MILLEVAUX de la CRASSE /
la CRASSE de MILLEVAUX
Cette partie a été joué avec Grey Cells pour la création du personnage dans ses aspects techniques. Elle contient des références à la Trilogie de la Crasse, Millevaux et la République Indépendante de Mertvecgorod qui lui serviront de cadre. Elle prend entre autres points de départ un texte d'Anton Vandeberg (dispo sur sa page Facebook avec plein d'autres que je m'apprête à piller joyeusement ^^). Et enfin, ce petit scénario d'introduction a été joué avec Pour la Reine (un grand merci à Matthieu Bé donc ^^).
Je m'appelle Damon Haze.
Je suis âgé de... on s'en fout complètement en vérité. Et je
ressemble à ? A rien. Comme en vrai. Pourquoi « comme en
vrai » ? Parce que rien n'est vrai, donc tout est permis,
isn't it ?
Non, ce qui importe de
savoir, c'est que je suis un Éveillé, une Mouche au service de
Black Rain. Et là, vous vous dîtes que je suis fou. Pas vrai,
docteur ? Et vous avez raison. Je suis fou. Pourquoi ?
Je suis fou parce que je
sais que rien de tout cela n'est réel. Et pourtant, j'y crois !
Ce n'est qu'une fiction. C'est un jeu. Un jeu de dupe. Un jeu de
rôle. C'est parce que rien n'est vrai que tout est permis. Rien de
tout cela n'existe vraiment. Je le sais. Mais je fais le choix aussi
conscient et aussi volontaire que possible pour un simple avatar, le
simple être de fiction que je suis, oui ! Je fais le choix de
croire que tout cela est vrai. Je choisis de croire que je suis un
agent de Black Rain, un Éveillé explorant le multivers à la
recherche d'indice au sujet de la mort de l'Hommonde. Mais ce n'est
pas tout. Je travaille aussi sur cette nouvelle forme de l'Entropie
nommée Millevaux, cette forêt maudite, cette bulle de pourriture
née sous le derme pourrissant de l'Hommonde qui éclate en bulle
putrescente et répand sa pestilence dans tout le multivers, hâtant
sa décomposition. La Pluie Noire et les agents de l'Entropie.
Millevaux et ses Horlas et ses Coelacanthes. Le meurtre de
l'Hommonde. Je fais le choix de croire que tout ça a un sens, que
tout ça a une quelconque réalité. Je choisis de jouer le jeu.
J'accepte ces données. Je sais que je ne suis pas celui que je
prétends être. Je sais que tout est faux, docteur. Ce n'est pas la
peine d'essayer de m'en convaincre. Mais j'ai choisi d'y croire.
Alors, je vais jouer.
Et comment je sais que
tout cela est faux, que tout cela n'est qu'une fiction ? Parce
que je suis un avatar du Joueur. Je suis son personnage, un peu plus
qu'une marionnette. Ou un peu moins puisque je n'existe même pas
sous la forme d'un bout de bois. Je le sais parce que, en tant que
personnage de ce jeu, je... je ne le vois pas, non, c'est lui qui me
voit mais... je sais que le Joueur est assis face à son PC. Je sais
que son bureau est rempli de papiers, de fiches de personnage, une
fiche surtout ! La mienne ! Je sais même, sans le voir car
ce n'est pas moi mais le Joueur qui le voit, qu'il y a cet exemplaire
de la Trilogie de la Crasse à gauche de l'écran. Je sais même
qu'il y a une clé USB blanche et rouge fichée dans le port du PC.
Et comment je sais que
tout cela est faux, que tout cela n'est qu'une fiction ? Mais
docteur, parce que le pays même où je vis n'existe pas ! La
République Indépendante de Mertvecgorod n'existe pas en réalité.
C'est une fiction. Une fiction littéraire qui n'existe même pas
encore sous forme de livre imprimé ! La sortie n'est prévue
qu'en 2020 ! Vous vous rendez compte, docteur ? Je sais
tout ça ! Mais je choisis de considérer que c'est réel car je
veux jouer. Je veux percer les mystères du meurtre de l'Hommonde. Je
veux percer les secrets de cette forme d'Entropie corruptrice qu'est
cette forêt de Millevaux.
Mais franchement, même
vous docteur, comment pouvez-vous prétendre être réel ?
