CRASSE & MILLEVAUX XI - LE MEURTRE DE L'HOMMONDE

 Berlin, le 29 avril 1952. Il est 20h35. Une pluie fine tombe sur ce qui reste de la Flaktürme de Friedrichshain. Une Pluie Noire,dans le secteur des Rouges. Le début de l'Entropie. Le début de la Fin.
La victime est un homme entre 50 et 70 ans. À vue de nez, je dirai autour de la soixantaine. Il a les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachés. Il baigne dans son sang. Son pantalon et son slip sont baissés jusqu'aux chevilles. Il y a le cadavre d'un porc à côté. Les agents de la RPA ne le savant pas encore mais la victime a été violé par ce porc. Les agents de la RPA ne le savent pas non plus mais, pour chaque meurtre, il y a un témoin. Je dois le trouver.
Je m'appelle Corso. Je travaille comme médecin légiste pour une organisation nommée Black Rain dont le principal boulot consiste à recueillir un maximum d'informations sur les meurtres comme celui-ci, sur le meurtre métaphysique, sur le meurtre de l'Hommonde. J'ai été envoyé dans le Berlin de ce monde pour intégrer en toute discrétion l'agence internationale connue sous l'acronyme de RPA (Reserve Police Agency). La mission officielle de la RPA ? On s'en fiche un peu. Sa véritable mission consiste à nettoyer Berlin des Horreurs qu'ils ont invoquées pendant la guerre. Ici, dans ce Berlin, les recherches occultes menées par les nazis étaient sérieuses. Ils ont ouvert des portes vers d'autres mondes et des choses vraiment dégueulasses en ont profité pour venir nous dire bonjour. Mais quand les nazis ont dû fuir ou ont été arrêté, ces trucs là sont restés. En réalité,selon la RPA, il y a trois types d'Horreurs : celles qui ont invoquées et viennent d'un autre monde ; les mutants, tristes résultats des expériences nazies et les ST (Spezialeinsatztruppen) soit les soldats morts-vivants de l'armée allemande. Et toutes ces joyeusetés hantent toujours les ruines de Berlin. Les chefs de la RPA pensent que c'est une de ces choses qui a tué cet homme. Mais ils se trompent.
Black Rain a bien fait les choses. J'ai ici la double casquette de légiste mais aussi d'ancien militaire qui me permet de justifier d'un grade et commander les agents de base. Aussi, je leur donne quelques consignes afin, surtout, d'avoir le champ libre sur la scène de crime. Par définition, je connais déjà cette scène de crime. Elles sont toutes pareils. Mais je cherche... le truc en plus, ce truc dont je ne peux dévoiler l'existence à mes collègues de la RPA.
Le tueur a utilisé un couteau de boucher. Mais on a aussi trouvé des traces d'explosif à proximité. Est-ce que le tueur avait prévu de s'en servir ? A-t-il été dérangé ? Ces explosifs lui appartiennent-ils vraiment ? Je fais le tour de la scène de crime. Je repère des empreintes de pas dans la boue. Il est facile de tendre une embuscade dans ces ruines. Si c'est le cas, cela peut signifier que le tueur connaissait la victime. Il avait dû la repérer, repérer ses allers et venues. Son acte est prémédité, évidemment. La victime ne connaissait pas forcément le tueur. En tout cas,il semblerait qu'elle ait eu quelques habitudes qui ont permis au tueur de voir en elle la cible idéale. À moi, donc, de retracer non seulement le portrait du tueur mais aussi celui de la victime. Peut-être que je trouverais là aussi des informations utiles.
Et je me pose cette question, ce crime a un sens énorme pour moi car je suis un agent de Black Rain mais en a-t-il autant pour le tueur ? Sait-il vraiment ce qu'il a fait ? Sait-il vraiment qu'il a reproduit là meurtre de l'Hommonde, précipitant ainsi sa réalité dans l'Entropie ? Va-t-il recommencer ? Je cherche un indice, un indice à double sens. Je veux un indice qui me permette d'envoyer les agents de la RPA, mes hommes, sur une véritable piste. Mais je veux aussi un indice qui ait du sens quant au meurtre métaphysique.
Et dans un coin, dans l'ombre, je trouve des restes de nourritures. Le tueur devait donc bien être en planque ici et depuis un moment. Il connaissait donc bien les habitudes de sa victime. Mais peut-être savait-il aussi que l'attente durerait un moment. Pourquoi ? Est-ce que quelqu'un l'aurait repéré s'il était venu se cacher plus tard ? En tout cas,il est prudent et prévoyant. Selon la catégorisation traditionnelle, je crois pouvoir dire que j'ai à faire à un tueur organisé.
Je me relève. J'appelle mes gars pour qu'ils jettent un œil à ses restes de nourritures. Je commence à donner des consignes pour que tout ça, et le corps, soient évacués et ramené au siège de la RPA. Je compte bien autopsier le corps moi-même. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que ce tueur là ne s'est peut-être pas se borner à reproduire le meurtre de l'Hommonde. J'ai le pressentiment qu'il a voulu y ajouter sa touche personnelle. Je dois la trouver. Et alors que je me relève,je vois comme une ondulation dans l'air, des vaguelettes verticales, un mouvement régulier. On dirait un voile invisible. J'avance la main et la voit traverser ce voile invisible. J'ai la nausée. Je suis pris d'un Vertige... Logique...

Avec toutes ces conneries de changements d'univers, de Multivers et de voyage dans le temps, je ne sais plus ce qui est vraiment arrivé, si c'est vraiment arrivé et où et quand c'est peut-être arrivé. Mais ce que je sais, c'est qu'il y a au moins un lieu et un moment où Haze a tué la Reine. Mais comme je ne sais pas quand il l'a réellement tuée, je ne sais pas si mes souvenirs d'elle sont réels. S'agit-il de souvenirs,de fantasmes, de rêves ? En vérité je n'en sais rien. Selon le moment où Haze l'a tuée, il est possible que je ne l'ai jamais rencontrée. Je ne l'aurais donc vu que sur un écran d'ordinateur. Non ! Pour ça, il aurait fallu que je traîne sur des sites dégoûtants et c'est pas mon genre. Et... et... on ne peut pas vraiment dire que la WIFI fonctionne très bien à Berlin en 52. Alors,d'où me viennent ces souvenirs, ces visions d'elle ? Je ne sais pas si ces images dans ma tête sont réelles mais je sais que la Reine, finalement, je tenais à elle.

Jeudi 4 juillet 2019. Le ciel est bleu. Il est 10h47 du matin et je j'apprête à procéder à l'autopsie de cet homme dont on a toujours pas trouvé l'identité. Je mets un peu de gel sous mon nez ; le corps commence à sentir mauvais. Il fait frais et je remercies l'inventeur du climatiseur. Ici, à Los Angeles, à cette heure de la journée et en cette saison, le soleil tape déjà fort.
Je suis déjà au parfum, c'est le cas de le dire, d'une partie des éléments que je vais trouver. Personne ici, au siège du LAPD, ne le sait mais ce meurtre est une reproduction du meurtre de l'Hommonde et comme bien des victimes dans biens d'autres univers parallèles cet homme proche de la soixantaine a été retrouvé...
...à Berlin en 1952, les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachés, baignant dans son sang. Son pantalon et son slip étaient baissés jusqu'aux chevilles. Il avait de plus été violé par le porc dont on avait retrouvé le cadavre sur la scène de crime.

