MICROSCOPE - NOVA COMMONWEALTH




     Hier, Christophe Siébert a écrit sur sa page Facebook : « Vous trouvez que le monde réel est craignos ? Essayez-en un autre. » Et bien, c’est exactement ce que je vais faire !

            Dans Un Demi-Siècle de Merde, il s’était déjà demandé « Comment quitter ce monde autrement que les pieds devant ? », et avait considéré qu’il fallait « inverser le problème. C’est pas moi qui doit me jeter hors de la réalité, mais la réalité que je dois jeter hors de moi. Un exorcisme. Je me tire à Mertvecgorod, capitale fictive d’un pays qui n’existe pas. Comme j’aime le bus c’est en bus que j’y vais. »

            Alors, moi aussi je prends un aller simple pour Mertvecgorod. Et comme j’aime le jeu de rôle, c’est en jeu de rôle que j’y vais !



            Alors, je ressors mon exemplaire de Cœlacanthes, le jeu de rôle de Thomas Munier. Et, bravant l’interdit du confinement, c’est dans les bois, autour d’un feu de camp, que je donne rendez-vous à l’un de mes avatars, mon alter-égo : la Magicienne. Elle porte toujours ce même manteau-patchwork de pièces de cuir et de fourrure et cette toque en forme de tête de loup.

            Elle s’assoit en face de moi, de l’autre côté du feu et me regarde en souriant. Elle soupire. Elle sait qu’elle n’a pas besoin de me sortir son speech, je le connais (presque) par cœur. Les Cœlacanthes ont des vues sur notre monde et je vais devoir les affronter sur leurs propre terrain, ce cauchemar forestier qu’est Millevaux le domaine-avatar de Shub-Niggurath, pour sauver le monde. Mais là, moi, je veux aller à Mertvecgorod ! Et en vérité, ce n’est absolument pas incompatible avec le fait de combattre les Cœlacanthes.

            Alors, comme tant de fois déjà, je prends le petit sac qu’elle me tend. A l’intérieur, il y a 6 Noix. Je ne les compte pas, j’ai l’habitude. Les Noix, les Billes, c’est la même chose. La Magicienne se lève et s’en va. Elle me laisse seul, face au feu et je pense « Le Feu marche avec moi ». En l’occurrence, ça n’a aucun sens mais j’aime Twin Peaks. Alors…

            Je plonge la main dans le sac et en extrait une Noix. Je casse la coquille et commence à mâcher. Elle a un arrière-goût de Pétrol’Magie. C’est bon signe. Pourtant, ça ne se passe pas comme prévu. Après un clignement d’œil, je n’émerge pas à Mertvecgorod, dans une piaule minable avec vue sur la Zona. Je suis…



            … à Nova Commonwealth, en plein milieu d’une large place au sol de marbre blanc. Je lève les yeux. Au-dessus de moi, je vois les Jardins Flottants. J’aperçois aussi les Grands Portails, ceux qui donnent sur les Autres-Mondes. Qu’est-ce que je fous là ? Pourquoi je ne suis pas à la RIM ? Je tiens un truc dans la main, un bout de papier. Je le lirai plus tard car pour l’instant, je dois regarder ma main !

            Ma main est blanche. Pas rose, blanche, comme du papier, avec des reflets brillants dus aux écailles. Par endroits, ma peau est recouverte de fines et délicates écailles aux reflets nacrés. Je touche mon visage. Il est… humain, mais… c’est pas comme d’habitude. Je ne reconnais pas les traits de de Demian Hesse ou Damon Haze. Je ne suis pas non plus une Mouche, ni même Herbodoudiab’, le chat de Millevaux. Je n’ai pas de cheveux mais quelques écailles sur le visage et le crâne. J’ai une langue bifide aussi. Je suis… Cobra Verde ! L’homme-serpent alchimiste, le Toxicomancien ! Je synthétise des drogues à partir de Mana pour altérer non pas la réalité mais la perception que j’en ai. Et comme j’agis sur le monde en fonction de la perception que j’en ai…

           

            Maintenant, je vais pouvoir m’occuper de ce papier que j’ai à la main parce que ce papier… Il parle dans ma tête ! Il y a un coin de ténèbres à l’intérieur de mon crâne et c’est de là que ça me parle. Ça me dit que ça peut m’aider… à aller à Mertvecgorod ?, à battre les Cœlacanthes ?


            C’est un dessin. Un cercle avec, à l’intérieur, un triangle. Mais ce ne sont pas des lignes droites. Ce sont des petites vagues avec des hachures et des points. Il n’y a pas deux côtés pareils. Au centre, il y a un symbole fait d’une ligne fine, d’une épaisse et d’une brisée. C’est un Pentacle. Une flèche part de chaque côté et du symbole. Il est noté pour chaque : « trouver », « croitre », « rediriger » et « ombre ». Et en dessous, je lis : « un seau de neige fraichement tombée ».


            Je pourrais me prendre la tête pendant des heures pour tenter de comprendre à quoi sert ce sort mais je suis à Nova Commonwealth. Alors, au lieu de me prendre la tête, je vais juste tenter de le lancer. En vérité, quelque chose me dit que ce sort pourrait bien me permettre d’aller à Mertvecgorod mais… même si je pense bien que cela implique une part d’ombre, je ne sais quand même pas trop comment ça fonctionne ni tout ce que cela implique et…


            Et voilà que je commence à me prendre la tête ! Non ! Là, maintenant, tout de suite, ce qu’il me faut, c’est déterminer le type de Mana dont je vais avoir besoin et en quelle quantité. Il faut aussi, sûrement, un artefact quelconque ou un focus. Il s’agit peut-être de ce seau de neige. Mais où en trouver. Nova Commonwealth se dresse en plein milieu d’un désert de rocaille et de poussière. Vais-je devoir traverser l’un des Portails pour aller en chercher je ne sais où ? Je dois aussi savoir si ce sort doit être lancé dans un lieu et/ou à une date précise.