Regardez-vous ! Avec vos... tentacules sur le crane ! Vos
yeux de camé...-léon ! Vous ne portez même pas de vêtements !
Vous êtes à poil docteur ! Bon, je sais que cette expression
n'est pas trop le bien venue pour un être reptilien mais... Vous
êtes à poil docteur ! À poil et à vapeur, même... si je
puis me permettre. Bref...
Je suis Damon Haze et je
suis une Mouche. Le reste... on s'en fout !
Docteur, même les rêves
que je vous raconte ne sont pas réels. Ce ne sont pas les miens. Ce
sont ceux d'un écrivain, Anton Vandenberg. Tenez, avant de partir,
écoutez celui-là :
« En voyage avec
ma compagne R.
Quelque chose est sur le
point de se terminer.
Nous quittons la chambre
d’hôtel le cœur serré.
Au-dessus de nous, le
ciel est lourd et plombé.
On monte dans la voiture
sans rien dire. Pas besoin : on sait où on doit aller.
On roule pendant un long
moment sur une route de campagne.
À perte de vue, une
immense forêt. Qui défile.
Impression persistante
de circuler le long d’une interminable balafre infligée par
l’homme à la nature.
Après plusieurs heures
de trajet, nous atteignons la frontière.
Devant nous, l’Estonie.
Ma compagne gare la
voiture sur un parking jonché de mégots et de bouteilles de bière
vides puis coupe le moteur.
Au moment où on ouvre
les portières, un cri atroce retentit de l’autre côté de la
frontière.
Un cri de hyène.
Tu es toujours sûre ?
je demande à R.
Allons boire un verre,
répond-elle en désignant le bar miteux situé juste à côté du
poste de douane.
Deux types énormes,
massifs, sont attablés près de l’entrée.
L’un nous tourne le
dos ; il arbore une queue de cheval aussi huilée que son Perfecto
orné d’une tête de mort.
L’autre ressemble à
un skin, ou un biker – ou un mélange des deux.
Regards croisés façon
Western de série B et grand silence avec bruit de mouches violées.
On ressort du bar et on
retourne à la voiture. Demi-tour.
On est tranquilles nulle
part, dit l’un de nous deux au bout d’un quart d’heure.
Dès notre arrivée à
l’hôtel, on s’aperçoit que notre chambre a été faite.
Manifestement, elle est
même déjà relouée, car toutes nos affaires ont été balancées
dehors en vrac.
Qu’est-ce qu’on fait
de ça ? demande ma compagne.
« Ҫa », ce sont deux
énormes peluches, grandes comme un enfant de six ou sept ans.
Un ours blanc et une
lionne.
On ne peut pas les
prendre, je réponds. Pas de place.
Ҫa fait un bail qu’il
n’y a plus de place nulle part pour les peluches.
Aucun de nous n’est
dupe, mais elle n’insiste pas.
On entasse vite fait
quelques fringues dans nos sacs, puis on remonte dans la voiture.
R. démarre, les
mâchoires serrées.
Je ne sais pas où on
va.
Je n’ai pas envie de
le savoir. »
Alors, docteur, vous en
pensez quoi ? Vous savez quoi ? En vrai, je sais où on va.
On rentre à la RIM. Je la ramène. Je ramène R. Elle, elle ne le
sait pas. La pauvre. J'aimerais pas être à sa place. Je crois que
je l'aime.
On nous dit pas grand
chose à Black Rain. C'est, parait-il, pour qu'on puisse avoir un
regard neuf sur les faits. Nos chefs se chargent ensuite de faire des
recoupements et de tirer des conclusions dont on ne sait jamais rien.
Et là, je ne sais pas pourquoi on m'a demandé de ramener R. à la
RIM. R. ne fait pas partie de Black Rain. Elle n'est ni une Mouche ni
même une sensitive. Je l'aurais vu dans ce cas. Elle ne sait rien du
meurtre de l'Hommonde, du multivers et de l'Entropie. R. est une
actrice. Dans l'industrie du divertissement pour adulte, certes, mais
une actrice quand même et... je crois que je l'aime. Est-ce pour ça
qu'on m'a demandé de la ramener ? Ou alors est-ce pour ça que
ces deux mastards de Black Rain (oui, je sais qu'ils en sont) étaient
au bar ? Ils nous surveillaient. Ils me surveillaient. Est-ce
une épreuve, un test de loyauté ? Mais oui, je vais la
ramener. Et elle le sait...
