CRASSE & MILLEVAUX
VI
LATERALUS/KID A
LE
GOLEM
I.
Faaip de Oaid, le Golem
« Par
les mondes brassés dans mes délires »
Je
suis né dans le chaos ! Quel Chaos ? Le mien ? Celui
de mon créateur ? Celui du monde qui m'entoure ? Je suis
le fruit d'une pensée, d'une volonté.
Mais
je ne suis pas terminé. Mon créateur, qui qu'il soit, l'a dit :
« Je
peux encore multiplier les angles et ciseler chaque recoin de ta
peau. »
J'ai
du... travail ? Ou, en tout cas, un voyage à accomplir pour que
cette œuvre soit véritablement achevée. « Car chaque jour
est un voyage intérieur ». Et, chaque jour, je vais voyager.
Le
microcosme est un macrocosme et inversement. En traversant le monde
je vais me traverser moi même. En comprenant le monde, je me
comprendrai moi-même. En détruisant le monde, je me détruirais
moi-même... Non, je ne dois pas penser ainsi.
« Je
suis le Golem... »
II.
MANTRA
« Il
y avait des cathédrales
...
et
un cœur qui battait. »
Cette
image est profondément ancrée en moi. Je ne sais pas pourquoi. Il
est tôt le matin. Le soleil n'est pas encore levé. Je vis la nuit.
J'évite les hommes. Depuis toujours, avec moi, « les gens
étaient toxiques ». Sauf lui... Kid ! Il approchait. Il
avait quelque chose à me dire ou à me faire entendre. C'était
important. Je ne devais pas « en rater une miette ».
III.
Le Patient
Kid
n'est pas tout à fait humain. Il y a de l'humain en lui ou il y en a
eu. Une voix venant de lui à dit un jour « Tu as ton humanité,
enfin tu l'avais. » Kid doit-il être triste de ne pas ou plus
être humain ? Peut-être pas après tout. Et moi, dois-je être
triste de ne pas l'être encore ? Et dois-je vraiment chercher à
le devenir. Ou, ne dois-je devenir humain que pour pouvoir accéder à
l'étape suivante de mon existence ? L'humanité est un état
nécessairement transitoire. C'est peut-être là sa fonction.
L'humanité serait cette étape obligée pour accéder à autre
chose ? Ou redevenir ce que l'on est plus ?
Kid,
ce lui qui n'est pas encore ou qui n'est plus humain n'est pas
forcément malade. Tout est en devenir. Tout est chaos, impermanence,
perpétuelle évolution et mutation. La stabilité n'est que
transitoire. Croire qu'elle va durer n'est qu'une illusion. Tout va
changer, nécessairement. Et pourtant, nous devons être patient.
Ce
n'est pas nous les malades, Kid ! C'est les autres !
IV.
Eon - Bleue - Apocalypse
Le
microcosme est un macrocosme. Alors, si je sais comment est né le
monde, je saurai comment je suis né.
« Du
temps où les dieux étaient précipités des cieux
se
jetaient dans le monde
le
monde était un ventre, orienté vers les étoiles à naître. »
Alors,
c'est ça ! Les dieux ont crée le monde, ce ventre dont je suis
issu.
Et
après, Dieu a changé le monde. Il y a mis les reptiles et « les
reptiles se sont entretués. »
V.
Schisme
Le
microcosme est le macrocosme.
« TOUT
était labyrinthique, tout était psychologique. »
Tout
est cyclique.
« Tout
est logique. »
Ce
qui se passe dans ma tête se passe dans le monde et ce qui se passe
dans le monde se passe dans ma tête. Si le monde est un labyrinthe,
ma tête est un labyrinthe et je dois veiller à ne pas m'y perdre.
Je dois maintenir le cap et ne pas perdre mon chemin. Mais quel cap
et quel chemin. Tout est cyclique. Tout n'est qu'impermanence. Tout
n'est que transition et destiné à un Éternel Retour.
L'humanité
de Kid est derrière lui. Il est le devenir de l'Homme. Je ne suis
pas encore humain. Je suis un homme en devenir. Kid est-il destiné à
(re)devenir un Golem. Dois-je devenir humain pour devenir Kid ?
Est-ce le cap que je dois maintenir ou dois-je me perdre. Et si seule
l'errance et l'abandon pouvaient réellement me mener à bon port ?
La
fibre optique est un cancer. Elle se répand. Elle enserre le monde.
Elle n'est pas un produit du monde. Elle est la chaîne translucide
qui l'étrangle. Le monde étouffe sous ce réseau et le flot
d'information qui le traverse. Panoptique et omniscient se veut celui
qui se dit, se croit maître et au cœur du réseau. Mais il n'est
qu'un bout de bois ballotté par ce flot ininterrompus d'informations
qu'à aucun moment, finalement, il ne s'approprie vraiment puisqu'il
ne fait que la survoler avant de la « partager » ou
plutôt répandre ce cancer. Le cancer informationnel. L'information
n'est pas la connaissance. Prendre acte d'une information et la
partager sur un réseau social n'est pas connaître.
