EAT YOUR DARLING/LA TRILOGIE DE LA CRASSE

JOUR 1
Rico est un Soar, un Khaarij, un hors caste, un criminel. Il a fui sa cité souterraine pour pouvoir, enfin, assouvir ses penchants les plus bestiaux et meurtriers, notamment l’anthropophagie. Il compte également profiter de sa liberté « retrouvée » pour s’adonner aux rituels Soars qui lui étaient jusque-là interdits. Il s’est d’ailleurs enfui avec deux doses de Vish. Mais pour l’heure, Rico a faim et tout n’est pas forcément parti pour bien se passer.
Ça fait un petit moment qu’il suit un crêteux. Celui-ci est bien gras et Rico en salive d’avance. Mais le punk a l’ai effrayé… par autre chose que Rico qui est certain de ne pas s’être fait repérer de sa proie. Ça sent les problèmes…
Rico ne résiste pas à la tentation d’user du Vichar, ce pouvoir télépathique réservé à l’élite. Il veut savoir ce que ce tas de graisse a dans la tête. Il va ainsi commencer par violer son esprit puis…
En effet, le punk n’a pas du tout remarqué Rico. Par contre, il a remarqué quelque chose que Rico, focalisé sur sa proie, n’a pas vu. Qui est ce type tapi dans l’ombre ? Que sont ces cicatrices sur son visage, ces croutes verdâtres presque phosphorescentes ? pourquoi traque-t-il ce punk ? et surtout, a-t-il repéré Rico ?

Non pas que Rico se moque de cette menace potentielle, mais il a faim et, surtout, il veut ce punk grassouillet. Ce sera lui et personne d’autre. Ce type lui plait et il ne changera pas de cible. Et l’autre, le type aux croutes phosphorescentes, devra faire avec !
Rico enfile son masque de cuir et sort de l’ombre. Il marche rapidement vers le punk et le serre dans ses bras, collé contre son dos. Il lui murmure des mots tendres. Il lui dit qu’il sait même s’il ne sait pas ce qu’il sait. Il lui dit qu’il le veut et que le crêteux ne le regrettera pas. Et il lui glisse aussi qu’il le protégera contre tous les dangers. Le punk tremble mais se laisse faire. Rico l’entraine avec lui. On dirait qu’il vient de damer le pion au type phospho.

Une fois chez lui, dans ce studio dégueulasse qui lui sert de planque, Rico ne s’encombre pas de préliminaires. Il a déjà violé la tête du punk. Il s’occupe maintenant sans ménagement de son corps, ne cessant de grogner à l’autre que c’est en réalité ce qu’il veut. Puis, en plein pendant l’acte, Rico donne un grand coup de dent dans l’épaule du punk. Il lui arrache un bout de chair, mais aussi un hurlement. Et à ce hurlement répond son propre cri car cette viande est… infect ! dégueulasse, pourrie, souillée !
Ses tripes se mettent à bouillir, comme son cerveau d’ailleurs. Il se tord de douleur et l’autre en profite pour se tirer. Rico calme le feu qui le consume en buvant facilement 2 litres d’eau cul sec. Il finit par reprendre un peu le contrôle de lui-même et comprend, du moins le pense-t-il, que le crouteux est derrière tout ça. Ce type phospho lui a tendu un piège avec ce punk pourri. Est-il à la solde des Soars ? L’a-t-on retrouvé ?

