POWERED BY THE DREAMR



J’ai eu la chance de recevoir à Noël la 1ère version de Powered by the Dreamr, le PBTA d’Egg Embry. Ce jeu propose de jouer des personnages capables d’infiltrer et de transformer les rêves d’autrui. Le jeu est intéressant d’un part par les rôles et les moves qu’ils proposent mais pas seulement. En effet, ce jeu est l’occasion aussi de réfléchir sur ce que sont les rêves (Egg explique bien la dimension surréaliste de tout ça et propose des outils narratifs à cette fin), sur ce qu’implique le fait de s’introduire sans autorisation dans les rêves des autres pour y faire plus ou moins n’importe quoi ^^ Et puis, ce jeu est aussi intéressant par la structure narrative, le Cycle, qu’il propose ; d’autant plus qu’il inclue une phase se situant durant la période d’éveil des personnages.
Pour ma part, j’ai décidé, pour changer, de jouer dans un contexte plus ou moins lovecraftien. Aussi, pour les phases d’éveil, j’ai ajouté aux règles que propose Egg un tirage sur les tables du Solo Investigator Handbook. Et, quand ce tirage nécessitait un jet de D, j’en ai profité pour tester une variante du traditionnel jet PBTA en utilisant les D de Zombie Dice ^^ Ainsi, au lieu de jeter 2D6, j’ai pris 3 D au hasard parmi ceux de Zombie Dice et j’ai tout simplement une partie de ce jeu m’arrêtant soit quand j’avais 3 « Blam ! » (soit un échec), soit quand j’avais obtenu entre 7 et 9 cerveaux (soit un 7 à 9, soit quand j’avais dépassé les 10.



                Damon Haze est un toxicomane. Etant sans emploi rémunéré, on peut considérer que c’est son métier puisque c’est une activité à plein temps ou presque. Il se défonce pour planer certes, mais pourquoi planer ? Parce que Damon Haze a eu sa période « occulte ». Il a beaucoup fureté. Il s’st intéressé à biens des choses étranges. Il a rencontré des gens. Il a vu et fait des choses. Et, au bout d’un moment, il s’est rendu compte que tout cela allait beaucoup trop loin pour lui. Mais, dans ce milieu-là, on ne fait pas marche arrière comme ça. Et puis, on oublie pas comme ça ce qu’on a lu, ce qu’on a vu, ce qu’on sait, ce qu’on a fait. Non, pour oublier, on s’assomme, on cherche tous les moyens de s’évader, de penser à autre chose. Bref, on se défonce. Mais, en l’occurrence, le remède n’est pas vraiment meilleur que le mal. Aussi, depuis quelques temps, Damon est convaincu qu’on lui a jeté un sort, qu’on l’a envouté. Il se sent devenir autre chose. Il pense qu’il est en train de mourir à petit feu. Il pense que ce mal qui le ronge est en train de faire de lui… une goule ! Ne voulant pas devenir un monstre nécrophage, il décide de faire ce qu’il faut pour enrayer cette malédiction. Mais, pour ça, il doit remettre les pieds dans le monde de l’occulte et des cultistes. Toujours en possession du Masque de Morphée et de quelques poudres aux effets oniriques, il décide donc de se faire Dreamr afin de trouver, dans les rêves de ses anciens partenaires occultistes, les informations dont il a besoin pour se sortir de là. Autant il est difficile, pour ne pas dire impossible, de mettre la main sur certains volumes anciens ; autant il est par contre probable que ceux qui les ont lu en soient marqué à jamais au point que cela hante leurs rêves… et leurs cauchemars.



                Nous sommes en 1927, à Kingsport. Haze a eu beau chercher à mettre la plus grande distance entre lui et son passé d’occultiste, il a quand même réussi à atterrir dans la seule ville du Massachussetts qui peut s’enorgueillir d’une telle concentration de voyants, de spirites et, surtout, de maraudeurs des rêves. Ainsi, au détour d’une conversation autour d’une pipe d’opium jaune, lui est venu, lui a été glissé, l’idée qu’il pouvait, lui aussi, parcourir ce monde et y faire… ce qu’il voulait.

                Ce matin, Haze s'est réveillé avec un bourdonnement bas et constant dans les oreilles. Tout au long de la journée, avec toutes les personnes qu’il a rencontré, il a eu l’impression de pouvoir les entendre marmonner mais sans voir leurs lèvres bouger. Les marmonnements semblaient révéler les véritables pensées de chaque personne, comme elles le critiquaient et le rabaissaient.

                Son état s’aggravant manifestement, Haze a donc décidé d’utiliser le Masque de Morphée pour espionner les rêves de Karl Athlee, le bibliothécaire, dont il sait de source « sûre » qu’il possède dans sa réserve des ouvrages dont même la direction ignore l’existence. Haze se doute bien que jamais il n’obtiendra l’autorisation de consulter ces volumes anciens mais il est très peu probable qu’Athlee ne les ai pas au moins survolé.