Je n'ai eu droit à ce
qu'on appelle dans le jargon « une rendez-vous privé »
qu'une seule fois avec la Reine R. Mais je n'en garde pas un très
bon souvenir car je dois reconnaître que je n'ai pas été à la
hauteur. Timidité ? Ouais, peut-être... Je ne sais pas. J'ai
fait le job, on va dire mais... ce n'était pas inoubliable et
j'aurais même finalement préféré l'oublier.
Pourquoi je l'aime ?
Pourquoi j'aime R. Je ne sais pas. Rien ne devrait me détourner de
ma tâche, ma véritable Reine, les Trois Mouches et ma mission.
Pourtant, R. me touche. Je n'aime pas son métier mais... je crois
que j'éprouve de la compassion. Je connais un peu son passé. Je
sais comment elle en est arrivée là. Elle ne se plaint pas. Elle
aussi elle fait son job. Mais je sais et j'aurais aimé que les
choses soient différentes pour elle. Si je devait dans le mélo, je
dirais que j'aime son drame. Alors c'est pour ça que je l'aime, que
je veille sur elle autant que possible. J'aimerais faire plus. Mais
là... j'avoue être un peu coincé.
Je suis emmerdé par
cette mission. Je sais que ça ne va pas bien finir pour elle. Elle
le sait aussi. Je crois qu'elle sait que je l'aime. Et je crois
qu'elle comprend que je n'ai pas d'autre choix de l'escorter jusqu'à
la RIM. J'essaye de ne pas en faire des caisses, de rester sobre et
efficace. Et je crois qu'elle apprécie.
Pourtant, je pourrais
lui en vouloir. L'autre soir, on était encore loin de la frontière,
on s'était arrêté dans un petit resto italien. On avait commandé
des pâtes et plusieurs bouteilles de vin. Et elle a eu l'alcool
amer. Elle a dit des choses. C'était blessant. Pas gratuit, mérité
même, mais blessant. Le lendemain, elle a dit ne se rappelait de
rien, qu'elle était bourrée. Mais elle s'est excusée quand même.
C'est elle qui conduit.
Elle a insisté. À tout moment, elle pourrait faire demi-tour,
changer de route. Le temps que je reprenne le contrôle de la
situation et du véhicule... elle nous aurait peut-être planté
contre un platane et ce serait certainement aussi bien pour elle. Et
même pour moi... Remarque, moi je m'en fous. Si je meurs, le Joueur
me fera renaître sous une autre forme. Un autre Haze, une autre
Mouche... ou un Cafard, va savoir.
Mais elle va tout droit.
Elle ne dévie pas de la route. Et moi, quand même, alors que je
regarde défiler le paysage, j'ai la main dans la poche, serrée sur
la crosse de ce flingue dont je ne sais pas s'il va me servir à la
protéger contre dieu sait qui ou à lui tirer une balle dans le dos
si, finalement, il lui prenait l'envie de s'enfuir.
Mais je ne pense pas
qu'elle s'enfuira. Elle a tout de suite compris quand elle m'a vu
débarqué. Elle a promis de me suivre sans faire d'histoire. Je la
crois.
La RIM... Je ne sais pas
quoi penser de ce pays. Je ne sais pas pourquoi le Joueur a choisi de
me balancer là. Au moins, il aurait pu me trouver un loft luxueux de
l'Ultra-Marin et au lieu de ça je me retrouve dans un studio
dégueulasse au Xème étage d'un immeuble déglingo dans un Rajon
pourri. Non, c'est pas juste...
En vrai, je sais
pourquoi j'ai atterri là. C'est parce que ce pays est un concentré
de merde. Parce qu'il y a là la plus grande décharge de toute
l'Europe, voire du monde et que tout ce que la planète compte de
dégueulasse finit par y arriver, exactement de la même façon que
tout ce qui crève et qui est dégueulasse finit sur le tas de merde
des Cafards. La RIM est un formidable terrain de jeu pour les
Cafards, mais pour les autres aussi, les Soars notamment. Comme le
dit la chanson « Tout ce que la ville comptait de sportif et de
sain c'était donné rendez-vous là... » Aussi, je devais
forcément y être. Au plus près de la merde !
