CRASSE & MILLEVAUX
IX
REMEMBER TOMORROW
J'ai
avalé la Bille de travers et me suis retrouvé... ailleurs. Enfin,
pas dans mon monde d'origine. En tout cas, il s'est passé quelque
chose afin de préserver un semblant de cohérence dans tout ça.
J'émerge dans une salle d'attente, visiblement celle d'un médecin
et personne n'a l'air choqué par ma présence. Il y a deux autres
personnes. Un type bourré de tics nerveux, à se demander s'il est
pas défoncé. Et une femme, jeune, plutôt jolie. Rien à voir avec
Eurydice mais jolie quand même. Je fais style d'être tombé dans
les vapes et d'émerger. Je demande où je suis. Et elle me demande
où je crois être, en montrant ma jambe d'un signe de tête. Bon, au
moins la Bille a fait en sorte de m'envoyer chez le toubib. Elle me
demande si je compte remplacer. Je ne comprends pas. Elle parle de ma
jambe. Elle veut savoir si je vais profiter de cette blessure pour la
remplacer. Je regarde autour de moi et je percute. J'ai dû atterrir
dans un roman de Gibson. Alors non, je dis, ce n'est qu'une simple
blessure par balle. J'ai juste besoin de quelques points de suture.
Ça devrait suffire. Une voix se fait entendre, venant d'un
haut-parleur que je ne parviens pas à localiser. C'est mon tour. Une
porte s'ouvre automatiquement. Personne ne vient pour m'aider. Je me
lève comme je peux et entre dans le cabinet du médecin dont le
matériel date manifestement de l'ère soviétique. Ça pique mais au
moins j'ai récupérer une jambe en état de marche.
Une
rue bizarre pleine de boutiques pour androïdes, qui vendent des
prothèses, des pièces détachées ou des robots sexuels. Deux
membres des Free-Limbs sont là pour affaire. Ils sont de tous les
coups, du moment qu'il y a du fric à se faire. Là, ils ont
récupérer les restes de l'androïde qui s'est jeté sous un métro
ce matin. C'était un androïde domestique. On ne sait pas trop ce
qui lui a pris. Et les Free-Limbs s'en fichent. Tout ce qui importe,
c'est que certaines parties sont encore à peu près en état et
peuvent être vendues. En plus, là, ils ont vraiment besoin de fric.
Leur dernier coup s'est mal passé et ça s'est retourné contre eux.
Maintenant, ils doivent un gros paquet à plus gros qu'eux. Beaucoup
plus gros.
Georgia
Hatton est un hacker. Un petit hacker, pas de ceux qui deviennent des
stars richissimes. Elle, son truc, c'est pas d'accumuler de l'argent,
de l'information ou des relations. Ce qu'elle veut, c'est se sentir
libre. Et elle se sent libre quand elle est dans la Matrice. Mais son
dernier job ne s'est pas passé comme prévu. Ses employeurs se sont
révélés être beaucoup plus corrompus que sa conscience ne pouvait
l'accepter. Et aujourd'hui, son principal souci est de réussir à
mettre un maximum de distance entre elle est eux.
Georgia
a peur de rentrer chez elle. Elle craint que son appart ne soit
surveillé. Alors, elle reste en mouvement. Elle erre dans les rues.
Là, elle s'est acheté un truc à grignoter et regarde les ombres
électroniques s'agiter sur le mur d'en face. C'est rigolo. Mais tout
s'arrête quand un type ouvre sa fenêtre pour les envoyer se faire
enculer. C'est le code. Elle a payé ce voisin pour qu'il la
prévienne si des mecs louches arrivaient dans le coin.
Elle
cherche les Seigneurs de la Verticalité. Ces types, et ces nanas,
font de la chute libre du haut des immeubles. Certains se sont
écrasés sur des murs invisibles. On dit qu'il y aurait une ville
invisible qui se superposerait à la ville visible, une ville
virtuelle. Si c'est le cas, peut-être qu'elle peut s'y planquer.
Elle doit trouver ces Seigneurs de la Verticalité avant que ses
anciens patrons ne la trouve.