                Haze remplit donc de poudre onirique, un mélange de viande noire et de noix millevalienne, le réservoir prévu à cet effet du Masque de Morphée. Il l’enfile, sert bien les lanières de cuir derrière son crâne. Il respire un grand coup, s’allonge et attend. Le Masque de Morphée possède des yeux, mais ce ne sont pas des ouvertures, juste deux yeux stylisés sculptés. Pourtant, au bout d’un moment, Haze voit ! Il est… ailleurs ! Pour l’heure, le paysage ne lui apparait pas clairement, sauf cette tour de garde. Alors que le décor se précise, il a l’impression d’être un moyen-âge. Cette tour est en vieilles pierres. Il ne voit pas de route comme on en construit aujourd’hui. Il y a de grands champs et une forêt au loin. Alors qu’il se tourne, il est surpris de trouver une vieille femme juste à côté de lui. Elle a l’air plutôt conciliant. Elle lui demande s’il a besoin d’aide. Elle parle avec les mains et Haze est captivé par les reflets sur ces gros bracelets en argents. Oui, il a besoin d’aide. Il cherche un livre. Est-il dans cette tour ? La vieille femme lui répond que non. Elle le met en garde contre cette tour qui est/serait le repaire de monstres cruels et terrifiants, innommables. Elle lui explique qu’il n’a pas de chance. Il arrive à un moment où la région est secouée par une bien étrange affaire. Le seigneur local est victime d’un chantage et personne ne parvient à découvrir la vérité. Sautant un peu du coq à l’âne, elle le prévient qu’il est interdit de tuer les mages et les sorciers. De toutes façons, c’est inutile puisqu’ils reviennent à la vie. Haze avait oublié, l’espace d’un instant, qu’il était dans un rêve et qu’il ne devait pas forcément tout comprendre de manière littérale. Le rêve utilise nos mots mais avec sa propre grammaire et ses propres significations. Ainsi, dans son rêve, Athlee protégeait les détenteur des savoirs occultes et l’accès à ce savoir ne pouvait se limiter à juste enfoncer la porte de cette tour pour voir ce qu’il y avait au dernier étage. Non, il était plus probable qu’il doive au contraire lever le voile sur cette affaire de chantage. Alors, le seigneur le récompenserait, peut-être, en lui faisant part de certaines révélations. Il en était là de ses réflexions quand la vieille femme se rappela à son bon souvenir. Il s’excusa d’être quelque peu dans la lune et lui demanda si elle avait d’autres conseils à lui donner. Outre cette injonction à ne pas tuer un sorcier ou un mage, elle le prévint également que certaines séries de chiffres et de nombres pouvoir avoir des conséquences catastrophiques, voire cauchemardesque. Puis la vieille femme, une sorcière ?, s’en alla de son étrange démarche. Elle ne boitait pas pourtant mais… c’était une bien étrange démarche.



                Haze ne put s’empêcher d’approcher de la tour. En vérité, il n’avait aucune intention de rentrer et souhaitait vraiment « jouer le jeu du rêve » et résoudre cette affaire de chantage. Non, il voulait juste la voir de plus prêt. Et, alors qu’il s’approchait, il vit une silhouette ailée s’échapper par le sommet. Il s’adossa à la porte, se laissa glisser par terre et réfléchit.

                Il y a un seigneur victime d’un chantage. Les sorciers sont intouchables, immortels. Les nombres ont des conséquences cauchemardesques. Athlee est bibliothécaire. Il aime les livres, les mots, pas les chiffres. Le chantage suppose que quelqu’un sait quelque chose sur le seigneur, qu’il détient un secret que ce seigneur craint de voir révélé. Et si ce seigneur était, en quelque sorte Athlee lui-même ? Craindrait-il que quelqu’un ne soit au courant de certaines de ses pratiques plus ou moins « périphériques » ? Quelqu’un saurait qu’il possède des ouvrages à caractères occultes, des grimoires ayant appartenus à des… sorciers ? Maintenant, qui pourrait être au courant d’un tel secret et qui aurait intérêt à faire chanter Athlee et, par extension, le seigneur de ce rêve ? Dans le « milieu », c’est un fait connu qu’Athlee possède ces ouvrages. Pourtant, Haze n’a jamais entendu personne manifester le souhait ou l’intention de s’en prendre à lui. A la limite, ses supérieurs à la bibliothèque pourraient lui tenir rigueur de cet écart. Est-ce cela qu’il craindrait ? Peut-être que tout ça serait un peu plus clair si c’était moins… symbolique, fantaisiste ?