JOUR 2
La faim est toujours là. La seule bouchée d’hier n’a pas suffit à rassasier Rico et le Soar est de nouveau dans la rue, en chasse. Peut-être tombera-t-il sur le même punk que la veille. Il sait que celui-ci a aimé ce qui lui est arrivé. Rico n’en doute pas une minute. Mais ce soir, derrière ce masque de cuir qu’il peut se permettre de porter dans ce quartier interlope, son dévolu se jette sur ce trans. Il n’a pas du tout le look drag-queen auquel il s’attendait de la part d’un tel individu. Ses vêtements plutôt casual et confortables détonnent même un peu sur cette silhouette un peu épaisse qui laisse penser à Rico qu’il va pouvoir, enfin, s’en mettre sous la dent. Et puis, se goinfrer de ce type, ou de cette nana ?, sera aussi pour Rico l’occasion de lui faire ravaler ce côté « je me la joues » qu’il a dans le regard. D’ailleurs, qu’est-ce qui lui permet de faire montre d’autant d’assurance ? L’air de rien, l’incident de la veille n’a pas été sans conséquence et Rico sent monter comme une vague de parano. Il regarde partout autour de lui, à la recherche de l’homme aux croutes phosphorescentes.
Rico en rajoute et joue au dur quand il aborde sa proie. Il s’affirme comme mâle dominant. Il veut faire baisser le regard à ce trans qu’il trouve un peu trop fier et arrogant. Et étonnamment, il n’a pas beaucoup d’effort à faire pour que l’autre perde de sa contenance. En fait, c’est un peu spontanément qu’il adopte le rôle que Rico voulait le contraindre à jouer. On dirait même qu’il est content d’être abordé de la sorte.
Sur le trottoir, sous le projecteur d’un lampadaire, Rico se colle au trans et lui murmure des mots durs. Il lui décrit, sans pour autant rentrer dans les détails, le sort qu’il lui réserve, s’amusant de ce que l’autre ne voit là que de simples métaphores. Mais Rico compte pourtant bien le « bouffer tout cru » !

Le trans se montre non seulement réceptif aux propos et aux caresses de Rico mais il en rajoute. Et il l’attire de lui-même dans les ombres d’une ruelle. Rico est trop heureux de se laisser ainsi entraîner. Il se colle encore plus à sa proie. Il la renifle en grognant. Sous son masque, il bave. Mais il est encore un peu trop tôt pour le retirer.
Quand il sent que l’autre est à point, Rico retire doucement son masque. En fait, il ne fait que le relever en partie. Il ne veut pas que l’autre voit son visage. Pas tout de suite. Le trans embrasse goulument la bouche qui se révèle et Rico lui mord les lèvres, comme pour lui montrer ce qui l’attend. La proie réagit plutôt bien à ce traitement. Alors, Rico se laisse aller. Il soulève le T-shirt de sa victime et croque ! Le trans pousse un hurlement mais… cette viande est si bonne, si chaude… Rien à voir avec le punk de la veille.
Rico arrache encore un peu de chair et avale autant de sang qu’il peut. Puis, il se relève. Le trans ne crie plus. Il halète. Il est gravement blessé. Il a peur. Rico savoure ce regard. Rien à voir avec cette arrogance d’il y a encore quelques minutes. Rico plaque une main sur la bouche du trans et lui enfonce deux doigts dans la plaie. L’autre étouffe un nouveau hurlement. Et Rico lui rappelle qu’il porte toujours son masque et qu’il ne pourra jamais l’identifier. Ce crime restera impuni qu’il lui dit. Il retire alors ses doigts qu’il porte à ses lèvres pour en lécher le sang et quelques bouts de chairs. Puis, il abandonne le trans là, dans cette ruelle noire.

Rico rentre chez lui. Il se sent bien. Il s’allonge sur son matelas dégueulasse, maculé de sang et autres fluides corporels. Il s’en fout, la viande était bonne.