Dans
cette station à la météo contrôlée, impossible à l'Entropie de
se manifester sous la forme de la Pluie Noire. Millevaux a déjà
envahi la Terre et les hommes ont bien compris que la nature n'était
plus leur alliée. Il n'y a ici que le minimum de verdure. La plupart
de l'alimentation est produit en cuve ou via l'agriculture
hydroponique. L'humanité est désormais réduite à une portion
infime mais elle est toujours là. Comme la mauvaise herbe, elle
résiste. Mais l'Entropie se fait fort d'en finir avec ce monde
aussi. L'Entropie a ses agents, se monstres, ses fous, ses traîtres
à l'humanité, ses désœuvrés près à en finir mais qui ne
veulent pas partir seuls. Ils agissent dans l'ombre. Mais dans
l'ombre agissent aussi leurs ennemis. Malgré la victoire de
Shub-Niggurah sur Terre, Black Rain continue à leur poser des
problèmes. Les Mouches sont le dernier caillou dans la chaussure,
celui dont on arrive pas à se débarrasser.
L'homme
est là, devant la statue de cet homme tenant un satellite entre ses
mains. L'homme ne peut s'empêcher de penser que ce satellite sert de
relais, comme les Stations Fantômes. L'homme est un agent de
l'Entropie. Il sait pour Lateralus. Il sait que Kid a échoué et
qu'il est sous terre, les pieds plantés dans la boue pétrolmagique
de Millevaux. Mais il sait aussi que l'histoire peut être réécrite
si Eurydice parvient à remonter le réseau des Stations Fantômes
jusqu'à Station One. Aussi, il cherche l'une de ces stations,
espérant pouvoir remonter jusqu'à leur point d'origine et détruire
Station One avant l'arrivée d'Eurydice. Mais, sa mission est rendue
compliquée par les Agents de Black Rain. Sur la Terre, rongée par
Millevaux, les Mouches ne sont rien. Mais ici, paradoxalement, c'est
lui qui est en difficulté. Et forcément, si Station Fantôme il y
a, ce sera ici.
Malgré
les apparences, ce doc a fait du bon boulot. Ma jambe ne me fait plus
souffrir. Je me ballade dans cette ville qui se révèle être une
station orbitale. Le dernier bastion de l'humanité qui a fui la
Terre et Millevaux. Nous sommes donc en orbite entre la Terre et la
Lune. Ici, pense-t-on, on est en sécurité. Jamais la forêt ne
pourra étendre ses branches assez haut pour s'emparer de la station.
Je comprends que la végétation est ici extrêmement contrôlée.
L'avènement de Shub-Niggurtah a sonné de le glas de toute
considération écologique. De plus, un département de la police est
spécialement dévolu à la traque des cultistes en tout genre. On
pourrait penser que c'est une précaution inutile ici. Et pourtant, à
la radio, on raconte qu'une bande de terroristes a saboté un des
systèmes de régulation du climat artificiel pour faire tomber une
Pluie Noire. La pluie Noire, le symbole de l'Entropie. Au vue des
récents événements, j'en arrive à me demander si cette Pluie ne
serait pas du Pétrol'Magie. Y a-t-on pensé chez Black rain ?
Faudrait que je pose la question, si je rentre. Mais après tout, si
les serviteurs de Shub-Niggurath et de l'Entropie sont traqués dans
ce monde, il est plus que probable que Black Rain y ait des bureaux.
Et
j'en suis là de mes pensées quand j'entends s'élever des cris
autour de moi. Une espèce de robot ressemblant à une gargouille
médiévale armée d'une longue lance fend la foule et me fonce
dessus. Et moi j'ai... mon flingue... Mais pas que ! Je ne sais
pas si c'est grâce aux analgésiques que m'a donné le doc ou si
c'est juste l'air saturé en je ne sais quoi de cette station mais
j'ai l'impression de n'avoir jamais eu d'aussi bons réflexes !
Je roule sur le côté, me rétablit et tire. Bon, la balle
n'occasionne aucun dégât mais au moins, j'ai visé juste. Et
surtout, étant maintenant derrière cette gargouille, je vois gravé
dans le métal des symboles ésotériques caractéristiques de
Shub-Niggurath et compagnie. Je ne sais pas si c'est une simple
coïncidence mais entre cette attaque et le sabotage à la Pluie
Noire... En tout cas, les « méchants » savent que je
suis là. Et maintenant, je sais qu'ils savent. Je n'en suis que plus
déterminé à trouver Black Rain et à me tirer d'ici. Ce monstre
est fort mais lourd. Le temps qu'il reprenne sa position, je me suis
déjà planqué dans une ruelle sombre.
