et codée – l’imaginaire et la SF étant leur code, leur cryptage, ce qu’ils ont vu !

            Tout ce qui vit meurt et finit au Tas de Merdes. Une « idée » oubliée meurt et finit au Tas de Merdes. Les Anciens ont régné puis leur règne a pris fin. Leur règne est mort et a fini au Tas de Merdes. Le règne de Shub-Niggurath a fini au Tas de Merdes. Millevaux a fini au Tas de Merdes. Est-ce que, là, Spider Tank a chopé Millevaux et l’a ramené avec lui. Est-ce que c’est cette saloperie qui lui bouffe le crane et lui cause toutes ces souffrances ? Si c’est ça, il est mal. Et est-ce que le Soar peut vraiment l’aider face à ça ?

            Spider Tank rentre chez lui. Dans le métro, il ne cesse de vérifier que les notes qu’il a prise sont toujours dans son sac. Avec cette nouvelle certitude qu’il y a du Millevaux dans tout ça, il a peur d’oublier. Maintenant, il va tout noter !

            Il rentre chez lui et retrouve les deux cadavres de Cafards géants. Ceux-là, ils ne les avaient pas oubliés. Combien de temps avant que le Tas de Merdes ne lui envoient d’autres gardiens ? Spider Tank est soudain très fatigué. Il ne se donne même pas la peine d’aller jusqu’à son lit, il s’allonge là, par terre, entre les deux insectes et il se met à transpirer. Et sa sueur rampe jusqu’aux carcasses insectoïdes qu’elle recouvre, couvre de champignons. Qu’ils retournent d’où ils viennent… l’oubli…

            Quand il se réveille, Spider Tank a la dalle ! Il ne veut pas attendre que Rouges-Dents l’envoit sur un tournage. Mieux, il a sa propre idée derrière la tête. Il va faire lui-même sa petite vidéo qu’il soumettra au Soar. Après tout, les smartphones aujourd’hui font de super images. Alors, ce soir, il retourne dans le rajon 12, mais le sud cette fois.

            Le quartier est connu pour être mal famé et le théâtre de fréquents actes de violence. Aussi, son petit show devrait passer inaperçu. Il jette son dévolu sur un type plutôt maigrichon aux traits androgynes. Pour l’instant, il y a encore un peu trop de témoins potentiels à son goût alors il le suit aussi discrètement que possible. Il tient son téléphone de façon à pouvoir filmer sa filature mais tout en restant discret. Il espère que ça rendra bien au montage.

            Par contre, il y a un « contre-temps ». Le type se fait agresser. Evidemment, personne ne bronche, lui pas plus qu’un autre. L’avantage est qu’il peut filmer la scène tranquillement car plusieurs ont déjà sorti leur téléphone. Par contre, il espère quand même qu’il pourra quand même tirer quelque chose de ce pauvre type quand ses agresseurs en auront terminé avec lui.

            Une fois le spectacle terminé, tout le monde reprend son petit train-train. Spider Tank en profite pour accoster le gars et lui proposer son aide. Evidemment, il accepte. Il se relève difficilement et Spider Tank l’entraine dans un coin un peu éloigné de la foule. Il lui parle doucement, tente de le rassurer. Il lui propose même d’appeler la police mais l’autre refuse, heureusement.

            Spider Tank commence à blaguer, pour détendre l’atmosphère. Le garçon est plutôt timide et lui laisse le soin de diriger la conversation. Spider Tank reprend son téléphone et, en se marrant, déclare vouloir prendre un selfie. En fait, il enclenche la caméra. Il a bien vérifié que personne ne regardait dans leur direction et… il plante ses crocs dans le cou du garçon !

            Mais, le garçon se marre ! Spider Tank recrache la viande. Elle est… elle a un sale goût de moisi ! Il regarde le garçon qui n’en finit pas de se marrer. Putain ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Ce type, ce serait un agent des cafards ? C’est ça, hein ? Spider Tank se lève d’un coup et saisit le môme par les épaules. Il le secoue comme un prunier. Il veut savoir. Est-il un putain d’agent des Cafards ? Mais le môme continue à se marrer. Il ne se rend même pas compte que Spider Tank est en train de le secouer dans tous les sens. Alors, il finit par le lâcher et s’en va, le laissant là, riant aux éclats.