                Haze se concentre. Il espère pouvoir faire en sorte que cette régions ressemble un peu plus, finalement, à Kingsport. Là, il lui serai plus facile de mener son enquête mais… rien ne se passe. Ou plutôt, rien ne se passe comme prévu !



                Haze suffoque. Il se redresse brusquement et arrache le Masque de Morphée de son visage. Que s’est-il passé ? Il… rêvait et… quelque chose l’a expulsé ! Athlee s’est-il réveillé ? Haze regarde l’heure. Il est… 20h00 ! Il a dormi presque une journée entière ! Et Athlee aussi alors ? A-t-il manqué une journée de travail ? Il va peut-être falloir s’en assurer.

                C’est dingue ! On le lui a pas menti ! Athlee a bien été arrêté par la police. On ne sait pas pourquoi mais les forces de l’ordre sont venues le chercher à son travail. Il parait qu’il s’est évanouie quand on l’a emmené. Ce serait donc ça, Haze aurait profité de l’inconscience du bibliothécaire ? Que va-t-il se passer maintenant ? Son arrestation est-elle en lien avec ce secret à l’origine du chantage dont est victime le seigneur de son rêve.

                Athlee en prison, Haze décide de s’introduire chez le bibliothécaire pour en apprendre un peu plus. Devant la porte, les choses s’annonçaient plutôt bien mais cela n’a pas duré. Hae est interrompu dans son entreprise de crochetage par des membres de cette société secrète connue sous le nom de « Le Second Congrès ». On raconte que leur chef est complètement égocentrique mais, aussi et surtout, qu’il possèderait quelques pouvoirs « magiques » comme la télépathie, don de Tulzscha, la « Flamme Verte » membre de la cour d’Azathoth. S’agirait-il là d’un de ces sorciers immortels dans le rêve d’Athlee ? Ce dernier était-il en contact avec le Second Congrès ? Il faudra s’en assurer, notamment en retournant dans les rêves d’Athlee. Mais pour l’heure, comment s’enfuir sans se faire repérer ?

                Les membres du cultes l’ont vu mais, heureusement, ne l’ont pas reconnu. Pour autant, ils ne se contentent pas de le laisser filer. Ils lui courent après et… le rattrapent. Et Haze est conduit, sous bonne garde, au repaire du Second Congrès, une vieille tour en pierre à quelques kilomètres de Kingsport. On le traine et l’enferme dans une pièce. Dans les couloirs, son sang s’est glacé en entendant de nombreux gémissements de souffrance.

                Ne possédant pas le Masque de Morphée, il ne peut même pas s’enfuir en rêvant. Que faire ? Haze fait le tour de cette pièce. Evidemment, il n’y a pas de fenêtre par laquelle il pourrait s’enfuir. Pour autant, la porte et son verrou n’ont l’air ni récent, ni très solide. Alors, aussi discrètement que possible, il tente de faire jouer la serrure avec les quelques objets plus ou moins, moins que plus, adaptés à la tâche qu’il trouve là. Au passage, il note que cette pièce na rien d‘une cellule médiévale. Est-ce à dire que cette endroit n’en possède pas ou que, finalement, on lui réserve un autre traitement ?

                Malheureusement, il attire l’attention des gardes. Avant que ceux-ci ne deviennent agressif, Haze tente de les calmer, de les raisonner et demande à savoir ce qu’il fait ici et ce qu’on attend de lui exactement. Mais les gardes ne veulent rien entendre. Ils le saisissent et le repoussent dans la pièce où il était enfermé. La porte claque et, est-ce parce que Haze les a énervé ?, ils oublient de la fermer à clé ! Il attend donc que les gardes s’éloignent et ouvre de nouveau la porte. Mais les gardes n’étaient pas encore assez loin. Aussi, ils lui sautent dessus et le maitrisent. Cette fois, on ne l’enferme pas. Il traverse à nouveau ces couloirs d’où s’échappent ces gémissements de douleur et on le conduit dans un sous-sol grouillant de rats. Certains ont des jambes supplémentaires, tandis que d'autres ont des jambes qui bifurquent aux articulations. D'autres ont deux têtes, tandis que les têtes de certains n'ont pas de bouches. Bizarrement, mais faut-il vraiment en être étonné, c’est là que trône le Grand Maître du Second Congrès. Il porte une robe de cérémonie assez classique, se dit Haze. Mais son masque… une sorte de masque en cristal, translucide. Aucune expression n’y a été sculptée. On devine à peine les traits du visage du Grand Maître. Mais, ce qui étonne et effraie Haze, c’est cette lueur verte qui pulse à l’intérieur du cristal. Et de cette voix étouffée par le masque, il exige que Haze lui explique ce qu’il faisait chez Athlee.