Louis-Marie
est un cafard. Ce n'est pas une métaphore. C'est vraiment un cafard,
un insecte géant. Un tel monstre attire invariablement les cris de
terreurs des enfants et les coups des adultes, surtout s'ils sont
armés. Pourtant, Louis-Marie est à même de faire face. Il est en
réalité quasiment indestructible. Mais il ne cherche pas les
ennuis. Il cherche le respect. À l'inverse de beaucoup de ses
congénères, il a un vif sentiment de son individualité et veut
être reconnu en tant que tel. Or, cette reconnaissance, il n'estime
pas la recevoir de la part de ses maîtres. Aussi, il s'est trouvé
de nouveaux maîtres aux yeux desquels il espère briller grâce à
ses compétences. Black Rain, l'organisation pour laquelle il
travaille désormais, lui a confié une double mission. Tout d'abord,
il doit trouver une Mouche dénommée Haze. On ne sait pas comment
mais ce type vient d'arriver plus ou moins par erreur ici et on veut
savoir comment et pourquoi. Et surtout, Louis-Marie doit en apprendre
le plus possible au sujet des Stations Fantômes. Et comme rien n'est
jamais dû au hasard, il est fort probable que la présence de ce
Haze ait quelque chose à voir avec cette affaire. Les Stations
Fantômes, Louis-Marie ne sait quasiment rien à leur sujet. Mais
Black Rain ne dit jamais rien, c'est pour que les agents conservent
un regard « neuf » sur les affaires qu'on leur confie.
Bien bien bien, se dit le Cafard. En tout cas, cette histoire de
Station sent mauvais. Ça sent la merde et c'est pas étonnant qu'une
mouche tourne autour.
Pour
l'heure, Louis-Marie n'est pas au top de sa forme. Comme tout cafard
qui se respecte, il a un petit penchant pour l'exploration de la
mémoire d'autrui. Du point de vue de l'autrui en question, cela
s'apparente plutôt à un viol psychique précédé d'un viol tout
court puisque Louis-Marie, pour accéder à la mémoire de son hôte
provisoire, doit littéralement s'introduire à l'intérieur dudit
hôte. Cela n'est pas sans conséquence pour la victime. Cela n'est
pas non plus sans conséquence pour le cafard qui en ressort
généralement épuisé, suite à l'extase procurée par ces instants
délicieux et malheureusement trop rares. Mais après quelques heures
de repos, il est de nouveau apte à reprendre le boulot.
Où-suis-je ?
C'est trop bizarre ! Je regarde autour de moi. Je suis à côté
de l'astroport. Il est 3h du matin. Il y a quelques instants, j'en
suis convaincu, je courrais dans les escaliers d'un hôtel miteux
pour échapper à une femme magnifique dont je suis sûr qu'elle est
un Horla en provenance de Millevaux.
L'hôtel,
je m'en rappelle, j'y suis arrivé après qu'on m'a remis un flyer
avec, au dos, une phrase étrange. Ce genre de phrase qui est le
signe même de l'implication de Black Rain. À l'hôtel, dans une
chambre sans serrure, une femme m'attendait. Une Sensitive, je l'ai
vu grâce à ma Vision de Mouche. La cellule de Black Rain de ce
monde avait fait en sorte de m'attirer ici. Ils avaient même mis un
Relais à ma disposition pour que je puisse contacter la cellule de
la RIM. Mais ça ne s'est pas bien passé. Le Relais s'est mis à
dire des trucs bizarres. J'ai eu des flashs de Millevaux et cette
femme est apparue. Elle aussi a dit des trucs bizarres. Elle a parlé
d'une secte et d'un dieu. Je ne sais plus trop. L'autre, la
Sensitive, était comme paralysée. Ou plutôt, bloquée dans une
boucle de mouvements saccadés. C'était bizarre. Je me rappelle
avoir pensé à un automate déréglé. Et je me rappelle les avoir
plantés, elle et le Relais.
