THE WISHING SIGIL



1823 marque le tournant de l'économie londonienne. La ville a vu une croissance massive de la richesse et avec elle, est venu de grands développements technologiques. Cette époque a donné naissance à la classe moyenne - des gens qui ne vivaient ni dans les bidonvilles de la pauvreté ni dans des manoirs luxueux des aristocrates étaient. C'était une période de changement et tous les occupants de la ville en ont bénéficié - à l'exception des enfants abandonnés et non désirés. Pour tenter de remédier à « l'épidémie de paresse », le gouvernement a pris des enfants et des personnes âgées et les a placés dans des maisons de travail. Il s'agirait de garantir une société productive aux yeux des pouvoirs en place.



Vous êtes un enfant vivant dans la pauvreté. Peut-être êtes-vous déjà orphelin. Peut-être n'avez-vous qu'un seul parent, au bord de la mort, sans aucune relation pour s'en occuper. Vous avez entendu des histoires de maisons de travail, où les enfants sont envoyés travailler de longues heures dans la chaleur étouffante à côté des flammes d'une forge. Ou d'autres coudre du tissu jusqu'à ce que leurs doigts sont mutilés et saigner ... La vie a été dure pour vous, mais vous n'avez pas encore été envoyé à un workhouse.



Vous êtes peut-être jeune, mais vous êtes intelligent et un apprenant rapide. Vous êtes l'un des rares à apprendre à lire et à écrire. Bien que votre écriture n'est pas toujours parfait et vous rencontrez parfois des erreurs d'orthographe, vous avez ce journal pour garder vos pensées


[A la demande des auteurs du jeu, j'ai enlevé les questions, ne laissant, pour le coup, que mes réponses aux prompts reçus chaque jour.]


                Je m’appelle Robert Grayson.

                J’ai 14 ans.

                Je n’ai pas toujours été orphelin mais on  m’a abandonné très jeune. J’ai des très vagues souvenirs de ma famille mais c’est toujours très confus. J’en ai de très bons mais aussi d’horribles et je ne sais pas lesquels sont vrais et lesquels sont faux.


                En ce début décembre 1823, il fait très froid. Mais au moins, comme il neige, c’est joli.

                Ces derniers jours, je peine à trouver de petits travaux pour subvenir à mes besoins, trouver un toit pour la nuit. Pourtant, à cette époque de l’année, on a besoin de petits ramoneurs ou de quelqu’un près à courir dans le froid à sa place pour aller faire une course, porter un message, déblayer la neige. Mais, je ne sais pourquoi, c’est difficile de trouver un travail cet hiver. Peut-être que les gens ont moins de sous ? Noël approche et peut-être que je pourrais compter, quand même, sur la charité des mieux lotis que moi.

                Mon rayon de soleil, c’est ma bibliothèque personnelle. C’est mon trésor. J’ai trouvé de vieux livres dans les poubelles ou abandonnés, oubliés sur un banc… Je les récupère tous. Ils traitent de tous les sujets. Certains racontent des histoires merveilleuses. D’autres sont l’œuvre de grands penseurs, de philosophes ou de savants. Je ne comprends pas tout mais j’essaye.

                Mon carnet est mon bien le plus précieux. J’y note mes pensées, tout ce qui me parait important. Quand je serai grand, je relirai tout ça pour m’en rappeler et ne pas oublier.

Premier jour

Aujourd'hui a été le pire jour de votre vie. Ce matin, vous avez été envoyé à une maison de. Bien que vous soyez encore sous le choc de ce changement brusque, vous êtes sûr que c'est le genre d'endroit au sujet duquel vous avez entendu des histoires effrayantes. Les autres enfants sont minces, méchants et épuisés. Vous serez comme eux. Les machines de l'usine pourraient briser votre corps si vous ne faites pas attention. Vous ne savez pas si cela va bientôt vous arriver.

                J’errais dans les rues en quête d’un petit boulot, de quelques piécettes ou de quoi manger quand j’ai été interpellé par des gens d’armes. Ce sont eux qui m’ont conduit ici, dans cet horrible endroit.

                Cet endroit est horrible et fascinant. Nous vivons au milieu de machines gigantesques. Tout est noir et rouge, sale et brulant. La machine, on dirait, ne s’arrête jamais et nous devons courir pour garder son rythme.

                Je ne sais pas vraiment ce que je fais. Je cours d’un bout à l’autre de l’usine. Je transporte de lourdes pièces en métal et j’aide d’autres enfants à les fixer sur d’autres pièces qui repartent le long d’un rail vers… Je ne sais pas. Je fais le même trajet, portant toujours une lourde pièce d’acier, jusqu’à ce que nos gardiens nous autorisent à nous arrêter quelques minutes pour manger et nous reposer un peu.

                Harper est une petite brute. Je passe systématiquement à côté de son poste de travail. Lui, il n’a pas besoin de courir. Mais, et je ne sais pas pourquoi, dès qu’il peut, il me fait un croc en jambe. Alors, je tombe et fais tomber la pièce que je porte. Là, un gardien arrive et me hurle dessus. Il s’inquiète pour la pièce, espère qu’elle n’est pas abimée. Il me bat mais pas trop longtemps, pour ne pas ralentir la cadence, pour ne pas que toute cette machinerie ralentisse.

                Cela fait rire Harper…

                Nous ne dormons jamais tous en même temps. Comme ça, la machine ne s’arrête jamais. Il y a tout le temps du bruit ici. Mais on s’y fait. Mais, il y a un bruit auquel je n’arriverai pas à me faire. C’est ce grattement, ce chuintement. Ce n’est pas très fort mais c’est là. Je n’arrive pas à savoir quelle partie de la machine produit ce son. En fait, je ne crois pas que ce soit la machine qui fasse ce bruit. C’est… autre chose mais je ne sais pas quoi et ça me fait peur.


Deuxième jour

Votre première journée complète dans l'usine a commencé par le son du sifflet à 7 heures du matin. Les autres enfants se sont précipités hors du lit, à moitié habillés, hors de leur chambre. Vous avez apprécié le calme comme ils se sont précipités loin, se demandant pourquoi ils étaient si pressés. Comme vous avez suivi les enfants les plus lents, vous avez vite compris pourquoi : il n'y avait pas assez de nourriture pour tout le monde à manger pour le petit déjeuner. Mais, un enfant gentil de votre chambre partage le peu qu'il a avec vous.



Le petit déjeuner se termine rapidement et vous vous retrouvez au travail. Un enfant assis à côté de vous vous parle de l'occupant précédent de votre lit. "Il est devenu fou !" Vous voyez une peur dans ses yeux. "Je n'avais jamais vu quelque chose comme ça avant dans ma vie. Peu de temps avant sa disparition, il parlait de réaliser ses souhaits... Puis, quelques jours avant ton arrivée, il a été écrasé dans l'une des machines de l'usine. "

                Little John est le plus gentil avec moi. Il partage sa nourriture quand je ne suis pas assez rapide. Et je partage la mienne quand c’est lui qui est trop lent.

                Il y a plusieurs sortes de travailleurs dans cette usine. Il y a ceux qui sont « à poste » et qui ne bougent pas et ceux qui, comme moi, courent dans tous les sens et sont sur plusieurs postes à la fois. José est comme moi, à courir tout le temps. Aujourd’hui, épuisé à force de courir, José a manqué de vigilance et de rapidité et une presse lui est retombé sur la jambe. L’accident a provoqué une dysfonction et la presse ne s’est pas relevée. José est donc resté coincé là un bon moment avant que quelqu’un ne décide de lui couper la jambe pour le dégager de là.

                Les grattements se rapprochent. C’est sous mon lit maintenant. J’en suis sûr. J’ai peur. Mais je me dis que cela ne doit être qu’une mauvaise blague que me fait Harper ou un autre de ses camarades, ceux qui aiment bien embêter les plus petits et les nouveaux venus. Je ne sais pas ce qui peut provoquer un tel bruit alors… je me penche et regarde sous mon lit et… je ne vois rien ! Alors,…
… Je vais sous mon lit et j’écris un sigil encore et encore dans les dernières heures ou la nuit, jusqu'à ce que je sois submergé par l'accalmie du sommeil.
               Je rêve… d'Harper ! Je veux quitter cet endroit mais… je veux aussi me venger. Je veux partir et je veux qu’Harper reste. Et je veux qu’il sache que je suis plus fort que lui. Plus fort parce que j’aurais réussi à m’enfuir et plus fort parce que je lui aurais flanqué une bonne raclée !


Troisième jour

Vous vous réveillez au son du sifflet, toujours sous votre lit de la veille. Les points que vous avez vus ont disparu. Vous vous précipitez, avec les autres, pour prendre votre petit déjeuner. Vous avez encore plus de force qu'eux, de sorte que vous êtes en mesure d'obtenir à la tête de la ligne et obtenir quelque chose à manger. Le travail ce jour-là est particulièrement ardu. Vous ne savez pas pourquoi, mais les surveillants sont plus cruels que d'habitude aujourd'hui.

                Les adultes sont plus durs avec nous aujourd’hui et, je ne sais pas pourquoi, je ne peux m’empêcher de penser que c’est à cause de ce que j’ai fait cette nuit. Ils ne le savent pas, sinon j’aurais déjà été puni mais… Je ne peux m’empêcher de me sentir coupable. Surtout que nous sommes tous aujourd’hui les victimes de regain de cruauté. Les adultes nous crient dessus encore plus que d’habitude. Ils nous frappent plus souvent et plus durement. Sur tout le grand et sec que tout le monde appelle « La Trique », parce qu’il lui ressemble et qu’il l’utilise souvent. C’est idiot car cela ne nous fait pas travailler plus vite. Au contraire...

                Un grand cri a retenti juste avant que nous ne finissions notre travail. Et ce cri a été suivi de toute une clameur et de hurlement. Un enfant, je ne sais pas comment, est « tombé » dans sa machine et a été brouillé sous les yeux de ses collègues. Je me demande s’il est tombé tout seul ou si quelqu’un la poussé. Little John, lui, pense que c’est la machine qui l’a attrapé. Il dit que l’usine est un monstre qui a faim et les machines sont ses bouches.