                Alors, Haze raconte une partie de son histoire. Il explique être victime d’une malédiction et savoir que le bibliothécaire était en possession de texte pouvant l’aider. Evidemment, il ne dit rien du Masque de Morphée et de sa tentative d’explorer les rêves d’Athlee. Il espère surtout que le Grand Maître n’usera pas de sa prétendue télépathie. Mais le sort s’acharne car alors même qu’il y pense le Grand Maître l’interroge à ce sujet. Haze n’en peut plus, il est à bout. Rien ne marche comme prévu. Alors, il reconnait être en possession de ce Masque et, oui, il a bien essayé de percer les secrets d’Athlee en s’introduisant dans un de ses rêves. Et il s’avère que le Maître veut en savoir un peu plus sur ce rêve.

                Haze explique alors qu’il y avait une tour, un peu comme celle-ci. Dans son rêve, les mages sont des « intouchables » qu’on ne peut pas tuer. Enfin, il évoque cette histoire de chantage mais explique aussi avoir été éjecté du rêve avant d’en apprendre plus. Alors, il propose au Grand Maître de retourner dans les rêves d’Athlee afin de lui en rapporter le contenu. Mais le Grand Maître n’est pas intéressé. Veut-il le Masque de Morphée ? Non, heureusement ! En fait, Haze le soupçonne de pouvoir lui aussi s’introduire dans les rêves des autres par ses propres moyens. Sentant que les choses peuvent très vite très mal tourner, il déclare être prêt à tout pour pouvoir sortir d’ici vivant. Alors, qu’attend-on de lui ?

                D’une part, le Grand Maître exige qu’Haze renonce à s’occuper des affaires d’Athlee. Ensuite, il explique qu’il y a de nombreux rêveurs à Kingsport. Et certains sont dangereux. Alors, Haze aura la vie sauve s’il met le le Masque de Morphée au service du Second Congrès. Haze s’empresse d’accepter, oubliant la malédiction qui le frappe. Le Grand Maître semble satisfait. Et c’est ainsi que Haze promit de créer la plus grande frayeur possible à un certain Neil King, que ce dernier comprenne que le Second Congrès n’est pas de ces organisations sur les platebandes desquelles on peut se permettre de marcher. Ça, Haze l’avait déjà compris…



                Haze s’endort et se réveille… à Kingsport. Neil King rêve donc de Kingsport. Et c’est alors qu’il fait le lien entre le nom de sa « cible » et celui de la ville. Toutefois, à quoi rêve Neil ? Et d’ailleurs, fait-il même parti de son rêve ou n’en est-il que le spectateur ? Si King rêve de Kingsport, peut-être est-il possible de le trouver tout simplement chez lui. Mais, dans l’immédiat, Haze constate qu’il se trouve dans un vieil immeuble abandonné. Est-ce que, par hasard, il s’agirait de celui de Neil ?

                Il n’y pas de Neil King sur aucune des étiquettes des boites aux lettres. Toutefois, Haze reconnait un nom. Ryan Butler, un antiquaire. Haze le connait car il a la mauvaise réputation d’être un menteur pathologique. Aussi, il a tenté de revendre à des collectionneurs d’objets occultes des bibelots sans valeur. Autant dire qu’il n’est pas très bien vu. Et si King est dans le collimateur du Second Congrès, il a peut-être déjà eu à faire à Butler. A-t-il un compte à régler avec l’antiquaire pour avoir ainsi délabrer son logement ? Quitte à être ici, autant s’en assurer.

                La porte de l’appartement n’est pas fermée. L’intérieur est spacieux, d’autant plus qu’il n’y a quasiment pas, ou plus, de meubles. Toutefois, il règne là une chaleur excessive et désagréable. Haze fouille mais ne trouve rien. Il lui vient alors une idée. Par endroit, le papier peint se décolle. Aussi, il en arrache des pans entier. Il se concentre et tente de suffisamment altérer le rêve de King pour que, derrière ce papier peint, il puisse trouver la porte de la tour qu’il a vu dans le rêve d’Athlee !

                Mais point de porte ! Là, il y a en fait un énorme chiffre peint en noir. Le chiffre 1 ! Haze ne comprend pas et se retourne. Derrière lui se tient un homme, manifestement un membre du Second Congrès. Haze lui sourit, se considérant et le considérant du coup comme un allié puisqu’il est ici en mission pour leur Grand Maître. Mais l’homme ne sourit pas. Il y a un problème. Cet homme n’est pas un rêveur comme lui. C’est un « habitant du rêve de King ». Et pour lui, les membres du Second Congrès sont des ennemis.