Comme prévu, je trouve sur le corps de la victime des traces de phéromone de truie ; celles qui ont servi à « motiver » le porc. Les blessures ont été effectué à l'aide d'un couteau de chasse ou de boucher. Je prends les mesures de chaque plaies afin d'essayer de déterminer la taille de l'arme et, peut-être, son modèle. Cela me permettra par la suite également, en fonction de l'angle, d’évaluer la taille du tueur par rapport à sa victime. Dès à présent, je peux dire que le tueur est plus petit. Mais la victime était un homme de grande taille. Aussi, je peux en déduire que le tueur est un homme de taille moyenne qui a certainement frappé plusieurs fois la victime afin de la faire tomber. Ensuite seulement elle s'est acharnée sur le visage. Puis, alors que la victime était toujours vivante mais plus en état de se défendre, le tueur a fait venir le porc.
Sachant que les coups ont été porté par un homme de taille moyenne à l'aide d'un couteau de chasse ou de boucher, la profondeur des plaies me permet aussi de déterminer la force mise en jeu par le tueur. Or, il apparaît que les plaies sont moins profondes que je ne m'y attendais. Il semblerait donc que le tueur n'a pas cédé à quelque pulsion sauvage. Il aurait même plutôt tenté d'être... efficace. Je retrouve là l'esquisse d'un tueur organisé. L'homme sait ce qu'il fait.
Je cherche sous les ongles de la victime d'éventuelles traces de cheveux ou de poils. Pour son âge, cet homme était plutôt vaillant et bien portant. Il a certainement tenté de se défendre. Rien ! Soit la victime a été à ce point prise au dépourvu qu'elle n'a pas pu se défendre, soit le tueur a bien pris soin d'effacer toute trace. Ce dernier point apporterait de l'eau au moulin de la piste d'un tueur organisé. Mais, si celui-ci sélectionne effectivement sa proie, il aurait pu choisir une victime plus « facile ». je pense qu'il a choisi cet homme en fonction de ses habitudes et de ce trajet qui le faisait passer près d'un lieu propice à une embuscade mais est-ce vraiment l'unique critère ? Je reste de plus convaincu que ce tueur métaphysique se différencie des autres. Lui, il ne cherche pas seulement à reproduire le meurtre de l'Hommonde. Il veut poser sa marque, sa signature. Il pense qu'il vaut mieux que ça, mieux que les autres. Il n'est pas une marionnette du destin et il veut le montrer à tous. C'est pour ça que je suis convaincu qu'il va recommencer. Mais pour en être sûr, je dois trouver cette signature. Et celle-ci se trouve quelque part sur ou dans ce corps.
Je prends un peu de recul. À tout hasard, je cherche à voir si toutes ou certaines des plaies forment un motif. Merde ! C'est bien le cas ! Et ce motif c'est... la rune Hshl ! Ce type n'a pas frappé qu'au hasard. Il a reproduit sur le dos de la victime le motif d'une rune Hshl. Comment connaît-il ce symbole ? Est-ce un ancien agent de Black Rain ? Normalement, seules les Mouches peuvent percevoir la présence de ce motif qui indique l'existence d'un passage entre plusieurs mondes. Les Mouches peuvent alors emprunter ce passage. Moi, c'est un peu différent. J'utilise un jeu de runes pour accéder à la dimension du Voyeur. De là, je peux espionner les autres mondes et m'y rendre. Mais bon, bref... Normalement, la rune préexiste. On ne dessine pas une rune Hshl pour créer un passage. On la trouve puis on trouve le passage.
Je continues à pratiquer l'autopsie en mode automatique. Je pense à autre chose. Je me demande ce que cherche à prouver le tueur avec cette marque. Est-ce vraiment un ancien agent de Black Rain ? S'agit-il seulement d'un ennemi, de quelqu'un qui aurait eu vent de l'existence de notre organisation et qui voudrait nous... provoquer ? Est-ce un apprenti sorcier qui pense pouvoir ouvrir un portail vers un autre monde ? Si c'est le cas, le pauvre type n'a rien compris. En tout cas, je revois mon jugement le concernant. Je pensais au départ à une sorte d' « artiste » voulant montrer sa supériorité. Je pense maintenant qu'il en sait plus que je le soupçonnais. Et s'il pensait profiter du fait d'être l'instrument du destin dans cette reproduction du meurtre de l'Hommonde pour en retirer quelque chose pour son propre compte.
Je repense aux 7 archétypes, stigmates et mobiles recensés par Black Rain. Mon tueur pourrait donc bien être un tueur en série. Quant au mobile, peut-être est-il inspiré par une sorte de rituel satanique ou de délire schizophrénique. Il s'agit peut-être d'un toxicomane. Les deux peuvent aller ensemble. Cela ne me dit pas comment il a eu connaissance de l'existence de la rune mais il est fort probable que je me trouve effectivement face à un tueur en série organisé en proie à un délire de type « satanique », ou en tout cas occulte, dû à une pathologie mentale et/ou la consommation de stupéfiants. L'homme est visiblement de taille et de corpulence moyenne, je peux donc éliminer celui des stigmates concernant justement sa taille et son poids excessifs, dans un sens comme dans l'autre.

Je termine l'autopsie, recouds le corps et le rend aussi présentable que possible. Je nettoies et range mes outils. Je m'occupe de la paperasse et m'apprête à remettre mon rapport à l'inspecteur chargé de l'enquête. J'en ai également fait une copie pour les dossiers de Black Rain.
Qu'est-ce qui s'est passé ici ?il y a eu un dégât des eaux. Les murs suintent. Les plaques au plafond sont molles à cause de l'humidité. J'attire l'attention d'un agent en uniforme passant par là et lui demande ce qu'il s'est passé. Il éclate de rire et poursuit son chemin. Il me prend pour un rigolo, un blagueur. Je ne comprends pas. Je remonte jusqu'au rez-de-chaussé. Pareil ! Je touche le papier peint et celui se décolle en partie à cause de l'humidité ambiante. J'interroge là encore les agents au comptoir de l'accueil. Ils me regardent puis se regardent, dubitatifs. Ils ne disent rien mais n'en pensent pas moins. L'un d'eux tend la main dans ma direction et me demande si je veux qu'il remette le rapport à la personne concernée. Je lui tends le dossier et quitte le commissariat.
Dehors, la rue est déserte. On y voit pas à 10 mètres à cause du brouillard. Il n'y a pas un bruit. Je fais quelques pas et me retourne. Je fais face au commissariat de Silent Hill. Je fais de nouveaux quelques pas mais, finalement, renonce à entrer dans le bâtiment.

J'erre au hasard dans les rues de... Silent Hill. Il fait gris. Je n'y vois rien. Il n'y a pas un bruit. Par moment, j'ai l'impression d'apercevoir des ombres au loin mais je n'ose pas m'approcher ni appeler. Au bout d'un moment, je me retrouve dans une ruelle. Là, sur un tas d'ordure, le corps d'un homme qui doit avoir entre 50 et 70 ans. Il a les yeux crevé, le nez et les oreilles arrachés. Il baigne dans son sang. Son pantalon et son slip sont baissés jusqu'aux chevilles. Il y a le cadavre d'un porc à côté.