                Avant de me coucher, je regarde de nouveau sous mon lit. Quand je me redresse, Harper et là, juste à côté de mon lit, avec son sourire le plus mauvais. Il a les main derrière son dos. Il ordonne à mes voisins de chambrée de se tourner et de faire comme s’il ne se passait rien. En silence, ils s’exécutent. Il y en a même un qui plaque ses mains sur ses oreilles. Alors, Harper sort de derrière son dos une chaussette dans laquelle il a mis quelque chose de dur. Quand il me frappe, je comprends qu’il s’agit de bouts de ferrailles qu’il a ramassé dans l’usine. Il frappe fort et vite. En fait, je n’ai même pas le temps d’essayer de me défendre. J’essaye juste de me protéger du mieux que je peux. Personne ne bouge. Personne ne fait le moindre geste pour me venir en aide. Cela ne s’arrête que quand Harper, à bout de souffle, semble en avoir assez.

                Je rêve, de nouveau… Je cours mais… moins vite. Et surtout, je cours pour m’amuser, pas pour travailler. Et partout où je cours, de l’herbe remplace le sol noir de l’usine. Des fleurs poussent. Quand je touche une machine, elle se transforme en bosquet plein de fleurs ou en arbre plein de fruits. Je cours partout pour prévenir tous les enfants qu’un miracle est en train de se produire et que nous sommes tous libres maintenant et que nous ne manquerons plus jamais de rien.
                Et soudain! Non ! C’était un beau rêve ! Pourquoi s’échappe-t-il ?Quel est cet endroit ? C’est… lugubre, effrayant… Je sais bien que cette chose m’a vue. Elle sait parfaitement où je suis. Pourtant, autant que possible, je me tapis dans l’ombre, espérant lui échapper.


Quatrième jour

Vous vous réveillez aux sons frénétiques des autres enfants dans votre chambre. Le soleil est plus élevé que prévu, mais vous n'avez pas entendu de sifflet. Un enfant dit qu'il n'y a pas de petit déjeuner, mais il est plus de 7 heures. Peu de temps après, le sifflet retentit, et les enfants se précipitent dans une salle commune vide. Le contremaître annonce qu'en raison d'un accident, les machines devront être recalibrées. Comme punition pour l'insouciance des enfants, il n'y aura pas de nourriture ce jour-là et ils seront enfermés dans leurs dortoirs jusqu'à nouvel ordre. Une des façons dont vous et les autres enfants passent le temps est de raconter des histoires. Un colocataire avec qui vous n'avez jamais parlé explique que l'enfant qui avait l'habitude de rester dans votre lit est devenu fou et est mort dans un accident, juste avant votre arrivée. Tous les détails ne sont pas les mêmes que ceux que vous avez entendu l'autre jour, mais la plupart des enfants commencent à vous narguer, affirmant que vous allez devenir fou, aussi. Aucun d'entre eux, cependant, ne mentionnent qu'ils vous ont vu sous le lit.


                Je ne sais pas quoi penser de cette histoire concernant le précédent occupant de mon lit. Ils disent qu’il est devenu fou. Je veux bien le croire mais je ne vois pas pourquoi je devrais finir fou moi aussi. C’est sûrement cet endroit et les mauvaises personnes qui y vivent qui l’auront rendu fou. Moi, je ne risque pas de devenir fou. Ce n’est pas parce que j’entends des bruits bizarres ou que je fais des rêves étranges que ça veut dire que je deviens fou. Si ?


                Harper, lui, est en train de devenir fou. Je ne sais pas si c’est la faim ou juste l’inactivité mais… il a passé la journée à tourner en rond dans le dortoir en marmonnant des choses incohérentes. Il regardait certain d’entre nous avec un air menaçant et finalement le sort a décidé que c’est moi qui prendrait. Ce soir, juste avant l’heure du coucher, il m’a sauté dessus et a tenté de m’étrangler. Au début, personne ne bougeait puis, quand même, voyant que je n’arrivais pas à m’en sortir et que je perdais peu à peu connaissance, quelques garçons parmi les plus grands lui sont tombés dessus et l’ont forcé à me lâcher. Ils l’ont conduit à l’autre bout du dortoir et ont passé un long moment à lui parler. Je ne sais pas ce qu’ils lui ont dit mais ils m’ont promis que cela ne se reproduirait plus. Il va me falloir du temps avant de pouvoir m‘endormir… et je ne dormirai que d’un œil…


                N’arrivant pas à trouver le sommeil, je me suis finalement réfugié… sous mon lit. J’ai arrangé mes couvertures pour faire croire que j’étais toujours dessus et, discrètement, je me suis glissé dessous. Là, j’arrivais enfin à me sentir bien, en sécurité. Quand je fermais les yeux, je revoyais ces petits points rouges…

Vous entendez une voix dans votre tête qui murmure: «Mon enfant. Je sens ton vœu. Tu aimerais que Harper arrête de te faire du mal. Ton souhait sera exaucé si tu dessines tous les soirs. Promets-tu de continuer à répondre à mes questions pour faire tes dessins? Avant de penser, vous vous sentez chuchoter, d'une voix comme l'air est tiré de vos poumons, "oui ..." Le monde devient noir.


Cinquième jour

Vous vous réveillez dans votre lit au sifflet, heureux et rafraîchi. Vous vous sentez mieux que depuis votre arrivée. Le travail ce jour-là est facile même si un enfant près de chez vous, un petit garçon aux poignets fins nommé Henry, ne vient jamais à son poste. « Les enfants tombent malades », dit votre voisin en haussant les épaules. "Ou quelqu’un est venu le chercher. Il était gentil. Avez-vous déjà parlé avec lui? " Tu ne l'as jamais fait.



Au fur et à mesure que la journée avance, de plus en plus de gens commencent à parler du départ d'Henry. Vous entendez quelques adultes chuchoter qu'il a dû s'enfuir.


                En vérité, je n’ai aucune idée de ce qui a bien pu arriver à Henry mais il me parait plus qu’improbable que quelqu’un soit venu le chercher. En fait, soit il est mort, soit il a bel et bien réussi à s’enfuir. Et si tel est le cas, ça veut dire que moi aussi je peux m’enfuir…


                J’observe autour de moi les réactions à l’absence d’Henry. Et je remarque qu’Harper a l’air particulièrement contrarié. Je ne me rappelle pas qu’Henry et lui aient été proche ou même qu’Henry fut l’un de ses souffre-douleur comme… moi. Alors, pourquoi est-il embêté ? Je me demande si Harper ne sais pas quelque chose. Est-il possible qu’Henry se soit vraiment enfui et qu’Harper sache quelque chose à ce sujet ? L’espace d’un instant, je souris à l’idée qu’Henry se soit servi d’Harper pour pouvoir s’enfuir en le laissant finalement ici.


                M’a-t-il vu sourire ? En tout cas, Harper s’en prend de nouveau à moi. Mais il se montre plus « discret » que les autres fois. Pas de croche-pattes dans l’usine ni d’agression dans le dortoir. Il se colle à moi dans un couloir, juste à la sortie du réfectoire et me menace de sa voix la plus glaciale. Il me met au défi de le quitter. Il affirme qu’il me le ferait regretter…

                De quoi parle-t-il ? Qu’elles étaient vraiment ses relations avec Henry ?


Cette nuit-là, vous rampez sous votre lit après que les lumières soient éteintes.


                J’en ai assez ! je veux que ces agressions cessent. Mais, aussi, je veux savoir. Qu’est-ce qui se trame vraiment ici ? Qu’est devenu Henry ? S’est-il vraiment enfui ? Quels étaient ses liens avec Harper ? Et ces points sous mon lit ? Et ces voix, et ces rêves ? Mes rêves…


                Je rêve de nouveau. Mais est-ce vraiment moi qui rêve ou s’agit-il plutôt des rêves de mon prédécesseurs qui s’emparent de moi ? Même si c’est le cas, même si ce ne sont pas vraiment mes rêves, ce n’est pas grave. Rêver me fait du bien. Rêver me permet de m’évader, comme Henry ? A-t-il rêver suffisamment fort pour quitter cet endroit ?


Dans votre rêve, la Voix vous interrompt avec un murmure: «Vous voulez en savoir plus. Je comprends. Pour l'instant, tu dois savoir que je suis un ami. Tes dessins me donnent du pouvoir. Quand j'en aurai assez, je viendrai te voir. Tu t’en sors bien ».

                Oui, c’est vrai, je veux savoir. Ça me fait bizarre de le reconnaître mais on dirait bien que savoir est finalement plus important que m’enfuir.


Sixième jour

C'est une autre journée de travail sans heurts, mais les bavardages na portent que sur Henry. Une des filles dans son dortoir jure qu'elle a trouvé un bouquet de fourrure animale dans son lit. Elle voulait le montrer à tout le monde, mais elle dit que l'un des adultes lui a enlevé. La plupart des enfants ne la croient pas. D'autres enfants disent qu'il a accompli ce que beaucoup pensent impossible: il s'est échappé. D'autres ont des théories encore plus bizarres. Il n'y a pas de blessés ce jour-là, et Harper ne vous fait rien cette nuit-là.



Cette nuit-là, caché sous le lit, vous entendez Harper murmurer à un autre enfant dans l'obscurité. Vous ne pouvez pas tout à fait comprendre ce qu'ils disent.


                Plein d’histoires circulent à propos d’Henry. Mais je crois que la plus bizarre est celle voulant qu’il se soit transformé en animal pour finalement s’évader par l’« intérieur » de la bête. C’est comme ça que ceux qui défendent cette théorie explique qu’on a retrouvé que la fourrure. Et c’est comme qu’ils expliquent que les adultes aient confisqué cette fourrure, justement, pour mieux étudier cette magie. En tout cas, certains croient vraiment qu’on peut se transformer en animal et fuir l’usine de cette façon.


                Toutes ces histoires… Je ne peux y prêter trop attention. J’ai du travail. Pourtant, mes pensées sont ailleurs. Je me rappelle « avant ». J’ai l’impression que c’était il y a très longtemps, une autre vie. Pourtant, cela ne date que d’une semaine à peine. Ici, je suis au chaud et j’ai des repas à peu près réguliers. Dehors, il fait froid et je n’étais jamais sûr de manger à ma faim. La vie est rude aussi dehors et les gens sont souvent méchants. Mais pourtant, la vie ici me fait regretter la rudesse de ma vie d’avant. Ici, finalement, c’est comme dehors mais en plus… concentré. C’est un concentré de méchanceté, un concentré de misère. Dehors, au moins, si je n’avais pas cette certitude d’avoir au moins un repas par jour, j’avais au moins la certitude que je ne serai pas forcément battu ou insulté par des adultes ou même d’autres enfants. De l’incertitude ne nait pas seulement la peur. Elle permet aussi l’espoir. Quel espoir ici ?