            La première étape de mon voyage risque bien d’être une auberge ou une taverne, n’importe où où on pourra vers un mage qui saurait me renseigner.




            Un petit bilan s’impose. J’étais sensé me retrouvé à Mertvecgorod, dans la peau de Damon Haze pour traquer le Cœlacanthe au service de Black Rain. Au lieu de cela, je suis à Nova Commonwealth, dans la peau de Cobra Verde, à chercher quelqu’un qui pourrait m’expliquer comment le sort que j’ai dans la main pourra m’aider à gagner la RIM. Aussi, j’erre dans les rues, je regarde et j’écoute. Cette architecture est fascinante. Ce sont des Ruines Magnifiques. On dirait que ce monde a été construit comme ça. On dirait que la fin du monde eu lieu mais que cela a su rester grandiose. On dirait que ces gens ont su tout reconstruire, en mieux. Sauf que… je ne suis pas du tout sûr qu’une quelconque fin du monde ait eu lieu. Je crois que ça vient de l’Omni-Connection. Cette forme de magie permet de prendre le contrôle temporaire de certains aspects de la réalité. C’est comme si on avait fait un rêve prémonitoire (alors qu’on ne l’a pas fait) et qu’on pouvait agir sur certains éléments en fonction du rêve (qu’on a pas fait…). Ou alors, cela tient à cette autre magie s’appuyant sur le fait que « la Réalité est un Cut-Up ». Là aussi, il s’agit d’altérer la réalité. Tout ça est sensé être « localisé » dans l’espace et le temps mais… ces altérations ne sont jamais sans conséquences et ces conséquences, elles, peuvent durer. Nova Commonwealth est habitué aux Schizarchitectures en tout genre. Les réalités se fracassent au gré de la volonté de ses habitants et cela se voit dans son architecture à la fois magnifique et ravagée.
            Ici, les Portails vers d’autres mondes sont aussi fréquents que les arrêts de bus. Mais il serait imprudent d’en emprunter un au hasard. Les jardins flottants sont magnifiques eux aussi. Et ces bâtiments, ces tours aux sommets infiniment hauts… Mais je ne suis pas là (que) pour faire du tourisme. Je regarde, certes, mais j’écoute aussi. Autour de moi, les gens, dont certains ont des physiques tout aussi étranges que le mien, parlent. Je sais qu’il existe un temple consacré à une divinité dont on dit qu’on peut communiquer avec elle par l’intermédiaire d’un Grimoire. Celui-ci est bien évidemment l’objet de bien des convoitises mais, problème !, personne ne sait de quel dieu il s’agit et encore moins où trouver son temple. Au hasard, j’entre dans une taverne.
            Il y a du monde mais, heureusement, le volume sonore reste bas. En fait, un client attire l’attention de la plupart des autres buveurs. Il a visiblement bu le verre de trop et raconte son histoire à ceux qui veulent l’entendre, et ils sont assez nombreux. Je comprends que l’homme en question, ou plutôt l’elfe si j’en crois ses oreilles, est un mage justement.
            « J’ai échoué, il disait. Mes amis. Je les ai perdus. Je n’ai pas pu les sauver. J’ai tout essayé mais ils ont été perdus une fois que la porte s’est effondrée. Maintenant, ils sont toujours pris au piège dans ce monde maudit. J’espère qu’ils sont tous morts et ont été libérés de cette prison infernale. »
            Une histoire d’autre monde ? Visiblement, ce mage devait s’y connaitre un minimum. Et s’il pouvait m’aider ? Je décidai donc de prendre un verre et, comme les autres, d’écouter son histoire.
            « Nous cherchions la Pierre de vérité, un artefact puissant caché dans un monde lointain rempli de bêtes d’ombre et de monstres maléfiques. Notre chef avait obtenu une clé qui nous permettrait d’accéder à la Pierre mais… Si j’avais su ce que je sais maintenant, je l’aurais volée et détruite. »
            Je pensais que cet elfe devait être le mage de leur équipe, chargé justement d’assurer le transport de leur troupe. Mais le meilleur moyen d’en être sûr était encore de lui poser la question. Aussi, je commandais deux autres verres et, me faufilant au milieu des autres clients, j’en déposai un devant lui. Juste à côté, je posai aussi le papier avec le pentacle. L’elfe leva les yeux vers moi et… s’il avait pu me foudroyer sur place, je crois qu’il l’aurait fait. Je demandais naïvement s’il y avait un problème. L’elfe se leva brusquement. Il montra le pentacle du doigt, puis il me montra du doigt. Il cherchait ses mots. Il était visiblement très en colère mais les mots ne sortait pas. Lui par contre, est sorti tout de suite de la taverne. Alors, le petit groupe de buveurs se dispersa. Personne ne dit rien mais je vis dans leurs regards que mon intervention n’avait pas du tout était appréciée. Il me semblait peu opportun de rester plus longtemps. Je sortis donc et chercha l’elfe. Il n’était pas très loin. Je courrais pour le rattraper. 