                Haze n’a que peu d’expérience en tant que rêveur mais ils sait que bien des choses sont possibles ici. Il n’a rien d’un mage puissant dans le monde de l’éveil, il ne connait pas de sorts ni de rituel, pas encore, mais il peut rêver qu’il en connait. Alors, il exerce quelques mouvements avec ses mains et modèle l’air devant lui pour le solidifier et le projeter sur son ennemi. Le cultiste est projeté en arrière. Mais il se relève aussitôt et Haze est à son tour projeté contre le mur. Mais cela ne lui convient pas ! Mû par la seule force de sa volonté, Haze reprend sa place et se retrouve à, de nouveau, solidifier l’air devant lui. Cette fois, il n’y aura pas de contre-attaque !

                Pas de contre-attaque mais… ce qui arrive est peut-être pire. L’immeuble se met à trembler sur ses fondations et des pans de murs commencent à s’effriter. Mais, à l’encontre de toutes les lois de la physique, le débris s’envolent et révèlent une forêt dense, sombre. Le plancher est bientôt transpercer par des racines et du lierre court sur ce qui reste des murs. Et l’homme, le soi-disant membre du Second Congrès, pousse un hurlement strident. Il rabat sa capuche et son crâne commence à se déformer, à s’allonger vers l’avant pour devenir une sorte de bec alors même que son visage se recouvre de plumes noires. Ce rêve était bien censé devenir un cauchemar, mais pour King, pas pour Haze !

                Cet espèce d’oiseau se précipite maintenant sur Haze, toutes griffes en avant. Haze se rappelle du rêve d’Athlee. Il y avait une forêt aussi. Mais elle était… loin ! Aussi, Haze tente de « transformer » ce rêve, de le faire ressembler à cellui d’Athlee mais, loin de s’éloigner, la forêt au contraire se rapproche. Et elle peut le faire car elle est… vivante ! Cette forêt est un monstre ! Et Haze connait ce monstre pour en lu des descriptions par le passé. C’est un Rejeton ! Un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath ! Mais qu’est-ce qui peut bien pousser l’antiquaire à rêver de choses pareilles ? Et surtout, comment Haze va-t-il sauver sa peau face à ça ?

                Haze pousse alors un hurlement de pure terreur et, involontairement, se tape la tête contre un pan de mur. Un bruit de gong résonne et la forêt disparait. L’homme-corbeau disparait aussi. Haze est de retour dans l’appartement abandonné. Là où se tenait le membre du Second Congrès se tient maintenant un autre homme, il ressemble étrangement à l’antiquaire mais pourtant ce n’est pas lui. Dans ses bras, il tient une machine à écrire. Ses touches cliquètent toutes seules. Sa coque vibre et craque bizarrement. L’homme ouvre la bouche :

                « J’ai l’honneur de vous présenter Clarck Nova… et elle n’est pas contente… Voulez-vous bien introduire une feuille je vous pries ? »



                Alors, Haze s’exécute et regarde les touches cliqueter toutes seules. Quand cela s’arrête, il prends la feuille et lit :

                « Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. »

                Haze ne comprend rien et regarde le « sosie » de l’antiquaire. Ce dernier lui explique que Clarck Nova parle la Langue des Oiseaux et Haze se rappelle alors une des mises en garde du Grand Maître du Second Congrès : la Langue Putride et la Langue des Oiseaux transformeront le rêve de King en cauchemar. Et, sous ses yeux l’homme se retrouve recouvert de lierre et de racines. Et autour de lui, la forêt reprend ses droits, envahissant chaque recoin de la pièce, chaque recoin du rêve.

                Haze pense avoir rempli sa part du contrat. King aura fait un cauchemar est celui-ci sera lié, plus ou moins directement, au Second Congrès. Pour autant, il sent que quelque chose cloche. Alors, au lieu de se réveiller, il s’enfonce dans la forêt. Il cherche quelque chose. Il ne sait pas trop quoi mais pense l’avoir trouvé quand il se retrouve au pied d’un noyer. Et surgissant de derrière le tronc, une femme, ou un homme, il ne sait pas trop. Cette personne lui ressemble, un peu comme le porteur de la machine à écrire ressemblait à l’antiquaire. Elle porte un manteau fait de pans de cuir et de fourrures rapiécés et grossièrement cousus les uns aux autres. Elle porte aussi une toque faite de peau de loup. Elle dit s’appeler la Magicienne. Elle sourit à Haze et lui tend une poignée de Noix, lui expliquant que c’est cela qu’il est venu chercher. Ces Noix, lui dit-elle/il, sont gorgées d’Egrégore et lui permettront d’affermir son Emprise sur l’Eveil de la même façon que dans le Rêve. Avec ces Noix, affirme-t-elle, le monde entier sera comme un rêve…

                Haze s’empare des Noix. Maintenant, il peut se réveiller.



                Haze est chez lui. Il retire le Masque de Morphée et compte le nombre de Noix présent dans sa main : 8 ! Il se lève et va pour les ranger avec ses autres « produits » quand on frappe à la porte. Mais, le son est distant, lointain. Ne serait-ce pas plutôt chez le voisin qu’on frappe ? Haze regarde à travers le Judas : les murs du couloir sont recouverts de lierre et le sol est terreux, boueux. Pour autant, le couloir est vide.

