SOLACEBOUND vs SILENT HILL


            Je m’appelle Neino, je crois…

            Je suis plein de… colère ais ça me va bien. Ma colère est intérieure. Elle bouillonne. Elle m’anime et me fait avancer mais elle ne se voit pas. Autant que possible, je reste calme. Je n’aime pas, je fuis toutes les situations qui pourraient me faire perdre le contrôle de mon « carburant ».

            Quand la colère déborde, je deviens méchant. Plus rien ne m’arrête. C’est moche mais j’aime ça. C’est moche parce que j’aime ça et… le résultat est moche aussi. Des fois, ça va trop loin. Des fois, c’est vraiment limite.

            La colère qui m’anime me rend fort et je trouve ça cool. Elle me donne un sentiment de contrôle mais aussi de la force dans le sens physique du terme. Mais, toute médaille a son revers et quand je perds le contrôle, j’ai peur de ce que je me surprends à aimer infliger aux autres. Les autres ne peuvent pas le savoir mais ce n’est pas que de la violence. Ça va plus loin. C’est de la… perversité ? de la malice ? C’est démoniaque ! Je suis un monstre !


JOUR : 1/7


            J’ai franchi la ligne jaune, voire la ligne rouge. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé ici, à Silent Hill. Mais je sais que c’est pour une mauvaise raison. Cette ville fantôme est l’objet de bien des rumeurs. Pourtant, là, tout autour de moi, ça grouille de monde bien que soufflent des rafales de vents. Les gens me regardent. J’ai l’impression qu’ils lisent en moi comme dans un livre ouvert. Sauf qu’un livre ne peut pas se lire lui-même. Je ne sais pas ce que je fais là mais je crois, je sais, qu’il s’est passé quelque chose d’horrible. Je dois quitter cette ville !

            Bizarrement, une sorte de chronomètre s’est déclenché en moi. J’ai sept jours. Pas un de plus !

            Je me sens mal. Je me sens creux. Il me manque quelque chose. Une partie de mes souvenirs. Je sens qu’ils sont là, quelque part, à Silent Hill. Dois-je absolument savoir pour pouvoir fuir ? est-la condition sine qua non de ma délivrance ? je n’en sais rien. Je verrai bien. Pour l’instant, je dois me trouver une cachette.

            Mes pas me guident jusqu’à une sorte de centre social pour jeunes en détresse dans le Old Silent Hill. Je ne suis plus vraiment jeune. J’entre quand même. On me regarde. Je n’aime pas ce regard. Je viens demander de l’aide. Je viens demander asile et on me fusille parce que, visiblement, je ne suis pas assez jeune. Je ne suis pas le cœur de cible, le client idéal. Je t’en foutrai du client idéal ! J’ai besoin d’un toit pour la nuit, d’un lit, d’un café… qu’on me foute la paix ! Je tente de garder mon calme. C’est difficile. Je crois qu’il me prenne pour un drogué. Ça fait de moi un client acceptable, quelqu’un d’assez dans la merde pour que ça les flatte de me porter secours. Ça m’énerve qu’ils pensent comme ça, hypocrites ! J’ai envie de leur casser la gueule mais ce n’est pas le moment. Et surtout, ce n’est pas une bonne idée. Et que ce ne soit pas une bonne idée aurait dû être la première raison qui vienne à l’esprit. J’ai besoin de dormir.

            Je me réveille dans un refuge vide. Bizarre ! Normalement, il y a toujours du monde dans ce genre d’endroit. Je regarde par la fenêtre. Il fait jour mais un épais brouillard a chassé les habitants. Je fais le tour du propriétaire. A l’accueil, je trouve un post-it collé sur une boite en carton.

« Suis ton inspiration. Assouvis tes désirs. »

            J’ouvre la boite et y trouve un panier recouvert d’un linge. Je soulève le linge. Il y a un flacon. Et dans le flacon, un liquide noir. Aucune étiquette mais je lis « Bois moi ! »

            Le choc ! Je vois… Une tour durant une nuit d’orage. Au sommet et tout autour, un même nain au cheveux teints danse frénétiquement en tapant dans les mains. Je reprends mes esprits. Je secoues la tête. La jeune femme à l’accueil me sourit et pose sur moi son regard angélique. Je quitte les lieux. Le brouillard est toujours là mais les gens sont revenus. Je dois trouver cette tour.