« «
Vous ne savez pas ce que vous écrivez », me dit-on.
Si,
je le sais. C'est juste que... je m'exprime mal. J'essaye de suivre
votre rythme, à vous qui avez perpétuellement le nez dans le
guidon, qui vivez à cent à l'heure. Moi, je veux lever le pied
justement et prendre le temps. Prendre le temps, me poser... pour
réfléchir, penser. La qualité de la réflexion n'est peut-être
pas proportionnelle à la quantité d'informations qu'on va essayer
d'articuler entre elles. Mais, là encore, je m'exprime mal. Alors,
je veux passer à l'action.
Je
veux détruire !
VI.
Tiques & Sangsues
Parce
qu' « ils craignaient la lumière [...] les pluies [...] les
rêves », l'homme a recouvert la Terre de béton !
Il
a construit des cœurs nucléaires pour qu'on se souvienne de lui.
Mais qui se souviendra quand les cœurs auront cessé de battre, ou
auront explosé ?
Le
Cycle. Quand son cœur nucléaire aura cessé de battre, l'homme ne
sera plus. Il n'y aura plus d'hommes pour se rappeler de lui. Il y
aura.. le post-humain ? Il y aura... Kid. Et après, après les
massacres, après les sauterelles, le retour à la Terre et à
l'argile... Alors, il y aura... moi ? Le Golem cherchant à
(re)devenir humain.
VII.
Lateralus
Le
monde derrière le monde derrière le monde derrière le monde...
Les
mondes ne sont pas les uns derrières les autres. Ils se font face.
Les mondes, ce sont les reflets infinis que se renvoient deux miroirs
mis face à face. Et de la même façon que j'ai eu à corriger une
faute de frappe dans la phrase précédente, des « erreurs »
apparaissent dans cette infinie succession de reflets, de mondes. Les
mondes sont les reflets les uns des autres... avec des fautes de
frappe !
Le
microcosme est un macrocosme est un microcosme. L'humain est comme
l'univers. Il est deux miroirs qui se font face. Est-il le seul être
vivant capable de développer une perception de soi-même comme deux
miroirs placés exactement face à face ? Est-ce que cette
succession de reflet infinie est la source de ce que les humains
appellent l'angoisse existentielle ? Est-on humain dès lors que
l'on est confronté à cette angoisse ? Cesse-t-on d'être un
humain dès lors qu'on a plus peur ? Suis-je confronté à cette
angoisse ? Suis-je humain ?
Les
gens sont des singes injustes et méprisants. Dans la consommation,
l'addiction, ils fuient l'angoisse. Et cette fuite fait fondre la
glace des pôles. L'humain a peur du réchauffement climatique. Mais
il préfère renforcer cette peur là plutôt que de laisser la
nature tranquille et se confronter à sa propre nature.
L'homme
est un singe malade.
Un
pas de côté s'impose sinon, on se désagrège.
VIII.
Parabole
Hier,
je voulais détruire. Et aujourd'hui, je m'adresse aux ennemis du
monde. Mais qu'ai-je à leur dire ? Comment dois-je me
présenter ? Dois-je leur dire que moi aussi je suis un ennemi
du monde ? Après tout, si je veux être un homme, c'est que je
suis un ennemi du monde puisqu'il n'y a pas pire ennemi du monde que
l'homme. Ou alors, ai-je changer d'envie ? Est-ce que je veux au
contraire, aujourd'hui, préserver le monde ? Dans les deux cas,
si je m'adresse à l'ennemi du monde, en réalité, je m'adresse à
l'homme. Mais quel homme ? Celui que je suis amené à croiser
ou celui que je cherche à devenir ?
Dans
mon corps il y a un cœur et mon corps est sorti du chœur palpitant
d'une cathédrale géante. Le cœur dans le corps dans le cœur.
Comme un ordinateur, j'ai plusieurs cœurs. Et si je regardais en
moi, découvrirai-je une cathédrale dans le chœur de laquelle je
pourrais rassembler les hommes ? Et pour leur dire quoi ?
Ennemis
du monde, je t'adresse cette prière : acceptes-moi !
IX.
Disposition
L'ennemi
du monde m'a entendu. Il m'a envoyé ses Homosantos affamés tout
droit sortis de poèmes à l'essence enflammée et assassine. Je ne
m'attendais pas à ça ! L'espace d'un instant, je me suis
sincèrement cru ennemi du monde moi aussi car je me voulais homme.
Mais le véritable ennemi du monde m'a montré son vrai visage et il
n'a pas ou déjà plus humain. Il est autre.
L'ennemi
du monde a les traits d'un homme mais n'en a plus le cœur. Et celui
qui a le cœur de l'homme, en a-t-il toujours les traits ?
Finalement, moi, le Golem, ne suis-je pas plus homme que bien des
hommes ? Ne suis-je pas déjà un homme ? Et que dois-je
faire face aux hideuses machines volantes des Homosantos ?