            Mais finalement, j’ai une autre idée. Pourquoi cet elfe a-t-il réagi ainsi ? De deux choses, soit il connait la signification de ce pentacle et ça lui a foutu une sacré trouille, soit il n’y connait rien et toute son histoire n’est qu’un vaste baratin pour se faire payer des coups à boire ? La magie, à Nova Commonwealth, ne permet pas de lire ou d’influencer les pensées d’autrui. Par contre, on peut quasiment tout le reste. Alors, plutôt que d’aller au clash avec ce type qui est peut-être vraiment dangereux, je préfère me rouler un trois-feuilles agrémenté de poudre de Viande Noire. Et ce faisant, j’accompagne ce rituel de ce refrain emprunté à Al Jourgensen…





…I, I'm invisible


Oh, I

I'm invisibleI'm too high to see you

I'm invisible

I'm too high to be seen

Cause I'm invincible



            Invisible, invincible et tellement haut… Je flotte et suis l’elfe jusqu’à un bâtiment dont la façade évoque un château. Au-dessus du pont-levis il est écrit « Enfer ! » avec un point d’exclamation. Alors, que se passe-t-il là-dedans ?

            Déjà, cet endroit n’est ni un château ni même l’Enfer. C’est plutôt comme un océan de bivouacs ! Il y en a plein, des tentes, des cabanes de bric et de broc et, parfois, juste des hamacs tendus entre deux arbres. Qu’est-ce que cet elfe fiche ici. Je le suis jusqu’au pied d’un arbre. Là, il se met à fouiller le sol et en sort une épée brisée. Il dépose les morceaux autour de lui et entame un rituel. Les morceaux se mettent à léviter et baignent maintenant dans une sorte d’aura arcanique. Puis, soudain, un des morceaux foncent vers… moi ! Il m’a repéré ! Malgré mon invisibilité, il m’a repéré. Heureusement que grâce à Al et la Viande Noire je suis invincible. N’empêche, cet elfe n’est visiblement pas un tocard et je vais devoir lui tirer les vers du nez.

            Evidemment, étant Invincible, ses lames arcaniques sont sans effets et il n’a visiblement rien d’autres à m’envoyer dans les dents. Aussi, je m’approche de lui et lui fiche le dessin de mon pentacle sous le nez.

            « Que sais-tu à ce sujet ? »

            Mais l’elfe refuse de répondre. Pire, il me défie du regard. Mais il finit par céder. Et… oui, il connait la signification de ce sort. Il a eu peur car il met en jeu les ombres où il a dû abandonner ses compagnons. Ce sort, m’explique-t-il, permet en quelque sorte, de trouver son chemin entre les mondes en passant par les ombres justement. cela permet d’ouvrir un portail et fait office de « guide ». En soi, ce n’est pas un rituel très compliqué, mais sa simplicité vient de l’absence de barrière protectrice. C’est un sortilège très volatile et tout peut très vite très mal tourner, quand bien même le rituel fonctionne correctement.

            Donc, ce pentacle peut me permettre d’aller à Mertvecgorod en passant par ce royaume des Ombres… Et pour cela, au titre de focus, il me faudrait juste un seau de neige ? Non, mais il ne manque rien d’introuvable, ajoute le mage aux grandes oreilles pointues. En fait, c’est tout le problème avec ce rituel. Il est assez aisé à réaliser mais… ça peut très très mal tourner. Alors, que me manque-t-il d’après lui ?

            Tout d’abord, il faut évidemment lancer ce sort à proximité d’une zone d’ombre. Le moment importe également. Mais là encore, rien de très compliqué, il suffit d’attendre que le soleil se couche. Par contre, le rituel exige un sacrifice. Ce monde des Ombres est peuplé de monstres mais il est lui aussi un monstre et il a faim. Il lui faut donc un sacrifice à la hauteur de son appétit.

            Je m’attendais à devoir tuer quelque chose de la taille d’un humain mais, manifestement, les Ombres veulent plus. Plus d’humains ou quelque chose de plus gros. Là, je me dis que je peux essayer de faire d’une pierre deux coups. Je vais devoir quitter Nova Commonwealth si je veux trouver de la neige fraiche. Peut-être que sur place je trouverais aussi quelque chose d’assez gros à offrir en sacrifice.

            Va savoir pourquoi, Winterhold me parait une bonne destination.



            Et me voila en route pour le nord. J’aurais pu me téléporter grâce à un rituel mais… reptile au sang-froid, je n’étais impatient de quitter le désert de rocailles, et surtout sa chaleur, qui s’étendait tout autour de Nova Commonwealth. Et puis, je voulais voir les fameux arches Hiérarches de l’ordre d’Anxyr, celles qui marquent la fin du désert justement. On dit qu’elles ont été élevées sous l’Empire de Toholl, puis sculptées par le vent du désert. Quels Titans sont passés dessous ? Ou passeront ? Depuis que tout est magie dans le monde d’Aum, le Great Basin est familier des schizarchitectures et autres catastrophes synchroniques. Aussi bien, ces arches ne sont que les ruines de celles qui seront construites dans plusieurs siècles. J’aimerais bien revenir à ce moment-là.