Tout est là ! Même le porc ! La rue est vide, évidemment. Pourtant, dans ce monde là aussi il doit forcément y avoir un témoin. Silent Hill, comme ai-je atterri là ? On dirait une ville abandonnée, une ville fantôme. Aussi, je ne m'attends pas à tomber sur des flics et ne me préoccupe pas de pourrir la scène de crime. Je retourne le cadavre. Je cherche et je trouve la rune Hshl représentée à coups d'entailles dans le dos. La rune indique la présence d'un passage. Je n'ai trouvé aucune trace du témoin à Berlin. Est-il possible que, bien que ce soit plus qu'improbable, cette rune indique aussi un passage qu'aurait pu emprunter le témoin ou le tueur ? Je fouille au hasard. Évidemment, je ne trouve rien. Soudain,une sirène retentit. Tout se met à tourner autour de moi. Le sol devient liquide et s'écoule à travers le grillage constituant maintenant la chaussée. Les murs déjà décrépis s'effondrent par plaques et laissent la place à de la tôle rouillée. Les cadavres de la victime et du porc sont toujours là.
Cet homme n'est pas celui de Berlin. Je le fouille. Je ne trouve pas ses papiers d'identité mais il possède une petite toupie. Et je repense à ce film, Inception. La toupie de la scène finale avaient fait pas mal parler à l'époque. Et si je la faisais tourner. Mais j'entends un raclement. Une silhouette étrange se dessine au loin. Elle se précise à mesure qu'elle approche. L'homme, ou la femme, avance comme au ralentit. Ses membres oscillent comme s'ils étaient plastique. Il est coiffé d'une espèce de crête, comme les punks. Mais son épingle n'est pas fichée dans son oreille. En fait, un énorme pic noir et tordu est enfoncé dans son abdomen. Cette chose noire agite les bras dans tous les sens. Ses yeux et sa bouche sont deux trous blancs. J'ai vu des trucs bizarres dans ma vie, notamment depuis que je bosse pour Black Rain. Ce truc en fait partie.
On dirait que ça parle, que ça tente de parler. Mais je ne comprends rien. J'entends mal. C'est comme si le son de sa voix était couvert par autre chose, sauf qu'il n'y a aucun autre bruit parasite. Je me concentre et tente de saisir des bribes de phrases.

« ...la performance de l'ostracisme s'évade... des vapeurs du maelström... guette la pointe de l'esprit... »

OK, je ne vais même pas faire semblant de chercher. Ce truc raconte n'importe quoi. Comme il est lent, j'ai encore le choix. Je peux m'enfuir et abandonner le corps, en espérant pouvoir revenir, ou essayer de buter cette chose et poursuivre mon investigation de la scène de crime. Je ne sais pas si c'est très rationnel mais j'ai envie de me la coller avec ce truc. Je sens que je peux me le faire. Et puis, de toute façon, je suis déjà mort.
Je ne suis pas mort mais je fais bien semblant. Les mains de la chose ont changé. Elles sont devenues squelettique et le monstre est devenu bien plus vif et agressif qu'au début. Quand j'émerge, j'ai mal partout et je suis crevé. Et je me sens très con. Au moins, ce truc est parti. Je regarde autour de moi et constate que rien n'a changé au niveau de la scène de crime. Je doute de trouver ici de quoi autopsier la victime. Je l'examine sommairement et tente de reconnaître les angles des entailles. Je veux m'assurer qu'il s'agit bien du même tueur, ou au moins qu'il a la même corpulence. Et à vue de nez, c'est le cas. Cette victime est plus petite que celle de Berlin. Et les diverses entailles tendent à confirmer la taille moyenne du tueur. Je n'y crois pas beaucoup mais peut-être qu'ici il a laissé quelque chose permettant de l'identifier.
Et il ne faut jamais cessé d'y croire. Ce doit être la toupie d'Inception. Je suis dans un rêve. Et dans un rêve, les indices tombent finalement. Pas la toupie. Et ça, c'est un des stigmates recensés du tueur. Ce masque de cuir avec des cornes de cerf. Que fait-il ici ? L'a-t-il oublié ? L'a-t-il abandonné volontairement ? A-t-il contraint de le laisser là ? Il est possible que lui aussi est été surpris par le truc avec le pic dans le bide. Dans ce cas, contrairement à moi, il se sera tiré en vitesse, perdant ou oubliant de récupérer son masque. En tout cas, ce masque est une bénédiction car autant il prend soin d'effacer toute trace sur le corps de la victime et la scène de crime, autant je doute qu'il ne passe son propre masque au peigne fin. Et là, justement, je suis quasiment certain de trouver des traces d'ADN. À condition de pouvoir quitter cette ruelle rouillée et trouver un laboratoire avec l'équipement suffisant.

Je range le masque dans ma poche. Il sera plein de mes propres empreintes mais je saurai faire la différence. Puis, ce rapport ne sera pas destiné aux forces de l'ordre mais à Black Rain. Quand je lève les yeux, la pierre a remplacé l'acier rouillé. Je ne suis plus à Silent Hill. Je suis de nouveau à Berlin. Une nouvelle scène de crime.

C'est bien ce que je croyais. Ce type est un tueur en série. Il a recommencé. Et si je ne le trouve pas rapidement, il recommencera. Je donne des ordres aux agents de la RPA qui sont avec moi. Je parcours la scène de crime. Une fois de plus, je reconnais la rune Hshl dans les plaies infligées au dos de la victime. En réalité, je fais semblant d'inspecter cette scène de crime car je la connais déjà. Je la connais par cœur. En fait, je rassemble mes idées.
L'assassin semble donc être un tueur en série de ceux qu'on considère comme « organisés ». Il est de corpulence et de stature moyenne. Il choisit ses victimes en fonction de la facilité à leur tendre une embuscade. Il doit les espionner pendant plusieurs jours avant de passer à l'attaque. Ensuite, il reproduit le meurtre métaphysique et laisse sur le dos sa propre marque, la rune Hshl. Cherche-t-il par-là à ouvrir un portail vers un autre monde ? Est-ce une provocation à l'encontre de Black Rain ? Peut-être les deux, mais j'ai tendance à croire qu'il agit sous l'emprise d'un délire mystique inspiré par une pathologie mentale (schizophrénie ?) et ou une drogue quelconque (la Bille?). Sur une précédente scène de crime, j'ai trouvé des restes de nourritures. Y a-t-il ici, encore, des traces de sa présence ? Est-il encore à proximité ?
Je regarde autour de moi si le corps a été traîné. Il est possible que le tueur lui soit tombé dessus un peu plus loin. Aucune trace significative. Pour autant, rien ne prouve que la victime a été agressé là où on l'a trouvée. Je cherche autour de moi le meilleur endroit d'où on peut espionner les environs sans être repéré. Il y a bien une sorte de cache dans des ruines mais je n'y trouve aucune trace de présence récente. Le tueur sait-il que je suis sur sa piste ? A-t-il pris plus de précaution ? Et le témoin ? Il y a toujours un témoin. A-t-il, lui, laissé des traces ? J'élargis le cercle de mes recherches et finis par trouver des empreintes dans la boues. Sont-ce celles du tueur ou du témoin ? Je peux peut-être le rattraper.

Je me mets à courir aussi vite que je peux en tentant de ne pas perdre cette précieuse et infime piste. Je ralentis quand j'aperçois une silhouette filant aussi discrètement que possible. Du moins le croit-elle. Je m'écarte du milieu de la rue et continues ma filature. Je suis tenté de le suivre jusqu'à sa planque mais ce serait prendre le risque de le perdre. Aussi, je lui tombe dessus sans prévenir !
L'homme ne semble pas surpris. Il se défend même. Je pense qu'il m'avait repéré. Mais heureusement, j'ai le dessus et le traîne jusqu'à la scène de crime et mes collègues de la RPA qui l'embarquent sous bonne surveillance. Alors que je le vois s'éloigner, encadré par deux agents de la RPA, j'ai un doute. Je le trouve un peu... petit. Est-ce vraiment le tueur ou est-ce le témoin ? J'espère au moins qu'il s'agit bien de l'un des deux.