                Haze se demande où il est ? Est-il toujours en train de rêver ? Ou alors, comme le lui a dit la Magicienne, la Noix aurait brisé la frontière entre le rêve et l’éveil ? Comment en être certain ? Pourquoi en être certain ? Toutefois, Haze veut en discuter avec le Grand Maître. Mais, il ne veut pas perdre de temps à aller jusqu’à leur tour. Alors, comme cette tour se trouvait déjà dans un des rêves qu’il a visité, il décide d’utiliser une Noix pour faire venir la tour jusqu’à lui.

                Mais rien ne se passe. Ou plutôt, rien ne se passe comme prévu. La tour n’apparait pas mais, à la place, Haze se sent envahi par la substance contenue dans la Noix. Il est sous l’entière Emprise de cet Egrégore. Il sent… toute la puissance de cette énergie, l’énergie de cette forêt qui n’est qu’une manifestation de l’existence et de la puissance de la Chèvre Noire. Haze sent le pouvoir de Shub-Niggurath couler dans ses veines. Mais ce pouvoir est incommensurable et… incontrôlable. Ce ne peut-être le monde de l’éveil. Ou, s’il est réveillé… on l’a de nouveau plongé dans un cauchemar.

                Haze n’a pas fait venir cette tour à lui. Pourtant, il est de nouveau dans cette tour. Il est là, dans ce sous-sol grouillant de rats, face au Grand Maître. Il ne lui laisse pas le temps de dire quoi que ce soit et se jette sur lui ! Il lui arrache son masque et dessous… dessous… un crâne ricanant avec un sabre entre les dents ! Et…

… Et Haze se réveille en sursaut. Il suffoque sous le Masque de Morphée. Il le retire et court jusqu’à la porte d’entrée de son appartement. Il regarde à travers l’œilleton. Pas de forêt mais… un oiseau passe dans le couloir. Un corbeau. Et Haze repense aux mots de Clarck Nova, en Langue des Oiseaux.

                « Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. »

                Le sabre entre les dents… le Grand Maître serait le « Régent » ? Mais quel est l’objet de cette contre-attaque alors ? Qui sont ces Affectés et ces Martyrs ? Haze devrait peut-être creuser un peu l’histoire du Second Congrès et comprendre en quoi Athlee et King y sont mêlés. Et si, pendant qu’il cherchait l’oubli dans diverses substances toxiques, tout ce que Kingsport comptait d’érudits concernant les affaires occultes étaient entrés en mouvement ? Et si… une sorte de guerre se préparait et que tout ça gravitait autour de Shub-Niggurath ?

                Toutefois, Haze a deux problèmes. Il y a toujours cette malédiction qui le ronge et qui risque de le transformer en goule. Mais surtout, depuis sa rencontre avec la Magicienne, il n’est plus du tout certain d’avoir vraiment quitter le monde du Rêve. Alors, les frontières entre le rêve et l’éveil sont-elles devenues poreuses grâce ou à cause de cette Noix ? Ou alors, Haze est-il désormais prisonnier du monde du rêve ?



                Haze essaye de réfléchir. Il peut, pense-t-il, trouver des élément de réponses auprès du Grand Maître du Second Congrès, mais aussi chez Athlee et King. Est-ce l’effet de cette Noix, il se sont capable d’affronter le Grand Maître. Quand bien même celui-ci serait également un Rêveur, il devra se soumettre à la volonté de Haze !

                Les rues ressemblent à celles de Kingsport. Il n’ont pas nécessairement dans un rêve. Mais pour autant, il n’est plus sûr de rien à ce sujet. Tout peut basculer à tout instant. Mais Haze a pris avec lui son stock de Noix et le Masque de Morphée.

                Arrivée, étonnement sans encombre, à la tour du Second Congrès, il demande à être reçu par le Grand Maître. Les serviteurs lui expliquent avec courtoisie que cela ne va pas être possible, tout en refusant de lui donner la moindre explication. Qu’à cela ne tienne, il entend bien forcer le passage et gagner le sous-sol. Les serviteurs tentent de l’arrêter, le suivent dans les escaliers mais Haze courre plus vite, sans pour autant les distancer.

                Une fois en bas, dans cette salle grouillant de rats, il assiste, ou plutôt interrompt une cérémonie. Le Grand Maître, armé d’un dague sacrificielle, vient d’énucléer un de ses disciples. Il jette les yeux aux rats et se tourne vers Haze. Derrière son masque, ce dernier devine qu’il est outré de cette interruption. Haze exige des réponses à ses questions ! Le Grand Maître se déclare tout à fait disposé à répondre. Il repose la dague sur un autel et murmure quelques instructions à un autre de ses disciples afin qu’il termine le rituel d’énucléation. Il prend Haze par le bras et le conduit dans les escaliers. Haze lui demande ce que signifie cette phrase : « Le sabre entre les dents, le Régent contre-attaque. Le périple des Affectés unifie les Martyrs Immortels. » Est-il ce fameux Régent ? Qui sont ces Martyrs ? Le Grand Maître sourit et le félicite.