            La température baissant, je profite d’une étape pour revêtir des vêtements plus chauds. J’allume un feu et… un être au faciès dégoutant apparait soudain. Il a le teint verdâtre, des oreilles pointues et ses canines inférieures ressortent de sa bouche. Il est armé mais a pourtant l’air paniqué. Il se dit poursuivi par une horreur et me demande de l’aide. Je l’invite à s’assoir, tout en restant méfiant. Je garde un œil sur ma sacoche de Billes et de Noix, près à fracturer la réalité pour me débarrasser de ce type si nécessaire.


            Kags, c’est son nom, dit qu’il est poursuivi par un monstre et me demande s’il peut passer la nuit auprès de mon feu. En soi, pourquoi pas. Mais je voudrais m’assurer toutefois qu’il ne me tend pas un piège. Lors de mes précédentes incarnations dans la RIM, j’étais une Mouche. Aussi, j’avais certains pouvoirs qui me demeurent accessibles ici, à condition de me livrer à un rituel toxicomantique. J’invite donc Kags à s’assoir et, l’air de rien, me prépare une inhalation de vapeur de Pétrol’Magie extrait d’une Bille. Je jette la tête en arrière, ferme les yeux et vois ROHUM.

            Non ! Kags ne représente pas un danger pour moi.

            Oui ! Il est bien poursuivi par un monstre.

            Non ! Je n’ai pas à craindre ce monstre.

            Non ! Ce monstre n’a rien à voir avec le but de mon voyage à Winterhold mais il y a malgré tout un lien.

            Et enfin… Non ! Après Winterhold, je n’arriverai toujours pas à Mertvecgorod mais… je m’en approcherai.

            Je m’endormis donc tranquille, confiant en l’avenir immédiat.

            Quand je me réveille, Kags n’est plus là. A sa place, une être difforme se relève et approche. Le sang coule du bras de la chose et laisse une mare de sang écœurante à ses pieds comme il s’élève. Il est petit, pas plus grand qu’un nain, sauf pour le crâne étrange qui est fixé à ses cheveux reliés en une sorte de palmier. Tout à coup, la masse de crânes sur son dos commencer à bavarder et à parler dans des langues étranges et anciennes. Je reconnais certaines d’entres elles, même si je ne les maitrise pas. « On » parle la Langues des Oiseaux, la Langue Profonde et même la Langue Putride. Malgré cela, je reste confiant en ROHUM.

            Cette chose contourne le feu et se rassoit à côté de moi. Les cranes et les têtes dans son dos baissent d’un ton. Le crane au sommet de son « palmier » prend la parole :

            « Nous sommes Nadan, mangeur des morts et Voix du Grand Dieu Tepeth Metus. Voulez-vous parler à Tepeth Metus et jurer votre loyauté envers Lui et tout ce qui lui est cher? »

            En vérité, non ! Je ne le souhaitais absolument pas. Mais je comprenais pourquoi ROHUM avait évoqué un rapport indirect avec ma quête à Winterhold. Devais-je m’attendre à faire face à quelques serviteurs de divinités anciennes ? Fort probable. Si ce Nadan ne semblait pas représenter un réel danger, ce n’était peut-être pas le cas de son dieu, ni de ce qui m’attendait à Winterhold. Le monde réel devait être bien pourri pour que je me lance dans un tel voyage. Bref, je déclinai poliment sa proposition et me préparai malgré tout à un affrontement.

            Et Nadan bondit sur ses jambes difformes et me saute dessus, crocs et griffes en avant. Je gobe une Noix pour entrer dans une transe d’Omni-Connecté. Je prends ainsi le contrôle de mon apparence et mes possessions les plus directes. Une armure remplace s’ajoutent à mes fourrures. Je ne crains maintenant ni le froid, ni les griffes de Nadan.

            La Réalité est un Cut-Up ! Je déclame mon Mantra en gobant une Bille. Je déclenche ainsi, après avoir tiré une carte Muses & Oracles et télescopé les deux premiers mots-clés que le Jouer a vu, une Vendetta Hallucinatoire ! Les fantômes des victimes de Nadan jaillissent des bois pour lui demander des comptes. Cela suffira-t-il à m’en débarrasser ?

            Emporté par son élan, Nadan parvient tout de même à porter un coup. Heureusement, mon armure me protège. Par contre, mon illusion est juste parfaite ! Nadan, encerclé par les fantômes de ses victimes, n’a même plus un regard pour moi. Il frappe dans le vide, cri dans toutes langues que connaissent ses cranes. Puis, n’ayant presque plus de forces ni de voix, il tombe à genoux. Il implore son dieu et, enfin, implore le pardon de ses victimes. Mais les fantômes ne s’en contentent guère et continuent de le tourmenter. En vérité, j’ai cartonné avec ce rituel Cut-Up et Nadan risque fort de ne jamais vraiment pouvoir se débarrasser de ces visions fantomatiques à moins d’obtenir un sérieux coup de pouce de son dieu. Mais quand ça arrivera, si ça doit arriver, moi, je serai loin !

            Comme je ne risque rien, je prends mon temps. Je lève le temps, éteins le feu et reprends ma route vers Winterhold. 



            Il est tôt quand j’arrive, enfin, à Winterhold. Il fait froid mais, bien sûr, il en neige pas. Pas encore… A croire que la météo attend quelque chose…


            Cette petite ville est bizarre. Elle a été construire en partie sous terre, en partie dans une caverne. Seulement la moitié de la ville est en plein air et protégée par une vieille muraille. Mon regard atterrit sur une affichette concernant une récompense. Une personne a disparu. Pour en savoir plus, je dois me rendre dans une taverne nommée « the slithering eel tavern ». Je ne sais pas pourquoi mais je suis sûr que la neige dont j’ai besoin ne tombera que quand j’aurai retrouvé cette personne.