            Je ne sais pas pourquoi, car personne n’est sensé me connaitre ici, je fais en sorte de cacher mon visage en rabattant le plus possible la capuche de mon blouson. Je demande aux passants s’ils connaissent une tour ici et tous m’indiquent le phare. Je ne parle pas du nain, ni des éclairs. Le brouillard est moins dense que tout à l’air mais il plane quelque chose de malsain dans l’air.

            Le phare de Silent Hill est toujours en activité, même si celle-ci est des plus réduite. De plus, une partie du bâtiment est à visiter. Je demande un billet mais on m’explique qu’il y a des horaires et que je vais devoir revenir le lendemain. Je ne peux, ni ne veux, attendre. Je veux… mon nain et mes éclairs ! Le ton monte. L’employé reste ferme. Je sens que ça monte. Je cries. Je menace. Je dis que c’est une question de vie ou de mort. Je raconte n’importe quoi et l’employé finit par me donner mon billet. Je fonce dans les escaliers. J’appelle. Je hurle. Je crois entendre l’employé appeler la police au téléphone. Je n’ai pas beaucoup de temps. J’enfonce une porte portant un panonceau « Interdit au public » et gravis les escaliers se trouvant derrière. J’arrive au sommet du phare. Le nain est là. Il me ressemble, je trouve, et applaudit et sautillant. J’ai envie de l’étrangler. Il me fixe de ses petits yeux. Danger !

            Le nain arrête de sautiller et me raconte une histoire. Ça parle d’un Roi-Mort et de la Mort. Ça parle du témoin d’un crime, d’un meurtre maquillé en suicide. Le nain a de la peine et je sens qu’il me veut du bien. Pourquoi me raconte-t-il ça ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Comme par magie, un orage éclate. Un éclair illumine la pièce. Je suis aveuglé. Quand j’ouvre les yeux…

JOUR : 2/7

            … je suis allongé, sur un lit. C’est une chambre d’hôtel. Je farfouille et trouve une plaquette. Je suis au Jacks Inn et je ne sais absolument pas comment j’ai atterri ici. Par la fenêtre, je vois qu’il tombe une pluie fine. Le brouillard est toujours là. Je tends l’oreille et n’entend aucun bruit.


            Il n’y a pas âme qui vive dans ce motel. Je suis seul et c’est pas plus mal. Dehors, la pluie et le brouillard. Je repense à l’histoire du nain. Ça ne me rappelle rien du tout. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Est-ce que c’est bien moi qui ai fait ce que je crains d’avoir fait ? Pas forcément en vérité. Ou plutôt, en vérité, je veux croire que je n’ai pas fait ce que je crois avoir fait. J’ai déjà pété des plombs. J’ai souvent été violent. Ça a parfois été assez loin mais jamais jusque-là. J’ai du sang sur les mains mais pas de mort sur la conscience. Faut pas déconner ! En tous les cas, s’il est effectivement arrivé quelque chose et que j’y suis mêlé d’une façon ou d’une autre, je dois prouver mon innocence ou trouver un moyen de m’en sortir.

            « On raconte de drôle d’histoire à la gare… »

            Qui a dit ça ? Je me tourne et vois une silhouette… aérienne. Ça ressemble à un être humain mais c’est translucide et immatérielle, comme du vent. Ce qui sert de tête à ce truc est un amas de champignons et autres moisissures brillant légèrement. La chose est en mouvement perpétuelle. Des appendices aériens, éoliens, apparaissent et se rétractent en permanence. Et avant que je ne puisse poser la moindre question, cette chose poursuit et déclare venir d’ailleurs… dans le temps !

            Je ne comprends rien. J’ai une peur bleue de ce truc. Pourtant, la créature n’a pas l’air hostile. En vérité, je ne suis même pas sûr qu’elle s’adresse à moi, ni même qu’elle m’a remarqué. J’ai l’impression qu’elle n’est pas vraiment là. Peut-être, comme elle dit, qu’elle est ailleurs dans le temps et que ce n’st que par une absurde erreur dans les lois de la physique que je suis le témoin de sa conversation avec un de ces congénères. Mais si on raconte de drôle d’histoire à la gare, peut-être que je devrais y aller. Et peut-être même que je pourrais attraper un train pour quitter cette ville.