JOUR 3
Ce soir, Rico est de nouveau de sorti. Objectivement, il pourrait se passer de la chasse mais, quelque part, il a envie de revoir le trans de la veille. Est-il mort ? A-t-il survécu ? Et si oui, sera-t-il à l’hôpital ou attendra-t-il Rico sous ce lampadaire où il l’a trouvé hier ?
Aucune trace du trans ! Il est peut-être mort et son cadavre a été évacué par les éboueurs. Par contre, Rico reconnait le punk au goût dégueulasse, celui dont il est quasiment certain qu’il est de mèche avec le type aux croutes verdâtres. Rico devrait se barrer mais… il veut régler ses comptes ! Alors, il suit le crêteux jusqu’au moment. Et comme l’autre jour, il accélère le pas et se colle brutalement à lui, dans son dos. Il le serre fort et lui demande s’il le reconnait. Le punk dit que non et semble vraiment sincère. Il se débat même. Mais Rico resserre son étreinte dans un savant mélange de contention et de caresses qui finit par arriver à bout de la résistance du punk. Les humains finissent toujours par se laisser faire, se dit Rico. Ce sont des proies. Ils aiment être dominés. Ils ont ça dans le sang !
Rico pelote le punk sans ménagement. Mais celui-ci gémit car, plusieurs fois, Rico presse un peu trop fort la blessure qu’il lui a déjà infligé. Malgré tout, le punk se laisse faire. Il reste là, immobile sur le trottoir, laissant à Rico la possibilité de lui faire tout ce qu’il veut. Et Rico se laisse aller. Une fois de plus, il plante ses crocs dans la chair du crêteux et il retrouve ce goût dégueulasse. La chair glisse jusque dans son estomac et y répand sa souillure. Rico ne peut retenir un cri de dégoût et… de peur. L’homme aux croutes phosphos est là ! il est forcément là, quelque part dans l’ombre. Il l’observe. Il attend quelque chose mais quoi ?! Rico repousse le punk qui ne semble pas comprendre ce qui est en train de se passer. Pourtant, il reste là et porte sur Rico un regard plein de curiosité et de… compassion. Et face à ce regard, Rico a… peur ! il plonge son regard dans le regard du punk et y voit quelque chose d’inhumain. Rico a alors le sentiment irraisonné qu’il y a de la magie derrière tout ça. Et il se rappelle tous les interdits des Soars en la matière. Et si… tout ça était fondé ? et si c’était à juste titre que les membres des castes les plus élevées leur interdisaient à eux, les Khaarij, d’user de ces rituels ? Parce que, horas castes, ils ne seraient pas assez purs pour ces choses-là ? Rico rajuste rapidement son masque et s’enfuit en courant. Il jette des regards par-dessus son épaule. Il sait que l’autre homme est là.

De retour chez lui, Rico se lave la bouche à grande goulée de vodka. Il veut, il doit se débarrasser du goût infâme de ce punk. En réalité, il devrait faire plus que ça. Il devrait se débarrasser de ce type, tout simplement. Puis, il devrait se mettre en chasse de l’autre, celui qui est derrière tout ça.

JOUR 4
Rico est de nouveau de sortie ce soir. Mais ce n’est finalement pas tant pour trouver quelqu’un à manger. En fait, il a peur. Il se sent piégé par ce type aux croutes phosphos dont il est sûr qu’il en a après lui. Il est de plus en plus convaincu que ce type bosse pour d’autres Soars ou quelques services secrets et qu’on ne va pas tarder à lui mettre la main dessus. D’une manière ou d’une autre, il a été repéré. C’est évident. Mais Rico n’est pas une proie. Alors, il sort et chasse. Il traque son traqueur. Et ce soir, tout le monde a l’air louche. Tout le monde est tout autant une proie qu’un prédateur potentiel. Tout le monde est potentiellement dangereux alors… tout le monde est potentiellement en danger car Rico ne se laissera pas faire. Et surtout pas face à un type comme celui qui le regarde méchamment, ce goth maigrelet qui ressemble à un mort-vivant. Il n’y a rien à manger là-dessus !
Et Rico perd son sang-froid. Il traverse la rue et se jette sur le goth ! Il le pousse contre le mur et commence à l’invectiver. Il le menace. Ses propos sont complétement incohérents, mêlant sa peur subite de la magie Soar et sa parano concernant cet homme étrange dont il est certain qu’il se sert du punk pour le faire pourrir de l’intérieur. D’ailleurs, pourquoi n’a-t-il pas pu résister à cette viande infecte alors même qu’il l’avait déjà gouté ? Magie pourrie ! Le goth ne comprend rien à ce que raconte Rico mais se montre pourtant incroyablement réceptif à cette explosion d’agressivité à laquelle il répond par une même agressivité. Très vite, les deux commencent à se battre sur le trottoir mais très vite aussi il s’avère que ces coups ne sont que des préliminaires.
Très vite, Rico a le dessus. Les deux se retrouvent à terre et le Soar tombe le masque, révélant ses crocs qu’il plante dans la chair gothique. L’autre pousse un hurlement mais d’autres sentiments se mêlent à la seule et simple douleur. Rico pourrait se délecter de cette combinaison complexe mais il s’en moque. Il fouille la viande. Il cherche les os. Il veut la moelle. Et la moelle se répand dans son corps et il lui trouve quelque chose de… toxique. Un peu comme avec le punk. Et là, Rico se dit que cela ne vient peut-être pas de la viande du punk, ni du goth, mais de lui ! c’est parce qu’il est particulier, unique, que la viande a ce goût qu’elle n’avait pas avant. Est-ce sous l’influence du type aux croutes phosphos ? est-ce une vengeance des Soars ? En tout cas, Rico est convaincu que ce qui pourrait bien être une sorte de malédiction est tout autant un signe de sa propre élection car, si le sort s’acharne contre lui, c’est parce qu’il est… dangereux !