Un jour, après des
heures à rouler en silence, elle a demandé « Pourquoi moi ? »
En fait, elle ne me demandait pas pourquoi cette merde lui tomber
dessus à elle mais pourquoi on m'avait demandé à moi de le faire.
Que pouvais-je faire que personne d'autre ne pouvait faire ?
« Allez au bout » je lui ai dit. Elle ne comprenait pas.
Alors je lui ai expliqué. Je lui ai dit que j'étais fou parce que
je pensais ne pas être réel, parce que je pensais que rien n'était
vrai et que tout ça n'était qu'un jeu et que c'est pour ça que,
même si je l'aimais, j'irais au bout car... le Joueur joue pour
jouer et il veut connaître la fin de la partie. Un autre aurait pu
renoncer, se laisser attendrir, vouloir s'enfuir. Mais pas moi car le
Joueur veut connaître la fin de l'histoire. « Mais nous enfuir
et vivre heureux, c'est une fin de l'histoire. Ton Joueur ne veut pas
la connaître ? » elle a dit. « Le Joueur s'en fout
de cette histoire. Ce qu'il veut connaître, c'est l'assassin de
l'Hommonde. Il veut percer les mystères de l'Entropie et de
Millevaux. Nous devons rentrer à la RIM. » j'ai dit. Elle
s'est tue.
R. m'aime bien. Et
parfois, elle m'aime plus que je ne m'aime moi-même. Je le lis dans
ses yeux et je lui souris et elle change de regard.
Un matin, je ne sais pas
pourquoi, R. s'est mise à me poser des questions. Elle voulait
savoir si j'avais été marié, si j'avais des gosses quelque part.
Peut-être, je lui ai dit. Techniquement, j'ai fait ce qu'il faut
pour en avoir mais je ne suis pas resté pour savoir ce que ça avait
donné. Peut-être qu'un jour on toquera à ma porte et qu'on
m'appellera papa. Ça l'a fait rire. Et peut-être même que je suis
ton père. Après tout, on sait pas. Elle n'a pas ri.
Ça y est, nous avons
passé la frontière. Nous sommes rentrés à la RIM. Je sens qu'elle
ne l'a pas fait consciemment mais elle a ralenti. Moi, j'ai raffermi
ma prise sur la crosse de mon flingue, au cas où. Nous rentrons dans
la capitale. Je lui indique les rues, où tourner et tout. Elle
s'exécute. C'est le mot. Elle va certainement mourir effectivement.
Et prendre très cher avant.
Nous arrivons. Une
caisse de luxe aux vitres teintées est déjà là. Elle détonne
dans ce décor de décharge publique. Je lui dis d'arrêter le
véhicule mais de laisser tourner le moteur. Je ne sais pas pourquoi
je lui demande ça. Ça pose une ambiance, un peu comme dans un film
policier ou d'espionnage. Ça donne l'impression qu'il va peut-être
falloir filer en vitesse, qu'elle sera peut-être sauvée au dernier
moment.
Nous sortons de la
bagnole. On s'approche de la caisse aux vitres noires. Le chauffeur,
un type énorme, vient à notre rencontre. Il se fige et nous toise
du regard. Il fait un signe de tête et je demande doucement à R.
d'avancer. Elle s'exécute. J'ai les mains moites. Le type ma saisit
par le bras sans aucune délicatesse. Je ne bouge pas. Il la traîne
jusqu'à sa bagnole. Il ouvre la portière arrière et la jette à
l'intérieur. Je distingue une silhouette massive. C'est un Soar,
hein ? ROHUM me dit que oui.
Je n'attends pas qu'il
se tire. Je me retourne et monte dans la bagnole. Le moteur tourne
toujours. Je réfléchis quelques instants. Black Rain a forcément
une bonne raison. Forcément. Mais là, je vois pas laquelle.
Je desserre le frein à
main, enclenche la 1ère vitesse et retourne dans mon rajon
dégueulasse. Je crois savoir pourquoi le Joueur a choisi ce studio
pourri plutôt qu'un loft luxueux. C'est parce que je suis une
Mouche, une Mouche à merde... une mouche de merde... et un Cafard ?
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