            Sur le trajet, Spider Tank scrute tout le monde. Tout le monde ici, dans cette ville pourrie, peut être un agent des Cafards à la viande pourrie. Tout le monde veut l’empoisonner. Tout le monde veut qu’il meurt et qu’il retourne au Tas de Merdes. Mais non ! Il n’ira pas. Il a compris ! Tout ça est un vaste piège. Les Cafards et le Soar sont de mèche pour… parce que… ils veulent quelque chose. Quelque chose qu’il sait mais qu’il a oublié à cause de Millevaux. Ou plutôt, non ! Ces salopards l’ont infecté avec Millevaux pour qu’il oublie ce qu’il sait et ils l’ont envoyé ici pour pouvoir le surveiller. Putain, maintenant il a tout compris ! Mertevcgorod, c’est le village du Prisonnier ! Mais lui, il est Spider Tank ! Il n’est pas un numéro ! Il est un homme libre !

            De retour chez lui, la « mousse » a dissous les deux corps. Il ne reste plus que de tout petits bouts de carapaces qui finissent à la poubelle. Spider Tank est en nage et il pue. Il devrait prendre une douche mais il préfère virer ses fringues et s’allonger dans le salon…



            C’est plus possible. Spider Tank est sans nouvelle du caméraman et il se demande si ce n’est pas en rapport avec les bouts de ferraille qu’il lui a demandé de refiler à Rouges-Dents. Sauf que tout part vraiment trop en sucette. Est-ce que le Soar refuse de lui répondre parce qu’il sait que les cafards sont dans le coup ? Ouais, peut-être mais… là, il va falloir qu’il se mouille, le cochon ! Spider Tank estime avoir respecté sa part du marché. Il a donné au Soar toutes les informations qu’il avait et il a participé à toutes ses vidéos de merde. Alors maintenant, à Rouges-Dents de tenir ses promesses et le sortir de ce merdier. Alors, Spider Tank passe une plombe dans sa salle de bain à racler la sueur et le moisi qui s’est répandu sur tout son corps. Il enfile des fringues propres et s’engouffre dans le métro. Direction : rajon 6, le quartier des affaires !

            Spider Tank se retrouve dans le hall gigantesque d’un building tout aussi gigantesque. Le sol est en marbre ou un truc qui y ressemble beaucoup mais, vu le pognon que brasse le Soar, ce doit être du vrai marbre. Il se présente à l’accueil et demande à parler au directeur des productions Rouges-Dents. La secrétaire, qu’il mangerait bien, tique. Visiblement, ce genre de demande est rare. Ces films ne sont pas vraiment la meilleure vitrine des activités du maitre des lieux. Toutefois, il espère obtenir gain de cause en se présentant sous le nom de Hector Phedca. Il insiste bien sur le « H », espérant que le Soar percute et pense qu’il s’agit d’un truc en rapport avec cette foutue hache qu’il cherche partout.

            Il patiente un moment. Ça fait partie du jeu. Le Soar lui montre qui est le boss en le faisant attendre comme un con. Puis, la secrétaire le rappelle et lui indique les ascenseurs. Elle lui a indiqué un étage mais l’ascenseur démarre tout seul. La machine semble savoir ce qu’elle a à faire. Et la porte s’ouvre sur une espèce de loft finalement assez typique. Du luxe, des baies vitrées, des œuvres d’arts et du luxe. Du fric, quoi…

            Le Soar est derrière son énorme bureau. Il a l’air plutôt avenant mais Spider Tank sait que c’est du flan, de la comédie, et que tout peut partir en sucette très très vite. Alors, il s’approche, timide, et accepte le verre de vodka que le porc lui tend. Il avait révisé son speech dans le métro mais, là, il ne sait plus vraiment par où commencer. Il sait juste qu’il serait très mal venu de rappeler ses engagements à Rouges-Dents alors il se borne à fondre en larmes en lui racontant tout ce qui lui est arrivé ces derniers jours.