Les magouilles administratives de Black Rain me permettent de mener l'interrogatoire bien que je ne sois que légiste. Plus je le regarde et plus j'ai un doute quant au fait qu'il s'agisse bien du tueur. Il se gratte la tête de manière compulsive. Il a pourtant quelque chose d'hostile dans le regard. Je ne le sens pas de l'accuser de front. Je commence donc plus simplement en lui demandant de décliner son identité et de m'expliquer ce qu'il faisait là.
Jasper Fünf a 32 ans. Il était coiffeur avant la guerre. Il perd alors une bonne partie de sa contenance et explique s'être retrouvé là parce qu'il cherchait quelque chose, n'importe quoi, qu'il aurait pu échanger contre de l'alcool. Il confesse un problème de boisson. Ça a commencé avec la guerre mais il reconnaît aussitôt que, selon lui, les germes de son alcoolisme sont antérieurs au début du conflit. Il est marié mais il vit seul. Son épouse est retourné auprès de ses parents. Officiellement, il s'agit de prendre soin d'eux. Mais, en réalité, elle a fui son mari alcoolique et Berlin en ruine. Je suis de plus en plus convaincu qu'il s'agit du témoin. Il a vu quelque chose et je dois savoir quoi.
Je ne lui pose pas la question. J'affirme qu'il a vu quelque chose aujourd'hui. Je lui confirme que ce n'est pas le fruit de son imagination. Il n'avait pas trop bu. Il a vraiment un homme avec un masque de cuir et des cornes de cerf agresser un vieil homme. Et il y avait un porc. Mais je veux en savoir plus. Et là, à ma grande surprise, il s'effondre. Il se met à pleurer. Et je me demande si certes il est un témoin mais est-il réellement LE Témoin ? Pourtant, il était là. Il a vu le meurtre. Il doit pouvoir me dire quelque chose sur le tueur.
Je ne devrais pas divulguer trop d'informations sur l'affaire mais j'enfonce le clou en lui disant que ce n'est pas le premier meurtre, ni le dernier ! Je dois savoir ce qu'il a vu ! Il a forcément quelque chose à m'apprendre sur le tueur. N'importe quoi, n'importe quel détail qui me mettra sur sa piste. Il sait et je dois savoir !
Jasper sanglote. Je lui propose un café et une cigarette. Il refuse le café mais accepte la cigarette. Il se reprend, un peu. Je me calme aussi. Je m'excuse si j'ai pu paraître un peu... agressif, mais cette affaire est très grave. Il fait signe qu'il comprend. Alors, a-t-il quelque chose à me dire ?
Jasper lève les yeux vers moi.il a entendu le tueur parler. Il ne sait pas s'il parlait à la victime ou s'il parlait tout seul. Il n'a pas bien entendu car il était trop loin mais, à un moment, le tueur a crié un prénom : Eurydice. Il y avait comme de la colère dans sa voix mais pas seulement. De la tristesse aussi.
Eurydice... ça ne peut pas être un hasard.

Je ne sais pas comment je suis arrivé là. Mais si je suis là, c'est que je suis mort. Le Tas de Merde, la Plage des Cafards. Là, on charrie des ordures pendant toute la journée. Et ça dure des jours, des semaines, des mois... On perd le fil du temps.
Au début, je cherchais un moyen de m'enfuir mais la merde s'étend à l'infinie. La seule chose qui nous barre la vue, ce sont ces espèces d'usines qui ressemblent à des temples grecs. C'est là que nos gardes nous guident, les cafards géants.
Je ne sais pas ce que je fous là.je ne cherche même plus à le savoir.
Je fais mon job et puis c'est tout.

Los Angeles, le 7 juillet 2019. il environ 11 heures du matin. Je suis appelé sur une scène de crime. Derrière un fast-food, alors qu'il allait jeter des sacs poubelles, un employé a remarqué le cadavre d'un porc. Et en s'approchant, il a remarqué...

C'est dingue. C'est la même configuration qu'à Berlin. Il y a tout juste un instant, j'étais en 1952 avec le témoin, Jasper Fünf. Et là, à peine l'interrogatoire terminé, je suis sur une nouvelle scène de crime, la même, à Los Angeles, en 2019. OK, je ne me pose pas de questions. Enfin, je ne me pose celle-là, celle de savoir le pourquoi du comment. Les questions que je dois me poser concernent les indices que je peux trouver ici. Et ici, y a-t-il un Jasper Fünf ou un autre indice ? Contrairement à Berlin, en 1952, ici il y a des caméras de surveillance. J'ordonne qu'on les mette de côté. Je fais mon boulot sur la scène sans vraiment y penser. Je sais exactement ce que je vais trouver, jusqu'à la rune Hshl qu'on devine dans les entailles pratiquées sur le dos de la victime. Je pourrais taper mon rapport à l'avance. En fait, je pense à ces vidéos. Je suis plus que pressé de les visionner. J'espère que, même s'il est intelligent et pense à beaucoup de chose, le tueur aurait négligé la présence de caméras de sécurité. Voyageant entre les mondes, il aura peut-être, je l'espère, oublié ce détail. Et puis, c'est un des traits caractéristiques des tueurs en série. À force de ne pas être pris, il se croit tellement supérieur qu'ils en commettent l'erreur fatale. Je fais donc mes prélèvements, mécaniquement, et garde à l'esprit que le tueur, peut-être, tue et grave la rune pour voyager entre les mondes et retrouver Eurydice. Cela ne change rien au fait qu'il est peut-être un toxicomane et/ou un malade mental en proie à un délire ésotérique mais, en tout cas, il est bien informé pour connaître l'existence d'Eurydice. Que lui veut-il ?

De retour au LAPD, je fonce au local visionner les bandes. Enfin, ce ne sont pas des bandes car aujourd'hui, tout est numérique. Bingo ! Le tueur a commis l'erreur que j'espérais. On le voit traîner les corps, celui du porc et de la victime. Le meurtre a eu lieu ailleurs, un peu plus loin. Pas très loin mais dans un endroit plus discret. Ce n'est qu'ensuite que le tueur a déplacé les corps afin qu'on les trouve. En fait, comme un vrai tueur organisé, il a opéré dans un lieu où il se savait en sécurité le temps de faire ce qu'il avait à faire. Il savait qu'on ne l'interromprait pas. Par contre, il a besoin qu'on trouve les corps. Or, ce moment là ne fait plus parti du rituel. Aussi, il a enlevé son masque, celui en cuir avec les cornes de cerfs.je zoome autant que possible sur son visage. Je fais venir en toute urgence un technicien spécialisé pour qu'il me rende l'image aussi nette que possible. Qui est cet homme ?
Je crois que je le tiens. C'est effectivement un homme de stature moyenne. Cela apparaît sur la photo imprimée par le technicien, il porte un collier, comme un collier de chien, comme ceux que porte les sadomasos. Ces crimes, ses crimes, seraient-ils commandités par quelqu'un d'autres ? Aurait-il finalement un complice ? Je pense à Antéros. Haze a eu affaire à lui et le SM serait bien son genre. Objectivement, je ne peux rien affirmer mais c'est une piste à creuser.

La Plage des Cafards. Ça fait combien de temps que je suis là ? Je ne sais plus. J'ai l'impression que ça fait des siècles. Des rumeurs courent. On dit qu'on peut s'enfuir. On dit qu'il y a des Passeurs, des gens qui savent comment faire pour se tirer d'ici. Mais s'ils savent, pourquoi ils ne se tirent pas eux-mêmes ?
Au loin, une sirène de chantier ou d'usine se fait entendre...