            Il n’y a que deux personnes quand je rentre. Au bar, la service a tous les atours dune hybride démoniaque. Près du feu, un vieil homme de petite taille au nez crochu et aux grandes oreilles tombantes sirote son thé. Tout ça a un air de déjà lu, surtout quand la serveuse se présente et m’expose l’affaire. La nièce du patron a disparu. Elle s’appelle Evy Ashwood et vit dans une tour à l’extérieur de la ville. Elle vient toute les semaines mais… pas cette fois. Son oncle craint le pire.

            L’oncle Feldor fait son apparition et me donne un peu plus détails. Il me propose 35 pièces d’or puis lui ramener sa nièce. En vérité, est-ce à cause de mes rituels d’Omni-Connection ?, je sais qu’il y a autre chose de plus intéressant pour moi au bout de cette histoire. Cette Evy possède des livres. Mais je veux aussi savoir si elle sait d’autres choses, si elle possède d’autres ouvrages ou artefacts que ceux que le Pétrol’Magie m’a laissé en mémoire. Je laisse Oncle Feldor dérouler son histoire mais je sais déjà que je vais accepter l’affaire.

            La magie de ce monde m’interdit tout contrôle mental ou lecture de pensées. Pourtant, je sais que Feldor a quelque chose à cacher mais est-ce vraiment important ? Au cas, je tente quand même de faire dévier la conversation sur qu’il refuse de me dire. J’ai le sang froid mais je peux être psychologue et interpréter les émotions des autres, même si les miennes sont assez limitées. Je confesse donc être « intéressé » par tout ce qui concerne les expérimentations magiques et Feldor me confirme que sa nièce effectue ses propres travaux. Et ce n’est pas par hasard si elle les effectue loin de la ville.

            Et les deux autres, dois-je leur consacrer du temps ou partir tout de suite ? Non, ce n’est pas la peine de trainer. Je prends juste le temps de me restaurer, vérifier mon équipement et je quitte ensuite la taverne puis la ville, dans la direction indiquée par Feldor. Le trajet n’est pas très long, à peine une journée, mais il peut tout arriver.

            Il s’est mis à neiger plus tôt que je ne le croyais. Alors que la nuit tombe, je remarque

une faible lueur de lumière plus loin sur le chemin. Elle provient d’une petite lanterne faite de boules de neige qui ont été assemblées en une sorte d’igloo pour abriter un bocal en verre. A l’intérieur brûle une bougie rouge. Devant la lanterne, quelqu’un a dessiné le symbole de Meili, une divinité qui protège les voyageurs, et écrit "De la nuit sans fin, protèges mon âme !.

            Hasard ou mise en garde ? Quoi qu’il en soit, je m’arrête ici pour la nuit. Je ne sais pas si je vais pouvoir conserver cette neige mais, au cas où, je prends une boule avec moi. Je verrai bien si elle fond ou non. Puis, je réfléchis aux mots du voyageur. La « nuit sans fin », est-ce en rapport avec les ombres de mon rituel ? Est-ce que je risque d’y perdre mon âme ? L’elfe m’a bien dit que ce sort était assez simple à lancer parce qu’il est extrêmement « volatile », comprendre par-là : dangereux ! L’espace d’un instant, je me dis que je pourrais renoncer et rester ici mais… Non ! Je me suis promis d’aller à Mertvecgorod. Et puis, il y a autre chose que je veux savoir. Nova Commonwealth est l’une des cités principales du Great Basin, le monde crée par le dieu Aum. C’est donc le monde de Aum, le Aum-Monde… l’Hommonde ! Alors, est-ce que l’Hommonde est derrière tout ça ? Et Androgyne-Roi ? Et Azathtoth, et Shub-Niggurath ? Et si ce n’était pas un hasard si j’avais atterri si loin de la RIM ? Si loin de… Millevaux ? Est-ce qu’on a tenté de m’éloigner de quelque chose ? Quelque chose qui serait en train de se tramer et… « on » chercherait à maintenir Haze la Mouche à l’écart ? Le meilleur moyen d’en être sûr, c’est d’aller à Mertvecgorod et de m’y incarner en Haze pour mener mon enquête. Pour ça, il est possible que j’ai besoin de ce que cette Evy a caché à tout le monde.

            J’en suis là de mes réflexions quand un géant de glace jaillit des bois. Le feu se reflète dans la médaille en or qu’il porte autour du cou. Mais je vois aussi, et surtout, qu’il est blessé. C’est une chance… sauf si ce qui est arrivé à lui infliger cette vilaine blessure doit me tomber dessus plus tard. Mais, pour l’heure, je dois venir à bout de ce truc et je ne suis pas sûr que mon rituel d’Omni-Connection soit assez puissant pour face à une telle situation. Je pourrais interroger ROHUM mais ce truc aurait quand même le temps de me tuer avant que ROHUM ne me réponde. Alors, je gobe une de mes dernières Noix imprégnées d’Egrégore. La Réalité est un Cut-Up et j’ai de la chance car un canon lance-dague apparait entre mes mains.

            Le canon remplit son job et fait fuir le géant. Il ne doit pas avoir l’habitude de se prendre deux dérouillées la même nuit. Pour autant, cela signifie pour moi la fin de la tranquillité. Non seulement il a ruiné le petit autel de Meili mais il saura où me trouver s’il lui prend l’envie de se venger avant le lever du soleil. alors, même si je n’aime pas ça, je reprends la route de nuit.