Et
maintenant, je suis là, près de l'astroport. Je ne sais pas comment
je suis arrivé là. J'ai le sentiment étrange que mes souvenirs ne
sont pas réels. Je suis sûr que c'est arrivé et pourtant quelque
chose me dit que non. J'ai l'impression que cette partie de
l'histoire a été... comme réécrite après un crash du PC. Ce
n'est pas ma mémoire. Ces événements ont eu lieu mais quelque
chose les effacés. Pas seulement effacés de ma mémoire. Ça a fait
en sorte que ça ne soit pas arrivé. Sauf que, quelque part, va
savoir pourquoi, je m'en rappelle quand même. Alors ouais, peut-être
que c'est pas arrivé mais je me rappelle quand même avoir prévenu
la cellule de Black Rain de la RIM de l'existence des Homosantos. Et
je me rappelle aussi avoir pensé que cette cellule avait peut-être
été infiltré par des agents de l'Entropie. Et je me rappelle que
la femme, la Sensitive dont les ongles étaient des petits écrans
diffusant des images du Big Bang... ou du Rebond, a aussi dit que
Black Rain avait missionné un agent pour me trouver. Lui, il doit
exister, c'est sûr. Et je dois le trouver ! Et je dois aussi
faire en sorte que cette femme, l'autre, celle qui vient de
Millevaux, ne me trouve pas.
À
l'autre bout de la station, une autre femme espérait elle aussi
qu'on ne la trouve pas. Georgia était toujours sur la trace des
Seigneurs de la Verticalité mais prenait aussi grand soin de
s'assurer que ses anciens employeurs n'était pas sur la sienne.
Les
Free-Limbs sont des racailles. Mais ce sont des racailles avides et
efficaces. Aussi, malgré les apparences, ce sont des racailles
friquées. Et avec le fric, on s'achète beaucoup de choses, du
matériel, des informations, des gens... Tout a un prix, les gens en
ont un aussi. Aussi, ils ne leur a pas été si difficile que ça
d'apprendre que nana cherchait les Seigneurs de la Verticalité. Et
les Free-Limbs ont acheté des informations sur ces Seigneurs. Ils
ont acheté des films aussi. Et ils ont acheté des gens qui leur ont
dit où ils avaient vu cette nana qui les cherchent.
Les
Free-Limbs ont payé des gens pour faire courir une rumeur comme quoi
un saut allait avoir lieu du haut d'un hôtel, à l'aube. Et Georgia
s'est arrangée pour être aux premières loges. À aucun moment elle
ne s'est doutée qu'il s'agissait d'un piège. Et à l'aube, ce n'est
un Seigneur qui sautait du toit de l'hôtel, c'était plutôt un
groupe armé qui lui sautait dessus.
Quand
Georgia se rend compte qu'elle est prise pour cible, il se rend vite
compte que ça va lui être très difficile de faire le poids. Elle
possède quelques grenades, mais c'est bien tout et ce serait pas
très malin, pense-t-elle, de les faire sauter ici. Sauter... Elle
venait voir un Seigneur de la Verticalité sauter... mais ce sont ces
gangers qui lui ont sauté dessus. Et la seule arme dont elle dispose
ferait sauter une partie du quartier. Malgré l'urgence, elle tente
de garder la tête froide et de réfléchir. Surtout, ne pas faire
n'importe quoi. Déjà, fuir évidemment, courir. Après, une fois
qu'elle sera en sécurité, trouver un moyen de se connecter. Là,
elle sera sur son terrain. À la vitesse de la Matrice, elle pourra
en apprendre assez pour comprendre ce qui se passe et rendre la
monnaie de leur pièce à ces types. Mais d'abord, fuir ! Et si
elle parvient à se connecter, elle pourra alors lancer un programme
« Leurre » qui les perdra un moment. Non ! Elle a
une meilleure idée. Dès lors qu'ils ne l'auront plus en visuel, ils
devront s'en remettre à leur réseau d'informateurs et à la
Matrice. Et via la Matrice, ce n'est pas un simple leurre qu'elle
peut envoyer, mais des copies d'elle-même. Ils ne sauront plus où
ils en sont.