Il pleut. Il y a du brouillard. Je ne suis plus à LA, ni à Berlin. Il y a un instant, j'étais dans un local du LAPD à visionner des bandes. Et maintenant, je suis sous la pluie, la Pluie Noire, face à une nouvelle scène de crime. C'est toujours la même scène. L'homme âgé, le pantalon aux chevilles, le porc, mort, à côté. Par acquis de conscience, je retourne le cadavre et retrouve la rune tailladée dans le dos. Je ne suis pas une Mouche. Je ne sais pas vraiment comment ça marche. Moi, pour voyager entre les mondes, j'utilise mes propres runes. Mais, toutefois, je ne crois pas que la rune Hshl fonctionne comme ça. Je ne crois pas que graver une rune Hshl ouvre un passage. Pour ce que j'en sais, le motif de la rune est déjà présent et indique un passage. Graver un rune n'est pas sensé ouvrir un passage. Pourtant, j'ai bien l'impression que mon tueur pense que ça marche ainsi. Et on dirait que pour lui... ça marche ! J'ai déjà fouillé une scène de crime et n'ai pas trouvé de passage. Est-ce que ça vaut vraiment le coup ici ? Il pleut et la pluie a certainement déjà effacé la plupart des indices que j'aurais pu relever. En plus ici, je suis seul, pas d'équipiers du LAPD, pas d'agents de la RPA. Il n'y a même pas de commissariat en réalité. Mais il y a peut-être un témoin et un passage, malgré tout. Un témoin... Et si ici, à Silent Hill, je trouvais un Jasper Fünf ?
Je sors de la ruelle en courant. Je crois apercevoir une silhouette. Je ne cries pas pour ne pas l'effrayer ou attirer son attention. Je veux juste lui tomber dessus. Je cours. Le paysage défile autour de moi. L'air siffle à mes oreilles, comme une sirène d'usine. Autour de moi, effet de la vitesse ? le bitume s'effrite et s'envole en nuée de limaille de fer. La pluie devient cendre. Mes pas résonnent sur le sol. Ça sonne creux. Je cours sur des dalles d'acier. Autour de moi, tout devient rouge. Les murs se couvrent de rouilles et de tâches brunâtres que je sais être du sang. Je rattrape la silhouette. Je veux m'arrêter net mais je suis emporté par mon propre élan. Je reconnais ce truc. C'est le truc noir avec le pic dans le ventre. Il tourne vers moi sa figure noire avec ses trous blancs à la place des yeux et de la bouche. Emporté par mon élan, j'ai peur de m'empaler sur son pic. Mais, je me laisse emporter et lui saute dessus, poings en avant.
Le truc m'accueille à bras ouverts et... je m'empale littéralement sur son pic. Je ne crains pas la mort puisque je suis déjà mort mais ça fait mal quand même. Et ça fait chier. Il me sert fort. Je suis trop mal pour réagir. Il me fixe de ses yeux vides et je vois.

Nous sommes chez Haze. Tous les trois. La Reine n'est pas là. La Reine est morte. Haze nous a fait venir car il veut savoir qui l'a tuée. Et il veut savoir qui de nous va la remplacer. En effet, il s'est avéré que la Reine avait un rôle à jouer dans toutes cette histoire avec le Seigneur des Recoins et les Homosantos. Nous ne le savions pas à l'époque mais c'était pour rejoindre Kid et Eurydice qu'elle avait quitté la RIM. C'était avant que Haze ne la retrouve et là remette aux Soars qui l'ont ensuite remise à Lewis-Maria.
Haze est convaincu que c'est l'un de nous qui a tué la Reine. Il a raison. Je le sais car je sais que c'est lui qui l'a tuée. Et je crois qu'il sait que je sais. Je ne sais pas si le Cafard le sait. Peut-être... Après tout, il a violé la mémoire de la Reine. Il y a peut-être trouvé des choses qu'elle et lui seuls savent.
Lors de notre petite réunion, je n'ai rien dit. J'ai laissé entendre à Haze que je savais mais je n'ai rien dit. Je ne sais pas pourquoi. Nous ne savons pas qui est sensé reprendre le rôle de la Reine. Ce n'est pas Haze, ça c'est sûr. Alors qui ? Le Cafard ou moi ?
C'est le moment de choisir. Mais de choisir entre Lewis-Maria ou moi. C'est le moment de choisir entre ces trois dernière scènes de crimes.
Empalé sur le pic du truc noir aux yeux blancs, je suis pris de Vertiges... Logiques ! Avant de m'écrouler, de sombrer dans l'inconscience dont je reviendrai, je le sais, en parfaire santé, je choisis...
Merde ! Je choisis quoi ? Berlin et son Jasper qui affirme que le tueur a hurlé le nom d'Eurydice ou Los Angeles et sa vidéo laissant pensé que le tueur est un maso et que son dominant est peut-être le commanditaire des crimes ou son complice ?
Me regard se voile.je suis de nouveau sur la Plage des Cafards. Je revois le moment où j'ai acquis mes premières runes, celles qui me permettent d'accéder à la dimension du Voyeur. S'il y a une raison pour laquelle le Cafard serait plus digne que moi de reprendre le rôle de la Reine, c'est pour ça !

L'idée que le tueur soit animé par une sorte d'élan romantique, qu'il tuerait pour trouver Eurydice, ne me satisfait pas complètement. Mais qu'il s'agisse d'un masochiste tuant sur ordre de son dominant me satisfait encore moins. Je réfléchis et finis par penser que s'il reproduit la rune Hshl, ce n'est peut-être pas pour tenter de trouver ou ouvrir un passage vers un autre monde. C'est peut-être pour montrer qu'il sait quelque chose. Et s'il cherche Eurydice, ce n'est peut-être pas motivé par un sentiment amoureux. Par quoi ? Pourquoi ? Je ne le sais pas encore. Mais peut-être qu'en reproduisant le meurtre métaphysique, que ce soit à Berlin, Los Angeles ou Silent Hill, et en marquant sa victime de la rune, il souhaite attirer l'attention d'Eurydice. Il a quelque chose à lui dire ou à lui demander. La rune n'est pas une provocation contre Black Rain. Il veut montrer à Eurydice qu'il est sérieux.
Eurydice, c'est la Reine qui, la première d'entre nous a fait sa connaissance. Et finalement, que Haze l'ait tuée avant ou après l'avoir remise aux Soars – plus rien n'est sûr aujourd'hui – ça, ça ne change pas. La Reine a et aura toujours croisé la route d'Eurydice et de Kid. Et la menace des Homosantos plane toujours.
OK, je choisis Berlin !
Comme la question de l'état du chat de Schrödinger, toutes les possibilités s'écroulent alors que j'ouvre la boite (de Pandore?) qui me ramène à Berlin en 1952.

Mon tueur est un sorcier, un mystique et peut-être bien aussi un malade mental et un toxicomane. Mais il est aussi bien informé quant à la réalité des choses. Il ne connaît pas tous les secrets (mais qui les connaît?). Il n'est pas aussi bien informé que peuvent l'être les agents de Black Rain, les Cafards et les Soars mais il sait des choses et veut en savoir plus. C'est pour ça qu'il cherche Eurydice, j'en suis convaincu maintenant. Il ne tue pas par plaisir sadique. Instrument de l'Entropie, il a déjà fait son job. Non, il continue de tuer pour attirer l'attention de celle dont il pense qu'elle a les réponses à ses questions.