J'ai
le choix ! Une nouvelle source d'angoisse. Quoi que je fasse,
que mon action réussisse ou échoue j'aurai fait un pas dans une
direction que je devrai assumer. Ai-je peur d'échouer ou ai-je
seulement peur de prendre une mauvaise direction ? Pour autant,
je dois agir ! Alors, dois-je soutenir ces affreuses mécaniques
dans leur entreprise, pourtant si humaine, de destruction du monde ou
dois-au contraire tenter de les arrêter et préserver ce monde qui
n'est autre que le chœur des hommes. Leur cœur bat dans le corps
des hommes qui sont nés dans ce chœur qu'est le monde. Comme moi !
J'ai
le choix !
Alors,
bien que doutant, moi, le Golem, je me fais montagne, je me fais
volcan ! Je crache de la fumée et des flammes. Et les
Homosantos se mettent à pleurer. Et leurs larmes en tombant,
deviennent solides. Elles s'accumulent et, à leur tour, elles
deviennent montagnes et volcans. Et à leur tour, elle crache de la
fumée et des flammes.
Le
Mont Sacré a dit « Je vous nourrirai, gardez l'espoir, et la santé.
»
Mais,
en réalité, il est affamé.
J'ai
eu le choix. Qu'ai-je fait ?
X.
Réflexion
C'est
la fin ! C'est la fin ! Même l'Entropie a une fin de
plastique et de benzen.
Des
aiguilles dans mes veines. Est-ce le monde ou une autre drogue qu'on
y injecte ? Le monde est une drogue et nous sommes tous accros !
Même ceux qui veulent quitter le monde sont accros. Ils veulent un
autre monde mais ils veulent un monde quand même.
Corso,
le témoin de ma naissance au sein d'une Mer de Chaos, devait
traverser une dimension de métal liquide. C'est ce métal qui court
maintenant dans mes veines faisant de moi un être tout droit sorti
d'un roman cyberpunk. De Golem de terre je suis devenu le post-humain
dans les veines duquel coule le chrome. Sans transition, sublimation,
j'ai fait l'économie de l'humanité. Je n'aurais été humain que le
temps d'une angoisse...
Le
chrome liquide me déconstruit, me reconstruit. Je bourgeonne et
renais tel un jasmin de métal. Par mes racines, je suis connecté à
l'azur, à la lumière, à Dieu !
XI.
Triade
Planté
là dans la lande, mes racines s'enfoncent jusque dans les
profondeurs du Styx. Nul besoin de passeur, je voyage sans bouger.
Immobile, je ne fais qu'onduler au rythme des ondes. Je suis le
jasmin cybernétique connecté aux mondes. Je suis l'avenir de
l'homme.
Nul
besoin de me déplacer, les mondes viennent à moi sous forme
d'ondes. Regardes-moi et sois rassuré, l'homme. Je suis connecté à
Dieu par l'onde qui remonte le long du Puits des Âmes.
« ...et
soudain l'onde se brisait. »
xXxXx
KID
A
Chapitre
I : Kid
Je
s'appelle Groot mais je m'appelle Kid. Je ne suis pas une plante. Je
ne suis pas un homme non plus. Enfin, pas tout à fait. Je suis un
homme à partir de... en dessous le cou. En fait ,j'ai tout d'un
homme sauf la tête, alouette !
Ma
tête, c'est une radio. J'aurais pu m'appeler Tête-Radio ou
Radiohead mais c'était déjà
pris. Alors, je m'appelle Kid.
C'est pas facile tout les jours la vie, avec une tête-radio. Alors,
je me cache. Quand je suis en ville, je me cache sous la capuche de
mon sweat NIN. J'aurais pu trouver un sweat Radiohead mais... je
préfère NIN. Mais je préfère avoir une tête comme une radio
plutôt qu'une tête comme un trou, noir comme ton âme.
Le
trou noir, c'est ma mémoire. Je n'ai pas toujours eu cette tête.
J'ai eu une tête. Mais tout ce qu'il y a eu avant la tête-radio,
c'est le trou noir. Noir comme mon
âme ? Mon âme est-elle vraiment noire ? Non, en vérité
je ne crois pas. Si mon âme a une couleur, elle est grise, comme
l'âme de tout le monde finalement. Je ne suis ni fondamentalement
bon, ni fondamentalement mauvais. Je suis ce que je suis et je fais
de mon mieux avec ce que le destin m'a donné. Et il m'a donné une
drôle de tête.
Il
n'y a pas que des inconvénients à avoir une tête comme la mienne.
Ça me met à l'écart de bien des choses, de bien des gens mais
est-ce que je perds vraiment au change. OK, on ne m'invite au party
au bord de la piscine avec
bières et saucisses. OK, je n'aurais jamais le super job qui rendra
mes parents fiers et mes amis jaloux. Je n'aurais jamais la petite
copine super canon parce qu'elle sera déjà partie avec celui qui a
le super job et qu'elle a croisé à une party
au bord de la piscine.
Non,
moi quand je croise des gens, ce sont un peu des gens comme moi. Ils
n'ont pas une tête-radio ou dieu sait quel objet mais... C'est
dedans leur tête qu'ils ne sont pas comme les autres. On les appelle
des Freaks, des punks, des clodos, des toxs. Le plus souvent, on les
appelle pas. On a pas spécialement envie de les voir à la party
au bord de la piscine.