                Je ne comprends pas bien ce que murmure Harper à l’autre gamin. D’un côté, je suis content qu’il ne s’en prenne pas à moi mais… j’ai de la peine pour ce pauvre gosse, sa nouvelle proie. J’essaye d’écouter ce qu’il dit sans en avoir l’air et je saisis seulement qu’il lui parle d’Henry. Je ne suis pas sûr mais j’ai l’impression qu’il veut que ce gamin fasse comme Henry.



                Je trace de nouveaux points et de nouveaux traits sous mon lit. Je voudrais… un peu de gentillesse, des amis dans cet endroit…



La Voix revient, chuchotant durement, "Non. Vos dessins sont faux. Vos réponses, vos sentiments sont faux. Si vous continuez à me décevoir, je trouverai quelqu'un qui ne le fera pas. " Vous rampez, abattu, hors de sous votre lit et tomber dans un profond sommeil.


Septième jour

Votre sommeil cette nuit-là a été régulièrement interrompu par une vision terrible, la même, encore et encore. Vous vous sentez à peine éveillé, mais vous flottez à travers votre journée. Vous continuez votre travail dans une brume fiévreuse.


                Je ne veux plus entendre parler de cette histoire de fuite par l’intérieur d’un animal. C’est… impossible et vraiment écœurant. Pourtant, Little J. est convaincu que cette fille a vraiment vu une peau de bête dans le lit d’Henry. Et il est convaincu que cette histoire est vraie. Et je crois qu’il veut m’en convaincre pour que je l’aide. Mais à quoi ? A se transformer en animal, pour s’enfuir lui aussi ? Alors, même si je n’en sais rien, même si je ne suis sûr de rien, je finis par le faire fuir en lui criant dessus qu’Henry est mort, qu’il a té tué par une machine ou un gardien !


                Depuis la mort d’Henry, Harper ne m’adresse plus la parole. Et je dois avouer que cela ne me rassure pas, finalement. J’ai peur qu’il ne mijote un sale coup. J’espère qu’il ne va pas me retomber dessus alors que je me croirais débarrasser de lui. Mais aussi, j’ai l’impression qu’il fait parti de ceux qui croit cette histoire d’évasion « magique ». Et je me demande s’il n’essaye pas de faire pression sur un autre garçon pour l’aider.


                Oh mais, qu’est-ce qu’il m’arrive. Je voulais aller sous mon lit, cette nuit, pour dessiner mais j’ai dû m’endormir. Et voila que je me réveille, dans mon lit, en train d’agiter les bras dans le vide. Et j’entends encore cette Voix. Elle n’est pas aussi dure qu’hier. Elle s’est radoucie. Mais ses mots sont durs. Son mot ! car elle n’en dit qu’un. Ou, en tout cas, je n’en comprends qu’un : Meurtre !

La Voix roucoule doucement, "Vous pouvez encore servir mon but, Petit Agneau. Dormez.


Huitième jour

Comme vous l'avez fait il y a quelques jours, vous vous réveillez, heureux et rafraîchi. Le travail semble léger, et votre ami a été affecté à travailler près de vous. Il y a des moments aujourd'hui où vous pensez que vous pourriez survivre ici. Cette nuit-là, cependant, Harper met son plan en mouvement.



                Je suis content que Little John est changé de secteur. C’est chouette de l’avoir avec moi. Bon, moi je dois toujours courir partout mais au moins nous pouvons passer plus de temps à discuter. Le temps passe et il semble en finir peu à peu avec ces étranges histoires concernant la disparition d’Henry. En vrai, nous tombons d’accord sur le fait qu’il est peu probable qu’il se soit vraiment enfui. C’est moche mais il serait plus logique qu’il soit… mort. Epuisement à cause du travail et du manque de soin, de nourriture saine ? Mauvais traitements ? Accidents ? Les occasions de perdre la vie ne manquent pas ici. Pourtant, à travailler avec Little John, j’ai l’impression que le temps passe plus vite, que mes pas sont plus léger. Si les choses devaient rester ainsi, peut-être que je pourrais m’y habituer ?


                Comme les choses vont bien, je reste prudent. Je ne veux pas être pris par surprise. Aussi, j’observe Harper. Il me laisse en paix en ce moment mais… pour combien de temps. Il a jeté son dévolu sur un autre garçon. Il ne le maltraite pas comme d’autres, comme moi. En fait, il lui parle. Il lui parle tout le temps, dès qu’il peut, tour à tour mielleux et menaçant. Je ne saisis pas bien ce qu’il attend de lui car, ça c’est certain, il attend quelque chose de ce garçon. J’en arrive même à me demander pourquoi il n’attend pas cela de… moi. Mais c’est certainement mieux ainsi.

                En effet, cette nuit, Harper a décidé de passer à l’action. Je n’aurais pas pu imaginer qu’il le ferait vraiment. Lentement, doucement, il a rejoint le lit de ce garçon puis il a levé un grand couteau. Je ne sais pas comment il l’a eu. Je crois comprendre qu’il veut vraiment reproduire ce qu’il croit être le rituel magique d’évasion d’Henry. Il croit vraiment qu’en ouvrant ce garçon et en rentrant dedans il va trouver une sortie, qu’il va pouvoir quitter l’usine ?

                Je ne sais pas ce qui me prend mais je saute de mon lit et le fixe. Je ne cries pas. Je ne dis ni ne fais rien qui puisse attirer l’attention des adultes mais Harper a senti ma présence. Il me fixe lui aussi. Il baisse son couteau et regagne son lit.


                Je ne me retourne pas mais je sais ce qui l’a arrêter. Je sens cette présence derrière moi. Je sens ce souffle sur mon cou. Qui ou quoi que ce soit, ça n’a pas besoin de parler. Je me retourne. Je garde les yeux fermés car je ne veux pas le voir. Je me recouche… sous mon lit.


                Je ne sais plus. Ces traits et ces lignes m’apportent du bien être… Je ne sais vraiment plus. En vérité, je veux… La Vérité !


"Je sens ta colère. Tu te sens trahi par moi. Tu n'as pas toujours fait de bons dessins pour moi. C'est de ta faute. Mais, je pardonne. Dessines toute la nuit et demain, je prendrai des mesures pour les empêcher de continuer à te faire du mal. "


Jour Neuf

Le lendemain matin, tu t'habilles quand Harper te jette par terre et te saisit par la gorge. Il se penche en riant. "J'espère que tu as apprécié hier, petite merde," grogne-t-il. "Je peux te faire du mal. Je serai toujours capable de te faire du mal. Il te gifle, puis te crache dessus. Les autres enfants rient, puis se rangent derrière lui. Seul votre ami reste derrière et vous aide.



Peu de temps après la reprise du travail, après le repas de midi, vous entendez des cris de l'autre côté de l'usine. Les machines s'arrêtent, ne faisant que rendre les cris plus fort. Les surveillants se précipitent vers l’origine des cris. Les enfants suivent rapidement. Comme vous vous rapprochez, vous voyez ce qui s'est passé: un enfant est tombé dans la machine et un autre, en essayant de les attraper, a été attiré aussi. Le premier enfant est mort. Le second est toujours en vie, mais à l'agonie. Vous n'avez jamais vu une blessure comme celle-ci avant. La foule pousse pour se rapprocher, et vous êtes poussé vers l'avant, assez près pour voir mieux. Le premier enfant était l'un des enfants qui se sont moqués de vous ce matin. L'autre enfant, celui qui criait à l'agonie, était l'enfant à qui Harper murmurait il y a quelques nuits. Quand vous les regardez, ils vous regardent directement dans les yeux et se taisent. Vous pensez, un instant, que quelque chose a soulagé leur douleur. Ensuite, vous voyez qu'ils sont devenus mous. Ils sont morts.



Comme vous êtes renvoyé à vos quartiers d'habitation, vous entendez l'un des surveillants dire: « Eh bien, au moins ce ne sera pas aussi difficile à nettoyer que le dernier. Ça devrait être bon pour demain. »


                Tout ça est trop bizarre. Je ne peux m’empêcher de penser que tout ça n’est pas un accident. Ce n’est pas un hasard si ce sont ces deux-là qui sont mort aujourd’hui. C’est un message de… la Voix, celle qui me parle et qui veut que dessine ces symboles sous le lit. Elle a un plan, un plan pour moi. Elle a du pouvoir et elle m’en a fait la démonstration aujourd’hui. Je ne sais pas quoi faire. J’ai l’impression que tout ça me dépasse. J’ai l’impression de perdre pied. Est-ce que je deviens fou ?

                Little John me tourne autour. Je crois qu’il voudrait me parler. Il  besoin de parler. Mais moi, ce soir, je crois que j’ai besoin de rester seul au contraire. Et il comprend. Alors, il respecte mon besoin de solitude. Mais, est-ce vraiment de cela dont j’ai besoin ? ai-je besoin de rester seul ou ai-je peur de me mêler aux autres ? Et je passe finalement la soirée à réfléchir et, au bout d’un moment, vient l’heure de se coucher.



                J’ai passé ma soirée à retourner plein d’idées dans ma tête. Mais j’ai aussi gardé un œil sur Harper. Je suis convaincu que ces morts ne sont pas un hasard ?. et je ne serais pas étonné qu’Harper en soit convaincu lui aussi. Et s’il sent que j’ai quelque chose à voir là-dedans, il voudra se venger. Après tout, il semblait bien que l’un des deux garçons devait l’aider à s’évader, non ? En tout cas, je crois vraiment qu’il voulait se servir pour s’évader. Et que son plan ait réellement eu ou non la moindre chance de marcher, il va m’en vouloir d’avoir réduit ses espoirs à néant. Aussi, je m’attendais à ce qu’il s’en prenne à moi ce soir. Pourtant, il n’en a rien fait. En fait, il n’a rien fait du tout ce soir. On dirait qu’il déprime. Il a tourné en rond pendant un moment puis s’est assis dans un coin, perdu lui aussi dans ses pensées. Que mijote-t-il ?

De retour sous le lit, vous respirez avant de commencer les Sigils.

