HERBODOUDIAB’



                … est un chat ! Il a énormément étudié les humains, au point d’en adopter certains travers dont l’intérêt que portent certains pour les sciences occultes. Aussi, il s’est un peu trop frotté au culte de la Mauvaise Mère et, corrompu par l’Egrégore, il en a retiré les reflets verdâtres de son pelage mais surtout cette punition-malédiction faisant de lui un « humain-garou ». ainsi, les nuits de pleine lune, Herbodoudiab’ devient Herbert, Herbie le vagabond. Il tente aujourd’hui de se racheter une conduite, une réputation, de retrouver son honneur de chat en combattant l’influence de la Mauvaise Mère. Il essaye de tirer au mieux avantages de la magie qui a causé sa déchéance pour combattre les serviteurs des Anciens.



                Herbodoudiab’, après avoir longuement étudié les humains accomplir leurs rituels, avait décidé de rejoindre à son tour à cercle de chats voués au service de la Mauvaise Mère. Lui aussi voulait devenir un magicien. Alors, il s’était mis en tête de se livrer à un rituel d’invocation d’un Pschttoggoth dans les bois.

                Pour autant, il n’était pas dupe. Les autres chats étaient convaincus qu’avec l’avènement de la Mauvaise Mère ils règneraient sur un monde meilleur. Mais lui n’y croyait pas vraiment. Et, en fait, il s’en moquait même. Ce qui l’intéressait, c’était surtout d’apprendre, d’acquérir du savoir et de le maitriser. Ce rituel, finalement, n’était qu’un galop d’essai.

                Herbodoudiab’ s’était joint à ce groupe après avoir compris que ceux que les humains vénéraient sous le nom de Chèvre Noire était celle que les chats corrompus vénérait sous le nom de Mauvaise Mère. Il s’agissait de la même divinité forestière. Et il avait vu quelles connaissances et quels pouvoirs les humains avaient retiré de leurs services rendus. Il avait alors mené son enquête et fait montrer de beaucoup d’efforts afin de trouver cette congrégation de serviteurs et les convaincre de l’accepter. Le savoir acquis auprès des humains joua pour beaucoup.

                Il avait beaucoup observé les humains dans l’acquisition de leurs savoirs. Il avait observé l’accomplissement de certains rites mais sans jamais y participer. Aussi, il ne savait pas du tout s’il serait capable lui aussi d’user de l’Egrégore, d’exercer son Emprise afin de plier la réalité à sa volonté. Mais, quand les chats ont voulu accéder au musée, il a réussi à leur ouvrir la porte. Le prix fut élevé puisque cela lui a aussi ouvert le flanc et il a mis du temps à cicatriser et récupérer ses forces mais cela a contribué grandement à assoir sa position au sein de cette congrégation.

                Puis, il fut officiellement intronisé comme membre à part entière de la congrégation. Là, il eut le sentiment de couper définitivement les liens qui le rattachaient à Phtar-Axlan. Il franchissait un point de non-retour. Il eut peur mais alla jusqu’au bout.

                Et il alla même plus loin en jouant double-jeu. Il permit ainsi à un Tigre-Rêvant d’infiltrer la congrégation. Le Tigre pensait pouvoir mettre fin à leurs activités en agissant de l’intérieur. Mais Hebo’ le trahit et le Tigre fut dévoré par un Pschttoggoth.

                Plus tard, c’est seul qu’il retourna au musée. On l’avait chargé de dérobé une relique, une sorte d’artefact. Il s’introduisit de nuit, aussi discrètement que possible. Mais il y avait des gardiens dans le musée et il reçu un mauvais coup. Il s’est enfui sans avoir pu récupérer l’objet. Mais il a fait amende honorable en acceptant que son sang serve de focus lors d’un rituel. Là encore, il lui a fallu du temps pour récupérer ses forces.

                Il savait bien qu’appartenir à ce culte faisait de lui un chat peu fréquentable. Mais déjà, avant cela, il avait conscience qu’il avait trop fréquenté les humains… et les occultistes en particuliers, pour être un chat « ordinaire ». Il savait qu’il ne pourrait jamais plus vraiment vivre comme avant, avant de savoir, ni parmi les autres en feignant l’ignorance. Alors oui, il est de l’« autre côté » mais au moins il peut continuer sa route.

                Alors il poursuit sa voie. Il accumule le savoir au point parfois que certains en prennent ombrage, notamment les plus hauts placés que lui qui finissent par se demander s’il ne va pas tenter de prendre leur place. Il a beau jurer que non, son comportement parfois trop indépendant suscite la méfiance. Et quand l’occasion s’est présenté, on le lui a fait payer. Une série d’humiliations lui ont appris à rester à sa place… ou au moins à le faire croire.

                Pour autant, en l’absence des chefs de la congrégation, Herbo’ savait aussi partager certains de ses savoirs et secrets, s’attirant ainsi la sympathie des autres. Aussi, lorsque les chefs se montraient trop méfiants, il y en avait toujours pour prendre sa défense ou faire en sorte que la peine soit atténuée.

                Et le rituel d’invocation du Pschttoggoth eut lieu. Et Herbodoudiab’ comprit qu’il s’agissait d’une manipulation des grands mages afin de se débarrasser de lui. Il en savait trop, était devenu trop indépendant mais aussi trop apprécié. Le Pschttoggoth n’était pas tant là pour faire la preuve de leur allégeance à la Mauvaise Mère que pour les débarrasser « accidentellement » d’un adepte gênant. Et quand Herbo’ l’a compris, il s’est enfui.

                Il a alors longtemps errer, à la recherche de Phtar-Axlan, pour lui demander conseil et pardon. Mais, à cause de lui, il y avait un monstre en liberté. Alors oui, il obtiendrait le pardon. Mais avant, il devrait faire pénitence. Et cette pénitence prit la forme de cette malédiction faisant de lui un humain-garou. Et pour mettre fin à cette malédiction, il allait devoir combattre ceux-là même qu’il avait servi : les cultistes soumis à la Mauvaise Mère. C’est pour ça qu’aujourd’hui, alors même qu’une guerre débute entre les humains de l’Est et de l’Ouest, il est là, dans ces bois de l’est de la France, à courir entre les pattes d’un Mech géant à la recherche de cet Artefact, de cet Cage Dorée dont on dit qu’elle permet de rendre la vie à celui dont le cœur y a été placé encore palpitant.



                C’était il y a longtemps maintenant. Alex Smyth venait tout juste d’être initié aux secrets des Steamshadows et l’Arcade des Daimons dans la Brume n’existait pas encore. Pour l’heure, sa mission consistait à renvoyer une Horreur dans les ténèbres qu’elle n’aurait jamais dû quitter. On avait en effet décrit une horrible créature dans les ruelles de Whitechapel et les cadavres qu’elle laissait derrière elle n’avaient rien à envier aux « œuvres d’art » de Jack l’Eventreur. Smyth espérait faire d’une pierre deux coups. En effet, il voulait débarrasser Londres de ce monstre mais aussi mettre la main sur ceux qui l’avaient invoqué car il était évident pour lui que cette chose n’était pas arrivée là toute seule.

                Des rumeurs courraient en effet. Des membres du personnel de l’asile de Bedlam disait que certains des patients n’étaient pas si fous que ça. Ou alors, ils étaient fous « autrement ». Leur folie n’était pas la même, disaient-ils. Ils avaient vu des choses. Ils savaient. Et c’était ça qui els avaient rendu fou. Certains passaient leur temps à hurler dans une langue inconnue. Smyth avait reconnu la Langue Putride des serviteurs de Shub-Niggurath.

                Smyth menait donc son enquête dans les rues de Whitechapel. Mais il ne put interroger les habitants à son aise car la police était partout. On avait découvert un nouveau corps, horriblement mutilé. La foule prenait les représentants des forces de l’ordre à partie. Les inspecteurs avaient bien du mal à rassembler des indices. Dans cette cohue, il était difficile de recueillir un témoignage ayant une quelconque valeur.

                Malgré cette effervescence, Smyth reconnut un des membres de la familles O’Donnel. On disait des choses sur eux. On accusait leur grand-mère d’être une sorcière. Eux disaient qu’elle était une rebouteuse. Le père O’Donnel tenait une taverne repoussante dont seuls les habitants de Whitechapel ne franchissaient le seuil. Et encore, ils étaient déjà ivre en arrivant, sinon ils ne se seraient jamais risqué dans un tel nid infectieux. Quoi qu’il en soit, Smyth trouvait effectivement qu’ils devaient avoir quelque chose à cacher car, bien que présent dans la foule, le jeune O’Donnel ne participait à la colère ambiante. Il observait, méfiant.

                Smyth errait donc dans les rues, écoutant au passage les conversations. Lune d’elles attira son attention. Un homme racontait que, selon lui, chaque fois qu’on avait retrouvé un corps au petit matin, les cloches de l’église avait sonné en pleine nuit sans qu’il n’y ait plus personne là-bas pour tirer sur les cordes. Qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Et puis, était-ce seulement vrai ?

                Smyth finit sa journée à la bibliothèque. Il fit quelques recherches sur les églises de l’East End et découvrit que celle de Christ Church, Spitalfield, avait été construite par un certain Hawksmoor. L’architecte avait mêlé là des influences à la fois gothique et païenne. Un peu plus loin, il lut certaines histoires sur Hawksmoor lui-même qu’on appelait parfois l’« Architecte du Diable ». On le soupçonnait d’avoir couvert les façades des églises qu’il avait construite de symboles ésotériques et maléfiques. On allait jusqu’à penser que, si on traçait une ligne pour les relier entre elles, on obtenait un Pentacle satanique. Et si les O’Donnel étaient au courant ? Après tout, leur serait-il si difficile que ça que d’entrer par effraction dans Christ Church de nuit, alors même que les lieux sont désert ?

                Ce dimanche, Smyth se rendit à l’office de Christ Church. Là, il écouta le sermon d’un prêtre inquiet qui fit de son mieux pour ramener le calme parmi ses ouailles. Il constata l’absence des O’Donnel. Pourtant, ils étaient là, à la sortie de l’église. Smyth crut lire quelque chose de malfaisant dans leur regard. En fait, il eut l’impression qu’ils l’observaient lui !            

                Smyth décida de passer les prochaines nuit dans les rues de Whitechapel. Il voulait être sur les lieux si les cloches sonnaient, si on devait trouver un nouveau corps. Il n’eut pas longtemps à attendre. Lorsque les cloches retentirent, il n’était pas loin de l’église. Il ne put rien voir de significatif mais, au matin, on avait trouvé un nouveau cadavre. Alors, avant que la police n’arrive, il examina rapidement le corps à demi-décomposé, rongé et couvert d’un étrange mucus dont il parvint à suivre les traces sur quelques rues. Il finit par perdre cette piste mais il lui semblait bien qu’elle se dirigeait vers Christ Church.

                Smyth se demanda alors s’il y avait pu y avoir de précédents, une affaire similaire par le passé. Il pensa retourner à la bibliothèque pour consulter les vieux journaux mais il se rappela qu’Emma Robinson, l’ancienne bibliothécaire, lui avait déjà dit que ces archives avaient mystérieusement brûlées. Depuis, les journaux n’étaient plus conservés là, afin de prévenir tout risque d’incendie. Smyth savait qu’il pourrait mettre la main autrement sur de vieux exemplaires, évidemment, mais il ne put s’empêcher de se demander si cet incendie et la décision qui en découla n’avait pas pour but de cacher quelque chose.

                L’un de ses « informateurs », à Bedlam, l’a informé qu’il devait absolument voir un des patients. Alors, Smyth se rendit à l’asile pour écouter les délires d’un vieil homme à propose de celle qu’il appelle la Mauvaise Mère. L’homme est convaincu de la présence d’un de ses sombres rejetons. L’infirmier expliqua que cet homme hurlait depuis le matin et voulait absolument qu’on prévienne « qui de droit ». Alors, il avait pensé à Smyth. Après avoir raconté son histoire, l’homme sembla se camer. Smyth promit qu’il l’avait pris au sérieux et qu’il se chargeait de l’affaire. Et si, en effet, cette créature était un rejeton de la Mauvaise Mère, un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath ? Cela ne disait pas comment ce vieux fou pouvait être au courant de l’existence de ces créatures mais ce n’était pas le plus important dans l’immédiat.

                Smyth reprit donc ses excursions nocturnes. Là, il fut le témoin d’une étrange magie mais pas celle à laquelle il croyait. C’était la pleine lune et ce qu’il vit le laissa stupéfait. Non loin de l’Île aux Chiens, il n’assista pas à la transformation d’un garou. Non ! C’est un chat dont le pelage montrait d’étranges et subtils reflets verts qui se transforma… en homme ! Tenait-il le coupable ? Pour autant, même transformé en humain, la créature conservait son agilité féline et, sans même le vouloir, échappa facilement à la tentative de filature de Smyth.