Repu, autant que possible malgré la souillure de cette viande, Rico rentre chez lui, notamment pour réfléchir à ces idées qui lui sont apparues pendant son repas. Il a effrayé quelqu’un au point que le sort s’acharne. Il se regarde dans la glace. Tout ce qui lui arrive, il en est sûr, n’est que la première étape d’une transfiguration qui va faire de lui un… Kasaee ?

JOUR 5 :
Rico a fait un drôle de rêve. Il était dans le métro, seul dans la rame lancée à pleine vitesse. Il voyait son reflet dans la vitre et derrière c’était le noir. Le noir défilait à toute blinde et, parfois, Rico avait l’impression de voir quelque chose bouger dans le noir. Une ombre, une forme. Un Kasaee ?
Ce devait être à cause de la mauvaise viande qu’il avait mangé, Rico se sentait mal. Il avait besoin de se purger. Pour ça, il lui fallait une bonne viande. Une viande saine chasserait la viande souillée qui empoisonnait son sang. Alors, il avait enfilé son masque et était retourné chasser dans ce quartier où, petit à petit, il prenait ses habitudes.
Il y a peu de femmes dans ce quartier. En fait, à cette heure de la nuit, Rico ne se rappelle pas en avoir vu. Aussi, il est intrigué par cette grunge à l’arcade percée. Il lui trouve quelque chose de mauvais dans le regard mais sa silhouette un peu épaisse laisse augurer un bon repas précédé, peut-être, d’un bon moment.
Rico l’aborde le plus simplement du monde, faisant comme s’il ne portait pas son masque de cuir, comme si tout était normal. Et dans ce quartier, cet espèce de backroom à ciel ouvert, cela ne semblait pas trop poser de problème. La fille s’appelle Stacy et parle avec un fort accent espagnol. Rico lui fait quelques compliments bateaux qui parviennent à faire fondre la glace. Stacy a l’air moins mauvais. Rico lui trouve même l’air bonne. Il lui propose de le suivre. Elle accepte.