                Ils gravissent quelques étages et Haze se demande si cette tour n’est pas plus grande qu’elle en a l’air. Le Grand Maître le fait entrer dans une sorte de petit salon aux murs garnis d’étagères remplies de livres anciens. Il y a là quelques fauteuils confortables et un simple guéridon. Il invite Haze à s’assoir. Oui, Haze a mis le doigt dans quelque chose qui le dépasse. Il s’est éloigné de la sphère occulte il y a un moment maintenant et les choses ont changé. Les luttes d’influence n’ont jamais cessé. En tant que Grand Maître du Second Congrès et au nom de la Flamme Verte, il exerce effectivement les fonctions de Régent en attendant le retour d’Azathoth et de sa cour. Et non, ces mutilations auxquelles il vient d’assister ce sont pas que pure et inutile barbarie. Ces Martyrs sont effectivement destinés à devenir Immortels et à combattre lors de la Grande Bataille à venir. Les Dieux vont de nouveau venir sur Terre et y faire régner le Chaos. Seront-ils alliés ou s’entredéchireront-ils, nul ne le sait, mais il convient malgré tout d’être prêt. Alors oui, il entend bien prendre le pouvoir et exercer cette Régence en attendant le retour du Sultan des Démons, le Maître du Chaos.

                « Et Shub-Nuggurath ? »

                Haze, en effet, ne peut faire l’impasse sur cette divinité à laquelle il a été confronté dans les rêves d’Athlee et King. Le Grand Maître explique que la Chèvre Noire avance elle aussi ses pions dans cette guerre à venir. Et il y a fort à parier qu’elle s’oppose à Azathoth. Selon lui, Athlee et King ne sont pas des serviteurs de Shub-Niggurath mais plutôt des pions involontaires, des vecteurs. Les véritables serviteurs de la Chèvre Noire se serviraient d’eux et utiliseraient non seulement leurs connaissances mais aussi leurs rêves pour permettre à la Chèvre Noire de gagner du terrain et de prendre de l’avance dans cette guerre à venir. Haze ne dit rien mais se demande si ces deux-là n’auraient pas eux-aussi croisé la Magicienne. Leur a-t-elle donné des Noix ? Puis, il se souvient que le Grand Maître est réputé pour être un télépathe. Et il devine qu’il vient de saisir tout ou partie de ses pensées. Alors, autant ne rien cacher. Oui, il a croisé cette Magicienne dont il pense qu’elle est peut-être au service de Shub-Niggurath et, oui, elle lui a donné ces fameuses Noix faisant qu’il ne distingue plus le rêve de l’éveil.

                Le Grand Maître ne semble pas fâché de ces révélations. Toutefois, il attend quelque chose de la part de Haze. Quels sont les plans de la Chèvre Noire ? Et Haze réalise qu’on vient de lui demander de jouer le rôle d’espion. Shub-Niggurath utilise le rêve pour gagner du terrain, que Haze en fasse de même pour apprendre le plus possible et donner l’avantage à Azathoth. Qu’il fasse croire à cette Magicienne qu’il est à son service, qu’il s’occupe d’apprendre ce que savent Athlee et King, comment la Chèvre Noire comptait les utiliser, ce qu’elle attendait d’eux… et qu’il lui rapporte tout cela. En échange, que Haze se rassure, cette malédiction ne sera qu’un lointain souvenir quand Azathoth régnera sur la Terre.

                De retour chez lui, à Kingsport, Haze ne sait pas s’il rêve ou non. En tout cas, il se voit investi d’une mission. Il ne sait pas vraiment par où commencer. Et il se dit qu’autant reprendre les choses depuis le début, en quelque sorte. Aussi, il décide de retourner chez le bibliothécaire. Sur le trajet, il traque toute trace lui permettant de décider s’il s’agit ou non d’un rêve mais tout à l’air si… réel. En fait, il aurait presque préféré l’inverse. Mais, même s’il avait dû être témoin de quelque d’extravagant, est-ce que cela aurait signifié qu’il était toujours en train de rêver ou seulement qu’il était en train de devenir fou, qu’il était victime d’hallucinations ?