Et il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas ses réponses. La preuve ? Cette nouvelle scène de crime. Je regarde, j'observe et donne des consignes. Rien ne me laisse penser qu'il est encore dans les parages. A-t-il eu e qu'il voulait ? Eurydice s'est-elle montrée ? Arrêterait-il de tuer si elle se montrait ? Accepterait-elle de se montrer si elle savait que cela stopperait cette série de meurtres ? Et si je la cherchais, elle ? Mais où est-elle dans cette réalité ? Comment la trouver ? Comment attirer son attention ? Ou comment faire savoir, faire croire au tueur que j'ai compris et que je sais où la trouver ?
Alors, je donne de nouvelles consignes. Je ne lance pas les agents de la RPA sur la seule piste du tueur mais aussi sur celle d'Eurydice. Et de nouveau, devant moi, la réalité ondule. Je la vois comme à travers une sorte de voile invisible mais agité par une brise légère. Les silhouettes de mes collègues ondulent elles aussi. J'avance prudemment. Je lis sur leurs visages déformés que l'expression de mon visage les questionne. Bien que ma vision se trouble, je les entends parfaitement. Ils me demandent si ça va, comment je me sens. Je ne sais pas ce que je veux leur répondre. Je ne sais pas comment je me sens.

J'ai chaud. Il fait déjà très chaud ce matin à Los Angeles. On est dans un squat. Une nouvelle scène de crime. Une nouvelle victime. Un nouveau porc. Une nouvelle rune. Nous sommes le 8 juillet 2019. La victime du 7 n'existe pas puisque j'ai choisi celle de Berlin. D'ailleurs, ce serait intéressant de vérifier dans les archives s'il y a eu des meurtres à Berlin en 1952. normalement, non mais...
Je ne peux rien dire à mes collègues mais j'ai une nouvelle piste : Eurydice. Je fais mon travaille de légiste, comme d'habitude. Je ne néglige rien mais j’avoue que mon esprit est ailleurs. Comment utiliser cette information pour tendre un piège au tueur ? Et si je pouvait trouver Eurydice avant lui ? Et j'ai un flash ! Il sait qu'Eurydice existe. Il connaît la rune Hshl. Il sait certainement que d'autres mondes existent et qu'on peut les atteindre. Il est aussi très probable qu'il se drogue. Dans ce dernier cas, consomme-t-il de la Bille ou de la Noix ? Cela expliquerait bien des choses. Aussi, je cherche des traces de ces drogues sur les lieux. Et je trouve... des coquilles de Noix. Et je me rappelle également qu'il y en avait sur une des scènes de crimes berlinoises. J'avais pensé qu'il ne s'agissait que de nourriture, pour patienter. Mais non ! Il est aussi fort probable que le tueur ait pris de la Noix. Et dans ce cas, où la trouve-t-il ? Il doit être en contact avec la Magicienne. C'est la principale dealeuse de Noix.
J'ai maintenant deux nouvelles pistes, si on veut appeler ça comme ça. Je dois trouver Eurydice et la Magicienne. Je demande à Black Rain s'ils ont des informations sur Eurydice. Non, mais elle doit forcément être présente dans ce monde-ci. On ne veut pas me dire le pourquoi du comment mais mon interlocuteur affirme qu'Eurydice est là, à Los Angeles. Il ne peut rien me dire de plus si ce n'est que, si je la cherche, je finirais bien par la trouver.
J'aurais peut-être plus de chance avec la Magicienne. Dealeuse, elle a peut-être déjà eu à faire avec la police. Aussi, je me mets à éplucher les archives. Rien ! En vérité, je ne sais pas si je dois m'en étonner.
Retour à la case départ ? Pas tout à fait. Pas encore.

Elle est là et j'ai toujours su qu'elle était là. Dans ce monde, dans les mondes... La Reine est morte mais pas elle. Elle, elle est folle. Rendue folle par ses visions, la Bille et la Noix.
Si je la cherche, je finirais bien par la trouver. C'est e qu'à dit le gars de Black Rain. Et je n'ai pas eu à chercher bien loin en vérité. Je l'ai finalement vite trouvée. J'ai pensé faire le tour des hôpitaux et des centres de désintox ou des foyers pour sans-abris. Mais c'est finalement dans un squat pourri que je l'ai trouvée.
Elle était là, au milieu des ordures. Ordures humaines et ménagères. Déchet parmi les déchets. Rongée par la Bille, la Noix et ses visions. Alors, je les prise dans mes bras et je l'ai ramenée chez moi. Eurydice...
Elle n'est pas folle. Elle croit qu'elle est folle mais je sais que ce n'est pas le cas. A-t-elle rencontré Kid et la Reine dans cette réalité ?
Elle me fait de la peine. Elle est juste submergée, bouffée non pas par la dorgue mais par le poids de ses visions. Comme la Reine, comme nous tous finalement, elle a un rôle à jouer. Mais le sien est écrasant. Quel était le rôle de la Reine par rapport à elle ? Est-ce finalement moi qui doit remplir ce rôle maintenant ?
Je n'ai pas fait que ramené Eurydice chez moi. J'ai aussi ramené le squat, le caniveau de son âme. Et mon salon, mon appartement tout entier se mettent au diapason de l’inconscient d'Eurydice.
Pas besoin de la sirène de chantier pour savoir où je suis maintenant.

Silent Hill...