                Si seulement je pouvais revenir en arrière… et sauver tous les enfants…

La Voix murmure: « Ce n'est pas ce que tu voulais? Tu es un enfant stupide. Je vois ce que tu veux. J'entends ton petit esprit me demander d'arrêter. Ha!—c'était autant pour moi que pour toi. Je n'aurai plus besoin de toi très longtemps de toute façon. »
Vous restez éveillé jusqu'à l'aube, incapable de trouver le sommeil, pensant à la façon dont l'enfant vous regardait avant qu'il ne meure. Finalement, vous dérivez, mais vous ne rêvez que de leurs corps brisés et mutilés. Et les cris.


Jour dix

Lorsque le sifflet retentit et que vous vous réveillez, la pièce semble étonnamment vide jusqu'à ce que vous vous souveniez de l'accident de la veille. Vous regardez autour de vous et voyez qu'un autre enfant a disparu, l'un de ceux qui se moquait de vous. Comme vous vous détournez de son lit, vous voyez Harper regardant le lit vide, lui aussi. Ensuite, vos regards se croisent.



Pendant le travail ce jour-là, vos yeux errent par une fenêtre que les surveillants ont ouverte. Un arbre massif, noueux se trouve à l'extérieur, ses branches comme des vrilles, tordant à des angles impossibles. Vers midi, vous jetez un coup d'œil à un ciel teint en rouge et voyez l'enfant qui a disparu dans la nuit debout près de l'arbre, vous regardant. Comme vous remuez vos lèvres pour dire son nom, l'une des branches se déplace violemment et il est tiré à l’intérieur du tronc. Vous voyez sa bouche ouverte pour crier, mais aucun son ne sort. Il est parti. Dans l'arbre. Vous vous tournez pour voir si quelqu'un d'autre peut le voir quand votre ami saisit grossièrement votre bras et le tire loin de la machine. "Attention !" Ton ami pleure. "Tu as presque ... Je..." et ils jettent ses bras autour de vous, sanglotant. Vous vous mettez à pleurer aussi. Vous êtes interrompu par un surveillant à proximité qui vous sépare, vous disant que si vous ne retournez pas au travail, vous n'aurez pas de souper. Vous regardez l'arbre. Vous ne voyez rien d'inhabituel.



                C’est incroyable. Cela pourrait n’être que le fruit de mon imagination, de la fatigue mais… Je sais bien que c’est vrai, que c’est vraiment arrivé ! Et c’est pour ça que c’est incroyable. Car, vu ce que nous font vivre les gardiens ou les autres enfants comme Harper, ce serait normal de faire des cauchemars, de voir des « choses ». Mais là, ce n’était pas un rêve, ni une illusion. Il a VRAIMENT été aspiré par l’arbre !!



                Je ne sais pas trop ce qu’en pensent les autres. Je ne veux pas trop leur parler. Pas de ça. Mais j’ai quand même entendu des bruits. Certains pensent qu’il a été emmené par les gardiens et c’est peut-être ce qui est arrivé, finalement…



                Et ce soir encore je vais sous mon lit, pour dessiner. La Voix n’est pas vraiment mon ami. J’en suis sûr. Elle attend quelque chose de moi, même si je ne sais pas quoi. Mais elle fait des choses qui, d’une certaines façons, me protègent et me permettent de garder l’espoir de quitter un jour cet endroit. Alors, je continues d’aller dessiner sous mon lit…



                J’ai besoin d’aide. Pourtant, ce soir…



Il n'y a pas de voix. Vous n'entendez rien.



Jour onze

Comme le sifflet sonne, vous vous réveillez, pas très frais, mais avec votre esprit au moins clair. Vous avez probablement tout imaginé sous le lit. Après tout, il n'y a pas eu de réponse hier soir. C'était peut-être votre imagination. Harper ne vous regarde pas. Vous le voyez assis sur le bord d'un des lits vides. Vous passez devant lui pour le petit déjeuner, qui est plus abondant que d'habitude.



Le travail ce jour-là commence avec les surveillants qui parlent aux enfants avant que les machines ne commencent à fonctionner. Il y a des femmes et des hommes étranges, bien habillés et clairement pas de cette classe sociale, debout à côté d'eux. Les surveillants parlent de la tragédie, des blessures et des décès ici, comment tout cela aurait pu être évité si les enfants avaient dit qu'ils étaient fatigués. L'un des surveillants semble même suggérer que l'un des enfants décédés il y a deux jours s'est jeté dans la machine. Certains enfants près de vous se plaignent que ce n'est pas ce qui s'est passé. Ils vous disent qu'ils ont apporté des changements pour rendre le travail plus sûr pour vous tous.



Cette nuit-là, alors que vous vous endormez, vous entendez Harper pleurer dans son oreiller, en essayant d'empêcher quiconque de l’entendre. Vous décidez de ne pas aller sous le lit ce soir.



                En vérité, il n’y aura eu aucun changement ! Ce n’est que du vent, de la poudre aux yeux de ces visiteurs. On a peint des lignes blanches au sol, soi-disant pour délimiter des zones de sécurité. Les gardiens nous ont « gentiment » dit de ne pas courir mais… il faut bien respecter les cadences. Toute cette journée n’aura été qu’un vaste théâtre à l’attention de ces gens. Et tout redeviendra comme avant dès qu’ils se seront assez éloignés pour ne plus nous entendre crier et pleurer.



                De toute façon, les gardiens ne peuvent aller contre leur nature. Ils nous détestent. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que, finalement, eux-aussi sont coincés dans cette horrible usine. En tout cas, en présence de ces gens-là, ils font « attention » à ne pas être trop méchants. Mais c’est peut-être pire car, derrière leur ton mielleux, leurs « bons » conseils et leurs injonctions à respecter les consignes de sécurité, nous savons tous que le naturel ne tardera pas à revenir au galop et ils rattraperont le retard dans la distributions des souffrances, surtout si nous avons pris du retard en courant et travaillant moins vite.



                Par méfiance autant que par curiosité, j’observe Harper. Je vois bien qu’il va mal. Mais, je n’arrive pas à le plaindre. Pas après ce qu’il nous a fait, à moi comme à d’autres. Est-ce que ça veut dire que, moi aussi, je deviens mauvais ? Est-ce à cause de la Voix sous le lit que je deviens comme ça ou est-ce juste à cause de l’usine ? En tout cas, si je suis honnête avec moi-même, je dois avouer que cela me parait un juste retour des choses qu’Harper aille mal en ce moment. Pourvu que ça dure…



La sensation d'une main qui vous saisit la gorge vous réveille. Vous essayez d'ouvrir les yeux, mais une paume à fourrure les recouvrent. Vous sentez un souffle chaud dans votre oreille et entendez La Voix, pas dans votre tête, mais dans la pièce même avec vous. Il vous murmure: « Petit enfant, je suis assez fort pour être ici, mais pas encore assez fort. Tu iras sous le lit ce soir et tu dessineras. » Sa main encore sur vos yeux, il vous soulève par la gorge et vous met sur le sol, presque doucement, puis vous pousse sous le lit. Comme vous ouvrez les yeux pour regarder, vous voyez une paire de sabots cloutés se déplaçant hors de la salle. Vous commencez à dessiner.



Jour douze

Vous vous réveillez au sifflet. Harper regarde fixement le plafond et puis lentement, presque mécaniquement, sort du lit. Vous vous préparez pour le petit déjeuner, et, pendant que vous et votre ami mangez aussi vite que possible, Harper se déplace pour s'asseoir à côté de vous. "Puis-je m'asseoir ici?" "Je n'ai plus personne avec qui m'asseoir."



La journée de travail est facile, comme hier. Les machines se déplacent plus lentement, mais vous trouvez que vous faites peu d'erreurs et envoyer moins de choses à moitié fini. Vous et votre ami discutez et vous découvrez que vous avez plus en commun que vous pensiez.



À la fin de la journée, le contremaître de l'usine, accompagné d’une femme bien habillée qui le regarde sévèrement, vous dit que vous aurez droit à une journée de récréation demain grâce à la Société pour le bénéfice des jeunes orphelins , qui vous emmènera dans un parc.



                Je n’en croyais pas mes oreilles. Harper a demandé à prendre son petit-déjeuner avec nous ! J’étais tellement sous le choc que je n’ai rien su dire. Nous avons juste hocher la tête, Little John et moi pour lui faire signe de s’assoir. Je ne sais pas ce que j’attendais d’un tel moment. Des excuses, pour tout ce qu’il avait fait ? Non, il a juste parler de tout et de rien. Et encore, il n’a pas dit grand-chose. Nous non plus d’ailleurs.



                Que les cadences diminuent en ce moment me laisse plus de temps pour discuter avec Little John. C’est agréable d’avoir quelqu’un à qui parler. J’ai toujours su que nous étions fait pour être ami mais maintenant j’ai l’impression de savoir pourquoi. Nous avons des bouts d’histoire en commun lui et moi. Lui aussi a vécu au sein d’une famille avant. Et lui aussi a été abandonné. Et je crois qu’à lui aussi sa mémoire lui joue des tours. Et peut-être que, finalement, nos vies d’avant n’étaient pas aussi roses que ce que certains souvenirs voudraient nous faire croire.



                Je ne sais plus trop quoi penser de la Voix. Au début, je la prenais vraiment pour un ami. Maintenant, j’ai plus l’impression que je dois m’en méfier. J’ai l’impression qu’en étant gentille avec moi, elle m’a fait mettre le doigt dans un engrenage qui me fera peut-être plus de mal que les machines. Alors, des fois, je ne suis pas sûr de vraiment vouloir retourner dessiner sous mon lit. Mais la Voix revient alors et elle me dit qu’elle me comprend. Elle s’excuse de ne pas m’avoir tout dit mais… elle ne peut pas tout me dire car  cela romprait la magie. Elle dit que nous devons nous soutenir l’un et l’autre. Elle peut vraiment faire des choses pour moi mais elle s’excuse de ne pas pouvoir encore me dire comment. Mais, le moment viendra. Elle l’a promis.



                J’ai hâte de pouvoir profiter de cette journée au parc. Ça me changera les idées. Puis, je veux aussi voir le ciel sans avoir les murs de l’usine qui me barrent l’horizon. Mais par contre, après, je veux aussi que la Voix m’explique enfin de quoi il retourne. Je veux quitter cet endroit mais pas avant d’en avoir percé certains secrets…



« Tu veux en savoir plus, Petit Agneau? » susurre la Voix. « Saches que tes décisions ont des conséquences. Chaque vie prise est de ta faute. Mais tu le fais pour une bonne cause. Tu le fais pour moi. »




Jour 13 :

Le sifflet vous réveille, et pendant un moment, vous oubliez que vous avez un jour de congé. Puis, cependant, Harper dit: «Tu ne pensais pas qu'ils allaient réellement nous laisser reposer aujourd'hui, n'est-ce pas?"



