Crasse & Millevaux I
Cette partie a été joué avec les règles de Grey Cells dans un univers mélangeant La Trilogie de la Crasse, Millevaux et la République Indépendante de Mertvecgorod.
Le Rêve d'Anton est un texte d'Anton Vandenberg disponible, avec plein d'autres que je n'exclues pas de repiquer sans aucun scrupule ^^, sur sa page Facebook.
J'ai aussi joué un passage avec les règles de Bois-Saule, le jeu de rôle en solo dans l'univers de Millevaux crée par Thomas Munier.
Le cycle de Mantorok est celui décrit dans le jeu vidéo Eternal Darkness parut il y a bien longtemps maintenant sur Gamecube ^^
« Je suis embêté
docteur. Black Rain m'a refilé une mission bizarre et je ne
comprends pas trop pourquoi. Je ne sais pas si vous vous rappelez
cette affaire du 10ème Rajon en 2011. Ouais, ça date. Et si vous ne
vous souvenez de rien, c'est normal. Ce n'est pas que l'affaire a été
étouffé. On ne sait pas trop en fait. Elle est juste tombée dans
l'oubli, réduite à l'état de mème viral dans les profondeurs du
web.
Bref, pour la faire
courte, une bande de jeunes avaient kidnappé des gamins en bas âge.
Ils les avaient retenu prisonniers dans un appart sordide. Ils les
avaient torturés et finis par les abattre. Mais c'est pas le plus
important. Le plus important, ou plutôt ce qui intéresse Black
Rain, c'est que ces jeunes se sont suicidés en utilisant une
technologie venue d'on ne sait où pour se connecter à leurs
victimes et ressentir ce qu'ils étaient en train de leur infliger.
Je sais pas si je suis
clair docteur. Ces jeunes s'étaient connectés à leurs victimes
pour ressentir les tortures qu'ils leur infligeaient et en mourir
avec eux. Sauf que Black Rain veut savoir qui leur a fourni cette
technologie. Et moi, ce que je voudrais savoir, c'est pourquoi Black
Rain ne s'y intéresse que maintenant !
Et puis, comment ça se
fait que cette affaire est tombée aussi vite dans l'oubli pour
devenir une sorte de légendes urbaines ? Est-ce le fait des
pourvoyeurs de cette technologie ? Black rain ne m'a rien dit
mais je pense qu'ils pensent que ce sont des gars d'un autre monde
qui ont fourgué leur matos à ces jeunes pour le tester en situation
réelle. Et une fois le test concluant, ils ont fait en sorte
d'effacer toutes traces mais... On est là !
L'autre problème, c'est
que je n'ai aucune piste. Le journaliste qui avait rapporté
l'affaire à l'époque est tellement introuvable que je ne suis même
pas parvenu à savoir s'il était encore en vie. Ma seule piste,
c'est ce rêve, docteur... »
À moto. Je conduis.
J’ai un passager. Un militaire.
Il arbore des dizaines
de décorations – et une énorme moustache.
On dirait un sapin de
Noël – ou une drag-queen.
Il s’accroche à moi,
les mains plaquées sur mes hanches.
Alles unter Kontrolle,
je lui dis.
Quoi ? il gueule en
commençant à gesticuler.
Tout est sous contrôle,
je répète.
Aussitôt, le type se
calme.
On attaque une descente.
Quasiment à pic.
Ҫa va très très vite.
Plus de 250 km/h.
Je suis serein. Alles
unter Kontrolle.
J’enchaîne avec un
virage. Je décélère à peine.
Je ne sens plus les
mains du militaire autour de ma taille.
Une ville se profile. Je
ralentis – un peu.
J’aperçois une
épicerie à l’angle d’une rue en pente.
L’endroit me rappelle
quelque chose.
Sur la vitrine est écrit
le mot « Delikatessen », en lettres gothiques.
Je coupe le moteur, et
me gare devant la boutique.
En descendant de la
moto, je réalise que le militaire a disparu.
En revanche, ma compagne
est à mes côtés, comme sortie de nulle part.
Quatre personnes sont
allongées sur les marches à côté de l’épicerie.
Trois filles et un
garçon. Je les reconnais.
Je me dirige vers eux.
On commence à discuter.
Je leur demande des
nouvelles du quartier.
Alors, quoi de neuf,
depuis que je suis parti ? ce genre de connerie.