Avoir une tête-radio me préserve de la compagnie des cons !
Mais pas que... Avec ma tête radio, j'entends des choses. Je capte.
J'émets. Ça peut faire mal et pas qu'à moi. Ça peut faire mal
parce que je capte tous vos secrets. Ça peut faire mal car se
prendre un tsunami ondulatoire en pleine gueule... ça peut faire
mal. Ça peut même tuer ! Je peux faire ça. Je peux tuer
mais... je ne peux pas mourir.
Quand je ne suis pas en plein cœur de la ville, je suis aux abords
de la ville. Dans le désert de poussières, quand le soleil se
couche, je regarde l'horizon qui rougeoie et les lumières de la
ville qui s'allume. Alors, je tourne le bouton autour de ma tête
jusqu'à ce que je capte quelque chose.
“Sous
la Terre, les cercles de feu grondent en rythme.
Je
me rapproche, je me penche et manque de basculer. Ce que j'ai si
longtemps
cherché est là, juste en dessous.
Il
fait très chaud et ma tête de radio grésille comme les feux de
l'Enfer.
La
chose bourdonnante transmet ses ondes à une vitesse folle.
Je
ne peux rester là longtemps.
Je
ne suis pas assez fort pour résister à sa puissance.
Elle
creuse son trou depuis le commencement, et je viens seulement
pour
la fin.”
Quelque
chose arrive. Ça va faire mal !
Chapitre
2 : La venue des Homosantos
Kid
commence par tourner le bouton sur sa tête. Il cherche une station
en particulier. Ou plutôt, il cherche une chanson en particulier. Il
trouve qu'Eurydice est belle. Elle est en panique complète mais elle
est belle et il veut lui dire qu'il va l'aider. Alors, il tourne le
bouton et trouve la chanson.
She
shines
In
a world full of ugliness
She
matters when everything is meaningless
Fragile
She
doesn't see her beauty
Et
elle dit « Des abeilles géantes sont descendues des Cieux !
Jaunes et de toutes les couleurs et JAUNES !!! »
Et
je dis « Et que sont venues faire ces abeilles JAUNES ? »
Et
elle dit « Elles sont venues creuser un trou vers le centre de
la Terre. Elles sont venues recouvrir la Terre d'énormes plaques
d'aciers ! »
Et
je demande « Tu es certaines que ce sont des abeilles ?
Les hommes font déjà ça. Ils creusent des trous et recouvrent la
Terre d'acier, de béton, de plein de chose qui ne sont ni la Terre,
ni l'herbe, ni les arbres. »
Et
elle dit : « Mais pas que... Mais pas que... Les abeilles
JAUNES, elles construisent aussi un réseau complexe de relais et
d'antennes. »
Et
je dis « Mais, Eurydice, les hommes ont déjà fait tout ça. »
Elle
s'agite et dit « Tu ne comprends pas ! Tu ne veux pas
comprendre ! Tu peux ! Tu pourrais mais tu ne veux pas !
Tu es paresseux du courage ! Tu ne veux pas faire l'effort
d'avoir le courage de comprendre ! »
Je
me demande comment elle sait et je monte le son.
She
reads the minds of all the people as they pass her by
Hoping
someone can see
Et
je me dis que je dois être courageux et accepter ce qu'elle me dit.
Des abeilles multicolorement JAUNES sont descendues des cieux pour
creuser un trou jusqu'au centre de la Terre qu'elles vont recouvrir
de plaques d'acier et quadriller d'un réseau complexe de relais et
d'antennes.
Et
je dis « Tu as raison. Les abeilles JAUNES sont sur Terre.
Mais...
I
wont let you fall apart
Mais
je me dis que ces abeilles sont peut-être la suite des hommes venues
sur Terre pour parachever son travail de destruction de la terre et
de l'humanité. Peut-être que l'homme n'a pour but que de se
détruire lui-même pour accéder à la prochaine étape de son
évolution. Peut-être qu'il ne détruit pas son environnement mais
qu'il construit l'environnement de ce qu'il doit devenir. Et ce
réseau d'ondes...
Et
je dis « J'ai été humain, moi. Je suis l'après humain. Le
Golem est l'avant humain. Puis, il y a l'humain. Puis, il y a le
post-humain. À chaque être son écosystème auquel il est adapté.
Ces abeilles construisent le monde du post-humain. Le monde de l'être
des ondes. »
Et
Eurydice me regarde, horrifiée. « Tu m'as trahie ! »
elle dit, avant de perdre connaissance.
Ses
mots me brisent. Je suis... cassé...
If
I could fix myself I'd - but it's too late for me
Pourtant...
I
wont let you fall apart
We'll
find the perfect place to go where we can run and hide
I'll
build a wall and we can keep them on the other side
Ma
trahison n'en est pas une. Quelles que soient mes interrogations, je
la soutiendrai et elle le sait. Je lis sur son visage endormie
qu'elle le sait.