            A peine sortie du Jack Inn, une sirène se met à retentir. C’est atroce. Ça me vrille les tympans, la tête. Je me prends la tête entre les mains. Je tombe à genoux en hurlant, autant de colère que de douleur. Ça me fout hors de moi que ces choses là arrivent sans que je n’ai aucune explication. Je voudrais, je veux que ça cesse ! Je veux que cette ville parte en fumée ! Et, tout autour de moi, c’est ce qui arrive. Les murs des bâtiments se lézardent. Derrière, ce ne sont que charbons ardents et cendres qui s’envolent dans le brouillards. Le sol lui-même s’agite et se met même à bouillir par endroit. Des plaques de bitumes s’élèvent et révèlent des grilles aux barreaux rouillés et tordus. Et dessous, les flammes… de l’Enfer ! Je dois absolument me tirer d’ici !

            Je cours. Je hurle. Autour de moi, je distingue des silhouettes enflammées. Il y a du feu partout. Il fait de plus en plus chaud. Ça devient intenable. Je dois arriver à la gare au plus vite. J’ai peur mais ce n’est pas la peur qui me fait courir. C’est la colère. Je suis en colère car je ne comprends rien à ce qui arrive. Je suis en colère parce que je suis en danger. Je suis en colère parce que… tout ça est trop injuste ! Ce n’est pas juste, tout ce qui m’arrive. Je ne suis au courant de rien quant à l’histoire du nain. C’est moche mais rien ne dit que j’ai quoi que ce soit à voir là-dedans. Ce n’est pas juste. Si je dois payer pour quelque chose, que ce soit quelque chose que j’ai fait et qu’on m’explique pourquoi. Je veux bien payer mais… pas comme ça. Ça, ça me fout vraiment en rogne. Et si les choses ne se calment pas rapidement je…

            … je vois… une petite fille au destin tragique. Une gosse consumée par les flammes et… en colère. Cette ville, c’est elle. C’est sa colère, plus encore que la mienne. Je ne connais pas cette gosse mais on lui a fait du mal. Et c’est pas juste. Est-ce sa mort qu’on a maquillée en suicide ? J’en sais rien. Mais sa colère, ma colère et les flammes qui rongent cette ville…


            Je cours et je suis perdu. Je n’ai aucune idée d’où se trouve cette foutue gare. Mais, au moins, on dirait que je suis en sécurité. Devant moi s’étend un lac. Toluca Lake. J’ai froid. Et j’ai sommeil.



JOUR : 3/7

            Cet endroit ne peut être que le lac Toluca. Pour autant, rien à voir avec un lac ordinaire. Là, la surface est recouverte d’une grille rouillée. Dessous, l’eau est noire. On distingue malgré tout des silhouettes informes se profiler.

            D’un côté, je retourne vers South Vale et le Jacks Inn et de l’autre le vieux Silent Hill. C’est dans la vieille ville que je dois aller. C’est là que se trouve l’école, celle où a certainement été cette petite fille. Je dois la trouver et comprendre sa colère. Pour comprendre ma colère, la colère de cette ville et… me tirer.

            La Midwich Elementary School, est-ce que la gosse est là ? A voir cette sinistre façade, c’est peu probable mais je trouverais peut-être quelque chose malgré tout. Je monte les marches et… un raclement sourd me force à me retourner. Les murs de la ville grandissent et se rapprochent. C’est impossible et pourtant ça a lieu. Je me retourne vers la porte et me rend compte que la façade de l’école bouge elle aussi. Les murs semblent se dilater pour obstruer la porte. Quelque chose veut m’empêcher d’entrer. Et je pense à cette gosse qui a sûrement beaucoup souffert. Ça me rend triste pour elle. Est-ce elle qui veut préserver ses secrets ? Peut-être, mais autant pour elle que pour moi, je dois entrer. Alors, je donne un coup d’épaule et parviens à me faufiler à l’intérieur avant que les mus ne bloquent définitivement l’accès.

            J’entends du bruit. Un raclement encore mais, là, on dirait plutôt un gros meuble qu’on pousse. Bizarrement, je ne me sens pas en danger ici. J’ai plutôt l’impression que c’est moi qui suis perçu comme dangereux, comme un intrus… mais pas comme une victime. Je cherche l’origine du bruit et en profite pour inspecter les lieux car, malgré tout, j’aurais peut-être besoin de m’enfuir ou, au moins, de me planquer.