Rico paie cash pour une chambre minable dans un hôtel sordide tenu par un porc à tête humaine. Il ne serait pas étonné, s’il se donnait la peine de chercher, de trouver dans chaque chambre des mini-caméras ou des webcams dissimulées. Mais Rico s’en fiche. Stacy a quelque chose qui lui plait. Et cela semble réciproque.
Les plaisirs de la chair prennent des formes multiples. Rico se laisse aller et profite avant de prendre son repas. Stacy est chaude et tendre. Rico finit même par faire tomber le masque et elle ne semble pas s’en effrayer. Au contraire même, elle parait avant tout curieuse. Mais les pensées de Rico deviennent quelque peu amères. Il est en train de réaliser qu’il a trouvé là, peut-être, la partenaire idéale pour réaliser tous ces rituels Soars qui lui sont interdits en raison de son appartenance à la caste des Khaarij. Il y a quelques jours à peine, il en aurait profiter pour user de Vichar ou de Doree. Il aurait même pu visiter un Mahal ou Agartha. Mais aujourd’hui, il s’avoue à lui-même qu’il a peur. Il sent planer sur lui la menace du Kasaee et se demande si ce n’est pas avec raison que les membres des plus hautes castes se réservent le droit d’user de la magie ancestrale des Soars. Peut-être qu’effectivement il n’en est ni capable ni digne. Les gémissements de Stacy le ramènent à des considérations plus concrètes et Rico décide que le moment est venu de passer à table.

Rico plonge la tête entre les jambes de Stacy et lui mord l’intérieur d’une cuisse. Il lui arrache un bout de viande et sent qu’elle se retient de crier. Il mâche et avale rapidement. Ensuite, il approche son groin de son oreille et lui murmure ce qu’il sait être des âneries quant au fait qu’ainsi elle fera partie de lui pour toujours, qu’elle sera toujours là et blablabla… Il espère être convaincant et retourne s’abreuver du sang qui continue de couler abondamment. Si le porc qui gère l’accueille les espionne réellement, il ne va pas être déçu du voyage.
Rico arrache à Stacy encore quelques bouts de chair et quelques cris qu’il contient en plaquant sa main sur sa bouche. Puis, il déchire un drap pour lui faire un bandage de fortune. Il lui assure que sa blessure guérira très vite mais en réalité, il n’en sait rien et s’en fiche éperdument. Soudain, il a perdu tout appétit. Il a repensé à son rêve. Celui du métro avec l’ombre du Kasaee. Le monstre le suit. Il est maudit. Il va mourir. Il se sentait pourtant si proche de la victoire. Mais quelle victoire au fait ? Une victoire sur qui, sur quoi ? Il glisse une ou deux banalités à l’oreille de Stacy et s’enfuit littéralement de la pièce. En passant devant la réception, le porc ne dit rien. Soit le spectacle lui a plu, soit il n’y a pas de webcam cachée dans la chambre.

Rico regagne son studio en toute hâte. Il pensait y être à l’abri mais se rend compte de son erreur dès qu’il referme la porte. Il n’est pas seul ici. L’autre, l’ombre, le Kasaee ?, est déjà là. Faire le tour du taudis n’est pas compliqué. Rico ne voit personne, à par son propre reflet dans la glace de la salle de bain. Pourtant, l’autre est là. En fait, l’autre sera toujours là maintenant puisqu’il n’est pas chez Rico mais en Rico. Marqué, souillé, il sent le Kasaee en lui. Le monstre s’est introduit dans ses rêves, dans sa chair. Il y a fait son nid et maintenant il va prendre son envol. Y a-t-il un moyen d’empêcher tout ça ?
Rico en connait un mis ne peut s’y résoudre. Puis, il a chaud. Très chaud. Ça le brûle de l’intérieur. Il ôte ses vêtements à toute vitesse et voit comme une transpiration noire suinter à travers les pores de sa peau. Ça… commence ? Rico sait ce qui est en train de se passer et il en connait l’issue fatale. Pourtant, il se jette sur sa réserve de Vish. Il veut s’enfuir, n’importe où ! Que le Vish l’emmène n’importe où mais loin d’ici. Qu’à défaut de sauver son corps, il puisse au moins sauver son âme. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Si ?