Chapitre
3 : Eurydice
Nous
sommes chez elle parce que je me suis installé chez elle. Elle a du
fric. Je ne sais pas d'où il vient mais elle en a. j'ai l'impression
de profiter un peu mais bon...
Là,
elle ne va pas bien du tout. Elle encore eu une de ses crises où
elle raconte n'importe quoi. Enfin, non, pas forcément n'importe
quoi. C'est plutôt que ça sort n'importe comment et c'est dur à
comprendre. Faut raccrocher les wagons. Je ne sais pas ce qui est à
prendre au pied de la lettre ou ce que je dois interpréter. Où
finit la métaphore, le symbole, et où commence le cauchemar. Parce
que si ce qu'elle décrit est vraiment tel qu'elle le décrit, c'est
salement dégueulasse !
Elle
est mal et à part rester là, à côté, je ne peux rien faire pour
elle. Par contre, je peux essayer quelque chose. Je peux essayer de
chercher, de trouver. Dans ses délires, tout n'est pas si incohérent
que ça. En fait, un dessin se profile. Je crois qu'elle a des
visions éparses d'un grand Tout auquel j'appartiens. Tout ça est
lié au Golem, à ces abeilles JAUNES, à ma tête-radio. Tout est
lié... par des ondes...
Je
l'installe au mieux pour éviter qu'elle ne se blesse durant mon
absence. Je prends mon casque. J'enfourche ma moto. Je fonce vers le
désert. Je pense à Roswell. Si des aliens doivent débarquer, ce
sera là, non ? Et quel meilleur endroit que le désert pour
creuser un trou géant vers le centre de la Terre ? Quel
meilleur endroit que le désert pour installer un réseau
d'antennes ?
Sous
les pavés la plage ! Et sous le sable et la poussière du
désert coule le Pétrol' issu de la décomposition de la Forêt
Maudite. Millevaux, elle a dit. C'est un des noms de la Forêt. Puis
elle s'est mise à tousser « Shub-Niggurath »
alors je lui ai donné un peu d'eau. Et c'est vrai qu'on voit les
restes de ce qu'il y a eu avant sous le sable et la poussière. Et
c'est vrai qu'il y a eu une forêt. Au loin, on voit la ville. Des
plaques d'acier et de la lumière. Les abeilles JAUNES sont déjà au
travail.
Je capte des ondes que je ne comprends pas. Des ondes qui se
superposent. Je pense au chat de Schrödinger et à la superposition
d'états et je crois comprendre. La Forêt n'est pas sous le sable.
Elle est là en même temps. Et Eurydice n'est pas seulement allongée
dans son lit. Elle est aussi derrière moi, à quelques centaines de
mètres, sur sa propre moto. Et moi, je ne suis pas seulement ici. Je
suis aussi là-bas, avec cette fille qu'on appelle la Reine. Elle est
venue de loi, elle dit, uniquement pur me rencontrer. Elle me sort
son baratin de professionnel. Je ne sais pas si j'ai envie d'y
croire. Et si elle ne me débiter ces platitudes que pour
suffisamment me dégoûter et pouvoir se tirer avec son fric sans
avoir à faire le boulot ? Je peux comprendre, avec ma gueule...
Et ça me met en colère alors je veux lui montrer. Alors, je tourne
le bouton et tombe sur un vieux morceau des Pixies et Black Francis
dit :
Last
night, he could not make it
He
tried hard but he could not make it...
Et
je me retourne et par dessus mon épaule je vois Eurydice. Elle est
là et elle est pas là puisqu'elle est sur sa moto derrière moi
dans le désert. Superposition d'états ! Qui est le chat de
Schrödinger, ici ? Qui est le poison ? Qui est la boite ?
Moi, je crois que je suis l'observateur.
Je
vais partir. Je vais laisser la Reine s'en sortir avec le fric et
sans avoir à faire le taf. Mais je lui balance quand même une
dernière saloperie, pour qu'elle culpabilise. Je dis « C'est
mon fric que tu veux ! Et tu me fais ton cinéma !
Regarde-moi, tu vois, je suis handicapé ! »
« Tu
n'es pas handicapé » elle dit, parce que je ne suis pas
humain. J'ai été humain mais je ne le suis plus. Selon elle, je
serais handicapé si je devais être humain mais je ne suis pas un
homme. Je suis ce qui vient après. Le Golem est ce qui vient avant
et Kid est ce qui vient après elle a dit. Et c'est pour ça qu'elle
est venue, elle dit, pour me dire ça. Et que tout est lié, les
abeilles multicolorement JAUNES !! Millevaux, l'Entropie, la Fin
des Mondes et moi, le garçon à la tête-radio. Elle me dit
d'écouter Eurydice, de la croire, de l'aider et la protéger. C'est
à mon tour de m'occuper d'elle maintenant. Je regarde par dessus mon
épaule et Eurydice qui n'est pas là me sourit. Et la Reine dit
qu'elle doit y aller maintenant car elle a un rendez-vous avec la
Mouche qui doit la ramener. Non, pas chez elle. La Mouche doit la
ramener au « bon porc ». Elle a un sourire triste et je
m'en veux de lui avoir balancer une saloperie. Je veux l'aider elle
aussi mais je ne peux pas car je suis dans le désert sur ma moto.