            Au petit matin, j’arrive en vue de la tour où vit Evy Ashwood et… ça craint un max car je sais que l’entrée est gardée et… je sais que je n’ai plus assez de Billes ni de Noix pour faire face au truc qui m’attend. Il va falloir trouver un plan B ou endurer une sévère crise de manque ou… trouver de l’aide !





            La tour a deux étages. Elle est faite de grands blocs de granit, dont beaucoup ont été altérés par le temps. Quelques dalles de pierre inégales mènent à une paire de grandes portes doubles de chêne, couvertes de taches de mousse humide et de lichen. Les fenêtres à l’étage sont éclairées par une lueur faible, jaune-verdâtre. Vu comme ça, ça a l’air tout tracé mais c’est sans compter avec le gardien. Quelque part, à moitié enterré sous la neige, un chuul attend. Mon 6ème Sens me dit qu’il est plus fort que moi. Seul, je n’y arriverai pas. Le seul moyen que je vois pour obtenir de l’aide et de recourir à la magie mais je n’ai plus assez de Billes ni de Noix. Pourtant, je n’ai pas vraiment le choix. Alors, je gobe !

            Je casse la coquille et gobe cette ultime Noix. Les racines de l’arbre dont elle provient baignent dans du Pétrol’Magie. Ça lui donne une saveur toute particulière. Et ça me donne… un vision. Pas une vision du futur ou d’un futur comme m’en procure un rituel d’Omni-Connection. Non, c’est une vision du passé ou d’un passé.

            Je vois. Je me vois. Je suis partout. Je suis nulle part. le lieu importe peu. Ce qui importe c’est… moi ! Je suis au centre. Je suis le centre. Rien ne me retient. C’est ça l’important. Je suis… détaché… C’est l’objet et le moyen de ma quête. Je suis déconnecté des considérations matérielles les plus quotidiennes et concentré sur la compréhension du monde et du méta-monde. En tant que Cobra Verde, j’étudie la magie pour comprendre le monde. Je ne veux pas comprendre le monde pour la manipuler. Je le manipule pour mieux le comprendre. Mon sang-froid d’homme-serpent, le si peu d’importance que j’accorde aux émotions en général et aux miennes en particulier sont-elles un moyen de parvenir à cette compréhension ? Dois-je me détacher de mes émotions humaines pour permettre au Serpent (au Cycle ?) de parvenir à ses fins ? Ou alors, est-ce que toute cette quête ne serait qu’un moyen de justifier le fait que je me coupe de mes émotions humaines ? Et si, derrière tout ça, au fond du puit, il y avait… l’Envie. De quoi ?

            J’ai une vision. Un futur ou un passé ? S’agit-il de ce monde hyper technologique qui s’est écroulé pour devenir le Great Basin ou est-ce le monde qui en émergera ? Un chasseur de prime cherche des données. Il porte une combinaison connectée. Ce monde technologique est-il une illusion, une création, un monde virtuel ou alors, de ce monde technologique plonge-t-il vers une autre réalité ? Le chasseur de prime est à l’écoute… de lui-même, il est centré sur lui-même mais… une corporation en a après lui.

            A l’écoute de lui-même… En vérité, je suis ce chasseur de prime et je me ballade de mondes virtuels en mondes virtuels. J’ai la prétention de vouloir « comprendre », de résoudre des mystères, de percer les secrets des mondes, du méta-monde mais… je fais tout ça juste pour moi, parce que j’en ai envie… parce que j’ai envie… de ne pas voir autre chose… mes… émotions ? Ou leur absence ? Ce serait pour ça que je suis en route pour Mertvecgorod et que j’aurais fait en sorte que le voyage soit si long ?

            Je pourrais me prendre la tête pendant encore longtemps mais… j’ai un chuul devant moi, toutes pinces dehors et prêt à me tuer. Mais qu’est ce monstre face à la réalité, ou une de ses facettes, de ce qui motive vraiment mon voyage ? Pas grand-chose mais un pas grand-chose capable de me couper en deux. Alors, je me saisis de ma sacoches de Billes et de Noix. Elle est de nouveau pleine. J’ai besoin d’aide. Mais un seul allié ne sera peut-être pas suffisant. Mais j’en connais un qui est plusieurs. Je gobe une Bille au relent d’Egrégore. La Réalité est un Cut-Up. Elle se fracture et libère un accès au Thanatrauma. Ses zombies, menés par Sa Voix qu’est Roger l’Homoncule, sortent des bois. Le chuul ne comprend pas qu’il est foutu. Je gobe une seconde Bille et, grâce à l’Omni-Connection, je prends le contrôle du Thanatrauma. Et le Thanatrauma se déchaine. Le chuul ne fait pas un pli et, malgré sa carapace, finit déchiré, lacéré, broyé et dévoré par les zombies.

            Roger ramène le Thanatrauma dans les bois. Mais la forêt qu’ils regagnent n’est pas celle que je viens de traverser. Je sais qu’Ils retournent à Millevaux. Moi, j’entre dans la tour. Une pièce unique et silencieuse. Il flotte une odeur de poisson pourri qui me rappelle quelque chose. Une île, un Rêve ? Je ne sais plus… ou pas encore. Il y a des vêtements un peu partout, des ustensiles de la vie quotidienne.