                Smyth a obtenu de pouvoir consulter certaines archives du Club Psychique International de Regent Street. Il voulait approfondir ses recherches sur la Chèvre Noire et, notamment, les divers moyens d’invoquer un Sombre Rejeton. Là, il lut les description de plusieurs rituel. Certains exigeaient des sacrifices sanglants, dans les bois. D’autres nécessitaient la possession d’artefacts maudits. Et si les O’Donnel possédaient un tel artefact ? Smyth savait qu’il ne devait pas les accuser trop vite mais… il fallait quand même envisager cette éventualité.

                Un jour, Smyth eut l’impression d‘être suivi. Il fit plusieurs détours afin de surprendre celui qu’il pensait un membre de la famille O’Donnel. Pourtant, les aboiements d’un chien le contraignirent à changer ses plans et à intervenir afin de sauver… un chat ! Un étrange chat aux yeux et jaunes et au pelage présentant des reflets verts. L’animal semblait terrorisé mais en bonne santé. Il s’enfuit dès qu’il put.

                Cela fait maintenant plusieurs jours que les cloches n’ont pas sonné. Mais Smyth continuait ses rondes dans ls rus de Whitechapel. Toutefois, il prenait soin de rester à proximité de Christ Church. Cette nuit, la pleine lune illuminait la place de l’église. Aussi, Smyth se rendit compte qu’il n’était pas seul sur les lieux. Il reconnut… le chat ! Celui aux reflets verts qui s’était transformé en homme. Et c’était cet homme qui se tenait là. Et quand les cloches se mirent à sonner, il le vit sauter jusqu’à une fenêtre pour s’introduire dans l’église. Il tenta de le suivre mais, beaucoup moins souple, peina à passer par la fenêtre. Il y mit pourtant beaucoup d’énergie car il entendait déjà d’élever des chants inquiétants en Langue Putride. Quant il parvint enfin à basculer de l’autre côté, il était trop tard. Plus personne ne chantait. Les cloches ne sonnaient plus. Juste sous la croix gisaient les corps de trois O’Donnel. Puis, Smyth entendit du bruit dans les escaliers montant vers les cloches. Il vit l’homme-chat redescendre, du sang sur les mains.

                Après une longue conversation, Smyth comprit que cet Herbert, ou plutôt Herbodoudiab’ était une sorte d’humain-garou. Ancien cultiste (un chat cultiste ?! s’étonna Smyth), il s’était fait une mission de traquer les serviteurs de la Mauvaise Mère afin de mettre fin à la malédiction qui faisait de lui un humain les nuits de pleine lune. Sa propre enquête lui avait permis de comprendre que la famille O’Donnel était effectivement composé de serviteurs de la Chèvre Noire et que c’était bien eux qui usaient de cet étrange église remplie de symboles occultes et païens pour invoquer ce que, chez les chats, on appelait un Pschttoggoth. Mais, maintenant, il n’y aurait plus personne à Whitechapel pour faire sonner les cloches et appeler une telle créature.

                C’est ainsi que Smyth fit la connaissance d’Herbodoudiab’. Le chat quitta ensuite Londres mais, régulièrement et une nuit de pleine, il recevait de ses nouvelles. Le chat errait partout à travers le monde, chassant les monstres et les cultistes. Ainsi, après toutes ces années, Smyth n’eut pas de mal à convaincre Herbodoudiab’ de le rejoindre en France afin de retrouver cet Artefact que convoitaient les forces de la Coalition de l’Est : la Cage Dorée contenant le cœur palpitant de Beauténèbres.




                Les médiums et occultistes de la Coalition de l’Est s’étaient donc emparés de la Cage Dorée et du Cœur de Beauténèbres. Mais Smyth ne baissait pas les bras pour autant. Peut-être qu’en en apprenant plus sur cet artefact, il saurait ce que l’ennemi comptait en faire. Et, partant de là, il saurait peut-être où les retrouver. Ainsi, de retour à Londres, il se mit à écumer les bibliothèques occultes à la recherches de journaux et autres grimoires pouvant évoquer la Cage Dorée. Evidemment, il commença par interroger Beauténèbres. En réalité, le poltergeist ne savait rien du tout au sujet de cette cage dont il ne soupçonnait même pas l’existence avant d’être invoqué par les Daimons. Il ne savait même pas que son cœur avait été conservé et il conseillait donc à Smyth de s’adresser aux dirigeants de l’Arcade, voire aux héritiers directs de sir Stockwell qui en sauraient sûrement davantage. Et c’est à ce moment là que Smyth et Beauténèbres se rendirent compte qu’ils étaient écoutés. Ils tentèrent d’arrêter l’espion, en vain !

                Quelques jours passèrent. Smyth menait son enquête sans prendre le moindre repos. Qui les avait espionnés et pour le compte de qui ? Finalement, un informateur le mit sur une piste. Un rituel devait avoir lieu et cela pouvait être lié à ses affaires. En réalité, l’informateur ne possédait guère plus de renseignements mais c’était toujours une piste. Et puis, si un rituel devait avoir lieu, il fallait l’empêcher. Il décida de prendre le risque de se faire passer pour un occultiste et recruter afin d’apporter son aide le moment venu. Grâce à ses contacts dans les milieux ésotériques londoniens, il put faire quelques rencontres. Les préparatifs s’annonçaient longs et laborieux. Pour l’instant, tout le monde restait anonyme mais le bruit courrait que ce rituel concernait Nyarlathotep.

                Mis en confiance, et bien que conservant leur anonymat, ceux-là même qui avaient entrepris tous ces préparatifs semblaient croire dans le rôle joué par Smyth. Ils lui accordaient un certain crédit dont le Daimon entendait profiter pour stopper le rituel mais aussi pour savoir si ces cultistes avaient réellement quelque chose à voir avec la Coalition de l’Est et l’Artefact. Toutefois, il restait prudent et n’osait pas encore trop avancer ses pions. Cela pouvait être un piège. Mais ses nouveaux « alliés » paraissaient réellement confiant. Alors, Smyth s’engagea un peu plus. Et il eut la confirmation qu’il agissait d’un rituel concernant Nyarlathotep. Pourquoi voulaient-ils s’adresser au Messager de Dieux ? Smyth commençait à douter que cette affaire concerne l’Artefact mais il fallait quand même en apprendre plus. Aussi, il fit montre de ses propres connaissances concernant l’Homme Noir afin de les faire sortir de leur anonymat. Et il put ainsi pénétrer dans les sphères les plus cachées de la Golden Dawn ! Là, il mit la main sur les fragments d’un vieux journal. Pour l’heure, il ne pouvait se permettre de le lire mais il espérait qu’il contiendrait des informations intéressantes.

                Smyth avait donc ses entrées au sein de la face obscure de la Golden Dawn. Il restait prudent mais tentait malgré de rassembler le plus de renseignements possibles. Aussi discrètement que possible, il dérobait des feuillets et recopiait des passages de grimoires sans éveiller trop de soupçons. Il se sentait de plus en plus à l’aise au siège de la Golden Dawn et commençait à comparer ses notes avec celles de Beauténèbres. Les jours passaient et il ne doutait pas de pouvoir reconstituer l’histoire de cette Cage Dorée. Pour autant, il devait rester prudent car il se sentait parfois observé. Aussi, le plus discrètement possible, il commença de son côté à prendre ses disposition en vue d’effectuer un rituel de fermeture de Portail, au cas où il s’agirait bien d’invoquer Nyarlathotep.

                Il se savait observer. Alors, il tenta un coup de bluff. Il se livrait à certains préparatifs mais cela ne concernait pas le rituel. En fait, il s’agissait de mettre au point une potion selon une recette de Beauténèbres. Si la Golden Dawn mettait la main dessus, ils ne pourraient pas voir là les véritablesintentions de Smyth les concernant. Au mieux, ils se diraient qu’il poursuit ses propres plans. Et, comme prévu, ils se désintéressèrent rapidement de cette histoire. Surtout, le moment prévu de leur propre rituel approchait.

                Smyth prit alors conscience qu’il avait finalement plutôt mal dissimulé son jeu alors qu’il ne savait finalement que peu de chose quant à ce qui se tramait. Quels seraient les plans finaux de la Golden Dawn ? En quoi cela consisterait-il ? Certes, il avait rassemblait beaucoup de connaissances mais cela suffirait-il le moment venu ? Il commençait à douter et se demandait s’il n’avait pas été manipulé et qu’il se verrait contraint d’abandonner tous son nouveau savoir avant d’avoir pu réellement en tirer profit. Alors, anxieux, il se rendit sur les lieux du rituel.

                Smyth fut à la fois surpris et soulagé de voir qu’il ne s’agissait pas d’une invocation mais seulement d’une expérience alchimique sous le patronage de Nyarlathotep. Il ne savait pas à quoi cette potion pouvait bien servir mais il réussit à en subtiliser une dose. Beauténèbres pourra peut-être en tirer quelque chose. Lui, de son côté, ne demanda pas son reste et se fie le plus discret possible alors qu’il entame la lecture des ouvrages et notes recueillies. Il allait enfin connaitre la véritable de cette Cage Dorée et, peut-être, apprendre comment le cœur de Beauténèbres s’y était retrouvé. Peut-être même qu’il apprendrait comment les Steamshadows étaient entrés en sa possession ?


                Smyth pensait avoir réussi à remettre en ordre toute l’histoire de la « Cage Dorée ». Il fut surpris d’apprendre qu’à l’origine elle fut créée afin de servir de bouclier. Celui qui la possédait, même si elle était « vide », pouvait la brandir pour se préserver de quelques menaces, comme si le danger était capturé et enfermé dans la cage.

                Son origine se perd au-delà de la nuit des temps. Il semblerait qu’elle fut construite par un alchimiste sur ordre du dirigeant d’un antique royaume hyperboréen. Sans en être certain, Smyth pensait que l’alchimiste pouvait être un homme-serpent nommé Hesse et le roi, un certain Corso III, dit l’Ange. Certains récits décrivent Corso III commandant ses troupes uniquement revêtu d’une toge ou d’une tunique blanche, laissant ainsi s’étendre ses ailes de bois et de feuilles. Il volait, disait-on, au-dessus du champ de bataille et capturer le danger. Ainsi, c’était sans peur que ses hommes allaient au combat et revenaient vainqueurs. La cage était belle, étincelante et, dit-on, le vent s’engouffrant entre ses barreaux chantait dans la Langue des Oiseaux.

                Le temps passait. Corso III accumulait les victoires et les richesses. Les royaumes voisins courbaient l’échine devant l’Ange. Et l’Ange prit goût au pouvoir. Il brandissait toujours sa Cage. Dedans était enfermés tous les dangers pouvant le menacer. Il ne craignait rien ni personne. Pourtant, quelque chose le rongeait… de l’intérieur. Le vent ne soufflait plus dans la Langue des Oiseaux. Il soufflait un vent… Putride. Le bois de ses ailes ressemblait à du bois mort et leurs feuilles avaient pris la couleur de l’automne. Corso III avait changé. La Cage brillait toujours et, quelque part, Hesse riait…

                Et, quand vint l’hiver de sa vie, les feuilles de Corso III tombèrent. Et le roi lui-même tomba en disgrâce. Son peuple, pourquoi ?, s’était détourné de lui. Le chant de la Cage leur faisait peur… mais pas assez pour ne pas se révolter et provoquer la fin du règne de l’Ange. Et, quelque part, Hesse riait…

                Smyth ne parvint pas à déterminer ce qu’il advint du royaume de Corso III après sa chute. Il semblait qu’il s’en suivit une longue période de troubles et de ténèbres. En fait, il retrouva la trace de la Cage une dizaine d’année plus tard, dans les ruines du royaume de l’Ange, entre les mains d’un certain NoAnde. C’était visiblement un homme des bois, une sorte de shaman. Il faisait parti d’un clan de nomades mais ne vivait pas vraiment parmi eux. Il semblait à la fois craint et révéré. Il rendait service au clan mais ce n’était jamais sans risque ni contrepartie. L’histoire racontait qu’entre ses mains, la Cage avait perdu de son éclat. A l’intérieur, NoAnde y aurait gardé une sorte de racine qui, ayant poussé, aurait orné les barreaux de lierre.

                Il semblait que, comme pour Corso III, la Cage ait fini par corrompre son propriétaire. En effet, NoAnde fut visiblement chassé de son village, voire même traqué dans les bois. Qu’avait-il fait ? Smyth ne put le déterminer. Mais NoAnde, avant de disparaitre des récits et de la vie de son clan, se livra à un dernier coup d’éclat. Il planta la Cage Dorée dans le sol et là le lierre prit racine et se développa à une telle vitesse qu’il s’empara du plus puissant guerrier du clan qu’il garda prisonnier dans un entrelacs de racines et de ronces. Rien dans ce que put lire Smyth n’attestait qu’on ait pu sauver le guerrier en question.