Pas loi, je vois un bunker. Genre, un abri anti-nucléaire. Il y a
des guirlandes électriques autour de l'entrée. Ça clignote. C'est
joli. J'y vais.
Les
loupiotes JAUNES me font penser aux abeilles. Une onde crie
DANGER !!! et j'entends des bruits de moteur. De la fumée.
Trois jeeps. Je tourne le bouton jusqu'à entendre leurs pensées. Ça
dit :
« ...vivre
à la cour défigurée...réalité photographique...mage
puissant...la vérité n'a pas de reflet...la victime veut que tout
le monde l'aime... »
Est-ce qu'ils pensent ça de moi ? Que je suis une victime ?
Que je veux que tout le monde m'aime ? Non, je ne veux pas que
tout le monde m'aime. Je veux qu'Eurydice m'aime. Et je veux juste
que les autres me fichent la paix. Je veux que ces gars là, ces
membres de la Main Rouge me fichent la paix. Je en sais pas ce qu'ils
font ici. Ils sont loin, très loin de chez eux. Ils ne sont pas là
pour moi. Ils sont là pour ce qu'il y a dans le bunker. Mais je suis
là, alors ils vont me faire du mal. Non !
Alors, je tourne les deux boutons de chaque côté de ma tête et je
leur balance une fonction d'onde au volume maximum. Pas de
superposition d'états ! Le chat n'est pas dans la boite. Je
vois les jeeps déraper et partir en tonneaux. La Main Rouge, ils
savent pour les stations fantômes. Ils savent pour moi. Donc,
Eurydice est en danger.
Je rentre dans le bunker. Ça a tout du squat de hippies avec un
truc en plus. Le truc en plus, c'est la station fantôme.
Superposition d'états ! Eurydice est dans son loft et derrière
moi. Elle regarde par dessus mon épaule. Elle me montre du doigt un
élément de la station. La Reine est là aussi, dans la voiture qui
la ramène à Mertvecgorod. La Mouche est à côté d'elle, la main
dans la poche, serrée sur la crosse de son flingue. La Mouche ne
nous voit pas. La Reine non plus mais elle sait qu'elle est avec nous
elle aussi. Et Eurydice et moi sommes assis sur un trottoir. Et un
gars vient nous voir, c'est la Mouche. Sur le trottoir, on est
quatre, la reine, Eurydice, Kid et moi. La Mouche nous tourne autour
et l'un de nous lui dit « Tu sais que Caspar rentre le
29 ? »
Et je suis de nouveau sur ma moto. Je rentre. Je jette un œil dans
le rétroviseur. Rien. Je jette un œil derrière moi. Eurydice me
suit.
Une voix dans ma tête dit que ce qui était impossible devient
possible, de provoquer un problème. Mes mains se mettent à trembler
et le guidon avec. Ma moto commence à chasser à droite à gauche.
Je perds le contrôle. Pourtant, Alle unter kontrol avait dit
l'autre à la Mouche. Mais je perds le contrôle. Dans un coin de ma
vision, je la vois. Superposition d'états ! Les rouages dans ma
tête changent de rythme. Tic tac, ça fait. Le temps change de
rythme. Le temps sonne faux. Au loin, l'horizon change de couleur. Je
ne sais pas si le soleil se lève ou se couche. Tout est au ralenti.
Je m'envole au ralenti. Je vois Eurydice en dessous de moi. Elle a
arrêté sa moto et regarde la mienne s'envoler, s'écraser au
ralenti. Je vois dans ma tête, la mécanique d'horlogerie. Le temps
est une onde, une fonction d'onde, une fréquence. Superposition
d'états. Le temps n'est pas l'expérience que nous en avons. Nous
avons une vision déformée du temps. Le sens qui nous fait percevoir
le temps n'est rien d'autre qu'un miroir déformant et ça me fait
peur. Et j'entends Eurydice elle dit :
Je
suis la Chanson
Ma
voix porte loin, de station fantôme en station fantôme
J'ai
réduit la mort au silence
J'ai
annoncé la venue des abeilles JAUNES
et
le début de la fin du monde.
Je
suis la Chanson
Ici
et maintenant, pour donner une voix au sans voix je...
…
réveille dans le loft. Je transpire. J'ai mal partout. Eurydice est
penchée au dessus de moi et me tend une tasse remplie d'eau. Elle
dit « Je suis la Chanson. »
Chapitre
4 : Les stations fantômes
Pourquoi ?
On s'en fiche un peu ! Mais les stations fantômes ne sont pas
si faciles que ça à dénicher. Mais, entre les visions d'Eurydice
et mes ondes, on y a arrive. C'est du boulot. C'est pas facile. Ça
secoue. Et c'est parce qu'on y arrive qu'on est de nouveau dans le
désert, à moto. Cette fois, pas de superposition d'états. Eurydice
est avec moi et qu'avec moi. Elle n'est nul part ailleurs en même
temps.