            Au centre, il y a un vieux tapie couvert de boue. Quelqu’un a utilisé du charbon de bois pour griffonner ce qui ressemble à une équation mathématique partiellement effacée remplie d’autres symboles étranges sur l’un des murs. Il y a un lit dans un coin, une sorte de cuisine aménagée dans un autre. Un escalier mène à l’étage. Autant commencer par-là, je me rappelle de cette histoire concernant un dieu auquel on peut parler par l’intermédiaire d’un livre. A priori, personne ne sait où sont le temple et le livre mais peut-être trouverai-je quelques renseignements là-haut.

            C’est le laboratoire d’Evy Ashwood. Il y a là tout un attirail de cornues, de réchauds, de jarres remplies de liquides aux couleurs étranges. Ça me rappelle mon propre laboratoire. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je cherche des livres, des grimoires, des parchemins. Mais il y a aussi des cages ! Et quelque chose grogne dans l’une d’entre elles. Le temps de me retourner, une nuée d’oiseaux noirs fond sur moi !

            Le temps que j’attrape un réchaud et que je l’allume, quelques-uns de ces oiseaux ont le temps de me donner quelques coups de bec. Mais cela ne suffit à m’empêcher de me retourner vers eux avec ce lance-flamme improvisé qui rôtit les plus proches et mets les autres en déroute.

            Les cages sur les bancs contiennent trois lézards, cinq araignées et six serpents venimeux. J’ai de la peine pour les serpents mais… je ne peux pas me permettre de les libérer. Ou plutôt, je n’en prends pas le risque. En effet, ces serpents, comme les autres animaux ne sont pas… « naturels ». Je retourne du côté des bibliothèques. Sur l’une d’elles, un mot demande à ce qu’on ne touche pas aux livres. La blague ! Il y a là les notes d’Evy. Je regarde les dernières pages. Les derniers mots datent de la semaine dernière :

            « Le succès enfin! Si seulement mon ancien mentor pouvait me voir maintenant! La Création est mon plus grand succès. Intelligent, agile et plein de potentiel! Sa seule faiblesse est la lumière forte, mais je vais l’exposer progressivement à des lampes à huile en bas afin qu’il s’adapte. »

            Il n’y a pas de passage qui explique exactement ce qu’est cette création. Mais, il n’y a rien non plus en bas rappelant cette Création. Sur l’un des bureaux traine un trousseau de clés. Les plus petites semblent devoir ouvrir les cages mais rien dans cette pièce ne parait correspondre aux plus grosses.

            Je m’en doutais mais quelque chose m’a échappé en bas. Je garde avec moi ce trousseau de clés mais aussi les journaux d’Evy. Je prendrai le temps de les lire. J’y trouverais peut-être des choses intéressantes.

            Je redescends donc et fouille le rez-de-chaussée de fond en comble. Et je finis par trouver ce que je cherchai. Le Livre des Grands Anciens ! Je ne sais pas si c’est bien le Grimoire dont parle la légende mais s’il y a un texte qui m’en dira plus à ce sujet, c’est bien dans ces pages que je le trouverai ! Mais là encore, je devrai faire attention. Ce grimoire n’est pas seulement écrit dans la Langue des Profondeurs, il est aussi… maudit ? Je ne sais pas trop mais je sens son… Emprise ? Il faudra que je prenne des précautions le moment venu. Car oui, cela attendra. En effet, je n’avais pas fait attention tout à l’heure mais… un passage secret mène au sous-sol. Le « bas » dont parle Evy dans ses notes ? Là où se trouve sa « Réussite », sa « Création » ?


            Je descends un escalier en colimaçon jusqu’à une pièce sombre et voutée. Les murs sont en briques apparentes et renforcés de barres de fer. La seule lumière vient d’un réservoir rempli d’eau, certainement la raison de l’humidité ambiante. Méfiance…

            En fait, il y a trois réservoirs remplis d’un liquide verdâtre et légèrement luminescent. Ils sont reliés à toute une machinerie qui dégage une vapeur rajoutant à l’étrangeté des lieux. Je comprends que la machinerie sert à contrôler la température de l’eau. Quand je m’approche, je sens bien que la chaleur que dégagent les réservoirs et c’est assez agréable. Je sais bien que je dois rester on ne peut plus prudent mais ma nature d’homme-serpent m’attire vers cette source de chaleur et… Un tentacule jaillit d’un des réservoir !

            Chance ou réflexe, j’échappe à sa tentative de s’emparer de moi. Je me jette hors de portée et observe. Le tentacule, dont je ne peux que devine la silhouette du monstre à l’intérieur du réservoir, tâtonne. Il me cherche. Sa taille, au gré de pulsations irrégulières, augmente. Mais surtout, par instant, il devient invisible. Qu’a fabriqué Evy Ashwood ici ?

            Il y a une autre pièce, remplie de cages. Certaines sont vides, mais la plupart sont occupées par une variété de créatures bizarres qui semblent être des combinaisons d’espèces diverses et variées. Dans l’une, une grenouille allongée aux yeux pâles et énormes glisse à la manière d’un serpent, tandis que dans une autre un grand oiseau sans yeux sautille sur des pieds inquiétants semblables aux mains humanoïdes. Quelques cages tiennent des créatures lentes si bizarres et déformées qu’elles défient la description. Elles sont vivantes et je devine que leur esprit est aussi tordu que leur corps. Ce que je vois est fascinant car, certes ces animaux souffrent, c’est évident, mais… cela signifie aussi qu’Evy Ashwood ne rencontre pas que des échecs dans ses expériences. Elle a un but et les moyens intellectuels de l’atteindre.