                Smyth retrouvait la trace de l’artefact un an plus tard semblait-il.


Rouge-Dents était le chef d’une bande de pillards écumant la forêt. Le texte ne disait pas s’il cherchait la Cage ou s’il l’avait trouvé par hasard. Mais il l’avait en sa possession et, après l’avoir visiblement débarrassée de tout ce lierre, il lui avait rendu sa fonction initiale consistant à capturer et retenir le danger. Smyth trouva curieux de ne trouver aucun mot relatif au destin du guerrier qui avait été emprisonné là. Il aurait aimé savoir ce qu’il était devenu. Mais les récits racontaient maintenant l’histoire de ce Rouge-Dents, nommé ainsi car il avait, disait-on, l’habitude de trancher la gorge de ses ennemis d’un coup de mâchoire et de se gorger de leur sang. Emporter par sa soif de combat plus encore que de richesses, Rouge-Dents multipliait les raids et les pillages alors même que ses hommes semblaient vouloir prendre du repos. Mais rien ne l’arrêtait. Il voulait toujours plus… de sang ! On racontait même que, parfois, il renonçait à sa part du butin. On racontait qu’il arrêtait même de se nourrir pendant plusieurs jours, ne buvant que du sang. On racontait qu’il ne se séparait plus de cette Cage Dorée et que, quand le vent soufflait à travers ses barreaux, on entendait la voix de la Chèvre Noire. Rouge-Dents perdait peu un peu la tête. Et il l’a perdit définitivement le jour où un de ses hommes décida de la lui trancher ! Avant de mourir, Rouge-Dents eut une dernière volonté ; que sa tête soit enfermée dans la cage. Peur ou respect, cette dernière volonté fut respectée. Et la Cage fut abandonnée là, dans les bois !

                Et les siècles passèrent…

                Et un arbre poussa à partir de la cage, c’était ce que racontait une histoire. Un vieux texte décrivait un arbre tortueux dont les nœuds ressemblaient à des visages hurlant. On racontait aussi que le vent soufflait dans ses branches dans l’ancienne Langue Putride. Les oiseaux refusaient de s’y poser et encore plus d’y faire leur nid. On racontait aussi que cet arbre était un lieu de culte dédié à Shub-Niggurath. On racontait que les racines de cet arbre baignaient dans le sang.

                Puis, un jeune shaman du clan des Arbres, un certain JaAber, fit de la recherche de cet arbre maudit le but de sa quête initiatique. Divers textes expliquaient comment il avait eu à traverse les Forêts Limbiques et les Contrées du Rêve pour, enfin, trouver l’Arbre de Rouge-Dents. Cet arbre était une pourriture, une corruption de la forêt. Abattre cet arbre reviendrait à purifier la forêt et, à travers cela, à purifier toutes les forêts de l’influence néfaste de Shub-Niggurath. Tel était le but du jeune JaAber.

                Une fois face à l’Arbre de Rouge-Dents, ce dernier demanda à  ce que le jeune shaman écouta son histoire. Et JaAber sut comment il avait poussé. Il apprit l’existence de la Cage Dorée et de la tête de Rouge-Dents. L’Arbre lui parlait en Langue Putride mais JaAber persistait à lui répondre dans la Langue des Oiseaux. Il était clair que, d’une certaine façon, la Cage Dorée continuait d’accomplir sa fonction en contenant ce danger qu’était toujours Rouge-Dents. Car, l’ancien pirate était toujours vivant. Sa tête vivait toujours, même sous terre, même prise dans les racines de l’Arbre qui portait son nom. Et il usait de la Langue Putride pour convaincre JaAber de lui donner un nouveau corps. Et le jeune shaman comprit que… c’était possible ! Alors, il déterra la Cage Dorée. Il en sortit la tête de Rouge-Dents mais, au lieu de lui donner un nouveau corps, il le noya sous un flot de paroles prononcées dans la Langue des Oiseaux. L’Arbre mourut et JaAber rejoignit son clan, avec la Cage Dorée. Et, pour la première peut-être, elle servit à faire le bien. En effet, JaAber se servit de la Cage Dorée pour y conserver le cœur de sa bien aimée atteinte alors d’un mal incurable. L’histoire racontait qu’il fallut des années à JaAber pour trouver un remède. Mais il le trouva. Et ce jour-là, il sortit le cœur de la Cage et rendit la vie à sa bien-aimée. Et là, Smyth se demanda si Beauténèbres savait…

                Le Poltergeist alchimiste savait-il que cet artefact n’était pas seulement une Ancre permettant de l’invoquer et le rattacher à la terre mais qu’il était réellement possible de le ramener à la vie ? était-ce vraiment un hasard si il était arrivé entre les mains des Vrykas qui l’avaient ramené dans ces bois de l’Est de la France ? Les Cultistes de la Coalitions de l’Est avaient-ils pour projet de ramener quelqu’un à la vie ou de faire pousser un nouvel arbre corrupteur ? En tout cas, il fallait absolument retrouver cette cage. Smyth voulait évidemment contrer les cultistes mais… et s’il y avait un moyen de ramener Beauténèbres à la vie ?

                Smyth rejoignit alors le Poltergeist. Ce dernier avait pour mission d’analyser la potion dérobée aux cultistes de l’Est. Beauténèbres semblait très déçu. Il expliqua à Smyth que, aussi étrange que cela paraisse, cette potion était en réalité comme un grimoire. Elle contenait des sorts et des rituels. Il pensait que boire cette potion permettait de les apprendre. Toutefois, lors de ses analyses, la potion s’était évaporée et il n’en restait plus rien. Malgré cela, il savait au moins, maintenant, qu’une telle potion existait et il allait œuvrer afin d’en reproduire les effets.


                Herbodoudiab’ avait fait en sorte que son humain de Londres récolte pour lui autant d’information que possible sur cet étrange Cage Dorée après laquelle semblaient courir les cultistes de la Coalition de l’Est. Il savait que cette artéfact était lié à la Mauvaise Mère, évidemment. Et il se doutait bien qu’il était de même pour ses ennemis puisqu’ils n’avaient pas hésité à envoyer une escouade de Mechs dans les bois pour couvrir leurs activités occultes.

                Smyth n’avait pas spécialement brillé et les serviteurs de la Mauvaise Mère s’étaient enfuis avec la Cage. Herbo’ les avaient donc suivi et avait passé la frontière. Cela lui avait très facile puisqu’on ne demande pas ses papiers à un chat ! Il se retrouvait ainsi de l’autre côté des bois, dans un petit village du nouveau royaume d’Italautriche.

                Il errait maintenant dans les rues. Et alors qu’il désespérait de retrouver leurs traces, voila qu’il n’entendit pas des hurlements en provenance d’un chalet. Escaladant un tas de bois, il vit par la fenêtre un homme, à priori un artisan dans son atelier, attaqué par… trois morts-vivants ! Il devait intervenir, quand bien même cela n’avait peut-être pas grand-chose à voir avec son affaire. En tant que serviteur de Phtar-Axlan, l’usage de la magie lui était interdit. Toutefois, en tant qu’humain-garou en quête de rédemption, ce qu’on appelait aussi le « Premier Penseur » tolérait quelques exceptions tant que c’était pour la bonne cause. Il manipula donc l’Egrégore ambiant afin de faire tomber ces monstres, laissant ainsi le temps à l’homme de fuir… ou de leur écrabouiller la tête. Et, comme il s’y attendait, Herbo’ subit le contrecoup de sa propre magie en dégringolant lui aussi de son tas de bois. Il réussit tout de même à se rétablir sans perdre sa dignité mais pour autant, il ne voyait plus ce qui se passait à l’intérieur. Il chercha un moyen d’entrer. Une petite porte était ouverte à l’arrière du chalet, donnant accès à la cuisine. C’était certainement par-là que, venant des bois, les zombies avaient pu s’introduire dans le chalet. Ça ne disait pas qui les avaient attiré ici mais peut-être qu’il pourrait l’apprendre en entrant. En fait, Herbo’, pensant qu’ils venaient de la forêt, était quasiment sûr que les cultistes qu’il cherchait étaient derrière cette attaque.

                Dans l’atelier, l’artisan ne s’était pas enfui. Il s’était emparé d’un de ses outils pour passer à l’attaque. Pour autant, il manquait de pratique car ces morts étaient toujours aussi vivants. Herbo’ se tapit dans l’ombre et les observait, espérant trouver sur eux un indice quelconque. Mais, de là où il était, rien ne lui permettait d’étayer son hypothèse. C’était triste à dire mais il était fort probable que ces zombies n’aient rien à voir avec les cultistes et l’artefact. Pour autant, il ne pouvait se résoudre à abandonner cet humain qui n’avait pas l’air en si bonne posture que ça. Alors, il sauta au visage du morts le plus proche !

                Contrairement à ce stupide humain, lui sait où frapper. Agrippé au visage du monstre, il se secoue dans tous les sens pour le déséquilibrer et provoquer sa chute. Il espérait que le monstre ne fracasse la tête au sol, réduisant ainsi son cerveau en bouilli. Et peut-être que l’humain comprendrait alors. Mais rien ne semblait moins sûr. Herbo’ devrait-il vraiment venir à bout de tous ces zombies à lui tout seul ? Avant d’en décider, il furetait dans les poches du mort-mort mais ne trouvait rien d’intéressant. Alors, il sauta sur la nuque d’un autre zombie. Mais celui-ci se retourne et l’accueille avec un coup de dent qu’Herbo’ n’esquive que de justesse ! Et l’humain en profita, oui !, mais pour s’enfuir ! Herbo’ était maintenant seul face à deux zombies ! Il se mit alors à courir entre les jambes du plus proche pour le faire tomber. Le zombie vacillait et battait des bras pour rester debout. Herbo’ était trop léger pour pouvoir le faire tomber en le bousculant. Il aurait pu user de magie mais voulait l’éviter. Alors, il tenta quand même de le pousser. Et il y arriva ! le zombie tomba au sol. Herbo’ chercha alors du regard un objet assez lourd qu’il pourrait lui faire tomber sur la tête. Oui ! Sur cet établi, s’il parvenait à le faire glisser jusqu’au bord, cet outil en fer écrabouillerait la tête du mort avant qu’il ne se relève. Alors, il poussa du mieux qu’il put. Cela lui fit d’ailleurs assez mal à la tête. Mais il ne pouvait pas abandonner car le monstre se relevait déjà ! Mais cet objet était plus lourd que prévu. S’il échouait maintenant, le zombie serait de nouveau débout ! Mais, miracle !, Père-Chat avait dû entendre sa prière. Le zombie glissa et retomba au sol. Herbo’ n’eut plus qu’un petit coup de tête à donner pour que ce lourd objet ne lui fracasse le crâne. Plus qu’un ! Mais, il entendait des cris venant de la rue. L’artisan était allé chercher du secours. Combien étaient ces humains. Un rapide coup d’œil par une fenêtre lui indiqua qu’ils étaient assez nombreux. Pour autant, il n’y avait parmi eux aucun combattant. Parviendraient-ils à faire face à ce dernier zombies ? Dans le doute, Herbo’ se cacha dans un coin d’ombre, prêt à intervenir au cas où.

                Et les pires craintes d’Herbo’ se réalisèrent. A peine entrés, la plupart des humains s’enfuirent en courant en voyant le monstre qui leur faisait face. Et ceux qui restèrent semblaient tout à coup si démunis. Une nuit de pleine lune, il aurait pu leur expliquer quoi faire et leur prêter main forte mais là… Soit ils se débrouillaient seul, soit Herbo’ trouvait un moyen de les aider sans attirer l’attention sur lui. Ces humains n’affronteraient pas ce monstre de face, même s’ils étaient plus nombreux. Mais peut-être seraient-ils assez courageux pour le frapper dans le dos. Alors, Herbo’ sortit de sa cachet et se mit à filer dans l’atelier afin de capter l’attention du mort-vivant afin qu’il se retourne. Les humains avaient-ils fait le rapprochement entre l’irruption de ce chat et la volte-face du zombie ? Peu importait en vérité. Le plus important fut qu’ils saisirent l’opportunité de le renvoyer dans ce monde des morts qu’il n’aurait pas dû quitter. Et maintenant, Herbo’ retournait se cacher dans l’ombre. Il voulait entendre ce que les humains avaient à dire au sujet de cette attaque.

                En tant que « bipédologue » et « humain-garou », Herbo’ comprenait parfaitement la langue des humains. Et comme il avait de plus beaucoup voyagé, il maitrisait plusieurs langues, dont l’Italautrichien. Il s’avérait que ces hommes étaient très surpris de cette apparition. C’était visiblement la première fois que de telles monstres sortaient de la forêt. Pourtant, comprit-il, ce n’était pas la première fois que des « choses » se passaient dans la forêt. Et ils parlèrent de celle qu’ils appelaient « La Sorcière de l’Ecorce ». Et ce nom ne lui était malheureusement pas inconnu. C’était il y a longtemps maintenant. Herbodoudiab’, transformé un humain car c’était la pleine lune, parcourait des bois, sur les traces d’un Horla. Mais il fit une autre découverte…


                Herbodoudiab’ était alors sur les traces d’un Oni-Horla dont il ignorait encore comment il avait fait pour se retrouver si loin de chez lui., de sa propre forêt, de sa propre Millevaux. Avait-il été invoqué, par qui ?, ou s’était-il tout simplement égaré après s’être aventuré dans les Forêts Limbiques ?