Pas
besoin de grenades ! Sitôt qu'elle est sortie de leur champ de
vision, Georgia se connecte et lance son programme. Cette planque
n'est que provisoire, c'est évident. Mais ici, elle a quand même le
temps de se reposer un peu et de faire quelques recherches sur les
Seigneurs de la Verticalité. Elle en profite pour faire état,
anonymement, de sa mésaventure. Il est bien évident que les
Seigneurs n'apprécieront pas qu'on se soit servi de leur nom pour
monter un piège. Maintenant, elle n'a plus qu'à attendre leur
réaction. Et au pire, elle tentera de quitter la station à bord
d'une navette.
Georgia
pensait vraiment avoir trouver une bonne planque. En tout cas, elle
ne pensait pas qu'on la trouverait si vite. Mais, heureusement, cette
femme n'a rien à voir avec les Free-Limbs. En fait, elle a un marché
à lui proposer. Elle a bien compris que Georgia était en cavale et
devait se mettre au vert. Et c'est précisément ce qu'elle lui
propose, le vert. Elle peut lui faire gagner la Terre, la forêt. Là,
les Free-Limbs ne pourront rien contre elle. Évidemment, ce n'est
pas gratuit. En échange, une fois là-bas, à charge pour Georgia de
trouver ce qu'on appelle une « Station Fantôme ». Marché
conclu !
Cette
femme, Torz, a déjà tout organisé. Georgia pensait qu'une navette
était prête mais Torz a prévu un autre moyen de transport. Elle a
rendez-vous dans un petit immeuble d'un quartier modeste. C'est une
planque. Il n'y a rien pour dormir ou faire la cuisine. Aux murs et
au sol, il y a plein d'inscriptions étranges peintes en rouges. Il y
a d'épaisses tentures aux fenêtres pour empêcher la lumière
d'entrer mais surtout pour empêcher qu'on puisse voir ce qui se
passe ici. Il y a l’électricité mais la lumière n'est dispensée
que par quelques bougies. Torz n'est pas seule. Il y a une autre
femme avec elle. Elle plus âgée. Elle a un côté très masculin,
androgyne serait le terme plus approprié. Elle porte un imperméable
en cuir en dessous duquel on dirait qu'elle est nue. Sur la tête,
elle a une toque en fourrure grise. Torz la présente comme étant la
Magicienne. Elles lui expliquent que le monde n'est qu'une fréquence,
que les mondes sont des fréquences et qu'on peut sauter de l'une à
l'autre. La station, la Terre, Millevaux, ce sont des fréquences. La
Magicienne lui tend une Bille. Georgia s'inquiète mais Torz la
rassure. La Magicienne tient quand même à lui préciser que la
Terre et Millevaux ne sont pas des lieux sans dangers. Une fois
là-bas, elle a beau être du « bon côté », elle devra
faire face à bien des ennemis d'un genre bien particulier. Et elle
lui parle des Horlacanthes. Georgia ne saisit pas bien de quoi il
s'agit. Elle n'arrive pas à interpréter le regard de Trz quand la
Magicienne évoque ces Horlacanthes. Mais bon, quand faut y aller...
Elle prends la Bille que la Magicienne lui tend. Elle hésite un
instant et la Magicienne lui dit « Saute ! »
Ce
qui ressent Georgia est indescriptible mais elle se demande si ce
n'est pas cette sensation que recherchent les Seigneurs de la
Verticalité. Et quand elle se retrouve dans la forêt, sur Terre,
elle se demande si ce n'est pas cet endroit qu'ils cherchent. Mais
elle n'a pas vraiment le temps de se poser des questions. Comme l'a
laissé entendre la Magicienne, elle est attendue. Et le comité
d'accueil n'a pas vraiment l'air bien intentionné. Un couple d'être
de plus de 2 mètres de haut est là. Ils sont vêtus de cuir sur
lequel on a cousu des plaques de bois et d'acier. Ils portent chacun
une sorte de casque fait en plaque d'os qui se prolonge jusqu'aux
épaules. L'un d'eux a deux paires de bras. Georgia comprend qu'elle
va devoir courir très vite.
Ces
deux créatures sont objectivement plus fortes qu'elle. Et en plus,
elles sont sur leur terrain. Parlementer risque de ne pas la mener
très loin. Malgré tout, elle doit pouvoir trouver à se cacher dans
cette forêt, un bosquet, sous une souche, une grotte... Mais avant,
elle doit mettre de la distance. Et pour prendre un peu d'avance, une
ou deux grenades peuvent l'aider.