Pendant le petit déjeuner, vous voyez beaucoup de gens bien habillé parler gentiment aux enfants. Aucun d'entre eux ne vous parle. Après la fin du petit déjeuner, la femme qui se tenait à côté du contremaître hier appelle: « Maintenant, les enfants, nous allons aller au parc! Il fait un peu froid dehors, mais je pense que nous allons nous amuser de toute façon, n'est-ce pas? » Quelque chose à propos de sa voix vous dit ne pas lui faire confiance, mais tous les autres enfants, y compris votre ami, semblent convaincus. La journée est, en effet, très agréable.



Cette nuit-là, après que tout le monde se couche, vous n'avez pas besoin de La Voix pour vous commander d’aller sous le lit.



                Harper fait comme si nous étions amis, comme s’il ne m’avait jamais fait de mal, comme si de rien était. Quelque chose a changé chez lui depuis la mort d’Henry. Au début, je pensais qu’il s’était rapproché de moi pour mieux me faire du mal mais je commence à en douter. Je crois qu’il est sincère. Je crois que quelque chose s’est cassé en lui. Alors, je tente moi aussi de faire, non pas comme si de rien était, mais d’être… compatissant.



                C’est vrai qu’il fait froid mais il y a tant de jeux que ça nous réchauffe. On peut jouer au ballon, courir, sauter. Il y a des cages à poules aussi et d’autres agrès auxquels on peut se suspendre, qu’on peut escalader. Il y a aussi une petite patinoire. En fait, l’été, c’est une pataugeoire pour les petits, mais l’hiver… Certains fabriquent des bonhommes de neige et d’autres déclenchent des batailles de boules de neige.



                Je vois tout le monde heureux. Je suis content pour eux mais je ne peux pas m’empêcher de penser que quelque chose ne va pas. Je n’arrive pas à oublier que ce soir nous retournerons à l’usine et que demain nous devrons de nouveau travailler dur. Et cette journée ne sera plus qu’un souvenir rapidement oublié. Savoir que demain le travail va reprendre m’aurait gâché ma journée mais un des adultes bien habillés est venu me voir. Il n’a pas voulu me forcer à aller jouer avec les autres. En fait, il n’a rien dit. Il a juste posé sa main sur mon épaule et m’a tendu un cornet avec des frites et du poisson. C’était chaud. C’était bon. J’ai mangé et il m’a souri.



                La Voix ne se fait pas entendre ce soir. Pourtant, bien que j’ai de plus en doute quant au fait que dessiner soit une bonne chose, je retourne sous mon lit et… je dessine. Pourquoi ? Par peur de la Voix ? Peut-être, oui, mais pas seulement. C’est vrai que j’ai peur à l’idée de ce que la Voix va finir par exiger de moi mais je ne peux m’empêcher de dessiner car… j’y crois ! Je crois que ces dessins ont un « effet », qu’ils entrainent des choses et que, même si je m’attends à en payer le prix, ces choses sont bonnes pour moi. Et peut-être aussi qu’elles seront bonnes pour les autres enfants de l’usine. Voila, que je dessine ou pas, il se passera quelque chose d’horrible. Mais si je dessine, au moins il y aura eu quelque chose de bien, non ?



                J’ai peur que tout cela ne finisse mal… J’ai peur qu’il y ait d’autres morts. J’ai peur de mourir…



« Je savais que tu aurais faim de plus », dit la Voix en chantant presque : « Bientôt, tu auras le tien. » Cette nuit-là, vous rêvez de sang qui pleut du ciel nocturne. La foudre s'entreheurte les gouttelettes rouges.

Vous vous réveillez le lendemain matin avec une sensation serrée dans la fosse de votre estomac. Quelque chose ne va pas.



Jour 14 :

Vous regardez instinctivement autour de la pièce et voyez  que le lit de Harper est vide, les draps en désordre et recouverts d’une mare de sang. Vous et les autres enfants, vous vous précipitez. Le sang est encore humide mais refroidi, et il y a des touffes de fourrure qui semblent avoir été arrachés à un gros animal. Harper s'est clairement battu.



Vous percevez cette journée de travail comme à travers une brume, mais la journée est calme. Ce n'est que vers la fin de la journée de travail que vous remarquez que les seuls adultes sont les surveillants. Aucun membre de la Société pour le bénéfice de la jeunesse orpheline semble être là après votre beau temps au parc hier.



Vous vous glissez sous le lit cette nuit-là et continuez vos dessins.



                C’est pas possible ! Et si… ils avaient raison, ceux qui pensent qu’Henry s’est évadé à travers un animal. Harper a-t-il vraiment réussi à s’enfuir de cette façon. Est-ce que c’était ça son plan ? Il y avait donc vraiment cru et il avait raison ? Non ! Cela ne s’est pas passé comme ça. Harper a été emporté. Il ne s’est pas enfui. On l’a enlevé et il a tenté de se défendre. Mais qui ? Ou plutôt quoi ? Et la Voix dans tout ça. Elle a forcément quelque chose à voir.



                Pour certains, l’absence des gens riches qui nous ont emmené au parc est un autre mystère à résoudre. Mais je ne vois là aucun mystère. Ce sont des adultes. Ils ont leurs propres objectifs. Je ne peux pas croire à un véritable acte de bonté de leur part. Qu’ils nous offrent cette journée avaient forcément un but caché. L’ont-ils atteint ? Je n’en sais rien mais je sais qu’ils reviendront car, quoi qu’ils cherchent, ils en voudront encore.



                Non, celui qui m’inquiète surtout, c’est Little John. Il est convaincu qu’Harper s’est évadé, comme Henry avant lui et il veut en faire autant. Mais je dois l’en dissuader. Oui, Henry et Harper ne sont plus ici mais rien n’assure qu’ils soient dans un endroit meilleur. Et surtout, rien n’assure qu’ils soient encore en vie. Et franchement, plus j’y pense, plus j’en doute.



Tu t'évanouis, juste au moment où tu finis le sigil.



Jour 15 :

Vous vous réveillez dans une grotte. Vous entendez un filet d'eau quelque part. Le crépitement d'un petit feu réchauffe la pièce. Vous voyez la silhouette d'une bête à cornes contre la lumière, « Un enfant aussi ignoble et répugnant. Savais-tu qu'un petit enfant a souhaité ta mort de tout son cœur? » Vous avez du mal à bouger vos bras, mais trouvez qu'ils sont attachés grossièrement derrière votre dos. Les cordes font mal. "Tu n’iras nulle part," Il grogne dans un sifflement sirupeux. "La fête n'est pas encore préparée. J'ai besoin de plus de nourriture pour mes amis. Il fait un geste d'une main griffue autour de la grotte et vous voyez sept autres enfants là-bas, tous liés. Vous essayez de crier, mais rien ne sort. La bête s'agite agilement vers vous, son visage à quelques centimètres de la vôtre. Dans ses yeux sombres, vous voyez le visage de Harper. "Fascinant..." Il siffle. Le sifflement sonne comme le sifflet du matin.



Vous vous asseyez dans votre lit, le sifflet du matin retentit encore dans la chambre. Vous êtes trempé de sueur et haletant. Mais vous êtes dans la chambre à coucher. Votre ami vient à vous pour vous réconforter.



Le travail ce jour-là est plus difficile. Les machines se déplacent à nouveau plus vite, et, habitués au rythme plus lent des jours précédents, vous faites quelques erreurs. Cela vous cause des ennuis, bien sûr. Pendant que vous travaillez, votre ami demande deux fois au sujet de votre cauchemar, mais vous ne pouvez pas lui dire, ainsi il laisse tomber.



Cette nuit-là, tu grimpes sous le lit.



                Je ne me sens pas bien du tout. Little John fait des efforts, je le vois bien. Il est là, près de moi. Il me demande ce qui ne va pas. Il me sourit et se montre bienveillant, compatissant. Pour autant, ça ne m’aide pas. Le travail est dur et Little John doit faire sa part. Il ne peut pas en plus faire la mienne. Pourtant, ça, ça me soulagerait, surtout aujourd’hui.



                Entre cette journée au par cet cette nuit horrible… et la disparition d’Harper… Que cette journée est longue et difficile. Je ne vais pas assez vite. Je fais des erreurs. Alors, les gardiens, comme pour rattraper les mauvais traitements qu’ils n’ont pu nous infliger ces derniers jours, redoublent de cris, d’insultes et de coups. Mais cela ne me fait pas aller plus vite. Au contraire. Et les cris et les coups se multiplient.



                A la pause, Little John revient à la charge. Il veut savoir ce qui ne va pas aujourd’hui. Ça part d’un bon sentiment, je le sais bien, mais je ne peux rien lui dire. Je ne peux car… ce n’est pas qu’un mauvais rêve. J’en ai la conscience très nette. Ce qui m’arrive n’est pas complétement réel mais… ce n’est pas qu’une illusion. Il se passe vraiment des choses pas rationnelles dans cette usine et cela tient en partie à la Voix, à cette silhouette et à ce que je dessine sous mon lit. D’autres ont dessiné avant moi, j’en suis sûr. Que sont-ils devenus ? Et qu’est-ce qui attend ceux que j’ai vu dans mon cauchemar ? Où sont passé Henry et Harper ?



                Fut un temps où j’étais avide de savoir, de percer les mystère de cette usine, de ces rêves, de cette voix et de ces dessins… Aujourd’hui, je ne veux plus que… la paix…



« Oh comme je déteste ce mot, grogne la Voix, il est trop tard pour la paix maintenant. Tu ne peux pas revenir sur notre accord. Il n'y a qu'une seule issue. » Vous rêvez de cendres tombant du ciel, enduisant tout, les bâtiments, les arbres. Vous pouvez à peine respirer.


Jour 16 :

Au petit déjeuner le lendemain matin, il y a moins d'enfants que d'habitude, et la chambrée est en effervescence. Des enfants parlent de ce qui s’est passé dans une autre chambres à coucher. Deux enfants ont disparu, et le corps d'un enfant a été retrouvé, comme s’il avait été attaqué par un animal sauvage. Les deux mains de l'enfant ont été mutilées, comme si elle avait essayé de toutes ses forces de riposter et avait échoué. Les surveillants ne laissent personne s'approcher de la pièce, cependant, et vous êtes tous envoyés à l'usine rapidement.