                Pour l’heure, il comptait profiter de sa forme humaine pour l’affronter. Un « simple » chat ne saurait faire face à une telle monstruosité venue du Soleil Levant. Aussi avait-il décidé que, durant ces nuits de pleine lune, il dormirait le jour et traquerait le monstre la nuit. Il se réveillait donc sur le fauteuil passager de la carcasse d’une autovapotech envahie par la végétation. Comment s’était-elle retrouvée ici ? Herbo’ n’en avait aucune idée mais, en voyant les impacts de balles sur la carrosserie, il se disait qu’elle avait peut-être servie pour un cambriolage qui avait mal tourné et avait été abandonnée là. Mais peu importait en vérité. Devenu humain, il ouvrit le vide-poche et se saisit du couteau et de la potion de soin qu’il avait laissé là. Maintenant, il devait retrouver la trace de l’Oni-Horla.

                Sous forme humaine, ses sens étaient moins aiguisés que sous sa forma naturelle. Mais Herbo’ conservait toutefois ses réflexes et, à la différence d’un banal être humain, il savait comment procéder pour user au mieux de ses faibles sens. Et puis, il était prêt à être aussi patient qu’il le faudrait. Il finit donc par trouver mais… cela ne prit pas la forme à laquelle il s’attendait. Il pensait trouver des empreintes de pas, des traces de griffes sur des troncs d’arbres, des cadavres d’animaux. En fait, c’est un pic d’Egrégore qui le prit par surprise. En effet, le marais duquel il approchait était recouvert d’une brume qui s’était avérée être corrompue par la magie de Millevaux. Herbo’ commença par vaciller mais dut se reprendre quand, émergeant de la brume, il vit une créature poulpoïde d’au moins 3 mètres de long et recouverte de longues épines se diriger vers lui. Que pouvait-il faire avec son seul petit couteau ? Heureusement, la créature était lente et Herbo’ préféra s’enfuir et contourner le marais. Il se mit à l’abri et observa. Sous la brume, la surface de l’eau était immobile et entièrement argentée. Pourtant, Herbo’ aurait juré qu’elle semblait légèrement osciller, comme si elle était en train de se relever, de se mettre à la verticale. En cela, elle était aidé par la créature, cette pieuvre volante, qui l’a tiré à l’aide de ses tentacules. Mais tout cela était si lent…

                Herbo’ se demandait ce qu’il pouvait faire. Aujourd’hui, il avait prévu retrouvé l’Oni-Horla mais certainement pas se livrer à un combat. Il n’était pas prêt. Alors, il sentit une lourde main se poser sur son épaule et le tirer en arrière. Cette homme était une montagne ! Il portait une armure solide et finement ouvragée. Certains détails ciselés représentaient des cranes, pas tous humains… Ses épaulettes étaient hérissées de pointes. Il portait un lourd marteau de guerre représentant une gueule de dragon dont jaillissaient des flammes. Son regard était dur mais, pour autant, Herbo’ ne se sentait pas en danger. L’homme se présenta comme étant un des gardiens de cette forêt. Il l’invita à quitter ls lieux au plus vite car il avait un combat à mener. Quand Herbo’ lui demanda ce qui était en train de se passer, le Gardien lui expliqua que cette chose avait été appelée par la Sorcière de l’Ecorce afin d’ouvrir un Portail permettant à des créatures d’un autre monde d’envahir le nôtre. Mais il se voulait rassurant et promit à Herbo’ que cette porte resterait close et que ce monstre reposerait bientôt au fond des marais.

                Herbo’ ne demanda pas son reste et, bien que curieux, obéit au Gardien. En quittant les lieux, il réfléchissait. Quelqu’un, cette Sorcière de l’Ecorce, semblait capable d’invoquer des monstres. Avait-elle invoqué l’Oni-Horla ? Cette brume chargée d’Egrégore était la preuve évidente de l’influence de la Mauvaise Mère. Et si cette Sorcière se servait de ce marais et de cette brume pour ouvrir cette fameuse porte, Herbo’ pouvait voir là qu’il s’agissait d’une adoratrice de Shub-Niggurath. Et, peut-être, ce portail était-il censé s’ouvrir sur Millevaux ? Aussi, il ne s’agissait plus seulement de trouver l’Oni-Horla mais aussi cette Sorcière de l’Ecorce. Et autant il s’était attendu à devoir user de magie face au Horla, autant, il devrait également prévoir d’autres rituels face à cette sorcière. Cela ne lui plaisait pas car il savait que la magie avait un prix et qu’il pouvait être très élevé mais… pouvait-il faire autrement ? A moins, peut-être, de pouvoir compter sur ce Gardien ?

                Quoi qu’il en soit, s’il cherchait toujours des traces « physiques » du passage de l’Oni-Horla, Herbodoudiab’ faisait encore plus attention aux traces « mystiques ». Il examinait les troncs d’arbres car certains pouvaient abriter un passage vers les Forêts Limbiques. Il traquait la moindre effluve d’Egrégore et finit par trouver une piste. Mais le soleil allait se lever. Alors, il s’approcha d’une petite cabane pour y dormir toute la journée. Elle était on ne peut plus vétuste et menaçait de s’écrouler. Herbo’ constata sans difficulté qu’on avait récemment tenté d’y mettre le feu. Et, pour ainsi dire, on pouvait estimer que cela avait été une réussite. Mais, sous sa forme féline et roulait en boule dans un coin, il pensait être là en sécurité pour la journée. Avant de se transformer, il mit de côté ses affaires d’humain auxquelles il ajouta un casque muni d’une lampe frontale alimentée par une chaudière Stockwell ainsi qu’une chaine d’environ un mètre de long.


                En se réveillant, Herbo’ se dit qu’il devrait mieux se préparer à sa rencontre avec l’Oni-Horla. Certes, il comptait user de magie et en acceptait le coût mais cela risquer de ne pas être suffisant, surtout s’il fallait en plus comptait avec cette Sorcière. Alors, tout en se disant qu’il allait continuer à suivre cette piste d’Egrégore, il se mit également en tête de récolter sur le trajet divers éléments susceptibles de lui servir de composantes de rituel.

                Etonnamment, cette piste était plutôt facile à suivre. Et l’air ambiant était tellement dense en Egrégore qu’il en avait même altérer l’environnement. Ainsi, Herbo’ put collecter le Cœur d’une Harpie. Celle-ci gisait là, agonisante. Avant de lui prélever son organe encore palpitant, il lui demanda, dans la Langue Putride, qui lui avait infligé cette blessure fatale. Mais la créature restait fidèle à elle-même et, dans un dernier sursaut, elle tenta d’agripper Herbo’ avec celle de ses serres dont elle pouvait encore se servir. Mais, vu son état, ce coup ne fut pas très difficile à éviter. Quoi qu’il en soit, ce Cœur lui permettrait d’accroitre la portée de n’importe quel rituel. Cela ne le libérerait pas du contrecoup mais cela l’aiderait à l’emporter.

                Il suivait toujours cette piste et se demandait si, en guise de rituel, il ne pouvait pas tenter quelque chose qui le mènerait directement à ses ennemis. Le Cœur de la Harpie lui permettrait d’apparaitre aussi loin que nécessaire et l’Egrégore ambiant pourrait servir, en quelque sorte, de fil d’Ariane à remonter en accéléré. Soudain, des aboiements se firent entendre !

                Herbo’ se retourna dans la direction des aboiements. Des chiens ! Où ça ? Mais, il ne s’agissait pas de chiens. C’était pire. Il reconnut la silhouette de plusieurs Hukfödds sautant des arbres et se dirigeant vers lui de leur démarche étrange. Ces choses n’étaient pas des chiens, pas encore. Mais elles n’étaient pas, ou plus, humaines. Ils avaient d’aboyer et avançaient maintenant plus lentement. Sans se cacher d’Herbo, ils se mettaient à l’encercler. Ils étaient quatre. Ils s’assirent sur leur séant et entonnèrent une sorte de ululement plaintif. Herbo’ reconnut là les accents mal maitrisés de la Langue Putride. Mais, ces plaintes furent bientôt accompagnées de remous dans les bois. D’autres animaux approchaient. Ils avaient quelque chose dans le regard… Herbo comprit qu’ils étaient contrôlés par les Hukfödds et il se doutait que les Hukfödds eux-mêmes devaient être contrôler par la Sorcière ou l’Oni-Horla. Il sortit alors le Cœur de la Harpie de son sac, se concentra sur la piste d’Egregore, mordit dans le cœur et cracha du sang sur la piste qui se mit à rougeoyer. L’espace autour de lui s’étira et il eut lui aussi cette sensation peu agréable. Tout devint flou et quand il récupéra, assez vite, une vision normale des choses, ce fut pour se rendre compte qu’il était à l’entrée d’une vieille scierie abandonnée. Il ne put se tenir longtemps debout. Le contrecoup de la magie le fit tomber à genoux et vomir son maigre repas de la veille. Ayant croquer dans le cœur de la Harpie, c’était le sien qu’il avait maintenant au bord des lèvres. Il se releva en tremblant et entendit un fort reniflement en provenance de l’intérieur. Une silhouette se profilait. Les cheveux striés, des membranes blanches sur des yeux aveugles, Herbo’ reconnut un Vittra. Et celui-ci portait à ses lèvres une flute en roseau dont il tirait des sons des plus désagréables.

                Herbo’ peinait à conserver son équilibre. Il n’avait plus vraiment toute sa tête. Il devait agir vite sous peine d’être rendu fou par cette musique maudite. Alors, en feulant, il se jeta sur le Vittra, toutes griffes dehors, comme il l’aurait fait sous sa forme féline. Mais la danse du Vittra lui fait éviter le coup. Sous forme humaine, Herbo’ se réceptionna mal et se blessa. Mais il n’aurait pu dire si c’était la douleur ou la musique qui le mettait dans un tel était de rage, qui lui faisait perdre son entendement. Alors, il s’empara de son couteau et bondit de nouveau ! Le Vittra, dans sa danse, lui tournait alors le dos et Herbo’ lui enfonça sa lame au niveau des reins. Il la fit tourner plusieurs fois avant de la retirer. Le Vittra s’écroula.

                Herbo’ fixait l’entrée de la scierie. Il s’attendait à ce qu’un autre adversaire apparaisse. Était-il prêt à l’accueillir ? Non ! Mais il lui faudrait pourtant faire face à cet homme au teint très pâle. A ses yeux noirs comme du charbon, il reconnut un Mista, disciple de la secte de Dimglänta. Herbo’ se jeta sur lui en hurlant. Le Mista ne fit rien pour se défendre et la lame s’enfonça profondément dans son abdomen. Herbo’ fut surpris de cette passivité. Le Mista souriait. Herbo’ plongea son regard dans le sien et comprit. Le Mista n’était pas là pour le tuer mais pour mourir car… sa mort était la composante même d’un rituel qu’Herbo’ venait de déclencher… contre lui-même !

                La Mort était la clé ! Et Herbo’ venait de s’en servir pour ouvrir la porte à une armée de squelettes qui sortaient déjà de terre. Mais ils ne l’attaquèrent pas. Au contraire, ils se rassemblèrent autour de celui qu’Herbo’ cherchait tout en n’étant absolument pas prêt à l’affronter : Kempo, le Colosse ! L’Oni-Horla levait déjà son katana. Et lui, il avait quoi ? Juste un couteau et une chaine !


                Les squelettes s’étaient déplacés afin de former une sorte d’arène. Herbo’ ne pouvait échapper à ce duel. Mais après tout, il était venu là pour ça. Alors, sans attendre, il brandit son couteau courut vers le colosse. Mais celui-ci s’avéra plus rapide que prévu et effectua une esquive des plus gracieuse. Herbo’ faillit perdre l’équilibre et tentait maintenant de se mettre en position de défense. Mais la lame de Kempo fendit l’air et Herbo’ ne put retenir un feulement de douleur.

                Le colosse était donc plus agile qu’il ne le pensait. Sa prochaine attaque serait donc plus… tactique. Il avançait plus doucement, s’apprêtant à feinter. Mais Kempo était rompu au combat. Il connaissait manifestement bien plus de techniques qu’Herbo’ qui décida alors de se mettre clairement en danger afin de pouvoir porter un coup qu’il espérait fatal. Le coup porta et, à la surprise d’Herbo’, ce ne fut pas du sang mais de l’Egrégore qui jaillit de la blessure. Kempo poussa un cri de rage et, d’un lourd coup de pied, propulsa Herbo au loin !