            Et je me retrouve au sous-sol. Le bruit vient de derrière une porte sur laquelle une plaque indique qu’il s’agit de la « Salle aux Oubliés ». Je colle mon oreille à la porte et entends des murmures. Il y a des gosses ici. Ils savent que je suis là. Ils discutent entre eux pour savoir s’ils doivent ou non me laisser entrer. Je leur dis que oui, que je ne leur veux pas de mal. J’explique être là à cause d’une petite fille à qui on a fait du mal. Je dis que je sais sa peine car sa colère fait écho à ma colère. Et c’est certainement pour ça que la ville est devenue… ce qu’elle est devenue. Les gamins chuchotent et finissent par ouvrir.

            Je me retrouve au milieu d’une quarantaine de mômes entre six et onze ans. Ils ont l’air à l’aise et me sourient. Je regarde autour de moi. Partout sur les murs, il y a des noms. Les noms de ceux qui ont été maltraités en ces murs. Les noms de ceux qu’on a ensuite oubliés. Une petite fille me prend par la main et me conduit face à un mur. Elle pointe un nom du doigt : Alessa Gillespie. OK, j’ai compris le message. Je dois savoir ce qui est arrivé à cette petite fille.

            Pour l’heure, je suis crevé. J’ai besoin de me poser. Les enfants m’expliquent que je ne peux pas rester trop longtemps car cela deviendrait dangereux. Mais ils ne veulent pas me dire si ce serait dangereux pour eux ou pour moi. Je n’insiste pas. Je m’affale dans un coin et finit par trouver le sommeil.


JOUR : 4/7

                Il fait jour quand je me réveille. Comment je le sais ? Je vois la lumière par la fenêtre. Quelle fenêtre ? Je suis au sous-sol de cette école, non ? Non. Je m’approche de la fenêtre. Dehors, un véritable blizzard souffle. Et au sol, la route est littéralement déchirée par un gouffre dont je ne vois pas le fond. Au loin, je crois reconnaitre le Rosewater Park. Et quand je jette un œil autour de moi, on dirait que je suis dans une chambre d’hôpital. Qu’est-ce que je fais là ? Est-ce que cela à quelque chose à voir avec la petite Alessa ? Est-ce qu’elle a fait un séjour à l’hôpital ? Après tout, ce ne serait pas étonnant.

                Je commence donc à visiter les lieux, déserts évidemment, à la recherche d’une sortie mais aussi de quoi que ce soit concernant cette gosse. Si Alessa a fait un séjour ici, il doit y avoir des dossiers quelque part. et ils sont sûrement dans la partie « administrative » de l’établissement. Je me retrouve devant la porte du directeur de l’hôpital : Michael Kaufmann. Je tourne la poignée. La porte est fermée. Je la secoues mais rien ne se passe. Je donne un coup d’épaule, toujours rien. Je sens que ça monte. Et, sur ma gauche, du bruit. Des pas ? Pas vraiment. Ça vient du plafond. Une silhouette fonce vers moi. Dans la pâle lumière des néons, l’être est blafard. Je ne vois que sa tête, sans visage, rien du tout ! Pas d’yeux, ni de bouche ni quoi que ce soit. Portant, ça me fixe ! Puis, je vois ses mains. Il, ou elle, ne tient pas deux lames. Ses mains sont des lames ! Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Cela a un corps humain. Je sens bien que ça a été humain avant que je ne sais qui ou quoi le torde et le déchire pour en faire cette chose. Ça me rend triste. Ça me rend malade. Ça monte. Au fond de moi, je n’ai pas envie de lui faire du mal mais… je ne me laisserai buter pour autant. Je ne sais pas pourquoi mais je me mets à donner des coups de poings dans la porte, à toute vitesse. Et, alors que cette créature est maintenant tout près de moi, mon poing passe à travers la porte. Elle s’arrête net. Je donne un autre coup, qui traverse lui aussi la porte. Elle reste immobile. Je ne tourne pas la tête mais la garde à la périphérie de mon champ de vision. Je passe le bras à travers le trou que je viens de faire et cherche la serrure. La porte s’ouvre. Elle ne bouge toujours pas. J’entre dans le bureau du directeur Kaufmann.

                Je ne trouve rien ici concernant les patients. Mais, je trouve autre chose. Une liasse de notes datant de 1976 évoquent un « Ordre » et un rituel. Je lis le nom de Dahlia Gillespie. Et celui d’Alessa aussi. Quelque chose est prévu, était prévu. Et cela a été horrible pour Alessa. Mais, est-il possible d’empêcher ça, ou de défaire ce qui a été fait ? Comment venir en aide à Alessa ? Et comment me tirer d’ici ? Je n’ai pas confiance dans ce truc qui m’attend, toujours immobile, dans le couloir. Je dois trouver un endroit où me poser, le temps de réfléchir.