Le travail ce jour-là s’effectue comme avant que la Société pour le bénéfice de la jeunesse orpheline fasse semblant de se soucier de vous. Les surveillants fouettent toute personne qui parle des événements de la nuit précédente, et vous voyez un garçon se faire casser la mâchoire cassée pour le faire taire. Votre ami passe la majeure partie de la journée à pleurer tranquillement à côté de vous.



                Un gamin s’est fait briser la mâchoire. D’autres ont été fouetté et… je fais parti de ceux-là. Aujourd’hui encore, je ne vais pas assez vite mais j’ai l’esprit ailleurs. En vérité, je ne peux m’empêcher de penser que tout cela est lié à la Voix et que, par conséquent, je suis un peu responsable de ces disparitions, de ces morts et de tous ces mauvais traitements qui nous frappent aujourd’hui.

                C’est ma faute. Je n’aurais jamais dû aller sous mon lit. Je n’aurais pas dû faire tous ces dessins, ni écouter la Voix. Nous sommes tous bien punis maintenant.



                Little John passe la journée à pleurer. Il attend que je le réconforte mais j’en suis incapable. Je ne suis même pas capable de réagir au cris des gardiens et au fouet. Je ne peux même pas faire quelque chose pour moi. Comment Little John peut penser que je pourrais faire quelque chose pour lui ?



                Malgré les ordres, beaucoup d’entre nous parlent des événements de la nuit et certains ont vu juste. Je crois moi aussi qu’il y a un moyen de quitter ce lieu par l’intermédiaire d’un animal. Je pensais qu’il fallait en quelque sorte endosser sa peau pour s’enfuir mais les autres ont raison. En réalité, c’est une bête qui vient s’emparer de certains d’entre nous. Ce n’est pas une évasion. C’est un sacrifice. Et c’est lié à la Voix et aux dessins sous le lit.



                Je veux… Je veux me débarrasser de tout ce sang…



Comme vous avez fini de tracer le symbole, vous vous sentez une substance collante et chaude sur vos doigts. Tu essaies de l'essuyer contre ta chemise, mais elle ne se détache pas. Ça sent le métal. C'est du sang, tu te rends compte. « N'oublies pas que tout cela est sur tes mains », souffle la Voix, avant de vous faire sombrer dans l’inconscience.



Jour 17 :

Le sifflet semble plus fort le lendemain matin, et la nourriture pour le petit déjeuner est plus froide que d'habitude. Le travail dans l'usine est tout aussi brutal, et toute la journée, les enfants se murmurent des plans pour s'échapper. Ils prennent soin de s'assurer que les surveillants ne peuvent pas les entendre. Vous savez quelle serait la pénalité pour cela.



Lorsque vous demandez à votre ami s'il veut essayer de s'échapper avec vous, il se tait immédiatement. « N'en parle même pas », murmure-t-il sévèrement. "Ils vont nous battre juste pour l'avoir dit." Vous savez ce que vous souhaitez ce soir. Tout serait mieux que d'être coincé ici. Alors, vous frissonnez. Vous savez comment la Voix pourrait tordre un vœu comme celui-là, et vous faites de votre mieux pour pousser cette pensée de votre esprit. Le vent souffle durement à l'extérieur que vous rampez sous le lit cette nuit-là.



                Little John m’inquiète. Je comprends qu’il veuille s’enfuir. Et au vue de toutes ces histoires, je vois bien ce qu’il est prêt à tenter mais… Il ne sait pas ce que je sais. Et, je dois bien l’avouer, c’est avant tout pour moi-même que je m’inquiète car je suis devenu malgré moi un instrument de tout cela et j’ai de plus en plus l’impression d’être sinon le prochain sur la liste…

                Et Harper… Lui, par contre, ça ne me dérangerait pas de « l’aider » dans sa fuite. Il a beau faire comme si de rien était, comme si nous étions amis, je n’oublies rien. Si lui me demandait de l’aider à s’enfuir de la même façon que John et les autres, je crois bien que j’accepterais de l’aider. Mais je ne peux pas faire ça pour John. L’usine, malgré tout, reste mieux que… que ça…

                Mais c’est quoi, ça ? L’usine… Qu’est-ce qu’on va devenir ici ? Les choses peuvent-elles vraiment s’améliorer pour nous ? Nous avons eu un fragment d’espoir avec cette belle journée mais ces riches gens sont partis et le quotidien a repris, encore plus brutal qu’avant. Et puis, est-ce que ces morts cruelles sont elles aussi liées à tout ça. Est-ce que les gardiens vont devenir de plus en plus brutaux à mesure que les disparitions seront de plus en plus nombreuses… et sanglantes ? Et moi, qu’est-ce qui m’attends ? J’ai l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, d’avoir mis le doigt dans un horrible engrenage, pire qu’une de ces machines qui nous dévorent. Mais si je l’ai fait, c’est juste parce que j’ai cru, j’ai espéré pouvoir quitter ce lieu. L’espoir est-il un crime ? Vais-je être puni d’avoir espéré ?



                Je dois trouver une sortie, une échappatoire. Je ne peux pas attendre passivement la fin de tout ça. La fin sera… tragique, je le sens, je le sais. Je dois m’enfuir. Mais comment ? Je dois savoir. Je dois en savoir… plus.



« Plus curieux et plus curieux, se moque la Voix, je suis là depuis aussi longtemps que la peur elle-même. Maintenant, tu en sais un peu plus sur moi ». Vous rêvez que des enfants sont envoyés à la guerre. Ils courent et se battent avec la force de leur espoir. Mais l'espoir ne suffit pas



Jour 18 :

Au milieu de la nuit, vous entendez le bruit des cris , d'abord des adultes, puis des enfants, dans les couloirs à l'extérieur de votre chambre. Vous vous rendez sur la pointe des pieds à la porte pour voir ce qui se passe, et vous voyez quatre adultes battre deux enfants d'une pièce près de la vôtre. "Essayez de s'échapper, hein?" grogne l'un des hommes comme il apporte une botte lourde dans l'une de leurs côtes. Vous entendez une fissure. Les hommes vous tournent le dos, mais vous savez ce qui vous arriverait s'ils se retournaient et vous voyaient. Retournant dans ton lit. Vous jetez un coup d'œil à votre ami. Ils vous regardent, les yeux écarquillés, en arrière. Ils mime les mots «revenir au lit» lentement.



Vous dormez à peine cette nuit-là. Sur le chemin du réfectoire, vous voyez quelques taches de sang sur le sol. Vous les contournez prudemment. Le travail ce jour-là, c'est le travail. Quelques fois, vous observez votre ami du coin de l'œil. Il détourne rapidement le regard. Vous passez la plupart de la journée à fantasmer sur votre évasion avec lui. Mais vous savez que vous ne le suivrez jamais.



                Je suis sûr que Little John me regarde. Après tout, je l’observe moi aussi. Mais c’est comme si nous nous faisions tout pour nous éviter. En réalité, je crois qu’il veut vraiment tenter de s’enfuir et il a bien compris que j’en savais plus que je n’en ai l’air. Pour autant, il n’ose pas m’en parler franchement.



                Moi évidemment, je veux quitter cet endroit. Et je sais que jouer le jeu de la Voix, jusqu’à un certain point, peut m’y aider. Peut-être que je devrais moi aussi attirer cette bête ? Mais, au lieu de me laisser dévorer, je pourrais prendre le dessus. Ou alors, je pourrais aussi lui livrer une proie et, pendant qu’elle l’emporte, je pourrais profiter du passage, sans me faire voir…



                Je crois que j’ai besoin de repos. Et de chaleur aussi. J’ai l’impression que mon sang devient aussi glacial que celui d’un serpent. Non ! Je veux du sang… chaud…

                Cette nuit, j’ai fait un rêve. Un rêve de ma vie d’avant. Avant l’usine. Avant la rue. J’étais… chez moi, avec ma famille. J’avais un toit, à manger. Il faisait bon et… on prenait soin de moi. On m’aimait…



Vous vous retrouvez à ramper sur le sol d'un long couloir, toujours comme un bébé. Vous voyez à l'autre extrémité un amalgame mouvant de membres. Vous l'entendez gémir et craquer sur le plancher, comme il se déplace telle une limace vers vous. Vous pleurez, en panique. Vous sentez la boule de chair vous engloutir. Vous faites maintenant partie du cauchemar.


Jour 19 :

Le lendemain matin, l'un des enfants qui a été battu il y a deux nuits boite au petit déjeuner. Elle est arrivée trop tard pour manger, mais son petit frère court vers elle en pleurant. Vous voyez qu'il partage une partie de sa nourriture avec elle. Après le petit déjeuner avant le début de votre travail, vous êtes tenu à l'entrée de l'usine. Le contremaître prononce un court discours clair sur ce qui arrivera à quiconque tente de s'échapper : eux et n'importe qui dans leur chambre seront battus. Si quelqu'un entend parler de plans pour s'échapper, ils doivent les signaler immédiatement ou faire face à une peine similaire.



Dans le cadre des restrictions supplémentaires, les portes de vos chambres sont verrouillées la nuit. Cela signifie que personne n'a accès aux salles de bains après 20 heures. Ce n'est pas important pour toi ou ton ami.



                Plusieurs enfants sont contrariés à l’idée que la porte du dortoir soit verrouillée la nuit. Pour certains, la salle de bain est un lieu de rendez-vous nocturne. Je ne sais pas ce qu’ils y font mais… Je les ai parfois entendu se glisser hors du dortoir la nuit pour y aller. Je ne les connais pas trop. Ils sont plus grand que moi et je ne veux pas me mêler de leurs affaires.

                Mais pour d’autres, c’est différent. Je le sens bien. Eux, ils croient vraiment qu’il y a un moyen de s’échapper. Un moyen… magique. Ils le cherchent. Ils en parlent souvent. Je les entends. Little John parle avec eux parfois. Ils ne savent pas qu’ils ne sont pas loin d’avoir raison. Mais, comme ils ne connaissent pas la Voix, ils ne peuvent saisir toutes les conséquences d’un tel plan. Pour ma part, je me tais. J’ai l’impression d’être celui qui en sait trop. Mais j’ai surtout l’impression d’être celui qui a mis le doigt dans un engrenage dont il ne ressortira pas indemne, dont il ne ressortira peut-être même pas du tout.