                Se relevant aussitôt, il repart à l’attaque ! Mais la position de Kempo est parfaite. Alors, Herbo’ se met lui aussi en position de défense et s’apprête à faire face au colosse. Quand la lame du katana l’atteint, Herbo’ sent la brulure de l’Egrégore. Son sang coule au sol et il le voit devenir sombre, corrompu par la magie de Shub-Niggurath qui a « bénie » cette lame. Alors, il se campe sur ses jambes et se prépare à faire face. Il atteint le colosse de pieds fermes, prêt à encaisser mais aussi à rendre coup pour coup ! Et il ne peut retenir un cri de joie quand la petite lame de son couteau traverse l’armure du colosse qui lui assène un violent coup de coude au milieu du dos.

                Sous le choc, Herbo’ lâche sa prise. Il recule mais le couteau est resté planté dans le flanc du colosse. Alors, il se saisit de sa chaine et réfléchit déjà à la façon dont il va pouvoir récupérer son arme. Kempo pousse un long hurlement. Il dégage une aura putride et les squelettes autour d’eux s’agitent. Herbo’ y va en force. Au contact, il parvient à récupérer son couteau tout en enroula sa chaine autour du katana de Kempo. Il tourne sa lame en l’extrayant mais le colosse s’en moque. Il lève son katana haut et tourne la lame vers le bas, vers Herbo’. Il l’abat d’un coup tellement violent qu’Herbo’ est transpercé de part en part.

                Il pensait être mort, mais si cela avait été le cas il n’aurait pu entendre les rugissement de Kempo. Herbo’ sent ses forces l’abandonner. Il n’est pas loin de retourner auprès de Père-Chat. Mais, se rappelant de son passé de cultiste, il use alors de magie afin de lire les intentions de l’Oni-Horla. Il faudrait pouvoir lui asséner un coup puissant mais Herbo’ a perdu beaucoup trop de sang. Alors, il se saisit de sa chaine et espère pouvoir gagner un peu de temps. Et il y parvient. Il fouette l’air de sa chaine et elle s’enroule autour du katana de Kempo. Quand il récupère sa chaine, il fait quelques bonds en arrière pour se mettre en position de défense. Il sourit car il sent que le colosse s’attendait tout de même à moins de résistance. Herbo’ se félicite d’avoir au moins réussi à ébranler quelque peut la confiance en soi de ce monstre. Et, une fois de plus, il parvient à esquiver le katana maudit grâce à sa chaine.

                Et Herbo’ se met à courir ! Kempo semble maintenant plus prudent. Pour autant, Hebo’, au dernier moment, ne porte pas son coup. Il roule sur le côté et se replace de façon à pouvoir porter une attaque sur la gauche de Kempo. Le katana de ce dernier fend l’air mais, comptant sur ses réflexes de félin, bien que sous forme humaine, Herbo’ bondit et plante sa lame dans le flanc du colosse. Reprenant confiance en lui, il pivote, se baisse et presque accroupi, passe derrière son ennemi pour le frapper au niveau des reins. Et le monstre se met à hurler !

                Herbo’ toujours derrière le monstre, se relève et tente de lui asséner un nouveau coup dans le dos. Il plante sa lame, la retire et fait un pas en arrière pour se mettre en position de défense. Mais, Kempo se retourne et, au lieu de brandir sa lame, il ouvre grand sa gueule, révélant des dizaines de dents affûtées comme des rasoirs. Il fait un pas en direction d’Herbo’. La terre tremble. Et il referme sa gueule sur Herbo’ !

                Et c’est ainsi qu’Herbodoudiab’ perdit l’une de ses neuf vies…


                A son réveil, Kempo et ses squelettes avaient disparu. Et il ne retrouva pas la piste d’Egrégore qui l’avait mené jusqu’à cette scierie. En vérité, et même si rien ne lui permettait de l’affirmer, il était convaincu que le colosse était en lien avec la Sorcière de l’Ecorce et que tous deux avaient quitté les lieux. Avaient-ils fait ce qu’ils avaient à faire ? Avaient-ils préféré trouver un autre endroit où se livrer à leurs forfaits ? Herbodoudiab’ n’avait plus entendu parler ni de l’un ni de l’autre jusqu’à aujourd’hui. La Sorcière de l’Ecorce semblait terroriser ces villageois. Et ces morts-vivants étaient-ils l’escorte de Kempo ? Ces deux créatures de Shub-Niggurath s’étaient-elles mises au services des cultistes de la Coalition de l’Est ? Si tel était le cas, il y avait tout lieu de s’inquiétait. Et si ce n’était pas le cas, il y avait également tout lieu de s’inquiéter.

                Sous sa forme féline, Herbodoudiab’ errait dans les rues. A l’écoute de quelques rumeurs que ce soit. et ce qu’il entendit l’inquiéta. Des villageois avait vu un étrange cavalier dans les bois, un géant. Il portait une armure étrange, orientale. Pouvait-il s’agir de Kempo ? Il avait l’air d’un démon, disaient-ils. D’autres pensaient à un fantôme. Le bourgmestre avait fait appel à des mercenaires mais cela faisait visiblement plusieurs qu’ils s’étaient enfoncés dans les bois et personne ne les avait revu. Herbo’ comprit que la récompense était pourtant élevé, ce qui aurait dû motiver un grand nombre de chasseurs de primes, mais une autre rumeur disait qu’un dragon (!) avait élu domicile dans les montagnes. Ceci avait donc découragé bon nombre de candidats à la prime.

                Herbo’ réfléchissait à ce qu’il venait d’entendre. Les villageois connaissaient l’existence de la Sorcière de l’Ecorce. Le « démon » ou le « fantôme » qu’ils avaient vu pouvait évidemment être Kempo. Et les morts-vivants qu’il avait combattu pouvait aussi être ceux de sa garde personnelle. Herbo’ croyait peu à la présence, ni même à l’existence, d’un dragon dans les montagnes. Toutefois, la Sorcière de l’Ecorce était tout à fait capable de créer une telle illusion pour éloigner les importuns de son repaire. De là à penser qu’elle et Kempo s’étaient installés dans les montagnes justement…

                Herbodoudiab’ en était là de ses réflexions quand quelque chose, une intuition, lui fit frémir les moustaches. Ses pas l’avaient conduit à la lisère des bois, là où peut-être espérait-il pouvoir mettre la patte sur quelques savoureux mulots. Mais, c’est face à un chien qu’il se retrouvait. Et pas n’importe quel genre de chien. Celui-ci était dans un état de putréfaction on ne pouvait plus avancé, ce qui ne l’empêchait pas de grogner et de montrer ses dents suintantes du pus qui dégoulinait de ses gencives pourries. Surpris, Herbo’ resta tétanisé par cette apparition. Et le chien en profita, largement ! Il se saisit d’Herbo’ et le jetta au loin. Herbo’ se rappella alors comment Kempo avait mis fin au duel et se demanda s’il ne valait pas mieux s’enfuir. Tuer cette chose lui semblait peu probable. Mais il eut une idée. Alors, il se mit à courir dans les bois, mais pas trop vite. En fait, il voulait que le chien le suive. Il espérait pouvoir inverser les rôles pensant que le chien finirait par abandonner sa traque pour finalement retrouver son maître. Ainsi, il entendait savoir où Kempo et la Sorcière de l’Ecorce se cachaient. Mais pour l’heure, et malgré sa blessure, il lui fallait échapper à ce monstre.

                Heureusement, même blessé, il restait plus agile et rapide qu’un chien, qui plus est dans cet état. Aussi, il parvint à conserver un certain écart entre eux deux. Il fit durer un peu la course, s’enfonçant dans les bois et, par conséquent, s’éloignant du village. Puis, au moment qu’il jugea opportun, il tenta de se cacher en grimpant dans un arbre. Le chien, idiot comme tous les chiens, se mit à tourner en rond autour du tronc sans jamais penser à lever la tête. Herbo’ attendait et le chien finit par se lasser et s’en aller. Herbo’ le suivit du regard puis, estimant la distance suffisante, descendit de l’arbre et suivit le monstre.

                Dans un premier temps, le chien se dirigeait vers les montagnes mais il changea soudain de direction. Il marcha pendant quelques temps et s’arrêta devant une sorte de cabane perchée dans les arbres. On ne pouvait y accéder que par une échelle de corde. Aussi, le chien se mit à japper. De là où il était, Herbo’ voyait que la porte avait été retirée et remplacée par quelque chose de translucide. S’agissait-il d’une porte « magique » ? Puis, quelqu’un arriva. Herbo’ ne doutait pas qu’il s’agissait du repaire de la Sorcière de l’Ecorce et il semblait que celle-ci attendait un Invité. Herbo’ connaissait ce genre de créature qui trainaient dans le sillage de la Sorcière. Avec eux, aucune chance de les vaincre dans un combat traditionnelle. Par essence, avec eux et sans même qu’ils en aient conscience, que ce soit un acte volontaire, toute tentative de s’opposer à eux le ferait basculer dans le monde du Rêve. Herbo’ n’avait pas le temps, ni l’envie, de se battre contre cette chose. Il voulait juste savoir ce qu’elle faisait là. Alors, il sauta sur une branche et s‘approcha de la cabane. Mais, alors qu’il pensait être discret, l’Invité se tourna vers lui. Mais, heureuse surprise, il ne tenta rien. Il entra dans la cabane et y posa son sac. Sur la défensive, Herbo’ le suivit. La cabane était vide et l’Invité commençait à ranger ce qu’il avait apporté. Il reconnu divers composantes d’invocation et autres rituels. Il y avait là, entre autres, une énorme poche à encre certainement récupéré sur un kraken ou une créature comme il en avait vu lorsqu’il traquait Kempo pour la première fois. Il y avait aussi un cube remplit de ténèbres. Herbo’ sentait que ces ténèbres étaient magiques, maléfiques, chargées d’Egrégore. Involontairement, il se mit à feuler, ce qui surpris l’invité qui laissa tomber le cube… qui se brisa au sol. Tout devint sombre…


                Et Herbodoudiab’ se retrouva alors en plein cauchemar. Autour de lui, tout n’était plus que ténèbres et il reconnut l’Invité à sa forme de boule de feu noir. Il eut la sensation de baigner dans une sorte d’huile sombre. Il se mouvait péniblement, au ralenti. Tout autour de lui, dans cet espace saturé d’Egrégore, il sentait l’influence des Anciens. Pas seulement la Mauvaise Mère, l’air portait l’empreinte du Grand Rêveur, mais aussi de Nyarlathotep. Herbo’ n’était pas un Tigre Rêveur mais il allait faire de son mieux pour purifier ce rêve de ces influences malsaines.

                Mais l’influence de Chtulhu n’était pas facile à combattre. En effet, alors qu’Herbo’ se concentrait pour la forcer à se rétracter d’un côté, ce n’était que pour prendre plus d’ampleur d’un autre sous la forme d’un Ghast qu’Herbo’ parvint tout de même à éviter et à semer. Mais déjà, au loin, il entendait les flutes de Nyarlathotep.

                Herbo’ perdit pied. Il voulait combattre le Messager des Dieux mais, sous l’influence de ses flutes, son attaque se retourna contre lui. Toutefois, il retrouva ses esprits mais, il le savait, ce n’était pas de son fait. Quelqu’un lui état venu en aide. Qui ? L’Invité ? Peu probable… Un Daimon ? Smythe était-il là, dans le rêve ? Ou s’agissait-il de Beauténèbres ?

                Herbo’ regardait partout autour de lui, à la recherche d’un feu follet dont la couleur lu indiquerait la présence de cet allié imprévu. Mais le chant de Nyarlathotep brouillait ses sens et sa raison. Alors, il choisit de se laisser emporter par cette danse pour mieux la contourner. Mais il fut emporter dans ce tourbillon et crut se noyer dans cette mer d’Egrégore. Il fallait être naïf pour croire qu’il eut été possible de contrôler la folie de Nyarlathotep !

                Herbo’ était balloté en tous les sens. Il ne savait plus comment reprendre le contrôle de ce cauchemar. Mais il sentit de nouveau cette présence amicale, chaude. Il voulait lui parler mais ni ses mots ni ses pensées ne parvenaient à passer le rempart du maëlstrom qu’était devenue la mélopée de Nyarlathotep.

                Herbo’ distingua au loin une silhouette qui lui était familière. Cela ressemblait à un gros rat à tête humaine. Alors, il lui courut après et le força à s’enfuir. Mais, en fuyant, le rat riait. Herbo’ lui courait toujours après. Puis, soudain, le rat disparut et Herbo’ se retrouva face à une gigantesque muraille recouverte d’algues. Il y avait là une immense porte. Il franchit ce seuil et se retrouva face à Chtulhu, endormi sur son trône…

                Au plus profond de l’âme d’Herbo’ quelque chose se fissura.