Le
bruit des explosions est suivi de celui d'arbres qui s'écroulent.
Elle ne prend pas la peine de se retourner pour voir ce qui s'est
réellement passé. Elle espère juste que ces deux monstres ne
pourront pas la rattraper. Elle court aussi vite et aussi longtemps
qu'elle peut et se retrouve bientôt en vue d'un bunker à l'abandon
à l'intérieur duquel elle se précipite. Elle reprend son souffle
et constate que les deux créatures ne sont pas à ses trousses.
L'espace d'un instant, elle se dit que c'est quand même une bien
étrange coïncidence que la Magicienne l'ait mise en garde contre ce
qui semblent être ces fameux Horlacanthes. Et l'expression de
Torz... Et si la Magicienne avait prévu son coup ? Et si ce
comité d'accueil était une sorte de test ? Alors, elle a dû
le passer avec succès. Elle doit être considérée comme apte à
remplir sa mission, trouver cette fichue Station Fantôme.
Est-ce
que le hasard existe vraiment ? Est-ce vraiment un hasard de me
retrouver ici, juste à côté de l'astroport ? S'il y a un
moyen de quitter cette station, c'est là qu'il se trouve ?
Après, jamais une navette ne pourra me ramener chez moi. Pour
regagner la RIM, j'ai besoin des coordonnées de mon monde d'origine,
d'un Sigil, d'une rune Hshl. Bref, j'ai besoin de trouver cet agent
de Black Rain qui soit-disant me cherche. Mais pour l'instant, la
seule personne dont je suis sûr qu'elle me cherche, c'est cette
femme, ce Horla. Et pour cause, elle est là ! Comment
m'a-t-elle trouvé ? Aucune idée. Mais il va falloir que je me
sorte de là.
Problème,
cette créature peut se rendre invisible. Problème n°2, elle peut
changer d'apparence. Et là, elle a pris... la mienne ! Ça
craint. Elle s'approche en souriant. Ce n'est pas moi. Je ne souris
jamais de cette façon. Elle me dit que je veux faire couleur locale
il va me falloir accepter quelques modifications. On fait des membres
cybernétiques de très bonnes qualités et à des prix très
abordables, il paraît. Sauf que je ne veux pas perdre mes membres,
moi ! Puis elle me parle de la nature. Elle me demande comment
on appellerait un histoire de l'écologie, un spécialiste de
l'histoire de l'écologie, de l'évolution de ce concept à travers
les âges ? Le pire, c'est qu'elle... que j'ai l'air sérieux.
Ce truc avec ma tête me dit qu'il y a longtemps, les humains avaient
commencé à développé une véritable conscience écologique,
« l'Hypothèse Gaïa » et tout ça. Et puis, il y a eu
Millevaux. Du point de certains, des survivants qui avaient pu
sauvegarder un peu de leur science et de leur technologie, trop de
nature n'était pas non plus une bonne chose. Alors, ils ont crée
ici ce paradis on ne peut plus artificiel. Mais sur Terre, la nature
a vraiment repris ses droits. Millevaux, c'est la nature indomptée
mais c'est aussi la nature généreuse. Alors, quelle est désormais
la place de Haze dans ce tableau, qu'elle me demande ? Je la
fixe avec des yeux que je n'espérais pas ouverts si grands. Ma
place, c'est dans mon appart pourri avec vue sur la Zona ! Ça
fait chier de le reconnaître mais elle est là ma place. Je dois
rentrer chez moi. Et surtout, je ne peux pas laisser ici ce truc avec
ma tête car, j'y pense soudain, si l'agent de Black Rain la trouve
en croyant me trouver... Merde ! Et elle sourit d'un air las. Je
ne peux pas seulement m'enfuir. Je dois trouver ce type et prévenir
Black Rain. Et je dois buter ce truc. Mais comment on bute ce truc ?
Certainement pas avec un flingue de merde comme le mien. Il faut
sûrement un moyen magique ou quelque chose comme ça.
