CRASSE & MILLEVAUX X
BACK TO THE BEGINNING/QUEEN KILLER


Station Zéro ? J'y suis finalement arrivé. Et ces deux types ou truc, l'un avec une tête de tapir et l'autre avec une tête de fourmi. Ils ont l'air sympa. Ils me posent des questions. Moi, j'en ai qu'une seule question. Comment je suis arrivé ici ? Mais eux, ils en ont plein des questions. Ils veulent savoir qui sont mes amis. Corso, bien sûr. Et puis la Reine. Et même le cafard est un ami, finalement. Et mes ennemis ? Bah là, il y a du monde. À l'origine, les Agents de l'Entropie et les Horlas sont mes ennemis. Mais depuis peu, j'en ai des nouveaux qui devraient arriver, les Homosantos. Un objet important pour moi ? Mon flingue ! Non, c'est idiot. En vrai, je ne suis pas vraiment attaché aux objets. Ça ne me parle pas trop. Je suis plus branché « être » que « avoir ». Ce en quoi je crois ? Je crois en les emmerdes ! Elles m'arrivent à une certaine régularité et par paquets de douze. Difficile de nier leur existence. Je crois en l'Hommonde et en l'Entropie. Enfin, je crois... Ma plus grande émotion, celle qui me guide ? Bah je ne sais pas trop. La curiosité, c'est une émotion ? Et si j'ai un idéal ? En vrai, j'en sais rien. Je fais mon job de Mouche, c'est tout.

Et les deux se regardent. Ils hochent la tête. J'ai l'impression qu'ils communiquent entre eux par télépathie. Je pourrais utiliser un de mes pouvoirs de Mouche pour en être sûr mais j'ai l'impression que ce serait vraiment aller chercher les embrouilles. Puis le Tapir se tourne vers moi et me demande quand ai-je été heureux pour la dernière fois. Je crois que c'était juste avant d'arriver ici. J'ai encore pas mal voyagé entre le moment où j'ai gobé la Noix et celui où je me suis retrouvé ici. Mais, lors d'une étape, je suis tombé sur Corso. Ou plutôt, un Corso. Le Corso de ce monde. Ce monde là était plutôt peinard en fait. Ça m'a fait plaisir de voir Corso, même si c'était la première fois que je voyais celui-là. Mais il a compris le principe et il était content aussi. Et, coup de chance, lui aussi possédait les mêmes runes que mon Corso et il m'a permis de faire un tour dans la dimension du Voyeur. On a passé un chouette moment ensemble.

La Fourmi me demande alors quand mes croyances ont-elles été mise à l'épreuve. Je crois que c'était avant de rencontrer ce dernier Corso justement. J'étais paumé et je me prenais la tête à propos de toute cette histoire autour des Homosantos, d'Eurydice et Kid. L'espace d'un instant, j'ai eu l'impression que consacrer toute mon énergie à cette affaire me détournait de ma véritable mission. Le vrai job d'une Mouche, c'est de trouver le responsable de la mort de l'Hommonde. Et là, faut bien reconnaître que je ne m'occupais plus du tout de ça. Je ne m'occupais même plus, et depuis un bon moment en fait, de la mission que m'avait confié Black Rain. Je sentais bien que tout était lié mais je ne savais toujours pas comment. J'étais paumé, paumé dans l'espace et le temps, paumé entre les univers et paumé quant à ce que je devais faire. Et si je laissais tomber toute cette histoire d'Eurydice et d'Homosantos. Après tout, c'était pas le présent cette affaire. Les Abeilles représentaient une menace à venir et pendant ce temps là je ne m'occupait pas des problèmes du présent. Puis, je me suis rappelé qu'une partie de mon job consistait aussi à lutter contre l'Entropie et ses agents. Aussi, j'ai eu l'impression que je devais pas lâcher cette histoire. Après tout, j'aurais tout le temps de reprendre mon enquête sur le meurtre de l'Hommonde plus tard. De toutes façons, des meurtres métaphysiques, il y en avait déjà eu plein et il y en aura d'autres. Black Rain aura tout le loisir de m'envoyer dans un univers pourri rongé par Millevaux et la Pluie Nuire après que j'ai fait le tour de cette histoire d'Homosantos. Et si je peux empêcher une emmerde de nous tomber sur le coin de la figure, ce sera toujours ça de gagné. La Fourmi parut satisfaite.