                Il tente de nouveau, sans succès, de crocheter la porte de l’appartement du bibliothécaire et se résout finalement à l’enfoncer d’un grand coup d’épaule. A l’intérieur… c’est la forêt ! Et déjà les arbres commencent à se recouvrir d’une sorte de boue ou d’huile noire. Et lui-même voit ses membre s’allonger, se couvrir de poils. Il sent sa barbe pousser en accéléré. Ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar. Alors Haze tente de récupérer le contrôle, si ce n’est du cauchemar, au moins de lui-même. Qu’il redevienne lui-même, celui qu’il était dans ses rêves précédents. Ais rien ne semble arrêter cette transformation. Haze vieillit à vue d’œil, mais pas pour devenir celui qu’il est censé être dans plusieurs années. Non, il devient… quelqu’un d’autre. Et cet autre, il le sent, est monstrueux. Plus jamais ! Non ! Mais rien n’y fait. Et, coincé à l’intérieur de lui-même, Haze assiste impuissant à une scène horrible. Le vieil homme qu’il est devenu se rend dans une salle de bain. Les murs sont humides, le vent s’engouffre par la fenêtre brisée. Dans la baignoire, il y a un enfant. Et Haze se souviendra toute sa vie de ce qu’il n’a pu empêcher ce vieil homme de faire à cet enfant…

                Haze veut se réveiller. Il veut en finir d’une façon ou d’une autre. Il a touché le fond. Il ne peut plus que remonter, hein ? Que les choses redeviennent… normales. Si c’est possible. Pas comme avant car ça c’est impossible ; mais au moins, qu’il sorte de cette forêt de malheur ! mais c’est tout le contraire qui arrive ! Haze voulait en savoir plus, pas seulement pour obéir au Grand Maître mais également pour mettre fin à la malédiction qui le transforme peu à peu en goule. Mais maintenant, il veut juste en finir. Sortir de ce cauchemar. Mais comment ? Comment s’en sortir quand out ce qu’il entreprend se solde systématiquement par un échec ? Et le voilà maintenant coincé à l’intérieur de ce vieil homme, ce monstre. Doit-il se résoudre à n’être que le spectateur passif des horreurs qu’il va commettre ? Y a-t-il la moindre chance que cet être horrible lui apprenne quoi que ce soit d’intéressant ?

                Haze a une idée. Peut-être peut-il tuer cet homme… de l’intérieur. Alors, il essaye de le forcer à prendre un couteau et à se trancher la gorge. Mais le vieil homme se met à rire. Et se rire se double de hurlements. Les hurlements de douleur de Haze ! Qu’à cela ne tienne, s’il doit mourir pour s’enfuir, qu’il meurt ! Mais, alors qu’il a l’impression de sombrer dans l’inconscience, trois silhouettes se dessinent à la périphérie de son champ de vision. Il sait, au plus profond de lui-même, qu’elles ne sont là que pour lui. Le vieil ne les voit pas. Lui, le vieil homme, continue à rire alors qu’il se tranche méthodiquement la gorge. Les silhouettes se précisent. Elles sont grandes, presque deux mètres, voire plus. Et toutes trois portent des casques faites de plaques d’os. Non ! Ce ne sont pas des casques. Ce sont leurs têtes.

                Ces trois Cœlacanthes, car ce de cela qu’il s’agit, s’approchent. Ils ont un message pour Haze. Ils le condamnent à l’échec, à perpétuité ! Quoi qu’il tente, ce sera voué à l’échec. Il n’y a aucun espoir. Il n’y a rien à chercher, rien à trouver, rien à apprendre, rien à savoir. Pour lui, la seule option est le désespoir, infini, éternel… Et le vieil rit. Et les trois Cœlacanthes reculent de quelques pas et observent. Haze se débat, tente de quitter ce cauchemar, de faire en sorte en sorte que cet endroit redevienne normal. Les Cœlacanthes hochent la tête. Haze n’a-t-il pas compris ? Quoi qu’il tente, c’est voué à l’échec. Et, au désespoir, s’ajoute la folie…



                Haze se réveille dans le noir. Il hurle. Il veut de la lumière. Il a besoin de lumière. Il veut voir. Il veut savoir. Comme un enfant, comme « cet » enfant, il a peur du noir, des ténèbres. Où est-il ? La lumière s’allume, une lumière faible qui projette des ombres étranges aux murs. Ces ombres, des Cœlacanthes ! Haze se remet à hurler, encore plus fort. Est-il mort ? Est-il en Enfer ? Ce serait peut-être mieux, mieux que cette succession de cauchemars, mieux que la forêt de Shub-Niggurath !

                Puis sa gorge n’en peut plus de hurler. Alors, il regarde. Il n’est pas chez lui. Qui a allumé la lumière ? Qui a créé ces ombres ? Il n’y a pas encore assez de lumière. Haze est toujours en danger. Et il voit les ombres se détacher du mur. Les Cœlacanthes sont là, ils sont venus. Et ils vont le ramener, dans la forêt, la forêt du désespoir sans fin…

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