                Je trouve refuge dans la chapelle. Je ne suis pas croyant mais je ressens une étrange excitation dans cet endroit. Nous sommes différents, ceux qui croient en Dieu et moi mais, sur ce coup-là, j’ai l’impression qu’on est dans le même camp, qu’on a un ennemi commun. Vais-je devoir m’en remettre à Dieu ? Je ne sais pas trop pourquoi je fais ça mais je m’approche de la croix, je pose un genou à terre et… je pries. Pour moi… et pour Alessa aussi. Je pries sincèrement. Et la colère prend une autre couleur. Je suis toujours en colère, même si je ne sais plus vraiment pourquoi, mais je me sens aussi… en paix. En paix malgré la colère, en paix avec la colère ? Je ne sais pas et… je m’en fous !

JOUR : 5/7

                Hier, il soufflait en vent violent. Aujourd’hui, il fait soleil. Est-ce un présage ? Je repense aux notes de Kaufmann. On dirait que bien du monde est mêlé à ce qui est arrivé à la petite Alessa. Alors, peut-être que, l’air de rien, on en a parlé un peu, quelque part… Et ce quelque part pourrait bien être le Public Records Office.

                Sur le trajet, je m’arrête manger un bout au Cafe 5to2. Je n’en reviens pas. Cette journal pourrait bien être normale. On me sert du café, une part de tartes aux fruits rouges. J’ai l’impression que tout va bien se passer aujourd’hui. Je sens que je m’approche de la vérité, de mon but, de la sortie de cette ville.

                Tout est normal. L’hôpital était toujours étrangement désert mais à part ça tout est normal aujourd’hui à Silent Hill. C’en est presque étrange et je me dis que c’est peut-être effectivement le bon, le meilleur ?, moment pour filer à la gare, me tirer d’ici et laisser cette ville derrière moi. Mais, il y a cette gosse. Est-ce que je peux vraiment me barrer comme ça ? Et l’excitation qui m’anime depuis ce matin s’entache de colère, de colère contre moi. Je ne peux pas partir comme ça. Je serre les dents, respire un grand coup et paye mes consommations. Je n’attends pas la monnaie et file aux archives.

                L’homme a l’accueil a le teint jaunâtre. L’espace d’un instant, j’ai peur qu’il ne se transforme en monstre. Mais non ! Je lui explique être un journaliste voulant écrire un article sur des évènements anciens. Quand je prononce le nom de Gillespie, il s’affole. Ça m’énerve, il me fait perdre du temps. J’ai envie de lui en coller une mais je me retiens. Je fais au mieux pour comprendre ce qui le met dans cet état et le rassure sur mes intentions. Il ne s’agit pas pour moi de donner une mauvaise image de la ville, loin de là, je travaille sur les enfants. Je lui explique recueillir des témoignages sur les maltraitances etc. Je lui explique que, bien évidemment, les noms seront changés, que l’anonymat des personnes sera respecté et blablabla. Ça marche.

                Je passe la journée à éplucher des articles de journaux pour ne pas apprendre grand-chose, je trouve. En 1976, il y a eu un incendie au cours duquel la petite Alessa Gillespie a failli trouver la mort. Un routier passant là par hasard l’a déposée à l’hôpital. Ensuite, plus rien la concernant. Mais certaines archives font régulièrement apparaitre les noms de Dahlia Gillespie et Michael Kaufmann et ces deux-là, sans qu’on ne donne jamais aucune précision, semblent avoir des choses à se reprocher. Et, quelques rares fois, je trouve mention de… l’« Ordre ».

                On ferme, me dit le type au teint jaunâtre. Je dois partir et… trouver un endroit ou dormir cette nuit. J’erre dans les rues. Je pourrais aller dans un hôtel mais ça ne me convient pas. En vérité, j’ai peur. Je crois avoir mis le doigt dans un engrenage bien pourri et même si toute cette histoire date d’il y a très longtemps, j’ai le sentiment dégueulasse que ma petite enquête déplait à certains et qu’ils ont l’œil sur moi.

                La nuit tombe et je me cache dans un buisson de Logan’s Park. Pas de bol, le vent se remet à souffler.