ROHUM
ne pourra pas me dire comment la buter. Par contre, il peut me dire
ce qui est en train de se passer pour cet agent. Et alors, je
pourrais savoir où il est et espérer courir assez vite pour le
choper avant elle. Ça, je dois pouvoir le faire.
Je
vois une rue. Un saxophoniste joue et seuls des robots lui donne de
l'argent. Non loin, il y a des grattes-ciels, les sièges de diverses
corporations. Je mémorise le logo de Heinkel. Si je fais assez vite,
le type de Black Rain sera peut-être encore dans les parages.
Alors,
je fais un truc complètement débile. Je me fiche un énorme coup de
pied dans les couilles. Enfin, je fiche un coup de pied dans les
couilles du Horla qui a pris mon apparence. Puis, je me mets à
courir en direction du métro le plus proche. Une fois là, je
trouverai une moyen de me rendre au siège d'Heinkel.
Sauf
que ça ne se passe pas comme prévu. Le Horla est beaucoup plus
résistant que je ne le pensais et mon coup l'indiffère au plus haut
point. Et c'est le sourire aux lèvres qu'il me laisse quelques
secondes d'avance. Puis, il se met à courir !
Georgia
s'est réfugiée dans le Bunker en ruine. Il est certes probable
qu'il y ait eu ici un émetteur à une époque quelconque. Mais il
est quand même peu probable, par contre, que le hasard l'ait conduit
pile là où se trouve une de ces fameuses stations fantômes.
D'ailleurs, elle ne sait même pas à quoi ça ressemble, ni même à
quoi ça sert vraiment.
Dehors,
il pleut et il fait froid. Aussi, elle décide de rester là et de
prendre un peu de repos. Mais bientôt, du bruit venant de
l'extérieur la réveille. Elle jette un œil à l'extérieur. Il y a
du monde. Beaucoup de monde. Et ces gens sont moches. Ils sont vêtus
de guenilles ensanglantées. Certains sont gravement blessés. Ils
saignent abondamment. D'autres ont carrément un membre arraché, à
se demander comment ils font pour se tenir debout. Une silhouette
s'approche, moins mal en point mais non moins bizarre. Ce truc
ressemble à un homme mais il est couvert de boue, de touffes de
mousse et d'herbes. Il y a des plaques d'écorce un peu partout sur
son corps. Il lève la main droite et dit « Je m'appelle Roger.
Nous sommes le Thanatrauma. Le Thanatrauma a une question pour toi.
Sais-tu vraiment ce que tu fais ici ? Ta quête est-elle juste ?
Aides-tu les bonnes personnes ? Ne devrais-tu pas plutôt
l'aider, lui ? »
Alors,
Georgia a une vision de la station. Un type est en train de courir.
Derrière lui, lui-même ! Il se court après ! Celui qui
fuit a l'air vraiment paniqué. L'autre, il y a quelque chose de
carnassier dans son regard et son sourire.
Elle
est de nouveau dans le bunker. Roger suit du regard un insecte qui
virevolte autour de lui. Il dit « La Mouche est ton amie, dit
le Thanatrauma. Es-tu toujours déterminée à trouver cette station
fantôme ? »
Oh
oui ! Georgia est plus déterminée que jamais à la trouver
cette station fantôme car elle est convaincue que là est sa porte
de sortie. Cette station lui permettra de couper définitivement les
ponts avec ses ex-employeurs. D'ailleurs, c'est déjà le cas, non !
Avoir mis le doigt dans cet engrenage, avoir pris la Bille, cela a
fait d'elle le pion dans un jeu d'une tout autre envergure. Elle
navigue maintenant dans des sphères que même ses anciens patrons ne
peuvent pas atteindre. Alors oui, elle va la trouver cette fichue
station...
« …
dans cette vie ou dans une autre... » dit Roger alors qu'une
première vagues de morts-vivants s'approche du bunker.
Je
suis perdu ! Il y a une chance infinitésimale que j'arrive à
trouver l'agent de Black Rain qui me cherche également. Il y a
quelques instants, il était non loin du siège de la corporation
Heinkel en train d'écouter un gars jouer de la musique. Ça aurait
pu marcher, sauf que j'ai un Horla aux fesses et qu'il a décidé de
jouer au chat et à la souris avec moi.