Et il se passe quelque chose d’inédit. Cela ne devrait pas se passer mais pourtant cela arrive. L’âme de Rico est comme collée au plafond et il voit son corps se tordre dans tous les sens sous les assauts du Kasaee. Mais il voit aussi, contre toute attente, le Kasaee s’épuiser, perdre patience, perdre courage et finalement renoncer. L’ombre reflue dans le corps de Rico et son esprit décide alors, sans que Rico ne l’ait lui-même décidé, de regagner son corps. Une fois de retour, Rico sans bien que ce n’est que partie remise. Son corps est très loin d’être purifié et l’ombre du Kasaee est toujours là. Mais cette nuit, on dirait bien qu’il a gagné.

JOUR 6 :
Rico aurait dû mourir. Il le sait. Est-ce uniquement cette dose de Vish qu i a suffit à repousser le Kasaee ou alors est-il vraiment une sorte d'élu et tout ce cirque est une espèce d'épreuve initiatique ? Rico pense, espère, estime être un élu, évidemment. Il doit aller au bout du chemin. Il doit aller... manger.
Rico erre encore dans ce quartier sordide mais c'est le seul endroit où il peut se livrer à son petit commerce, à la chasse, sans trop attirer l'attention. Les gens ici sont trop bizarres, trop perdus, trop déviants eux-mêmes pour voir autre chose en Rico qu'un paumé excentrique, comme eux. Ce soir, l'air est malsain. Pas beaucoup plus mais un peu plus que d'habitude quand même. Rico a l'impression que ce soir pourrait être le dernier soir mais... n'est-ce pas le cas de tous les soirs finalement ? Et puis, il croise le regard de cet homme, ce type obèse à l'air timide. Il le connaît. Il l'a laissé pour mort l'autre nuit. Rico s'approche de lui. Malgré ou à cause de son masque, l'autre le reconnaît. Il a peur, Rico le sent. L'obèse voudrait s'enfuir. Il devrait le faire. Mais il ne bouge pas. Il reste là à jeter des regards à droite et à gauche. Finalement, Rico l'aborde.
« On remet ça ! »
Ce n'est pas une question. L'autre le suit. Rico l'attire au fond d'une ruelle mal éclairée. Il soulève le bas de son masque et commence à renifler l'autre un peu partout. Il le palpe, le bouscule. L'autre ne réagit pas. Il se laisse faire. Rico en profite, en abuse. La faim est proche.
Mais cette fois encore, la viande a un goût dégueulasse ! Pourtant, il était bon celui-là, l'autre fois, non ? Rico ne sait plus. Il a ce goût infect dans la bouche et sens comme du pus se répandre dans son organisme. Pourquoi ? Pourquoi cette viande est dégueulasse ? Rico sait bien que cela ne peut pas être lié aux substances toxiques qu'ils ingurgitent tous certainement. Cela vient d'ailleurs. Cela vient du Kasaee qui tente de se frayer un chemin jusqu'à la surface. Cela vient des Soars des hautes castes qui lui interdisent le plaisir des rituels sacrés. Cela vient... de lui !
Rico a alors une illumination. Il comprend tout. Ce goût ne vient pas de la viande. Il vient de la docilité des proies. Il vient de ce que tout cela est devenu trop facile, beaucoup trop facile. C'est le frisson du danger qui donne son goût merveilleux à la viande. Le danger issu de la transgression des interdits Soars. Le danger issu de cette présence Kasaee qui plane au dessus de lui. On dit que la peur de la proie donne un certain à sa viande. Mais Rico vient de comprendre que c'est en réalité sa propre peur à lui qui lui confère ce goût et cette saveur unique. C'est à ce prix, en se mettant réellement en danger lors de la chasse, qu'il aura une viande de qualité.
Rico regarde autour de lui. Il cherche l'homme aux croûtes phosphorescentes. Il est sûr que ce type est derrière tout ça. Mais pourquoi ? Il ne voit rien. Le type n'est pas là ou alors il est bien planqué. Rico se détourne de l'obèse qui ne comprend rien à ce qui se passe. Rico s'en moque.


De retour chez lui, Rico se rend compte qu'il a faim. Il prépare sa dernière dose de Vish au cas où mais... le Kasaee ne se montre pas.

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