JOUR : 6/7

                Je me réveille au pied d’un arbre mort. A ses pieds, une pince certainement oubliée par un jardinier municipal. Je me rappelle que j’ai 7 jours pour quitter cette ville et… c’est demain le 7ème jour. Si je veux faire quelque chose pour Alessa, c’est aujourd’hui car demain, je me tire !

                La môme a été retrouvé dans une maison en feu puis déposé à l’hôpital. Ensuite, plus rien ! Alors, dois-je essayer de trouver cette maison ou retourner à l’hôpital ? J’opte pour la maison.

                La maison, ou ce qu’il en reste, doit se trouver à la sortie de la ville puisque c’est un routier qui est intervenu. Je prends un taxi et e fais déposer à la sortie de la ville. Le chauffeur n’a pas décroché un mot de la course. Je crois que la pince de jardinier lui a foutu la trouille. En vérité, je ne sais pas ce que je fais ici. Je n’ai aucune idée de là où est cette maison, ou ce qu’il en reste. Et le vent se met à souffler. De violentes bourrasques me poussent, littéralement. Et, dans le vent, j’entends… un air. Un vieil air connue. Je reconnais cette chanson. C’est un vieux morceaux des années 70. Ce groupe n’a pas eu un franc succès mais je l’aimais bien pourtant. Je me laisse emporter par les bourrasques et la musique devient plus forte. Je ne marche pendant très longtemps mais, à cause du vent et du froid, cela n’a rien d’une promenade agréable. Et puis….

                … elle est là ! La maison ! Mais elle n’a rien d’une ruine. Elle tient bien debout. On la reconstruite mais je sais que c’est celle-là. A l’intérieur, je vois qu’il y a de la lumière. Je me fais discret et regarde par une fenêtre. Je vois deux personnes, deux hommes, se disputer. Ils crient mais je ne comprends pas ce qu’ils se disent pour autant. L’un des types a de longs cheveux raides et un ai dégouté. L’autre est de dos. Je ne vois pas son visage. Soudain, il se jette par-dessus la table basse et saisit le type aux cheveux longs au cou. Ils tombent à terre. Le gars se débat mais l’autre serre fort et finit par l’étrangler. J’ai peur. J’ai peur de voir le visage de l’assassin. Je ne veux pas que ce gars se retourne. Je ne veux pas qu’il me voit par la fenêtre. Je suis pétrifié de peur !

                Un éclair, un coup de tonnerre. Et le type se retourne. C’est moi ! c’est moi qui est tué ce type. Je me vois à travers la fenêtre et je me fais signe d’entrer. L’homme, le… « moi », que je rejoins dans le salon me montre les dents mais ce sens bien qu’il est déchiré par ce qui vient de se passer. Il me montre le corps au sol et je comprends. Il a besoin de mon aide pour…

                Tous les deux, nous soulevons le corps et montons au grenier. Là, nous trouvons de la corde et simulons une pendaison. Je ne devrais pas faire ça mais j’agis en automate. Mes gestes ne m’appartiennent pas. Je fais ce que me commande l’« autre moi » et, pendant ce temps, je traque du regard tout, n’importe quoi, qui pourrait évoquer la présence d’Alessa en ces lieux. Un truc traine par terre. Une pyramide rouge. Qu’est-ce que ça fait là ? Ce n’est pas possible que ce truc soit là par hasard. Pendant que l’« autre moi » redescend, je fourre le truc dans ma poche. Puis, je quitte le grenier à mon tour. De retour dans le salon, l’« autre moi » m’attend. Je en sais pas ce qu’il me veut mais il cache quelque chose dans son dos. J’ai un très mauvais pressentiment. Je jette un œil et vois que la pince que j’avais déposée dans un coin a disparu. L’« autre moi » prend un air faussement maussade et exhibe la pince. Puis…

                Soudain, dehors, j’entends des sirènes. Ce sont les sirènes de voitures de police. Par le fenêtre, on voit les lumières bleues et rouges des gyrophares. Un flic s’adresse à nous, à moi, à l’aide d’un mégaphone et exige que je sorte sans faire d’histoire. Je me tourne vers l’« autre moi » mais je suis seul dans le salon. Putain ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

                Je me suis fait avoir ! Je sais pas comment mais je me suis avoir ! Et ça me fout en rogne ! Mais il n’est pas question que ces flics me chope. Alors, je fonce à l’arrière de la maison. Je casse une fenêtre avec la pince du jardinier et fonce dans les bois !