De retour à Silent Hill, je m'attends à ce que ce truc avec le pic dans le ventre me tombe de nouveau dessus. Mais si cette ville et son double rouillé sont des émanations de la psyché d'Eurydice, que représente cette créature pour elle ? Est-ce son « croquemitaine » ? ou alors, est-ce une sorte de protecteur ? Contre qui ? Le tueur ? Moi ?
Cet être noir avec ce pic ressemble à une sorte de poupée vaudou. Un truc maudit...Et si je lui ôtais ce pic, qu'est-ce qui se passerait ? Est-ce que ça aiderait Eurydice à sortir de sa catatonie ? Je m'assure qu'elle va aussi bien que possible et sors. Je n'ai aucune idée de comment faire mais j'espère que ce truc vaudou va me trouver. L'espace d'un instant je me surprends à penser que ce serait peut-être bien lui mon tueur, mais ça ne tient pas debout. Mais ce ne serait pas la première fois que la vérité ne tiendrait pas debout. Finalement, qu'est-ce qui fait que toute vérité n'est pas bancale ? C'est peut-être parce qu'elle nous permet à nous de rester stable. Mais si on prend une béquille, elle est incapable de rester debout toute seule. Pourtant, grâce à elle, nous pouvons tenir debout. C'est peut-être ça la vérité, une béquille incapable de tenir debout mais qui nous permet de le faire. En fait, nous nous appuyons autant sur la vérité qu'elle s'appuie sur nous. Mais ce ne sont pas ce genre de pensées qui vont me conduire au truc.
Je me rappelle l'avoir vu dans une ruelle. Aussi, je quitte au plus vite les grandes avenues brouillardeuses pour m'enfoncer dans un réseau de petites rues encore plus sombre. J'entends des bruits étranges. Des cliquetis métalliques, des raclements, des gémissements, des cris. Tout ça a l'air à la fois très proches et très loin. J'aperçois des silhouettes, des ombres à travers le brouillard. Elles bougent d'une manière étrange. Leurs mouvements sont saccadés. J'ai par moment l'impression d'assister à une chorégraphie de danse Buto. Mais je reconnais pas de silhouette avec un pic dans le ventre. Est-ce que ce truc sait que je le cherche ? Se cacherait-il ? Pourtant, il m'a déjà battu.
Et il me vient une idée complètement débile. À un moment, ses mains sont devenues celles d'un squelette. Un squelette, c'est un mort. Je suis mort. Si ce truc est sensé être le croquemitaine ou le protecteur d'Eurydice, que se passerait-il si moi, un mort, je me plantais un pic dans le ventre ? En vérité, ça ne me tuerait pas. J'ai presque envie d'essayer. Presque... En m'enfonçant dans l'entrelacs de ruelles obscures, je cherche quoi que ce soit qui pourrait faire office d'arme. Rien évidemment. Rien sauf... cette sirène. Et le monde change. Après avoir été rongée par l'humidité ambiante, c'est maintenant la rouille qui s'empare des rues. Et avec la rouille vient le truc.
Je n'ai pas d'arme. Il m'a déjà laissé pour mort. Autant dire que je ne pars pas gagnant. Pourtant, je ne compte pas me défiler. Je veux savoir ce qui se cache derrière les trous blancs de ses yeux. Je veux savoir ce qui se passe quand on lui retire son pic. Alors, je n'attends pas et me jette sur lui. J'essaye de m'emparer de son pic justement. Au mieux, j'arrive à le lui retirer d'un coup. Au pire je dois pouvoir le tourner et lui faire assez mal pour qu'il ne riposte pas. Enfin ça,c'est si je l'atteins.
Rien n'est gratuit dans la vie. J'empoigne le pic mais le truc se saisit de moi et m'enserre. Impossible de me dégager. Pour autant, je ne veux pas lâcher ma prise. J'essaye de tourner le pic mais il me serre trop fort et je ne parviens à impulser le mouvement que je veux. Alors, je plonge mes dents dans son cou et tente de lui arracher un bout de chair. C'est caoutchouteux et cendreux. Le truc n'a aucune réaction et continue de me serrer contre lui. Au moins, cette fois je ne suis pas empalé. D'une certaine façon, pour l'instant j'ai de la chance. Mais ça ne va pas durer. Aussi, malgré tout, je tente de faire glisser, coulisser le pic. Ça vient petit à petit mais le truc resserre sa prise. Ça fait mal mais ça veut dire qu'il n'aime pas. Alors, je continue. Je tente de forcer la chance et ma vue se brouille alors qu l'étau se resserre. J'entends, je sens mes côtes craquer. Je lâche ma prise. Il ne lâche pas la sienne. Est-ce que cette saloperie peut parler ? Je sens que je vais bientôt perdre connaissance. Alors, je joues ce que je pense être un ultime va-tout. Je lâche le nom d'Eurydice en espérant qu'il comprenne et me relâche.
Et ça marche ! Il desserre son étreinte et me repose doucement par terre. Il me fixe de ses grands yeux blancs mais je n'arrive pas à comprendre ce que ce regard peut bien exprimer. Alors je continues. Je dis que je connais Eurydice, que je sais où elle est et espère pouvoir observer une réaction qui aurait du sens. Et il se passe un truc de dingue ! Sa bouche et ses yeux se mettent à grandir. Ils deviennent énormes. Et les trous se rejoignent pour n'en former plus qu'un qui envahit tout son visage, toute sa tête. Et sa tête devient énorme. Le trou blanc devient énorme. De l'autre coté, c'est blanc et éclatant. Je repense à cette de Fight Club, quand le personnage incarné par Edward Norton explore sa caverne intérieure. Il y croise un pingouin qui lui dit « Glisse ! ». Et j'ai envie de glisser moi aussi dans ce grand trou blanc et éclatant. Où ça va me mener ? Le Multivers est infini mais il y a deux mondes où je n'ai pas envie de tomber. Millevaux et Mantoïd. Et comme on ne peut pas dire que je sois le type le plus chanceux de la Terre. Faites au moins que ce ne soit pas les deux en même temps...

Gagné, perdu, je ne sais pas. Je suis dans Millevaux, pas de doute. Il y a des arbres partout. Mais je suis aussi perdu en montagne. Le sol est escarpé et rocheux. À travers les arbres, je vois le soleil se lever. Il tombe une pluie fine. L'air de rien, ça fait du bien.j'ai encore mal partout après ce que m'a fait subir le truc dans Silent Hill. Finalement, j'aipercé un de ses secrets mais pas celui que j'espérais. Je voulais savoir ce qui le lier à Eurydice et je vois qu'il est une sorte de porte vers Millevaux. Peut-être qu'il est aussi une porte vers plein d'autres endroits. Mais moi, il m'a envoyé à Millevaux. Et je comprends vite pourquoi. Je fais quelques pas et découvre une nouvelle scène de crime. La même, toujours. Comme à Berlin. Comme à LA. Comme à Silent Hill. Il y a tout. Le type avec le pantalon aux chevilles, le porc, la rune Hshl tailladée dans le dos. Tout ça a forcément du sens. C'est juste que je suis trop con, trop fatigué ou juste trop humain pour comprendre. J'ai besoin de repos. Mais c'est vraiment pas le bon moment. Mes pas font un bruit d'éponge en s'enfonçant dans des plaques de mousses imbibées d'eau de pluie. Je regarde autour de moi. Alors que j'étais sûr de rien trouver, je vois !
Une tablette de bois. Elle n'est pas très grande. C'est vraiment un coup de chance que je l'ai remarquée. Il me la faut. Je m'en saisi. Elle est couverte de signes que je ne connais pas, mais j'en comprends pourtant le sens. Il y a des symboles géométriques et des chiffres qui ne trompent pas. C'est un sort. Et je dois pouvoir le reproduire avec les runes que je possède déjà. Mais quels en sont les effets. C'est ça que je ne comprends pas.
Bon, je suis assez stupide pour tenter une combinaison de runes sans en connaître les effets. Mais je ne suis pas assez stupide pour associer n'importe quelle divinité de ce cycle à cette combinaison. Aussi, je choisis Mantorok, le Gardien. Quel que ce soit ce sort, ses effets devraient m'être bénéfiques. Alors ?
Un voile pourpre (la couleur du Gardien) teint la forêt autour de moi. Et je vois ! J'ai vu ! Mais mon cerveau n'a pas imprimé. Il n'a pas voulu imprimer. Je ne sais pas ce que j'ai vu. Le Gardien a-t-il voulu me préserver de la folie qui me fut révéler ? J'ai vu quelque chose que je n'étais pas sensé voir. Et il ne m'en reste aucun souvenir quand les effets du sort s'efface. Même si la montagne et la forêt semblent désertes autour de moi, il y a ici quelque chose de dangereux. Je dois partir. Je lance un nouveau sort, celui qui me donne accès à la dimension du Voyeur. Je m'enfuis. Je fuis Millevaux.

J'explore la dimension du Voyeur. Je peux maintenant me rendre à peu près où je veux. Berlin, Los Angeles. Je peux même retourner à Silent Hill. Alors, que se passe-t-il là-bas.
Et je me vois à LA, en train de tester ce nouveau sort avec chacune des trois autres divinités. Mantorok a voulu me préserver dans Millevaux. Les autres ne prendront pas ces précautions. Que je périsse ou devienne fou les comblera de joie au contraire.
Puis, je suis à Berlin, dans les égouts. Qu'est-ce que je fais là ? Je suis en train de tenir tête à un militaire ; un français on dirait. Est-ce en rapport avec le meurtre métaphysique ? Est-ce qu'une nouvelle piste berlinoise me mènerait dans les sous-sols ?
Je ne m'attends pas à trouver quoi que ce soit d'intéressant à Silent Hill. Ou plutôt, je m'attends à forcément voir là quelque chose de dangereux. Alors ? Alors c'est le monde à l'envers. On dirait bien que c'est là, finalement, que je suis le plus en sécurité. En fait, je me vois prendre du repos et récupérer de mes blessures. Eurydice n'est pas là mais je sais que je sais qu'elle va bien. Cette version du futur est tentante. Un peu trop même. Certes, je suis au calme pour l'instant, mais qu'est-ce qui m'attend ensuite.
Je suis très tenté d'aller à LA pour en savoir plus sur ce nouveau sort. Mais je pense plutôt me rendre à Berlin. Si je suis dans les égouts, c'est forcément qu'une piste m'y a conduit. Si je suis là, c'est que je suis sur la piste du tueur. Cet abruti de Français me fait perdre du temps mais, sachant cela, je peux peut-être l'éviter.