Quand ai-je eu confiance en mon instinct ?, me demande alors le Tapir. Et bien justement, c'est en réfléchissant à tout ça. Mon instinct m'a dit que je devais continuer ma route même en ayant aucune idée de là où ça allait me mener. Je n'avais aucune idée de ce à quoi pouvait vraiment ressembler ou même servir cette fameuse Station Zéro. J'allais de Station Fantôme en Station Fantôme sans finalement n'être jamais sûr qu'il s'agissait vraiment d'une Station. Si je me trompais, si ce n'était pas une Station Fantôme mais un autre artefact qui allait m'envoyer droit dans le mur ? Pourtant, partout où j'allais, je menais ma petite enquête. Je me rappelais alors d'un monde particulièrement touché par l'Entropie. Ce monde avait connu son heure de gloire. Il ne restait que de gigantesques immeubles abandonnés dont les murs de marbres étaient battus par la Pluie Noire. À l'intérieur se terraient les rares survivants qui tentaient de tenir bon face aux créatures dégueulasses qui hantaient les rues. Pourtant, j'ai trouvé parmi ces gens quelqu'un qui semblait savoir de quoi je parlais quand je lui racontais mon histoire d'Homosantos et de Station Fantôme. Et de fil en aiguille, me fiant à mon instinct d'enquêteur, j'ai remonté la piste. En vrai, je me suis surtout fié à mon instinct de Mouche attirée par la merde et les emmerdes. Je crois que c'est en fait. Je ne suis qu'une Mouche à merde et mon instinct me guide assurément vers les emmerdes. Là dessus, je peux lui faire confiance.

Pour répondre à la Fourmi, j'ai dû plonger dans ma mémoire et me rappeler ce moment où j'ai été au plus bas. Ce moment là, c'était quand... quand je crois bien que je l'ai fait. Quand, obéissant à Black Rain, j'ai retrouvé la Reine et que...

On est chez moi, avec Corso et Lewis-Maria. Je dis que La reine est morte, que l'un d'entre nous l'a tué, que l'un d'entre nous est digne de réclamer sa couronne.Nous devons choisir un dirigeant, qu'il en soit digne ou pas, ou nous allons tous à notre perte. Je ne sais pas pourquoi je dis ça mais ça a l'air de faire sens pour eux. Alors, je continues.

Corso, je dis, j'apprécie de pouvoir compter sur toi. C'est un peu con de le dire comme ça mais tu es loyal, merci. Et toi, le Cafard, je en sais pas si je peux vraiment compter sur toi. Tu as retenu la Reine captive, tu as fouillé sa mémoire. C'est pas bien de faire ça.
Corso dit que lui, au contraire, apprécie que Lewis-Maria possède une sorte de morale, même si elle est très personnelle. Par contre, il me reproche d'être une véritable source d'emmerdes et je ne sais pas s'il dit ça pour rire ou s'il est sérieux.
Lewis-Maria dit que lui, par contre, il m'aime bien. Il trouve que je suis complètement paumé. Ou plutôt, que j'ai l'air complètement paumé car il pense que j'ai certainement compris plus de chose que je le pense. Par contre, il reproche à Corso d'abuser parfois de ses runes et de son accès privilégié à la dimension du Voyeur. Il trouve que ce n'est pas très poli d'espionner les mondes comme ça. Il est gonflé de dire ça !

Bon, la Reine est morte et l'un de nous doit la remplacer. Dit comme ça et vu le métier de la Reine, ça donne pas forcément envie de se battre pour la couronne. Mais il y a autre chose. La Reine a vu Kid et Eurydice. Ça lui donne un rôle, une fonction dans cette histoire. La Reine est une pièce importante, la plus forte. Il faut la protéger. On aurait dû la protéger. Et maintenant, qui va prendre sa place ? Qui veut prendre sa place ? C'est à la fois tentant et... pas tentant du tout. Alors, on fait quoi ?