Les trois filles
m’envoient un regard vitreux, comme si elles ne m’avaient jamais
vu.
Le gars, en revanche, a
les yeux qui pétillent.
Ils n’ont pas dû
prendre les mêmes drogues.
Ils commencent à se
dessaper.
Deux des filles
s’embrassent ; la troisième se caresse.
J’ai l’impression
qu’on est là depuis des heures.
Comme si la scène se
déroulait au ralenti.
Soudain, ma compagne
brise le silence.
On va peut-être y
aller, mon amour ? elle demande.
Tu sais que Caspar
rentre le 29 ; on pourrait aller le voir.
Bonne idée, ma belle,
je lui réponds.
On est le 26 et je ne
connais aucun Caspar.
Tout ça est absurde et
j’en ai conscience, mais on s’en fout.
On s’éloigne. Les
quatre ne nous calculent pas.
Ils ont déjà commencé
à se mélanger.
On n’existe plus pour
eux.
Peut-être même qu’on
n’existe plus du tout.
Je ne connais aucun
Caspar, docteur. Et on est le 26. Alors, je fais quoi ?
Une fois dehors, je
constate que mon humeur est maussade. Tout l'inverse du temps.
Dommage, ou pas. Je ne sais pas. Mais je n'ai pas l'occasion de
rester très longtemps perdu dans mes pensées car je suis... suivi !
Et elle est plutôt pas mal foutue. Ce n'est pas la « compagne »
de mon rêve, enfin... du rêve d'Anton puisque mes rêves sont en
réalité les siens !, mais elle lui ressemble. Il ne lui manque
que le sourire...
Je fais encore quelques
pas et me retourne brusquement. Je mets en évidence le poing que je
serres dans ma poche pour qu'elle comprenne que je suis armé. C'est
pas du bluff. Je suis vraiment armé. Mais je vais pas sortir mon
flingue en pleine rue quand même.
« C'est à quel
sujet ?
J'ai le cœur brisé.
Pas par moi. En quoi ça
me concerne ?
Vous aimez les motos ?
Hein ?
Vous aimez les mots ?
Les mots ou les motos ?
Les mots !
Je... euh... oui... Au
fait, vous êtes ?
Bourgeon, Lyre,
Histoire. »
Et elle s'éloigne à
reculons. L'espace d'un instant, j'ai envie de la retenir. J'ai envie
de la saisir violemment par le bras, la traîner jusque dans mon
studio miteux pour l'attacher à une chaise et lui faire avouer tout
ce qu'elle sait. Mais quelque chose en moi me dit que sa mission est
terminée et qu'en vérité elle n'en sait pas plus. Appartient-elle
à Black Rain ? Est-elle en mission pour une autre
organisation ? Est-ce juste une pute à qui on a donné quelques
₱ juste pour m'accoster et prononcer
ces trois mots ?
J'ai envie de pisser et
de boire un café. Je ne peux pas faire les deux en même temps. Je
vais d'abord pisser. Ça m'aidera à réfléchir car, pour l'instant,
je ne pense qu'aux initiales que forment ces trois mots et ça donne
BHL et c'est juste insupportable !
A la fenêtre de mon
studio avec vue sur la Zona, je remplis de café la vessie que je
viens de vider. Et je réfléchis à ce qu'a dit cette femme. Motos
et mots ? Ai-je mal entendu ou cela a-t-il du sens ? Si
j'aime les mots... les motos... et si je chevauchais les mots comme
une moto. Ou si je m'en servais pour voyager à... 250 km/h. Les mots
sont un moyen de locomotion mais pour aller où ? Dans d'autres
mondes ? Lyre ? Un instrument de musique. L'ire, la colère.
Lire... des mots, des Histoires. Et le bourgeons ? La feuille ou
la fleur en devenir... Un végétal en tout cas. Cela me fait penser
à Millevaux, la Forêt Maudite, la Forêt Verticale, le
Titan-Millevaux à la fois avatar et domaine de Shub-Niggurath, la
maladie, le vecteur de l'Entropie.