On
arrive en vue d'une ancienne usine. On dirait un mastodonte d'acier
en voie de décomposition. Je songe à une baleine. Une baleine
verticale. On se gare. À l'intérieur, une chaîne de montage
automobile a été laissé à l'abandon. Il y a encore des outils ça
et là, comme si les ouvriers les avaient laissés là pour reprendre
leur poste le lendemain. Mais non. Les ouvriers n'étaient pas
revenus. À leur place, c'est la poussière qui s'est installée. Et
elle a bien pris possession des lieux.
La
station fantôme est dans les parages, mais où ? Je tourne le
bouton et cherche la bonne onde. Ok ! Je l'ai mais pas que... Je
sens aussi une présence. La présence du Seigneur des Recoins, le
maîtres des abeilles multicolorement JAUNES. Je fais un signe à
Eurydice. Prudence. Tout en avançant, je tourne le bouton pour
améliorer la qualité de la réception. Eurydice me parle en même
temps. Elle dit qu'elle pense que ce réseau a été construit pour
moi, pour me guider. OK mais... vers où ? Et pourquoi ?
Elle ne sait pas. Elle pense que c'est en rapport avec son père et
son ex aussi, peut-être. Elle ne sait plus. Elle ne se rappelle de
rien précédant notre rencontre. Ça ne répond à aucune de mes
interrogations mais j'aime autant qu'elle ne se rappelle pas son ex.
la
station reste introuvable dans cette ruine. Alors, on a l'idée de
provoquer une vision. J'envoie des ondes vers Eurydice et elle
commence à convulser. J'accompagne sa chute afin qu'elle ne se
blesse pas et recueille ses paroles. Elle parle d'un endroit appelé
Tjukurpa. Là, il y a une forêt. Elle ne sait pas si c'est La Forêt.
La forêt maudite, la Forêt Verticale, le domaine et avatar de
Shub-Niggurath, le Titan-Millevaux ! Ça m'inquiète car dans
une forêt, il y a des insectes et... des abeilles JAUNES. Je ne veux
pas aller dans cette forêt. La mort, la mort ! Elle crie. Je
regarde autour de nous. J'ai peur que ses hurlements n'attirent
quelqu'un. Et j'ai raison d'avoir peur. À un premier crissement de
métal répond un second. Ces squelettes de voitures oubliés sur la
chaîne de montage s'animent, prennent vie. C'est la rouille qui les
fait vivre. La rouille est leur sang. C'est le rouge qui coule dans
leur veine.
D'un
bras, je soulève Eurydice et la maintiens debout comme je peux. De
l'autre, je tourne le bouton sur ma tête. Le Seigneur des Recoins
est derrière tout ça. Ces trucs, cette usine abandonnée par ses
ouvriers. Les abeilles sont des... ouvrières. Comme des fourmis.
L'usine morte est une ruche. On s'est jeté dans la gueule du loup.
Je balance une fonction d'onde des plus violentes qui arrache de
nouveaux hurlements à Eurydice. Ça ne me plaît pas mais que
puis-je faire d'autres contre ces trucs ?
Quelques
heures plus tard, Eurydice s'est réveillée. Elle va bien. Pas trop
mal en tout cas. Nous roulons le long d'un sinueux serpent
d'asphalte. Un serpent d'ombre, de plumes et d'herbes. Est-ce à
cause de la chaleur, j'ai l'impression que ce serpent ondule, s'élève
dans le ciel et nous emporte avec lui. Vers où ? Millevaux ?
Non ! Je ne veux pas ! En dessous, je vois la ville. Il y a
des antennes relais partout. L'humanité est saturée d'ondes. Et
moi, je reçois et envois des ondes. Je suis vecteur d'ondes. Saturé
d'ondes, suis-je saturé d'humanité ? Finalement, je serais
vraiment le post-humain ondulatoire ?
Je
me laisse porter par le serpent d'ombre, de plumes et d'herbe. Ça
grésille dans ma tête. Station fantôme. Est-ce la station qui est
fantôme ? Est-elle morte ? Où est-ce que ce sont ceux qui
me parlent à travers elle qui le sont ? Est-ce que j'entends...
la voix des morts ? Et si ceux qui ont crée ce réseau étaient
finalement tous morts ? Est-ce la prochaine étape de mon
voyage ? Est-ce là que m'emmène le serpent d'ombre, de plumes
et d'herbe ? Vers le monde des morts ? Et Eurydice, me
suit-elle toujours ? Non, je ne dois pas me retourner. Alors,
pour lutter contre la tentation, je regarde en dessous. Je vois un
désert de pierre et de poussière ocre. Au loin, je vois une ville
d'acier avec des antennes et des lumières. Et la Terre tremble. Elle
a froid ? Elle a peur ? Du vert apparaît. De l'herbe, des
arbres. La Forêt s'élève. Elle s'élance vers le ciel, Verticale.