Berlin, 1952,le secteur français, une nouvelle scène de crime. Je n'attends pas. Je n'attends rien. Je cherche immédiatement la bouche d'égout la plus proche. Elle est fermée mais des traces montre qu'on la bougée récemment. Je le tiens !
Les égouts sont sombres mais j'ai pensé à prendre une lampe. Je suis tenté de me mettre à courir mais je veux d'abord être sûr de prendre la bonne direction, mais aussi de ne pas me jeter dans la gueule des Français.
Je sais maintenant que le tueur est accro à la Noix. Aussi, je cherche quelques coquilles qui pourraient traîner et indiquer sa présence. Je sais aussi que taillader la rune Hshl sur le dos de la victime ne crée pas un passage entre le monde. Sinon, il l'aurait utilisé pour fuir.
La chance est avec moi. Je repère des traces de Noix. Je cours dans cette direction mais ne perçois à aucun moment quelque signe de sa présence. A-t-il déjà quitté les souterrains ? La Noix lui a-t-elle permis de quitter notre réalité ? À moins que... Je sors mes runes et la tablette trouvé dans la forêt. Peut-il se rendre invisible ? Si oui, c'est peut-être de lui, de sa vue, que Mantorok a voulu me protéger ? Mais il est le tueur métaphysique. Aussi, pour cette fois, je m'en remettrai à Ulyaoth, la divinité liée à la magie et à la spiritualité. Un voile bleu recouvre mon champ de vision. Et je le vois ! Il est loin. Je me mets à courir. Le voile bleu s'estompe. La silhouette du tueur aussi. Mais c'est trop tard... pour lui ! Je l'attrape par l'épaule et le retourne pour qu'il me fasse face. Il ne porte plus son masque de cuir. Je ne le connais pas, ça me rassure. Je lui flanque une droite en plein visage. Il s'écroule.
Personne à la RPA ne sait que je viens de l'arrêter. Aussi, je fonce vers les locaux de Black Rain. Je l'enferme dans un petit bureau et le laisse mariner le temps de négocier les termes de l'interrogatoire avec mes supérieurs. On le tient. Il ne tuera plus. Mais je veux savoir pourquoi il continuait à tuer et ce qu'il veut à Eurydice. Il n'est pas non plus exclu que son comportement soit lié à sa consommation de Noix. Aussi, la Magicienne est peut-être derrière tout ça. En fait, j'explique à mes chefs qu'il n'est pas impossible qu'elle l'est rendu accroc à la Noix précisément pour le pousser à agir ainsi. Je leur demande donc l'autorisation de piocher dans nos maigres stocks de Pétrol'Magie afin de le contraindre à parler. Et on pourrait même en profiter pour le guérir de son addiction. Ensuite, il pourrait devenir le 8è prisonnier de la prison de Spandau, donnant ainsi corps à la légende. Mes chefs acquiescent.

J'entre dans le petit bureau accompagné de deux autres agents de Black Rain. Ils poussent devant eux une espèce de carcan sur roulette. C'est une structure en métal avec des lanières en cuir et de fins tuyaux en caoutchouc. Il soulève le tueur et l'attache au carcan. Il se retrouve ainsi débout, reposant inconfortablement sur la pointe des pieds. Son cou est enserré par un large collier en acier. Cela contribue à maintenir son corps dans une posture désagréable. De plus, il ne peut détourner le regard quand il voit l'un des agents remplir une poche plastique de liquide noir et y ficher le bout d'un des petits tuyaux. Je lis dans son regard qu'il comprend qu'on va lui injecter ce liquide qu'il ne sait pas être du Pétrol'Magie. Pourtant, il parvient à se retenir de crier. Je ne sais pas s'il est toujours sous l'influence de la Noix. Il y a un vrai risque d'overdose et, sur le coup, ni mes chefs ni moi n'y avons pensé. C'est trop tard maintenant. Je dois aller jusqu'au bout. Mais avant, quand même, je lui pose mes questions. Je ne lui demande pas qui il est. Dans l'immédiat, cela n'a aucune importance. Je veux savoir pourquoi il cherche Eurydice. Évidemment, il garde le silence. Je m'y attendais. Je fais un signe de tête et le liquide noir commence à couler dans le tuyau. Ce n'est pas de l'angoisse que je lis dans son regard. C'est plutôt une sorte d'hébétude. J'espère qu'on ne va pas lui griller le cerveau avant de savoir.
L'effet du Pétrol'Magie est immédiat. Le tueur convulse. Je jette un regard inquiet aux deux agents. Mais ils restent calme. Le tueur tend son cou au maximum et scrute le plafond. Son teint devient jaune. Malgré tout, je garde mon calme et repose mes questions. Que veut-il à Eurydice ? Quels sont ses liens avec la Magicienne ? Il prend alors un air mystérieux. Je me retiens de lui flanquer un coup de poing. Je sens qu'il lutte contre la drogue. Derrière lui, de sorte à ce qu'il ne puisse pas le voir, un des agents me fait signe de patienter. Cela ne devrait plus trop durer.
Alors, est-ce la Magicienne qui lui a fourni la Noix ? Il répond que oui mais que ce n'est pas ce que je crois. La Magicienne n'a joué que le rôle de fournisseur. Elle n'a rien à voir dans sa quête d'Eurydice.
Et alors, pourquoi chercher Eurydice ? Son regard devient soudain très triste et il dit « … pour faire cesser les voix dans ma tête... » Les voix ? « … les Abeilles... les bourdonnements... »

L'interrogatoire se poursuit. J'alterne des questions banales sur son identité, sa planque, ses relations, ce qu'il faisait avant la guerre,pendant la guerre. Il n'a pas été victime des expériences occultes menées par les nazis. C'est toujours ça de pris. Je reviens ensuite sur son mode opératoire. Pourquoi reproduire ce meurtre ? Pourquoi ce « dessin » taillé dans le dos de ses victimes ? Et à chaque fois, c'est la même réponse. Les Voix. Les Abeilles.

Ce type est un pauvre type. Il n'a vraiment pas eu de chance. Il s'est retrouvé instrumentalisé par l'Entropie pour reproduire le meurtre métaphysique. Puis, dans la foulée, les Homosantos se sont servis de lui pour mettre la main sur Eurydice. Mais Eurydice va bien, je le sais. Elle est en sécurité à Silent Hill. Cette ville est dégueulasse mais je sais qu'un truc bizarre avec un pic dans le ventre veille sur elle. Je repense à la dernière fois où j'ai vu Haze et Lewis-Maria. On se demandait qui devait reprendre le rôle de la Reine. Je ne sais pas si c'est moi. Je ne sais pas si c'est ce rôle que j'ai joué. Mais en tout cas, pour le moment, j'ai quand même réussi à protéger Eurydice des Homosantos. Pour combien de temps ? Je n'en sais rien.

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