Je me lève et commence à faire les cent pas autour de Lewis-Maria. J'essaye de rester calme mais je lui dis quand même que, vu comment il a œuvré pour l'enfermer dans son petit zoo personnel, tout porte à croire que c'est lui qui a tué la Reine. Le cafard prend un air circonspect mais je lis la panique dans son regard. Il se reprend et me retourne mon accusation,argumentant que tout le monde sait bien que je suis amoureux d'elle mais que ce n'était pas réciproque. Et il affirme même être très bien placé pour le savoir puisqu'il l'a lu dans la mémoire de la Reine justement. Aussi, il pense plutôt que c'est moi qui l'ai tuée quand j'ai fini par admettre que ça n'ira jamais plus loin qu'une relation d'amitié. Et puis, il me dit que lui il sait si elle m'a pardonné ou pas de l'avoir remise aux Soars. Et là, j'ai envie de le frapper.
Corso nous interrompt et demande « Quel objet convoites-tu et pourquoi ? Jusqu'où es-tu prêt à aller pour l'obtenir ? » Je lui demande à qui il parle. Au cafard bien sûr. Intérieurement, je soupire. Lewis-Maria est soudain hors de lui. Il est visiblement choqué par la question de Corso. Il s'agite, parle avec les mains, ce que je ne l'avais jamais vu faire. Mais il répond. Il veut... un bocal ! Un énorme bocal dans lequel il pourra mettre les pensionnaires de son zoo. Et là, il pourra les observer à loisir. Une fois ceci dit, il reprend son calme et se renfonce dans son fauteuil avec un air sinistre. Ce type est vraiment bizarre. Et je pense qu'en réalité il est plus que jaloux des runes de Corso.
J'en profite pour enfoncer un peu le clou et accuse le cafard d'avoir décider de tous nous tuer. D'abord la Reine, qui ne lui servait plus à rien puisqu'il avait déjà violé tous ses secrets. D'après moi, Corso est le prochain pour pouvoir lui voler ses runes justement. Ou moi peut-être, justement parce que j'ai bien compris son manège. Lewis-Maria est pour le coup très serein quand il me répond que je raconte n'importe quoi. Et il demande à Corso « A ton avis, d'où vient cette odeur étrange ? » Je ne comprends pas le sens de la question mais Corso a l'air de comprendre, lui. Il indique mon manteau, suspendu près de la porte d'entrée. Je ne comprends vraiment pas. Je vais voir et renifle mon manteau. Ça sent... la mort ! Je me retourne vers Corso. Il me regarde attristé et me répond avant même que je ne pose la moindre question. Déformation professionnelle, il dit. Il sent la mort. Il a l'habitude. Alors, est-ce qu'il sait ? Est-ce qu'il sait qui a tué la Reine ? Bien sûr qu'il sait. Et il est même fou de joie à l'idée de le savoir justement.
Je me retiens de me jeter sur lui. J'ai l'impression que maintenant il n'y a plus de secret mais pourtant je ne parviens pas à énoncer la vérité à haute voix. Je botte en touche en faisant semblant de recentrer le débat quant à savoir qui de nous trois va maintenant reprendre le rôle de la Reine. Qui en est digne, je demande. Même si maintenant j'ai plus peur de lui que du cafard, je pense quand même que Corso ferait mieux l'affaire. Et le légiste répond qu'évidemment il peut le faire. Et Lewis-Maria le pense aussi, même s'il est moins affirmatif. Et moi, il demande, est-ce que moi je me sens digne de prendre ce rôle ? Il ne le dit pas mais je vois bien qu'il a pris au sérieux le plus que sous-entendu de Corso. Lui aussi pense que c'est moi qui ai tué la Reine. En fait, ils pensent tous les deux que c'est moi.ou plutôt,non ! L'un d'eux pense que c'est moi et l'autre va tout faire pour confirmer ses soupçons et me faire porter le chapeau.
Je ne me sens pas bien du tout. Je connais la vérité parce que je suis en connexion directe avec le Joueur. Il a tiré la carte pour moi. Il a tiré le 10 de pique. Les autres ne le savent pas. Ils ne savent pas qu'ils ne sont pas le tueur. Je pourrais tenter de les embrouiller, leur faire croire qu'on les a utilisé, forcé à la tuer puis qu'on effacé leur mémoire. Mais en vrai, c'est tombé sur moi. Le 10 de pique est tombé sur moi. C'est moi qui est tué la Reine et je ne suis pas digne de reprendre son rôle dans cette histoire. Je ne suis pas près à le reconnaître. Mais je suis au moins près à renoncer à la couronne. Mais alors, lequel des deux va reprendre le flambeau de la Reine ? En vérité, je ne suis plus trop sûr de vouloir que ce soit Corso. Alors, qui ?
Je me sens mal. Je suis pris d'un Vertige... Logique... Je revois tous les mondes que j'ai traversé depuis le début de cette histoire et je revois le moment où Black Rain m'a confié cette mission de mettre la main sur cette étrange technologie, celle qui avait servie lors de ce fait divers il y a quelques années. Non, je me revois lorsque Black Rain m'a confié pour mission de trouver la Reine et de la ramener pour la remettre aux Soars justement. C'est là que tout a commencé, cette histoire, mon histoire, mes emmerdes.

La Reine s'était barrée de la RIM et avait retrouvé Kid et Eurydice dans le désert. Elle avait entendu leur histoire sur les abeilles et le Seigneur des Recoins. Elle en savait plus qu'elle ne nous en a dit en fait. Puis, sur ordre de Black Rain, je l'ai ramenée et remise aux Soars qui l'ont eux-mêmes remise à Lewis-Maria. Le cafard et les Soars ont affirmé être lié par la crainte d'une menace à venir. J'ai pensé à l'Entropie, à Antéros, Millevaux et les Horlas. Mais il devait plutôt s'agir des Homosantos finalement. Est-ce que c'est ça ? Je ne le saurai jamais parce qu'en réalité, quand j'ai trouvé la Reine... je l'ai tuée ! Et rien de tout ça n'est arrivé. Le Joueur a rangé les cartes sans même les regarder. Ni lui ni moi ne sauront jamais qui de Corso ou Lewis-Maria était digne de reprendre la couronne. Et moi,que vais-je devenir ? Je suis une Mouche. Je vais reprendre mon enquête sur le meurtre métaphysique dans un autre monde. Je ne sais pas si je garderais quelques souvenirs de tout ça. Je ne sais pas si j'en ai vraiment envie. Je verrai bien ce que le Joueur décidera le moment venu.

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