            Rouges-Dents se lève et le prend par les épaules avec douceur. Sur le coup, Spider Tank ne réagit pas mais, en vrai, après coup, il a trouvé ça bizarre. Il en s’attendait à tant de… douceur chez le Soar. Ce dernier lui parle avec douceur. Il cherche à le rassurer. A le consoler ? Oui, c’est dur tout ce qui lui est arrivé ces derniers temps. Mais, en réalité, c’est bon signe. Si les Cafards agissent ainsi, c’est qu’ils sont sur une piste. Alors, qu’il ne s’inquiète pas, tonton Rouges-Dents va s’occuper de tout. Il a fait analyser les bouts de ferraille que Spider Tank lui a fait parvenir. Ce ne sont pas des bouts de La Hache. Mais c’est tant mieux car, sinon, cela aurait signifié que La Hache était en morceaux. Toutefois, et c’est une bonne nouvelle, ce sont bien les morceaux d’une Hache. Alors, effectivement, comment ces bouts se sont retrouvés là ? Est-ce une manœuvre des Cafards ?

            Le Soar commence à parler tout seul. Il élabore des hypothèses mais Spider Tank s’est déjà posé toutes ces questions et il est tellement crevé… Rouges-Dents s’en aperçoit mais ne dit rien. Il passe un coup de fil puis se saisit d’une carte de visite. Il gribouille quelques mots au dos et la donne à Spider Tank. Qu’il se rende à cette adresse, il y sera en sécurité. C’est dans le rajon 11, un quartier plutôt calme. OK, Spider Tank le remercie en s’en va.

            Il se présente à la porte d’un petit appartement au-dessus d’un commerce. Le quartier est calme, l’immeuble est propre. Il n’y a pas de bruit, pas de cris ni de hurlement. Ça lui fait bizarre. Une femme d’un certain âge lui ouvre. Il lui tend la carte de visite. Il n’y a rien de spécial d’écrit à son intention mais la femme l’examine. Elle semble reconnaitre l’écriture. Elle sourit et le fait entrer. Elle traite alors comme un invité, avec une courtoisie qu’on ne lui avait pas témoigné depuis très longtemps. Elle lui propose à manger et à boire mais il veut juste dormir. Elle le guide jusqu’à une chambre. Là, tout est… tellement propre…

            Et ça ne reste pas propre longtemps. Spider Tank se réveille soudain en hurlant. Il est en nage. Les draps sont dégueulasses, trempés de sueur et tâchés de moisissures. Il règne une odeur insoutenable dans la chambre et la femme a un mouvement de recul quand elle ouvre la porte. Spider Tank se roule en boule et se met à chialer. Il a faim…

            Il s’excuse et propose à la femme de l’aider à changer les draps. Elle refuse. Il décide donc de sortir pour prendre l’air et se trouver un truc à manger. Il fait quelques pas et, adossé à un mur, il reconnait un des types qu’il a déjà embrouillé pour un tournage. Que fait-il ici ? Le type a les yeux grands ouverts. Il a l’air complétement éclaté. Spider tank regarde autour de lui. Il cherche une petite rue transversale où il pourrait entrainer l’autre. Il se dirige vers lui et, sans lui laisser le temps de réagir, l’empoigne et l’entraine. Il dit qu’il sait très bien ce qu’il fait là. Il sait très bien qu’il est à la solde des Cafards. Il n’y a pas de hasard, hein ? Ce n’est pas par hasard qu’il est là, hein ? Les Cafards sont sur ses traces ! Comment ont-ils su ? Qui l’a balancé ? Le type reste impassible et ne montre aucune résistance.