                Herbodoudiab’ avait succombé au charme des flutes de Nyarlathotep. Il était maintenant perdu dans ce cauchemar dans lequel l’avait précipité l’Invité de la Sorcière de l’Ecorce. Et, entouré de toute une procession de feux-follets et de spirales flamboyantes allant du rouge au noir, il dansait et chantait. Heureusement pour lui, Louis-Marie de Beauténèbres l’entendit et se mit en devoir de la ramener à la raison… et à la maison ! Toutefois, il fallait être prudent. Même pour une Horreur, un Poltergeist, s’approcher trop près d’un tel cauchemar pouvait se révéler fatal. Alors, après une méditation durant laquelle il se concentra sur son Ancre afin de s’en servir comme fil d’Arianne, il plongea dans cet autre monde à la recherche du chat perdu.

                Le Monde du Rêve des Chats était différent de celui des hommes. Ici régnaient le ténèbres mais elles n’avaient en soi rien d’effrayant pour un Tigre Rêveur. Ce qui était effrayant, c’était les tourbillons et les feux-follets, les boules luminescentes dont la vitesse de rotation et la couleur révélaient la nature profonde du rêveur dont elles révélaient la présence. Et là, c’était toute une horrible sarabande qui entourait Herbodoudiab’ qui chantait et dansait, ignorant le caractère malsain et maléfique des musiciens et danseurs qui l’entrainaient… mais où ?

                Beauténèbres avait quant à lui penser à apprendre un chant en Langue des Oiseaux, espérant ainsi capter l’attention d’Herbo’ et le détourner de la procession de Nyarlathotep. Aussi, il se mit à chanter et commençait à faire le trajet inverse, espérant que le chat le suivrait. Toutefois, il n’osait se retourner, de peur que le spectacle de cette sarabande infernale ne se révèle insoutenable. Mais, ce qui se passait à ses pieds ne l’était guère plus. Des ténèbres émergeaient des ossements humains, des squelettes vêtus les uns de haillons, les autres des restes d’armures de guerriers japonais. Les squelettes l’entouraient et marchaient à ses côtés, silencieux. Beauténèbres gardait la tête basse mais ne put s’empêcher de demander à l’un des squelettes si Herbo’ les suivaient. Et une voix, pas celle du squelette, se fit entendre. Elle grondait derrière Beauténèbres. Elle lui promettait que le chat le suivait à condition qu’il accepte de lui laisser son Cœur en Cage. Beauténèbres savait ce que cela signifiait. Le Cœur en Cage était sa première Ancre, celle après laquelle Smyth avait Herbo’ courir. Que devait-il faire ? Renoncer à l’Artefact et laisser les culistes de l’Est réaliser leurs plans ou abandonner Herbo’ à sa folie et regagner seul le monde de l’Eveil. Il réfléchissait en marchant. Il avait l’impression d’ainsi gagner un peu de temps mais que signifiait le temps ici ? Alors, il se dit que sa promesse n’engagerait finalement que lui. Oui, il renonçait à son Cœur mais cela ne signifiait pas qu’Herbo’ et Smyth renonçaient, eux ! Il y avait donc toujours une chance de les arrêter.

                Cette voix s’était exprimée dans la Langue Putride. Aussi, Beauténèbres reprit son chant dans la Langue des Oiseaux. Il gardait les yeux fermés et souriait. Mais son sourire s’effaça quand une image s’imposa malgré tout. Il vit une vaste étendue sableuse et rocailleuse. Il faisait nuit. Haut dans le ciel, la Terre. Puis le soleil apparut. Mais ce n’était pas un soleil lumineux. C’était un soleil sombre, noir, annonciateur des jours mauvais, maudits. Un algorithme ! Une formule ! Une formule douée d’une conscience et en quête de rédemption. Mais cela allait coutait cher… à qui ? Beauténèbres réfléchissait tout en chantant. Une formule douée de conscience et en quête de rédemption. Un soleil noir annonciateur de jour mauvais. Et si… Et si c’était là le plan des cultistes de la Coalition de l’Est : utiliser une formule afin de faire se lever un Soleil Noir ? Et si la poche d’encre de kraken apportée par l’Invité à la Sorcière de l’Ecorce devait servir à cela ? Mais, une formule, un rituel peut-il être doué de conscience ? Beauténèbres considérait que non. Par contre, il pouvait en aller autrement pour l’énergie mobilisée par ce rituel. Il apparaissait alors tout à fait possible que cette énergie, qu’il s’agisse de Vrill, de Mana, de Pétrol’Magie ou quoi que ce soit d’autres refusent de se laisser corrompre par l’Emprise de ces mages. Pour autant, comment cette énergie pourrait-elle résister ? Beauténèbres se disait que l’énergie ne pouvait résister à un mage assez puissant pour la contraindre. Toutefois, et c’était peut-être bien ce qui venait de se passer, la magie pouvait demander de l’aide.

                Beauténèbres peinait à garder les idées claires tout en poursuivant son champ. De plus, la tentation était si grande de se retourner. Et il succomba à la tentation. Ce fut bref mais suffisant pour s’assurer qu’Herbo’ était bien là. Le chat continuait à chanter et à danser mais il était seul maintenant. La procession l’avait abandonné mais le chat ne semblait pas s’en être rendu compte. Beauténèbres se demandait si le chat allait vraiment pouvoir retrouver la raison. Mais il fallait encore avancer et ne pas perdre espoir.

                Et un squelette s’approcha. Son crane était gravé de marques étranges. La voix qui sortait par sa bouche n’était pas sienne mais celle qu’il avait déjà entendu. Elle parlait de progrès, d’abandon, de marques de pureté et d’un réceptacle. La grammaire de la Langue Putride était bien particulière, comme celle de la Langue des Oiseaux d’ailleurs. Et Beauténèbres eut du mal à tenter de mettre de l’ordre dans ses idées tout en poursuivant son chant. Il essayait de penser du point de vue de cette voix. Pour elle, le rituel que les cultistes préparaient devait être une étape, quelque choses qu’ils considéraient comme un progrès justement. mais ils devaient avoir conscience de son caractère maléfique s’ils envisageaient d’abandonner, d’effacer toute marque de pureté. Quelle réalité pouvait receler cet « abandon » ? Beauténèbres ne pouvait voir dans ce soleil noir que le moyen de répandre l’influence de Shub-Niggurath, une tentative de corrompre notre monde, d’imposer la forêt de Millevaux, le domaine et avatar de la Chèvre Noire. Et son Cœur pouvait servir à répandre cette pestilence ? A cette idée, le Poltergeist se sentait un peu coupable.

                Beauténèbres, une fois de plus, se retourna. Herbo’ était toujours là et semblait avoir retrouvé la raison. Il était peut-être temps de se réveiller alors ?


                Dans le monde de l’Eveil, Herbo’ était toujours dans la forêt, en Italautriche. Beauténèbres, quant à lui, était à Londres et fit son rapport aux autres Daimons. Ainsi, de son périple dans le Cauchemar, il ressortait que, selon lui, les cultistes de la Coalition de l’Est envisageaient de se livrer à un rituel impliquant le Soleil Noir afin de permettre à la forêt de Millevaux de s’étendre à notre monde. Et pour ce faire, ils avaient notamment besoin d’une poche d’encre de Kraken et de la Cage Dorée contenant le Cœur de Beauténèbres. Se référant à la fonction première de la Cage Dorée, Beauténèbres pensait que ce rituel devait supposer quelques dangers devant être contenu. Mais, il était également possible que ce soit le Cœur de l’Alchimiste qui soit utile ici. Il apparaissait également que ce rituel serait certainement très couteux en énergie magique, qu’il s’agisse de Vrill, de Mana ou même de Pétrol’Magie. Ce sera également un rituel des plus corrupteurs au point que la Magie elle-même n’accepte pas d’être utilisée de cette façon. Mais aura-t-elle le choix ? En tout cas, elle a demandé son aide à Beauténèbres.

                Smyth décide donc de mobiliser les Daimons afin de faire des recherches concernant ce rituel du Soleil Noir et de trouver un moyen de le contrer. La promesse faite par Beauténèbres de renoncer à la Cage Dorée, même si ce dernier avait joué sur les mots, était un peu embarrassante et les conséquence d’un parjure pouvait être plus grave qu’on ne l’imaginait. Toutefois, même si les Daimons œuvraient à Londres, les milieux ésotériques étaient infiltrés par les forces de la Coalition de l’Est. Il allait falloir être prudent.

                Ainsi, Smyth commença par faire circuler une rumeur concernant une conjonction astrale favorable à Yog-Sothoth. C’était faux, évidemment, mais peut-être que cela attiseraient tout de même la curiosité de quelques cultistes dont il pourrait obtenir d’autres informations. Et effectivement, certains se montrèrent intéressés parmi les membres de la Golden Dawn. Smyth partagea avec certaines informations, mélangeant le vrai et le faux afin de leur laisser à penser qu’un rituel de contact serait bientôt possible.

                Quelques jours plus tard, Smyth fut contacter. « On » voulait un peu plus de précision sur cette conjonction et les rituels auxquels il était possible de se livrer. Smyth allait devoir jouer serrer car il devait mentir à des gens qui étaient tout autant sinon plus instruits que lui des choses de l’occulte. Et il s’avéra qu’il était involontairement tombé juste puisqu’il semblait bien qu’effectivement certaines condition soient bientôt favorables à un contact avec la divinité.

                Comme la Golden Dawn voulait savoir d’où il tirait ses informations, Smyth évoqua le Journal d’un artiste solitaire décédé il y a peu dans des circonstances inconnues. Il raconta, et cela était la pure vérité, qu’un jour de fortes pluies l’avait motivé à héler un taxi au lieu de marcher. Là, son pied avait frappé quelque chose sur le sol : un petit livre avec une couverture sombre. Il était clair que c’était journal. Mais il était rempli d’un large éventail de styles d’écriture. Juste à l’intérieur de la couverture, griffonné sur le papier d’extrémité, il était écrit: «C’est le vôtre jusqu’à ce que vous soyez perdu et qu’il revienne à un autre." Smith expliqua avoir alors jeté le livre sur le siège du conducteur. Mais, après avoir quitté le taxi, Il avait senti quelque chose dans une poche de sa veste : le Journal !

                Smyth était loin d’avoir percé tous les mystère de ce journal et il espérait que ce leurre ne tomberait pas entre les mains de la Golden Dawn. Toutefois, il ne pouvait se permettre de présenter un faux à ceux qu’il entendait berner ; ils s’en seraient immédiatement rendus compte. Et, heureusement pour lui, les cultistes ne demandèrent qu’à consulter l’ouvrage. Ils le parcoururent assez superficiellement et en déduire le « sérieux » de Smyth auquel ils demandèrent sa collaboration. Smyth avait maintenant un pied dans la porte et allait devoir être prudent afin d’en apprendre plus sur le rituel du Soleil Noir.

                Dans les locaux de la Golden Dawn, il eut l’occasion de faire main basse sur une autre potion qu’il comptait remettre à Beauténèbres pour analyse. Cela l’aiderait-il à percer les secrets de cette « Potion-Grimoire » qu’il avait malheureusement perdue ?

                Une nuit, il fut enfin question d’un rituel. On demanda à Smyth se rendre dans les locaux de la Golden Dawn, avec le journal de l’artiste. Là, les cultistes semblaient savoir ce qu’ils cherchaient dans ces pages. L’espace d’un instant, Smyth espéra que ce rituel de contact de Yog-Sothoth pourrait être lié au Soleil Noir mais… les cultistes lui rendirent le journal tout en gardant le secret sur leurs intentions. Smyth osa tout de même poser quelques questions. Tout cela concernait bien Yog-Sothoth mais il n’en apprit pas plus.

                Smyth profita de ce que les portes de la Golden Dawn lui étaient de nouveau ouverte pour procéder aussi discrètement que possible à quelques recherches bibliographiques au sujet des « contre-rituels ». Il se savait surveillé mais parvint toutefois à prendre quelques notes concernant le rituel du Soleil Noir et, surtout, comment le contrer ! Sans demander son reste, il quitta les lieux et fit en sorte de disparaitre de la circulation pendant quelques temps.

                Yog-Sothoth est la Porte et la Clé. Aussi, il était toujours bon de s’attirer ses faveurs quand on souhaite ouvrir un Portail. S’il appartenait visiblement à la Sorcière de l’Ecorce de conduire le Rituel du Soleil Noir, il semblait que les membres de la Golden Dawn s’étaient fait un devoir de la « soutenir » en attirant sur elle les bonnes grâces de Yog-Sothoth. Et Smyth pensait avoir trouvé là un levier pour les contrer tous. En effet, si Herbodoudiab’ ne parvenait pas à récupérer le Cœur de Beauténèbres, il pouvait peut-être faire en sorte que non seulement elle ne bénéficie pas du soutien de la divinité mais que celle-ci s’oppose même à son entreprise. En quelque sorte, Smyth avait entre les mains de quoi « froisser » Yog-Sothoth et lui faire croire que la Sorcière en était responsable.