Je
cours à en perdre haleine. Je passe devant une vitrine. L'espace
d'un instant, mon regard se fixe sur un chien empaillé. Le truc a
six pattes ! Mais, dans le reflet de la vitrine, je vois un
avion se crasher contre un immeuble. L'immeuble n'a rien. L'avion
s'écroule. Je tourne la tête. Rien, à part moi-même hilare. Ce
horla se fiche de moi. Il veut me rendre barjo avant de m'achever ou
quoi ?
« La
forêt a plusieurs visages et plusieurs voix. Ne crois pas pouvoir y
échapper... »
Je
vais quand même essayer d'y échapper. Ça m'embête pour ce type
car, si je le trouve, il sera lui aussi la cible du Horla mais bon...
J'atteins
enfin le métro. Sur un plan, je localise le building Heinkel. Avec
un peu de chance, ce type est toujours dans les parages. Et avec
encore plus de bol, le Horla ne m'aura pas suivi. Je sors du métro
et cherche le musicien. Il est encore là ! Et maintenant,
l'agent de Black Rain, où il est ? Il y a foule ici. Comment
savoir ? Est-il seulement toujours là ?
Je
me rappelle ce souvenir bizarre à propos de l'hôtel. C'était juste
avant de me retrouver près de l'astroport. C'était pas vraiment un
souvenir. C'était plus comme un passage qu'on aurait voulu effacer
et réécrire sauf que... on l'aurait pas bien effacé. Il y avait un
flyer avec le nom de l'hôtel. Le flyer a disparu évidemment mais...
je me rappelle de l'endroit. Je me remets à courir et cherche une
nouvelle entrée de métro.
Une
fois dehors, je fonce jusqu'à cet hôtel. Une femme d'un certain âge
est à l'accueil. Je ne lui laisse pas le temps de me demander quoi
que ce soit et monte jusqu'à la chambre avec la porte sans serrure.
Derrière la porte, je m'attends à trouver une femme dont les ongles
sont des mini écrans vidéos projetant des images de début ou de
fin du monde. Je m'attends à trouver le Relais. Et je tombe sur...
« Louis-Marie,
enchanté. J'avoue que je commençais à désespérer de te mettre la
main dessus. Heureusement que ces types bizarres m'ont aidé. »
Et
là, point de Relais ! Je ne les avais pas vu en entrant mais,
dans un coin de la pièce, se trouvent trois morts-vivants. Pas comme
ceux qui s'échappent parfois du tas de merde des Cafards. Non, là
ce sont des vrais zombies de film d'horreur. Avec des membres en
moins, la peau déchirée, les organes internes tout dehors et du
sang partout. Et avec eu, il y a ce type. Enfin, pas tout à fait un
type. C'est une espèce de tas de boue et d'écorce à l'air humain.
« Je
suis Roger. Nous sommes le Thanatrauma. Tu veux rentrer chez toi
Damon Haze. Le Thanatrauma veut trouver la Station Fantôme. Tu veux
aussi la trouver. Trouves-là et le Thanatrauma te renverra chez
toi. »
Ce
truc pue le Horla et Millevaux à des kilomètres. Évidemment que
nous voulons tous els deux mettre la main sur la Station Fantôme
mais comment peut-il penser une minute que je vais la lui remettre ou
lui donner quelque information que ce soit à son sujet ? Est-il
à ce point convaincu qu'il n'y a que lui qui puisse me ramener chez
moi ? C'est dingue ! Après tout, ce Louis-Marie appartient
à Black Rain et il a les coordonnées de mon monde d'origine. Avec
un peu de chance, il les connaît déjà et je n'ai même pas besoin
de me rendre dans les locaux de Black Rain. L'autre Horla a dit que
la forêt a plusieurs visages et plusieurs voix. Mais ces voix sont
elles finalement toute accordées entre elles. J'ai un doute. Et si
je pouvais faire confiance à ce Roger ?
Je
lui demande ce qu'il a à me proposer et... il me tend une Noix.
Je
jette un œil dans la direction de Louis-Marie. Il tente de faire
bonne figure mais je le sens débordé par la situation. Je réfléchis
et le Horla patiente, la main tendue avec la Noix dedans. Je sens que
je ne suis pas près de rentrer de chez moi mais... je prends la
Noix.
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