                Pourtant, c’est plus que jamais le moment pour moi de m’enfuir. Avant qu’il ne soit trop tard justement. Avant que les plans de la Voix ne se réalisent. Ai-je encore le temps ? Est-ce encore possible ? Je sais que tout cela finira mal et que d’autres enfants vont mourir. Et je sais que moi aussi je mourrais si la Voix arrive à ses fins. Alors, que faire ? Vais-je me résoudre à mourir ou à faire en sorte qu’un autre meurt à ma place ? Et Little John, dont je sens les regards insistants. Il est convaincu que j’en sais plus que je ne le prétends et il veut savoir. Mais si je lui dis… prendrait-il ma place auprès de la Voix ?



                C’est moche et j’ai un peu honte de moi. Je devrais avant tout penser aux autres mais, maintenant, je pense surtout au moyen d’éviter d’être puni, que ce soit par les gardiens mais surtout par la Voix. Je deviens égoïste. Je change, sous l’influence de la Voix ? Que vais-je devenir ?



"Pourquoi être si désespéré, Petit Agneau?" chante la Voix. Sa voix est comme du verre brisé.



Jour 20 :

Vous vous êtes installé dans la nouvelle routine. Chaque jour, vous avez quelques quasi-accidents avec des blessures en raison de la façon dont vous êtes soigneusement à la recherche de votre ami et comment vous êtes fatigué de dessiner tard dans la nuit. Pourtant, vous pouvez survivre à cela, et personne n'a été pris en quelques nuits. Peut-être que Harper a été le dernier à être pris. C'est peut-être fini. Vous savez bien que ce n'est pas le cas, mais vous le souhaitez.



Quand tout le monde s'est endormi la nuit, juste au moment où vous êtes sur le point de ramper sous le lit pour dessiner, vous entendez votre ami sortir de son lit et marcher vers vous. «Tu es réveillé?" Tu hoches la tête. "J'ai besoin de te parler."

                J’aimerais que ces disparitions cessent mais je sais bien que ce n’est pas le cas. La Voix l’a bien dit, j’ai un rôle à jouer dans tout ça et elle compte bien me le faire payer. Donc, tant que je n’aurais pas payer ce prix, il y aura d’autres disparition. Mais combien ? Je ne veux pas que d’autres disparaissent mais… je ne veux pas non assumer les conséquences de mes actes.

                Little John m’a fait peur cette nuit. J’ai cru qu’il allait tenter quelque chose pour s’enfuir. Si ça devait être le cas, cela signifierait que lui aussi disparaitrait… serait mort. Heureusement, il voulait juste discuter.

                Mais ce qu’il m’a dit ne pas rassuré pour autant puisqu’il envisage sérieusement de s’enfuir. Il est convaincu que j’en sais plus que je n’en dis. Il m’a demandé de l’aider mais m’a affirmé qu’il ferait tout ce qu’il peut, même sans mon aide. Je n’ai pas su quoi lui répondre. J’ai bafouillé que même si je lui disais le peu que je sais cela ne l’aiderait pas, au contraire. Et c’est la vérité malheureusement, quoi que je fasse, s’il tente de s’évader de cette façon-là, il est condamné ! Toute cette histoire d’évasion, j’en ai peur, n’est qu’un vaste mensonge. Les enfants ne s’évadent pas ! Ils ne vont nulle part. ils disparaissent pour servir les buts de la Voix. Et moi… et mon rôle dans tout ça. Et pourtant, je ne peux pas m’empêcher de dessiner…



Après avoir parlé avec votre ami, vous avez presque oublier d'aller sous le lit. Vous glissez rapidement sous le lit et commencez à dessiner.



Vous sentez une brise chaude souffler autour de vous. "Tu ne veux rien?" demande la Voix. "Alors tu n'auras rien." Vous dérivez dans un sommeil paisible.



Jour 21 :

Vous vous réveillez le matin, en pensant encore à ce que votre ami  vous a dit hier soir. Comme le sifflet sonne, vous vous étirez, roulez sur vous-même pour le regarder, et sentez comme si vous aviez été frappé dans les côtes. Le lit dans lequel il dort est vide. Les draps sont en lambeaux, et vous pouvez voir le sang d'ici. Votre poitrine se resserre, et vous sentez votre cœur attraper dans votre gorge. Vous vous précipitez vers son lit, en sanglotant. Son sang est encore chaud, mais il y en a tellement.



Vous ne savez pas combien de temps vous sanglotez, mais vous êtes sûr que vous avez manqué le petit déjeuner. Comme vous vous agenouillez, serrant les draps déchirés, vous entendez le raclement d'une gorge venant de la porte. Un surveillant est debout à la porte tenant un bâton. Quand vous le regardez, il voit le sang sur les draps et il pâlit. « Sors d'ici, gamin », dit-il tranquillement. « Ce n'est pas... Le sang du Christ, tu n’as pas besoin d'être ici, avec ça. » Il se tient sur le côté de la porte, et vous passez devant lui.



Le jour est brumeux. Vous passez la journée complètement conscient du siège à côté de vous. Peu importe que la nouvelle de l'attaque se répande et que les autres enfants aient peur. Ils devraient, vous pensez. L'un d'eux devrait vous jeter dans la machine. Vous le faites presque de vous-même plusieurs fois, mais vous ne le faites pas.



Comme vous retournez dans les dortoirs cette nuit-là, vous ne pouvez pas vous empêcher de regarder le lit où votre ami avait l'habitude de dormir. Les draps ont été changés. Vous n'attendez même pas que les autres enfants aillent au lit avant de ramper sous le vôtre.



                J’y ai pensé toute la journée. En finir avec tout ça. Me jeter dans un machine et qu’on en parle plus. Quels que soient les projets de la Voix, cela ne me concernera plus et… je ne serai plus responsable. Pourtant, même si je manque de succomber plusieurs fois à la tentation, je me retiens. Quelque chose me retient. L’instinct de survie ou… l’influence de la Voix qui n’en a pas fini avec moi ?

                Malgré moi, j’entends les conversations des autres. Elles ne me sont pas destinées. Ils ne parlent pas de moi mais… Ils parlent de Little John. Ils disent du mal de lui. Que c’était un faible, un trouillard, qu’il a eu ce qu’il méritait… Non, c’est injuste. Il était comme nous tous. Il voulait quitter cet endroit. Et il le voulait si fort que…

                Pourtant, quelque chose en moi me murmure que Little John est peut-être encore en vie. En réalité, je ne sais rien de ce procès par lequel les enfants disparaissent. Il y a du sang, oui ! On a retrouvé des traces de luttes, de la fourrure. Il se passe quelque chose de violent mais, après tout, il y a peut-être vraiment quelque chose de « l’autre côté ». Peut-être que les enfants ne sont pas morts. Peut-être que la Voix les retient quelque part. alors, Little John est peut-être encore vivant. Et comme il est malin, il arrivera peut-être à s’enfuir.



                Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour être avec lui à cette heure. Tous les deux, on trouverait un moyen de s’enfuir…



Dès que vous avez terminé la dernière ligne, votre bras tombe à vos côtés et vos yeux se ferment, vous sombrer dans le sommeil.



Vous sentez un air froid s'enrouler autour de vous, vous faisant frissonner. Vous êtes assis sur un sol en pierre mouillée. Vous sentez vos bras attachés derrière votre dos. Vous remarquez plusieurs autres enfants - visages familiers, tous incapables de se déplacer ainsi. "Bienvenue à la fête," la Voix résonne dans la grotte. La source de la Voix sort de la lumière et se déplace vers vous. Vous entendez ses pieds sabotés s'incliner contre la pierre. Vous ouvrez la bouche et seul l'air sort. Vous voyez le regard terrifié de Little John dans le reflet des yeux de la bête.



Il est toujours en vie.


Jour 22 :

Vous sortez du lit mécaniquement le matin, le rêve de la nuit précédente continue de vous hanter. D'une certaine façon, l'espoir est pire que de penser que votre ami est mort, mais c'est tout ce que vous avez. Vous mangez votre petit déjeuner sans l’apprécier. Vous faites votre travail sans y penser. Un nouvel enfant est placé à côté de vous, et à quelques reprises au cours de la journée, vous pensez un instant que c'est votre ami. Chaque fois que ça arrive, vous vous retenez de pleurer. Quelques fois au cours de la journée, l'un des surveillants aboie sur vous au sujet de votre productivité. L'un d'eux vous frappe même avec une matraque à l'arrière de la tête lorsque vous ne répondez pas assez vite. Vous le sentez à peine.



Vous retournez dans l'espace sous le lit cette nuit-là.



Pourquoi la Voix ne vous tue pas ?

                Parce qu’elle a un plan et que j’en fais partie. Malgré moi, j’en suis une pièce maîtresse. Irremplaçable ? Peu probable en vérité…



Pourquoi la Voix ne vous tue pas ?

                Parce qu’elle prend un plaisir infini à me voir souffrir…



Pourquoi la Voix ne vous tue pas ?

                Je ne sais pas…



                Et, sous le lit, je dessine sans m’arrêter. J’appelle la Voix. Je veux qu’elle vienne. Qu’elle me prenne et qu’on en finisse. Je dessine tous les symboles dont je me souviens et…



…Vous dessinez le même sigil jusqu'à ce que votre bras peut à peine se déplacer, puis vous passez à votre autre main. Après près d'une heure de dessin avec votre main non dominante, la Voix grogne dans votre tête, « Petit enfant, veux-tu que je te prenne? Veux-tu que je fasse disparaître la douleur pour toujours? » Vous commencez à sangloter, incapable de répondre. "Je sens ta réponse." Avant même que la phrase se termine dans votre tête, vous sentez deux paumes à fourrure vous saisir, l'une à la gorge et l'autre saisissant votre cou. Vous essayez instinctivement de crier comme vous êtes déchiré sous le lit. La Voix vous tient en l'air pendant que vous essayez de respirer, mais vous ne pouvez pas. Il enlève une patte de votre bouche. Vous n'essayez pas de crier. Vous le reconnaissez dans vos rêves. Il mesure près de sept pieds de haut, sa fourrure grise emmêlée de sang, de suie et de boue. Ses cornes et ses dents et sa mâchoire angulaire, grande ouverte, sont encore plus terrifiantes lorsqu'elles sont vraiment devant vous. Sa longue langue fourchue glisse entre ses dents pointues et tordues. Comme votre vision devient floue par manque d'air, la langue de la Voix traverse votre visage. Le monde devient noir.