            Une voix de femme se fait entendre. Elle appelle à l’aide. Il y a une troisième salle, je ne l’avais pas vue. Il y a quatre grandes cages dans cette salle. L’une est défoncée, deux sont vides et, dans la dernière… Une jeune femme au teint pale qui n’a pas l’air d’aller très bien. Evy Ashwood, c’est elle, s’agrippe aux barreaux. Elle me remercie d’être venue la sauver et me demande si je l’ai tué. Je lui demande si elle parle de la créature qui gardait la tour mais manifestement il en s’agit pas de ça.

            Un bruit lourd et sourd derrière moi. Evy pousse un cri. Je me retourne et fais face à une grande et horrible créature tombée du plafond. Huit pattes d’araignée massive dépassent de son corps gonflé, sa tête bulbeuse est couverte de nombreux yeux oranges étrangement intelligents, et sa gueule énorme est remplie de dents ressemblant à celles des requins. Voilà le « succès » d’Evy Ashwood.

            Elle considère que je viens la sauver. Elle m’a demandé de tuer cette créature. Aussi, je pense pouvoir la considérer comme une alliée. A ce titre, et même si la magie en vigueur dans le Great Basin interdit le Contrôle de la Pensée, Evy entre malgré tout dans cette catégorie d’éléments que je peux contrôler avec un rituel d’Omni-Connection. Là, je ne prends pas le contrôle de ses pensées, je LA contrôle. Avec l’Omni-Connection, elle devient un élément de la réalité avec lequel je peux jouer de la même façon qu’avec les autres éléments du décor. Alors, après que j’ai gobé une Bille, c’est de son plein gré qu’elle m’explique que cette chose est vulnérable à la lumière et je décide qu’il y a un réseau de lampes au plafond dont l’interrupteur se trouve… juste à côté de moi.

            Le monstre se met à frissonner. Il cherche une zone d’ombre qui n’existe pas, qui n’existe plus. Puis, il s’effondre et tombe. Une fumée âcre verte s’élève de son corps, qui commence à se dissoudre. Quelques minutes plus tard, il ne reste plus qu’une flaque translucide et une terrible puanteur.

            Je relâche mon contrôle sur la réalité. Evy exulte. Insensible à la mort de sa création, elle ne voit là qu’un succès qu’elle se sent à même de reproduire. Elle semble avoir oublié ma présence et évoque déjà ses futures expériences. Cette femme est folle. Pourtant, je suis curieux de savoir ce que ses recherches peuvent donner. Ce sera forcément catastrophique… des succès catastrophiques.

            Pour l’instant, elle est toujours enfermée et j’examine mes options. A l’aide d’une Bille ou d’une Noix je pourrais faire apparaitre des membres de la garde de Winterhold qui l’enfermeront après un procès expéditif. Je pourrais essayer de la convaincre de renoncer à ses recherches… ou la convaincre (la forcer ?) de travailler pour moi. Je lui demande si elle pense que son oncle croira que cette tour s’est effondrée et qu’elle est morte. Lui viendra-t-il à l’esprit de venir vérifier par lui-même ou d’envoyer quelqu’un comme il m’a envoyé, moi ?

            Je ne m’attendais pas à un tel enthousiasme. Elle jure que oui ! Feldor est quelqu’un de casanier et, quelque part, il sera bien content de ne plus entendre parler d’elle, ni de ses expériences. Je crois qu’elle a compris là où je voulais en venir. Je lui expose donc mon plan :

            -je la libère à condition que nous travaillions ensemble, sous ma direction.

            -je rentre à Winterhold. Je raconte à son oncle que la tour s’est effondrée, qu’Evy est morte et que j’ai pris soin de lui rendre les derniers sacrements.

            -je m’installe à Winterhold. La RIM peut attendre encore un peu. Je crois que j’ai des choses à faire ici.

            -je garde le Grimoire ! Ou plutôt, j’utilise le sort qui m’a conduit ici pour l’envoyer… ailleurs, à une autre des incarnations du Joueur ? Non ! Je vais l’envoyer au Joueur lui-même. Là, il puisera les informations qui nous mettrons, moi et/ou ses autres incarnations, ses autres avatars, sur la piste de ce dieu dont on ne sait où est son temple et dont on dit qu’on peut communiquer avec lui par l’intermédiaire d’un Grimoire. Et l’espace d’un instant, je me demande si ce grimoire, je ne l’ai pas dans ma besace ou si ce parchemin, avec ce sort et son pentacle biscornu, n’en est pas une page.

            Je me rends compte que je parle à haute voix. Je me tourne vers Evy qui m’écoute attentivement. Elle semble avoir parfaitement compris de quoi je parlais. Oui, la RIM attendra un peu…

            Cette nuit, il va neiger. Demain, j’utiliserai de cette neige fraichement tombée pour créer un Portail d’Ombre et transmettre le Grimoire au Joueur. Ensuite, j’irai voir Feldor. J’attendrai quelques jours et je reviendrai voir Evy. Et nous reprendrons le travail là où elle l’a laissé.

            Je sais que le Grimoire est maudit. Mais mes propres connaissances en Toxicomancie me préservent. Aussi, contrairement à Evy, je ne me laisse pas influencer et ne l’ouvre pas. Evy Ashwood s’est lancée dans ses recherches parce qu’elle est devenue folle après avoir lu ce Grimoire. Mais moi, je ne suis pas fou !

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