                Sa couverture au sein de la Golden Dawn était des plus fragile. Smyth n’y avait ses entrées que ponctuellement, en fonction de ce qu’on attendait de lui. Néanmoins, il connaissait certains de leurs secrets et, dans le cadre d’un rituel, il pouvait laisser croire qu’il le réalisait au nom de la Golden Dawn. Mais quel genre de rituel pouvait susciter la colère de Yog-Sothoth ? Ses serviteurs le contactaient timidement et l’imploraient de leur accorder quelques dons. Là, il allait placer la barre un peu plus et tenter de « forcer » la Porte et la Clé. Il espérait que la divinité se mettrait en colère et se retournerait contre la Golden Dawn et la Sorcière de l’Ecorce. Mais, pour un tel rituel, il allait avoir besoin d’accéder à une tour d’au moins 10 mètres de haut et, surtout, de procéder à un sacrifice humain. Mais il comptait ajouter à ces « composantes » quelques gemmes soumises aux procédés alchimiques de Beauténèbres afin d’accroitre ses pouvoir et, surtout, remplacer le sacrifice humain par une langue parlant la Langue Putride. Et là, il se souvint de cette jeune femme appartenant à la Procession venue du Sud de Londres. Elle semblait folle et chantait dans la Langue Putride.


                Quand Herbo’ se réveilla, il avait la tête lourde et les flutes de Nyarlathotep résonnaient encore sous son crâne. En vérité, il ne se souvenait pas de grand-chose mais se rappelait de Beauténèbres. C’est lui qui l’avait guidé hors de ce cauchemar. Il se rapellait également que le poltergeist était entouré par les zombies et les squelettes de Kempo. Et le Colosse, est-il là ? Herbo’ ne parvenait pas à s’en souvenir. Pourtant, il lui semblait avoir reconnu la voix de l’Oni-Horla…

                Mais pour l’heure, Herbo’ devait s’inquiéter de savoir où il s’était réveillé. Il n’était plus dans la cabane dans les arbres. Il était là, sous forme humaine, dans un petit vestibule. En plus de la porte donnant sur l’extérieur, il y en avait deux autres. Son instinct lui disait qu’il n’était pas arrivé ici par hasard. Il ouvrit la porte juste en face de lui et entra dans une salle à manger. Face à lui, une baie vitrée donnait sur un jardin. Par terre, il ramassa une gourmandise. La porte de droite s’ouvrait sur une chambre, vide ! Il la fouilla et finit par trouver un étrange masque taillé dans une sorte de cristal vert. Les problèmes apparurent quand il retourna dans la salle à manger. Là, trois zombis lui faisaient face. Il reconnut la garde rapprochée de Kempo. S’était-il réveillé dans le repaire de l’Oni-Horla et de la Sorcière de l’Ecorce ? Le combat fut rude mais Herbo’ parvint à se débarrasser, non sans mal ni blessure, des trois morts-vivants. Il se réfugia dans la salon. Là, il trouva un bidon d’huile et se dit que cela pourrait éventuellement faciliter sa fuite. Une porte s’ouvrait sur un débarras. Il s’empara d’un jerrican de carburant, espérant trouver de quoi l’enflammer au besoin, mais surtout du fusil à pompe qui trainait là. Mais deux zombies l’attendaient dans le salon. Grâce au fusil, ils ne furent pas vraiment un problème. Arrivé ans la cuisine, une horloge sonna. Herbo’ fut alors pris d’une violente nausée qui lui fit vomir de la bile. Malgré ses hauts le cœur, il comptait les coups. Il était 22 heures.

                Herbo’ décida de rester quelques instants là, dans la cuisine, le temps de retrouver ses esprits. Quand il se sentit mieux, il se rendit dans la salle de bain. Il s’était passé quelque chose ici. Il y avait du sang partout. Des symboles ésotériques étaient inscrits sur les murs et semblaient bouger à la lueur de cet énorme chandelier qu’on avait laissé à même le sol. Quelque chose retenait Herbo’ dans cette pièce. Il ne savait dire quoi. Il la fouilla méticuleusement et finit par se rendre compte qu’une ouverture avait été dissimulée avec du plâtre. D’un coup d’épaule, il défonça cette fragile défense et accéda à ce qui semblait bien être un temple dédié à Shub-Niggurath ! Cinq zombies en assuraient la garde ! Herbodoudiab’ se défendit avec rage et finit par l’emporter. Ensuite, il trouva un autre masque en cristal, bleu cet fois, ainsi qu’une espèce de sceptre ou de petit totem fait à partir de bois mort, d’ossements et de fourrure animal. Le tout était maintenu par ce qui semblait être des lianes et des racines plus que de la cordes. Un petit crane était attaché mais Herbo’ n’aurait su dire à quel animal il avait appartenu tant sa forme était étrange. De retour dans la salle de bain, trois morts-vivants l’attendaient cette fois. Herbo’ jetta au sol le contenu du bidon d’huile. Il se mit à courir autour, attirant les zombies qui glissèrent et se vautrèrent au sol. Quatre autres créatures avaient fait leur apparition dans la cuisine. Il les arrosa d’essence et les enflamma à l’aide du chandelier. Il décida alors de se reposer quelques instants. Avant de retourner dans le salon. Où quatre autres zombies l’attendaient déjà. Il les brula vif de la même façon. Il fut de nouveau pris de nausée quand l’horloge sonna de nouveau. Il était 23 heures quand, dans la salle à manger, il faisait face à la baie vitrée. Il le savait, il allait maintenant falloir affronter ce qu’il y avait dehors.

                La terrasse était envahie par les zombies. Herbo’ les acheva avec le chandelier qui se brisa dans la lutte. Il acheva à coups de fusils les deux zombies qui l’attendaient dans l’aire de jeu pour enfants. Le toboggan et la cage à poule, tous deux rongés par la rouille, étaient également envahis par du lierre et des racines. Herbo’ ne pouvait s’empêcher de voir là l’influence de la Mauvaise Mère. Longeant la haie, il arriva à un garage. A l’intérieur, il trouva un troisième masque en cristal, rouge cette fois. A côté du garage, il y avait un kiosque. Là encore, il y avait du sang partout et des inscriptions similaires à celles qu’il avait vu dans la salle de bain. Il se sentit défaillir. Il tomba au sol, soumis à l’Emprise qui imprégnait les lieux. Il parvint, en rampant, à faire demi-tour et retourner au garage. Mais l’accès était maintenant bloqué par six morts-vivants. Il était piégé. Et ce fut sous leurs crocs et leurs griffes qu’Herbo’ perdit une nouvelle vie.


                Herbo’ se réveilla, sous sa forme féline, dans la cabane dans les arbres. Il ne comprenait pas vraiment ce qu’il faisait là mais, heureusement, il tenait dans sa gueule la besace à l’intérieur de laquelle il avait rangé les Trois Masques de Cristal. Il regarda autour de lui. Il était seul. Sans demander son reste, il fila !

                Il lui fallait être honnête, Herbo’ était mort de peur à l’idée de devoir de nouveau affronter Kempo. Après cette nouvelle mort dans ce qu’il pensait être le repaire de la Sorcière de l’Ecorce, il doutait de pouvoir venir à bout de l’Oni-Horla. Par contre, il espérait que leur avoir dérobé ces Masques les mettrait en difficulté quant à la réalisation de leur rituel. Aussi, il voulait mettre, et au plus vite, la plus grande distance entre lui et ces deux monstres.

                Smyth avait pris ses dispositions. Le tank du Commander C. Allen, avec C. Andrews aux manettes, l’attendait. C. Allen ne fut pas surpris de voir un chat lui tendre un billet contenant ses instructions. Il fit monter le félin dans le tank et ils prirent la route. Mais les forces de la Coalition de l’Est n’entendaient pas les laisser quitter le pays facilement. Un Mech de type Boar-beta et une escouade de motards les prenaient déjà en chasse.

                Le tank se positionna de façon à pouvoir toucher à la fois le Mech et les motards. Mais le canon subit malgré tout des dommages. Les motards s’enfuirent mais pour mieux être remplacés par un Mech de Commandement. C. Allen décida de concentrer ses tirs sur le Boar. Le blindage du tank tint bond. Mis que les motards reviennent n’était pas rassurant. Mais le Commander voulait avant tout abattre le Mech. Mais le Boar et les motards quittèrent le champ de bataille, remplacé par une unité de Commande et Mech-Wildcat ! Manifestement, ils voulaient récupérer ces Masques.

                Une fois de plus, C. Allen concentra ses tirs sur le Mech. Pour autant, il n’évita pas le tir du sniper qu’il vit s’enfuir, laissant la place à un nouveau Boar ! C. Andrews positionna alors le tank de façon à pouvoir tirer sur chacun des Mechs. Mais ils semblaient bien organisés. Une fois de plus, le premier Boar rejoignait l’arrière, remplacé par le Wildcat. Le second Boar, quant à lui, était arrivé à touche le tank au niveau du canon. C. Allen décide alors de concentrer ses tirs sur ce second Boar. Mais il avait négligé les motards qui, eux aussi, réussirent à endommager le canon. Le Wildcat, quant à lui, cédait de nouveau la place au premier Boar.

                Le Commander centra son tir de canon sur le second Boar qu’il pulvérisa. Dans la foulée, il ordonna quelques réparations de fortunes. Avec maintenant un Mech en moins, C. Allen pensait pouvoir s’en sortir. Mais les Boar continuait à alterner ses attaques avec celles du Wildcats et les motards se montraient de plus en plus pressant. C. Allen ordonna alors un check-up des blindages du tank et un tir sur le Wildcat. La réponse de l’ennemi fut cinglante ! De nouvelles réparations étaient nécessaires.

                Le Wildcat touchait une nouvelle fois le canon du tank. Ls motards se repliaient, remplacés par un nouveau Mech de classe Stag. Le tank fu alors positionné de façon à pouvoir toucher chacun des Mechs. C. Allen espérait que le Wildcat n’allait pas s’enfuir et attendrait sagement d’être achevé. Et il fut exaucé ! Mais, évidemment, le Boar était juste derrière et atteignit le tank de plein fouet. Mais il était heureusement suffisamment endommagé pour que ce fut son dernier tir. En effet, un tir concentré le fit disparaitre définitivement du champ de bataille.

                C. Andrews lançait le tank à pleine vitesse en avant mais… tomba dans un piège ! Il allait falloir manœuvrer pour se sortir de là. Une fois sorti de là, le tank se mit à foncer droit devant en tirant sur le Stag ! Ce dernier lui rendit ses tirs mais fut heureusement pulvériser parle tank anglais. Il ne restait plus que quelques motards dont C. Allen pensait qu’il allait en venir facilement à bout. Il ordonna alors d’immobiliser le tank et visa soigneusement. Un obus fit voler les 2/3 des motards. Un second se chargea des derniers. C. Allen ordonna qu’on répare le canon et les blindages puis lança le tank vers la frontière franco-italautrichienne. Herbo’ soupira. Il allait regagner Londres. Il grimpa sur les genoux du pilote et se mit à ronronner.


                Herbodoudiab’ était sur le chemin pour rentrer à Londres avec divers artefacts qui auraient dû servir au Rituel du Soleil Noir. Smyth avait décidé que son propre « contre-rituel » serait effectué au sommet de la Tour de Londres par Beauténèbres. En effet, le poltergeist n’aurait aucune difficulté pour se rendre sur les lieux la nuit tombée. Invisible, il passerait à travers les murs sans que personne ne le remarque. Et si Herbo’ était rentré à temps, lui aussi pourrait se rendre sur les lieux facilement. Mais, avant cela, il fallait également un « sacrifice ».

                Depuis l’incendie de leur campement, la Procession et les serviteurs de Shub-Niggurath n’avaient plus fait parler d’eux. Beauténèbres et Smyth étaient convaincus que cette « discrétion » était le résultat de l’action d’autres serviteurs bien implantés à Londres. Smyth pensait bien sûr à la Golden Dawn et envisageait déjà de reprendre contact avec eux. Beauténèbres, quant à lui, chercha dans les rumeurs de l’East-End une trace de cette Procession et de cette folle qui parlait la Langue Putride.

                Invisible et intangible, Beauténèbres « courraient » dans les ruelles de l’East-End et du sud de Londres. Il espionnait les conversations dans les débits de boissons. Et il eut la certitude que des membres de la Procession avaient survécu à l’incendie quand il faillit être emporté par un souffle violent et… putride. Ce vent s’était soudain levé sans raison apparente. Et il en émanait la néfaste influence de Shub-Niggurath. Oui, des serviteurs de la Chèvre Noire avaient bien survécu et, manifestement, ils avaient repéré Beauténèbres. Craignant que ce souffle putride ne risque de le disperser aux quatre vents, justement, il préféra ne pas s’attarder et regagner son laboratoire. Il espérait que Smyth aurait eu plus de chance avec la Golden Dawn.