Jour 23 :

Vous vous réveillez, le côté du visage froid. Vous avez dû baver sur votre oreiller. Non. C'est dur. Une pierre ? Mais c'est mouillé. Une petite flaque d'eau. Le souffle prend dans votre gorge que vous essayez d'inhaler, et il se sent comme quelque chose dans votre gorge est presque cassé. Vous clignez des yeux à quelques reprises, et vous vous rendez compte que votre tête repose dans l'eau. Vous essayez de vous asseoir, puis de lutter. Vos mains sont attachées derrière votre dos, mais vous sentez que vous pouvez glisser hors d'eux si vous essayez assez dur. Vos pieds sont attachés. Comme vos yeux se concentrent, vous voyez un groupe d'enfants près de vous, tous endormis. Il fait trop sombre pour voir clairement, mais... Votre copain? Ils semblent être de l'autre côté de la grotte. Vous vous traînez à travers le sol, et comme vous vous rapprochez, vous voyez que c'est vrai. Ils sont ici. Vivant. Vous commencez à sangloter. Vous remarquez qu'aucun son ne sort, comme vous pleurez. Quelques enfants se réveillent, vous regardent, puis se retournent et se rendorment. Lorsque vous touchez votre ami, il se réveille et vous regarde. Il se met aussi pleurer. Son front repose contre le vôtre, et vous pleurez silencieusement ensemble pendant quelques minutes.



Bien que vous ayez tous les deux perdu votre voix, vous parvenez à vous comprendre en faisant des signes. Bientôt, la Voix reviendra. Elle dort ici. Personne ne s'est échappé, bien que quelques-uns ont essayé. Le dernier enfant qui l'a fait s'est fait arracher les bras, et la Voix les a mangés devant tout le monde dans la grotte. Harper est là. Henry est là. Tous les enfants qui ont été enlevés sont ici aussi. Vous remarquez des sigils peints sur certains coins des murs. Ils ont l'air familiers.



Après avoir été là pendant quelques heures, la Voix entre. « Les enfants », dit-elle à haute voix. "Le temps est proche. Ma famille sera bientôt là, et vous ferez un beau festin. Dormez bien. Mangez bien. Il jette un cochon rôti sur le sol et quelques pains. Les enfants se dirigent vers eux. Personne ne se bouscule. Il y a assez de nourriture pour tous. La Voix sourit et revient à l'entrée de cette salle. Elle s'enroule hors de la porte et grogne, "Mangez bien."



Vous parvenez à glisser hors de vos nœuds et à aider vos amis. La première chose que vous faites quand vous êtes délié est d'embrasser votre ami. Vous ressentez aussi quelque chose dans votre poche. Vous poussez un soupir de soulagement - c'est votre journal.



                Nous ne pouvons toujours pas parler mais nous parvenons quand même à nous comprendre avec Little John. Nous nous faisons des signes et puis… nos sourires, nos larmes sont plein de sens.

                Et c’est pareil avec les autres, même Harper. De toute façon, je crois que nous ressentons les mêmes choses et cela rend la compréhension plus facile malgré l’impossibilité de parler.

                Une fois la Voix partie, alors que nous mangeons – même si je pense qu’on ne devrait pas se goinfrer – je fais le tour de cette grotte. Je cherche quelque chose d’utile. Quelque chose qui pourrait nous aider à nous enfuir, à nous défendre mais… à part les cordes qui nous retenaient prisonniers, il n’y a rien. Peut-être que si nous gardions les plus gros de ce cochon, on pourrait s’en servir d’arme ? Mais il y a autre chose…



Vous ne dessinez pas sigils alors même que ce devrait être le moment pour cela. Briser cette habitude semble étrange et faux. Au lieu de cela, vous enquêtez sur la grotte et vous vous rendez compte que les sigils sont les mêmes que vous aviez été dessin avant. Vous vous rendez compte que c'est ce qui a dû permettre à la Voix d’arriver dans les dortoirs. Avant d'aller dormir cette nuit-là, vous et les autres enfants vous glissez de nouveau dans vos cordes pour éviter d'être détectés.



Jour 24 :

Vous dormez la plupart de la journée, mais la nuit, la Voix se déplace autour de la grotte, vérifie les choses, l'organisation du bois près du centre de la grotte pour créer un foyer, mais il ne l'allume pas. La grotte est très froide. Après l'avoir organisé, il s'éloigne de la grotte. Quelques minutes après son départ, Harper se tient debout, étirant les bras et se frottant les poignets. Il commence rapidement à délier l'enfant près de lui. Tu hoches la tête dans sa direction.



Ayant un peu plus de temps aujourd'hui, vous êtes en mesure d'explorer. En regardant autour de la pièce, l'un des enfants trouve un sac et l'ouvre. Une nuée de vent s'envole et se fond dans chaque enfant. «Hé», dit votre ami. Vous pouvez enfin parler. Harper vous explique que tout le monde devra se taire et s'attacher à nouveau avant que le monstre ne revienne.



Certains d'entre eux l'appellent un Krampus, mais vous ne pouvez que penser que comme la Voix. Vous expliquez aux autres enfants les sigils et que peut-être, juste peut-être, ils peuvent vous ramener à l'école.



Les heures passent. Vous et les autres enfants échafaudez un plan pour s'échapper pendant que la Voix dort, puis, un par un, attachez-vous les uns les autres en arrière, laissant les cordes assez lâches pour glisser quand vous mettrez le plan de s'échapper à exécution. Quelques heures plus tard, la Voix revient. Elle sort deux enfants du grand sac en toile de jute qu'elle a sur le dos et les jette grossièrement sur le sol.



                Dès que j’ai récupéré ma voix, je demande à Little John comment il se sent. En vérité, je le sais déjà. Nous sommes tous plus ou moins dans le même état mais pouvoir le dire, l’entendre, s’entendre… c’est mieux. C’est rassurant. C’est comme un retour vers le monde normal.

                Harper, de son côté, commence à prendre les choses en main. Je reconnais là sa nature. Je ne l’aime pas. Je me méfie toujours de lui mais là… On est tous dans la même galère et la situation est bien trop grave. Aussi, je lui fais confiance. Au moins, jusqu’à ce que nous soyons sortis de cette grotte.

                Notre plan est très simple. Nous allons faire croire à la Voix aussi longtemps que possible que nous sommes soumis, que nous n’allons rien tenter. Mais, dès que possible et dès qu’elle aura le dos tourner, je compte bien trouver un moyen d’utiliser tous ces dessins au mur, MES dessins, pour nous enfuir. Tous. Même Harper.

                Je pense vraiment que ce plan peut marcher car, après tout, ce sont mes dessins qui ont permis à la Voix de venir et de prendre de plus en plus de force dans notre monde. Donc, il n’y a pas de raison que nous ne puissions en faire autant. Mais, je crois qu’il y a quand même comme un ordre à respecter dans le tracé de ces dessins. La Voix le connait mais elle ne nous dira rien. Par contre, avec l’aide de mon journal, je peux peut-être reproduire le processus.



                Nous pouvons le faire. J’y crois. Je l’espère vraiment. Nous pouvons le faire si nous mettons de côté nos inimitiés et que nous nous serrons les coudes. J’ai confiance en Harper. Une fois rentré, je ne sais pas s’il reprendra ou non son rôle de brute. Mais pour l’instant, je lui fais confiance. Nous comptons tous les uns sur les autres. Et c’est parce que nous pouvons nous faire confiance que nous pouvons nous permettre d’espérer. Nous allons tous rentrer. Bientôt…



Vous dessinez le sigil pendant des heures. Il ne se passe rien. Mais vous ne faites que dessiner le sigil. Or, il ne peut ne s’agir uniquement de cela.


Jour 25 :

C'est le jour ! Vous vous réveillez. La Voix encore endormie, et, bientôt, l'un des autres enfants donne le signe.



                J’y crois ! J’ai foi en nous. J’ai foi en moi. Face à cette épreuve, nous avons dépasser nos différents. Nous ne sommes plus ennemis. Nous ne sommes plus animés par cet instincts de survie qui, dans l’usine, a conduit certains à se comporter de manière égoïste. Aujourd’hui, nous avons tous un rôle à jouer. Certains se préparent déjà à sauter sur la Voix si elle devait s’en prendre à nous. D’autres font le guet. Moi, je me concentre sur mes dessins. A l’aide de mon journal, je retrace tout un raison dont j’ai bon espoir qu’ils nous ramènera tous à la maison. Loin de cette grotte mais aussi loin de l’usine.



                Le Portail s’ouvre. Il est encore petit mais grandit vite. Derrière, c’est encore flou mais je devine notre monde d’origine. Mais, la Voix s’est réveillée. Comme prévu dans le plan, les plus courageux d’entre nous lui sautent dessus. Armés des seules cordes qui nous retenaient, ils tentent de ficeler la Voix. Mais c’est difficile. Je ne peux pas trop prêter attention à ce qu’ils font car je dois encore dessiner pour agrandir le Portail. Mais, j’entends des cris, ceux de mes amis, ceux de Harper. Je crois qu’il est blessé…

                Et Harper pousse un nouveau cri. Mais ce n’est pas un cri de douleur, c’est un cri de rage. Là, je ne peux m’empêcher de me retourner. Les gars ont enroulé leurs cordes autour des jambes de la Voix qui tombent à terre. Et là, Harper lui saute dessus et enroule sa propre corde autour de son cou. Il serre fort et la Voix se tait… pour toujours. Harper s’écroule à son tour. Mais déjà, deux garçons le soulèvent et se dirigent vers le Portail.

                Nous nous retrouvons chez nous et le Portail se referme doucement. Il y a encore des dessins qui flottent dans l’air quelques instants avant de disparaitre eux aussi. Alors, nous ressentons comme un tremblement sous nos pieds. Ça vient d’en bas, un grondement. Et ça se déplace vers… l’usine. Le sol se met à trembler. Puis, c’est l’usine elle-même qui vacille sur ses fondations pour, finalement, s’écrouler sur elle-même. Dans un premier temps, nous rions en passant aux machines détruites. Puis nous serrons les dents à l’idée qu’il y avait là, à l’intérieur, non seulement les gardes et les contremaîtres, mais aussi nos amis. J’espère qu’ils n’ont rien… rien de grave. Mais que pouvons-nous faire maintenant si ce n’est fuir cet endroit maudit et commencer une nouvelle vie, ailleurs…



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