Autour d'elle, il y a des abeilles multicolorement JAUNES. Dans le
désert, le Titan-Millevaux hurle et ses pas font trembler la terre.
Je
crois, je crois que j'ai compris. Je dois aller... de l'autre côté !
Chapitre
5 : All along the watchtower
« Alors !
Raconte ! Tu as réussi ? Tu as traduit le code de la
station ? »
Je
suis tombé de ma moto. Je suis tombé droit vers le Titan-Millevaux.
Puis, je suis tombé encore vers le monde des morts, au centre de la
Terre !
La
Voix m'a donné le code, les coordonnées. Elle a dit « Tu vas
descendre dans l'abîme de la Ruche avec elle. » Elle a dit
« Nous avions été créé, par celui qui avait aussi créé
les Stations Fantômes, il y a plus d'un siècle. Durant toutes ces
années, le message divin avait été émis en boucle dans le monde
entier, dans l'espoir que les outils perdus de Dieu l'entendent et
puissent mener à bien Son dessein... et même les morts pouvaient
les entendre, et peut être même les peuples de l'avenir. »
Même
les morts... Même les peuples de l'avenir. Je suis ce qui vient
après l'humain. Après l'humain vivant vient l'humain mort. Dans ma
tête-radio j'entends les morts. J'entends... les miens ? Et
toi, Golem qu vient avant l'humain, qu'es-tu ? Mort ?
Vivant en devenir ? Si tu n'es pas humain, tu n'es pas vivant et
si tu n'es pas vivant, tu es mort ? Est-il mort celui qui n'est
pas né bien qu'on sache qu'il existe, a existé, existera ?
J'ai
emmené Eurydice dans le désert. Je l'ai attirée avec une chanson
d'Hendrix, All along the watchtower. Et en la regardant je
pense à... Foxy Lady !
Une fois là, dans cet ancien complexe militaire, puis pétrolier,
nous avons cherché un passage vers le centre de la Terre. Puis, je
me suis senti mal car j'avais peur pour Eurydice. Peu m'importait de
ne pas revenir du centre de la Terre mais elle... Non. Je devais au
moins m'assurer qu'elle serait bien en bas. En bas ? En bas
coule le Styx, c'est l'Enfer et la mort. Moi, je suis l'après-humain.
C'est pas grave si je ne reviens pas. Mais elle ? Non !
Alors,
j'ai tourné le bouton été généré une onde. Et j'ai plongé en
plein milieu de l'onde. J'ai chuté jusqu'au centre de la Terre. Là
étaient les abeilles multicolorement JAUNES et, si Eurydice devait
désormais vivre là, je devais faire de cet endroit le plus beau des
endroits, pour elle. Alors, j'ai combattu les abeilles. Une part une,
essaim par essaim. Je sens le magma gronder sous mes pieds. Pourtant,
le centre de la Terre est Sombre. Je suis trop loin pour que les
rayons du soleil ne m'atteignent. Et puis, les arbres de cette
gigantesque forêt les empêcheraient de passer. Mes peids
s'enfoncent dans une boue faite d'humus et de pétrole. Quand j'ai
mal à la tête à force de crier des ondes de mort, je lance des
boules de boue sur les abeilles. Je crie. J'appelle le Seigneur des
Recoins. Où se cache-t-il, le lâche ? Dans un recoin,
évidemment. Mais où sont les recoins d'une forêt souterraine ?
Il fait chaud ici. Mais il fait si Sombre aussi, Johan. D'où me
vient ce nom ? Qui est-ce ? Pourquoi maintenant ? Peu
importe, je dois nettoyer l'Enfer. Je dois en faire un lieu propre et
sain pour Eurydice.
Et
je sens mes batteries se vider. Et les abeilles tombent. Et le
Seigneur des Recoins reste toujours invisible. Il n'y a pas recoin
ici. Les seuls recoins sont ceux de smon esprit, de mon âme. Et
alors, je m'arrête. J'ai peur de comprendre. Les abeilles JAUNES
dans une forêt Sombre. Une bataille d'onde dans un lieu que même
les photons ne peuvent atteindre. Les recoins de mon âme. Et si, et
si j'étais ici prisonniers de moi-même dans les recoins de mon âme
et que je venais d'achever la dernière source de lumière, la
dernière source de vie, le dernier symbole de l'humanité dans ce
qu'elle peut avoir de plus beau et de plus destructeur ? Je suis
coincé ici. Seul. Je suis coincé ici et j'ai laissé Eurydice là
haut. Je suis coincé ici, dans cette Sombre forêt. Je ne saurai
jamais qui est Johan. Je suis coincé seul, ici, avec pour unique
compagnie le Seigneur des Recoins de mon âme aussi sombre et
torturée que les branches des arbres qui m'entourent.
Et
je pense au Golem. L'avant humain est devenu une fleur métallique
qui a planté ses racines dans le sol de la Terre. Et moi, Kid,
l'après-humain avec une tête de radio, je vais faire comme lui.
J'enfonce mes pieds dans cette boue de terre et de pétrole. Je
tourne les boutons sur ma tête. J'attends...
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