JOUR : 7/7


                Le jour se lève. Les flics sont toujours à mes trousses. A travers les arbres, je vois les berges du lac Toluca et, un peu plus loin, un vieux château d’eau. Il est un peu plus éloigné que ce que j’imaginais et je dois traversé un vieux cimetière à l’abandon. J’ai pas le temps pour ça mais ça me rend triste.

                Evidemment, la porte du château d’eau est fermée. Ce n’est pas discret du tout mais un gros coup de pince m’ouvre le passage. A l’intérieur, ce n’est pas un château d’eau ! C’est… une prison ! Il y a des grilles, des cellules. Aucune installation de traitement des eaux. Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Peu importe, je dois me mettre à l’abris.

                Je fonce dans des escaliers en colimaçon. J’arrive dans une pièce qui doit se trouver au centre de la tour. De là, j’ai une vue sur toutes les cellules du niveau et… elles ne sont pas vides ! Il y a des gens retenus captifs ici. Des gosses ! mais pas n’importe quels gosses. Ceux-là, sont… translucides ! Ce sont des… fantômes ?

                L’espace d’un instant, très bref, j’ai l’impression de connaître cet endroit, d’être déjà venu. J’ai peur. Je sens la colère monter. Du regard, je fais le tour des cellules. L’une d’elle est vide. Une seule. Je farfouille dans cette pièce, ce poste de surveillance, à la recherche de dossier ou quoi que ce soit concernant ces gamins. Et si je trouve ce que j’ai peur de trouver, je crois que je vais vraiment péter un câble !

                Je ne trouve rien. Mais ça ne me calme pour autant. Au contraire même, ça m’énerve au plus haut point. En bas des marches, j’entends les flics. Ils m’appellent mais au son de leurs voix je comprends qu’ils ne sont pas certains que je sois vraiment là. Je dois me calmer. Mais c’est dur. Ça monte. Ça brûle. Une fine bruine me tombe dessus. Je lève la tête et vois que le toit est emporté par le vent. Mais ce mouvement n’a rien de violent. Au contraire, le toit et le reste de la tour se délite lentement, en petits morceaux, comme des flocons de neige emportés par le vent. Et peu à peu il ne reste que des tiges de fer rouillées et tordues. Je n’entends plus les flics mais je sais que je ne suis pas seul ici. Je cherche les gosses du regard. Je ne les vois plus. A leur place, dans les cellules, ce sont des centaines, des milliers de cafards sanglants. Un épais brouillard pénètre à l’intérieur de la tour.

                Le brouillard finit par atteindre le poste de surveillance. Je distingue une silhouette. Et les cafards courent vers elle et la recouvrent pour devenir une sorte d’armure. La silhouette est entièrement recouverte de cafards grouillant. Je ne vois qu’un œil. Un seul. Elle déploie des ailes translucides. Je lui balance la pince de jardinier à la figure ! Et je me jette sur elle en hurlant. A son armure de cafard, j’oppose mon armure de colère. Ce feu intérieur me rend invincible. Je peux tout faire et même tuer ce truc ! Et chaque coup que je lui porte est un flash, un flashback d’une chose horrible qu’on a infligé à un gosse, comme ceux que j’ai vu à l’école, comme… moi !

                Le monstre me rend coup pour coup. Des fois, mon regard plonge dans son unique œil et j’y vois quelque chose de diabolique et de… séduisant. Mais mains se portent à son cou. Je serre le plus fort que je peux. Je revois l’« autre moi » étranglant ce type dans le salon. Je ne comprends pas tout et j’ai peur de comprendre. Moi, ce type qu’on a étranglé. Ce meurtre maquillé en suicide. Cet endroit. Silent Hill. Alessa…

                La colère, le feu, le vent et la pluie. Je serre toujours mes mains autour de son coup et l’autre, ce truc, m’enveloppe doucement. Ces gestes sont lents et doux, accueillant. Mon regard plonge une nouvelle fois dans son œil et je me rends compte qu’il s’agit d’un œil de verre. Ce truc est… aveugle, comme la… justice ?

                C’est le dernier jour. Si je veux quitter Silent Hill, c’est aujourd’hui. Mais où aller ? Et pourquoi alors même que la justice me serre dans ses bras. Bien que je l’étrangle, la chose me glisse quelques mots à l’oreille : « Je suis un émissaire en mission secrète… »



                OK, j’abandonne…

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