                Les rapports de Smyth avec la Golden Dawn demeuraient tendus. Smyth savait leur donner suffisamment d’informations pour qu’ils acceptent de le recevoir mais ces derniers se doutaient tout de même que Smyth poursuivait ses propres objectifs sans pour autant savoir lesquels. Pour l’heure, Smyth souhaitait mettre la main sur un quelconque document attestant des liens de la Golden Dawn avec la Procession afin de mettre la main sur cette folle.

                Sur place, Smyth se rendit compte que tous étaient occupés à la mise en place d’un rituel invocation d’un Shoggoth. Cela était certainement lié au rituel du Soleil Noir. Mais avait-il le temps de s’en occuper ? Il fit pourtant mine de s’y intéresser mais sentit bien que l’on ne désirait pas sa présence sur les lieux du rite. Voyant qu’on se méfiait de lui, il fit profil bas mais gardait l’œil ouvert. Les alchimistes de la société secrète étaient eux aussi en pleine effervescence. Il en profita donc pour fouiller et mis la main sur certains documents. Mais, malheureusement, ils étaient incomplets. Et pendant ce temps, l’activité au sein de la Golden Dawn gagnait en intensité. Smyth sentait que le temps jouait contre lui. Et pas seulement le temps. A plusieurs moment, il eut l’impression que ses véritables intentions avaient été découvertes. Alors, il fit mine de « lâcher du lest » et posait moins de question sur les affaires en cours. Cela, toutefois, ne l’empêchait pas de faire perdre un peu de temps aux cultistes dans leur entreprise.

                Smyth pensait avoir toutes les informations dont il avait besoin. Il pouvait s’en allait. Mais, il voulait quand même mettre un point définitif à cette invocation de shoggoth. Aussi, secrètement, il débuta un rituel de fermeture de portail. Mais, quand on lui posa quelques questions à ce sujet, il préféra renoncer. Il chercha alors une autre solution dans la bibliothèque de la Golden Dawn et finit par trouver les éléments qui lui manquaient pour trouver cette femme, cette Isadora !

                A la lecture de ce compte-rendu, les liens entre la Golden Dawn et la Procession étaient évident. Lorsque leur campement avait brûlé, ils avaient recueilli certains de ses membres les plus « prometteurs » selon leurs critères, dont cette femme qu’ils avaient logée dans une petite chambre de Regents Park avec vue sur la Société Zoologique de Londres.

                Regents Park… La Société Zoologique avait fait parlé d’elle pour être le théâtre d’étranges allées et venues la nuit tombée. Isadora servait Shub-Niggurrath et parlait la Langue Putride, aussi Beauténèbres pensait pouvoir la localiser avec plus de précision en se livrant à une lecture d’aura. Il comptait prendre pour « base » une carte du quartier. Il espérait qu’un pendule lui indiquerait l’endroit exacte où la folle se cachait. Et cela fonctionna au-delà de ses espérances. Oui, la folle se cachait mais… elle ne cherchait pas à dissimuler son aura putride. Beauténèbres pensait même qu’elle ne devait pas en avoir conscience. Mais peu importait, il devait maintenant la ramener au repaire des Daimons ou, au moins, trouver un moyen de lui arracher la Langue !

                Beauténèbres pouvait facilement traverser les murs mais pour se rendre jusqu’à Regents Parks, il fallait tout de même qu’un Daimon le suive avec son Ancre-Armure Vapotech. Comme ils avaient pris l’habitude de procéder, le Steamshadow traversait la ville vie le réseau des égouts et le Poltergeist volait, intangible et invisible. Une fois posté sous la maison, le porteur de l’armure vit qu’il pouvait monter dans les étages sans attirer l’attention. Aussi, il se posta dans le couloir sur lequel donnait la petite chambre d’Isadora.


                Beauténèbres aurait retenu son souffle s’il en avait eu un. Il se préparait à faire irruption dans la chambre d’Isadora mais ne savait pas à quoi il devait s’attendre. Il était invisible mais la folle au service de la Mauvaise Mère pouvait avoir malgré tout les moyens de déceler sa présence. Et quelle serait sa réaction ?

                Il traversa la porte et se retrouva dans une modeste chambre de bonne. Isadora était là et elle était très agitée. Elle faisait les cent pas en agitant les bras. Elle parlait toute seule. Ses propos étaient complétement incohérents mais Beauténèbres comprit qu’elle parlait de Shub-Niggurath. Elle ne s’adressait pas à elle dans son délire mais elle parlait d’elle. A qui ? Puis, elle se figea et fixa des yeux le coin de la pièce où était Beauténèbres. Elle avait perçu sa présence et le pointait maintenant du doigt. Alors, elle se lit à vociférer dans la Langue Putride.

                Tout se mit à changer autour de lui, les murs s’estompèrent et laissèrent la place à un infini de ténèbres. Au loin, on percevait des feux-follets et des tourbillons de lumières sombres. Une musique lui parvint aux oreilles. Très lointaine, elle se rapprochait. Beauténèbres reconnu les flutes de Nyarlathotep. Il se sentit vaciller. Il secoua la tête et chercha un repère dans ces ténèbres. Son regard s’accrocha sur Isadora dont la silhouette semblait devenir translucide. Il fallait agir très vite. Dans ces ténèbres, il n’y avait rien qu’il puisse lui envoyer pour l’arrêter alors il décida de l’enflammer, de la brûler vive comme ma corcière qu’elle était.

                Isadora s’enflamma instantanément mais quelque chose se mit également à bruler dans le cœur de Beauténèbres. Il perdait pied. Sa nature d’Horreur prenait le dessus sur sa volonté de Steamshadow. Il se mit à pousser un long hurlement, cherchant inconsciemment à se mettre au diapason des flutes du Pharaon Noir. Et il eut la vision de pyramide de pierre noire s’élevant au-dessus du sol. Il vit un soleil noir dardait le désert de ses rayons. Et là où ses rayons touchaient le sol, des arbres commençaient à pousser. Le Soleil Noir balayait le désert de ces lumineuses ténèbres et, derrière, eux la forêt se répandaient au rythme des flutes. La forêt… de Millevaux ! Et par ses hurlements, son chant, il participait de l’avènement du Soleil Noir et de Millevaux ! Ses révélations cherchaient leur chemin dans son esprit. Elles cherchaient à sortir de ce labyrinthe de folie dans lequel Beauténèbres s’était retrouvé emmuré. Autour de lui, les feux-follets continuaient à jouer de la flute. Mais l’un d’eux brillait plus fort, d’un éclat plus vif. C’était Isadora. La sorcière brulait.

                Beauténèbres se sentait attiré par cet ailleurs où se réfugient les Horreurs quand elles n’hantent pas notre monde. Il se sentait disparaitre, attiré, aspiré par le 1er Cercle. Il tentait de reprendre le contrôle mais n’y parvenait pas. Il arriva juste à pousser un ultime hurlement en direction du Daimon qui l’attendait dans le couloir. Il espérait que celui-ci comprendrait qu’il devait intervenir immédiatement pour s’emparer d’Isadora.


                La situation devenait tendue. Beauténèbres avait disparu et Herbodoudiab’ n’était toujours pas arrivé. En plus, les forces et la Golden Dawn étaient sur la piste des Daimons suite à l’enlèvement d’Isadora et l’incendie de sa chambre de bonne. Smyth n’avait plus vraiment le temps d’attendre. Alors, il se résolut à se rendre lui-même au sommet de la Tour de Londres, espérant que la seule Langue Putride d’Isadora suffirait. Les masques d’Herbo’ auraient un « plus » non négligeable mais il allait pourtant devoir s’en passer. Ainsi, il attendit la nuit pour s’introduire dans la Tour. Il espérait qu’elle soit déserte mais s’attendait tout de même à ce que ce ne soit pas le cas.

                Passant par une fenêtre, il se trouvait maintenant dans un petit vestibule. Il ouvrit la première porte sur sa gauche et se retrouva dans ce qui devait servir de chambre d’appoint pour le gardien. La pièce était vide mais une lueur verdâtre attira son regard. Elle émanait d’un masque translucide. Il semblait immatériel mais, pourtant, il pouvait le toucher. Il pensait évidemment aux masques trouvés par Herbo’. Il n’en comprenait pas l’étrange présence en ce lieu mais s’en apparat. De retour dans le vestibule, il se trouva face à une masse gris-claire évoquant un crapaud sans yeux. A la place du museau s’agitaient une multitude de petits tentacules rosâtres. Smyth reconnut une bête de lune, une espèce extra-terrestre au service de Nyarlathotep. Smyth crut d’y laisser une partie de sa raison mais il se mit à chanter dans la Langue des Oiseaux et la créature finit par s’enfuir. Il ouvrit alors l’autre porte. Ce petit couloir présentait deux autre portes et une ouverture menant aux escaliers. Son instinct le poussait à continuer son exploration du rez-de-chaussée. Il entra dans une pièce sombre et humide. Il y avait du sang au sol. Heureusement ou non, il ne trouva pas de corps. Par contre, malgré l’obscurité, son regard accrocha diverses inscriptions sur les murs, toutes dans la Langues Putrides. Cette seule vision lui souleva le cœur et provoqua une violente nausée. Il se sentit mieux après avoir quitté la pièce.

                De retour dans le corridor, il entreprit d’ouvrir la seconde porte. Là, il fut accueilli par un homme-serpent. Dans l’obscurité, il n’aurait pu en être sûr mais il lui semblait bien qu’il arborait certains symboles propres à la Golden Dawn. Smyth se jette hors de la pièce, préférant ne pas savoir ce que l’homme-serpent fabriquait là. Et cette fois, dans le couloir, il se retrouva face à un gardien. Mais celui-ci était couvert de sang. Ces vêtements étaient en lambeaux. Son regard était vitreux. Smyth faisait face à un zombie ! Heureusement, la créature était lente et Smith parvint à le contourner pour se réfugier dans la pièce… qui l’avait rendu si malade.

                Il ferma la porte d’un grand coup sec et s’appuya contre afin que le garde mort-vivant ne puisse pas l’ouvrir. Mais son repos fut de courte durée car déjà deux autres créatures émergeaient des ténèbres et se jetaient sur lui pour le dévorer.



                Herbodoudiab’ n’arriva à Londres que le lendemain et il fallu encore une journée à Beauténèbres pour sortir du 1er Cercle des Horreurs où les flutes de Nyarlathotep l’avaient projeté. Herbo’ avait bien les trois Masques avec lui mais les Daimons avaient perdu la Langue Putride d’Isadora, avec la mort de Smyth. Et il était apparu que la Golden Dawn avait déjà investi la Tour de Londres. Il était donc impossible maintenant de lancer ce contre-rituel. Quel espoir leur restait-il ? Avait-il le temps de retourner en Italautriche pour stopper la Sorcière de l’Ecorce et l’Oni-Horla ? Non, assurément ! Alors…

                Beauténèbres eut alors une idée. Ils possédaient les Masques de la Sorcière. Ils pouvaient servir de focus afin de lancer un rituel contre la Sorcière de l’Ecorce. Son laboratoire se trouvait près d’une faille. Il espérait pouvoir drainer la quantité de Vrill nécessaire. Herbodoudiab’ eut lui aussi une idée. Un sacrifice sanglant serait également nécessaire. Et à qui pouvait-on demander de mourir pour la bonne cause, à part à celui qui avait plusieurs vie ? Beauténèbres n’était pas très à l’aise à l’idée de tuer un chat mais… Herbo’ rappela au poltergeist certains aspects de la magie féline dont le Prix. Quand un chat lance un sort, il doit s’attendre à en payer le Prix, à subir un choc en retour. Mais cela marchait aussi dans l’autre sens, non ? Si lancer un sort provoquant la mort de sa cible devait entrainer la sienne, est-ce que sa propre mort dans le cadre d’un rituel n’assurerait pas la mort de la cible ? Certes, lui ressuscitant, elle ressusciterait peut-être mais on ne pouvait l’assurer et, même dans ce cas, la Sorcière de l’Ecorce n’était pas un chat. Aussi, Phtar-Axlan, le Père Chat, ferait bien en sorte qu’elle ne réapparaisse pas trop vite.

                C’était leur dernière chance. Herbo’ était manifestement le Bon Chat pour la Tâche et l’avenir montra aux Daimons que le rituel du Soleil Noir n’avait pas été lancé puisque nul influence de Shub-Niggurath et Millevaux ne se fit sentir. Toutefois, il semblait bien qu’Herbo’ ne ressuscita pas. En tout cas, il ne donna plus jamais de nouvelle aux Daimons. Beauténèbres disparut lui aussi. Et quelques temps plus tard, dans les sous-sols de Londres, on évoqua la présence de nouvelles Horreurs…

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