            Ils entrent dans le hall d’un petit immeuble. Il n’y a personne. Un picto sur une porte indique l’escalier menant au sous-sol, il y entraine le gars et commence à lui enlever son blouson. L’autre se laisse faire. Et Spider Tank plante ses crocs et ça fait vachement de bien. Cette viande est hyper bonne. Le type ne se débat pas. Il ne crie pas. Il ne crie plus. Il est dans les vapes. Il n’est pas mort mais c’est pas loin. Spider Tank est emmerdé car il n’a pas de Vish à lui fourrer dans les veines pour lui faire oublier une partie de ce qui vient de se passer mais bon… Il planque le corps entre deux poubelles en espérant que cela ne lui attirera pas plus d’ennuis.

            De retour dans cette nouvelle planque, il se sent bien. Il a repris des couleurs lui fait remarquer la maîtresse des lieux. Cette fois, il accepte quelque chose à boire et passe l’heure suivante à lui faire la conversation, banal…

            Et l’espace d’un moment, il se dit qu’il va peut-être s’en sortir finalement.


            Spider Tank passe finalement un plutôt bon moment avec cette femme. Puis vient l’heure de se coucher, pour elle au moins. Il se cale devant la télé. Il zappe entre des séries à la con et des chaines d’informations, à la con elles aussi. En même temps, il pianote sur son smartphone et surfe sur le net, il va sur Rutube. Il compte les vues sur ses vidéos sur le site de Rouges-Dents, pas mal mais peut faire mieux. Il constate que ça fait un moment que Ken n’a pas fait parler de lui. Alone Guru a posté une nouvelle vidéo. Bizarrement, il apparait flouté. Mais c’est bin lui qui parle. Il met toujours le monde en garde contre les Cafards géants et ce qui se passe sous la Zona mais il y a quelque chose dans sa voix qui inquiète Spider Tank. Il monte le son. Alone Guru passe un message à tous ses adeptes. Il faut récupérer la Hache de Haze avant les Cafards !

            Spider Tank se fige. Il ne sait pas pourquoi mais ça lui parle. Haze, c’est ce type à qui ils ont parlé dans le parc, le petit bois où… où Ken s’est fait définitivement dézinguer par ce monstre en armure. Sa mémoire lui joue des tours mais… tout est lié. C’est obligé ! Mais où habite ce type ? Il éteint la télé et fait une recherche sur le net. En vrai, ce type n’est pas dur à trouver. Il habite dans un immeuble avec vu sur… la Zona ! Il n’y a pas de hasard, tout est lié. Alors, il fonce !

            Mais, au moment même où il se lève du canapé, il est saisi par une horrible douleur qui le plie en deux. Ça lui déchire la colonne vertébrale. Il se mord l’avant-bras jusqu’au sang car il ne veut pas que ses hurlements réveillent cette brave femme. Alors, il se bouffe le bras alors que, tombé au sol, il se tortille comme un gros ver de terre, secoué par des spasmes qui lui plie la colonne dans tous les sens. Il sue comme un porc… mais il a trop mal pour sourire à l’évocation du Soar. Il en fout partout. Il pleure comme un gosse et, à travers ce voile de larme, il voit sa transpiration courir le long du sol et grimper le long des murs. Elle se transforme. Elle prends une couleur grise, verdâtre. Elle change de texture. Elle deviens une sorte de mousse, du moisi. Et il sent sa peau « bouger » dans son dos. Et il sent quelque chose déchirer sa peau. Au bout d’un moment, il n’en peut plus. Il a beau se bouffer le bras, il a atteint l’os là ! Alors, il se met à hurler alors qu’il s’en quelque chose d’énorme et de tranchant lui déchirer le dos.

            La femme vient d’entrer dans le salon. Spider Tank tente de s’excuser pour le bordel qu’il a foutu mais il n’arrive plus à articuler quelques mots que ce soit. là, il va mourir pour de bon. Il ne reviendra pas. Va-t-il se retrouver au Tas de Merdes ? Pourvu que non… Il regarde la femme. Elle le regarde. Elle sort un téléphone de sa poche et appelle quelqu’un…

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