Les mots sont mes alliés
dans cette histoire. Ils vont me faire voyager à plus de 250 km/h et
me permettre de vaincre la menace végétale ! Les mots comme
moyen de locomotion... Un rituel ? De la magie ? Un voyage
astral ? Si pour résoudre cette affaire je dois aller dans un
autre monde, soit je dois en trouver les coordonnées dans les
dossiers de Black Rain, soit je dois trouver une rune Hshl et un
passage y menant. Mais comment savoir de quel monde chercher les
coordonnées ? Millevaux, c'est bien beau, mais cette peste a
déjà contaminé tant de mondes. Lequel est celui que je cherche ?
Le Voyeur ! C'est à
lui que je dois m'adresser. Son vrai nom, c'est Angel Corso. Il est
médecin légiste pour Black Rain mais pas que... Il est aussi mort
et... vivant. Et il a passé pas mal de temps à charrier des ordures
sur le tas de merdes des Cafards. Là, il a appris des trucs.
Notamment des trucs concernant le mythe de Mantorok.
Ce mythe veut que trois
entités – auxquelles correspondraient trois univers reflets les
uns des autres – s'affrontent sous l'arbitrage de Mantorok, le
Gardien. Ces 3 entités doivent finir par s’entre-tuer. Cela
suppose soit une fusion des trois univers dans une sorte de paradis
retrouvé sous la houlette de Mantorok, soit la destruction de tous
les univers. Les trois divinités auraient enchaîné Mantorok pour
pouvoir se faire la guerre. Il s'agirait de Chattur'Gha, symbole de
la force brute, Ulyaoth, symbole de la magie et de la spiritualité,
et de Xel'lolath, la folie.
Il existe des runes qui,
selon la façon dont on les combine, permettent de faire des
choses... magiques. Et Corso en possède quelques unes lui permettant
d'invoquer une espèce de petit scorpion à trois pattes. Ce petit
monstre n'est visiblement pas fait pour vivre chez nous car il
explose généralement au bout de quelques instants. Mais, tout ce
qui est pris dans l'aire d'explosion se retrouve téléporté pour un
temps dans ce que Corso a appelé la Dimension du Voyeur. Il décrit
ça comme une espèce de dimension intermédiaire entre d'autres
dimensions. Vous voyez ces châteaux avec tout un réseau de couloirs
secrets permettant d'espionner les gens à travers un miroir sans
tain ou une peinture percée. La Dimension du Voyeur, c'est ça. Ça
permet de voir les autres dimensions, de les espionner.
Avec l'aide de Corso, je
devrais pouvoir trouver dans quel monde je dois me rendre pour en
savoir plus. Par contre, je ne dois pas traîner. On est le 26 et
Caspar arrive le 29 !
On est sensé être le
27 mais là... je n'ai aucune idée de où et quand je suis. Corso a
utilisé ses runes. Le petit scorpion à trois pattes est apparu et à
exploser au bout de quelques instants. Je me suis retrouvé dans
l'aire d'explosion puis... ici, dans le noir et le blanc.
Une chansonnette se fait
entendre. Je ne sais pas d'où elle vient. Je suis seul ici. Mais je
me rappelle que les mots sont mes amis, mon véhicule.
« Je suis censé
l'aimer ?
Celui-là serait mon ami ?
J'exercerais la profession
de médecin ?
Impossible !
Qui a falsifié mon
journal intime ? »
Un ami ? S'agit-il
de Corso ? Est-ce que je l'aime ? Oui... enfin, dans les
limites du raisonnable. Est-ce à dire que je dois lui faire
confiance ? Mais je lui fais déjà confiance. Est-ce une mise
en garde ? Va-t-il m'arriver quelque chose ici qui pourrait me
faire douter, me faire penser qu'il m'a tendu un piège ? Et
puis quoi ? Moi, médecin ? Non ! Je ne suis pas
médecin. Je consulte oui mais... à moins que... ma mission ferait
de moi un médecin. Résoudre cette énigme guérirait quelqu'un ou
quelque chose ? Et pourquoi parler de mon journal intime ?
Je ne tiens pas de journal intime ! Mais un tel journal, c'est
une mémoire, non ? Qui a falsifié ma mémoire ? On a
falsifié ma mémoire ? Je ne m'en rappelle pas. Devrais-je
tenir un journal ?
La chansonnette
s'éteint. Je quitte mes pensées et regarde autour de moi. Les
couleurs sont étranges, essentiellement du noir et du blanc. Si j'en
crois les nuances, c'est le crépuscule... ou l'aube. Mais tout est
inversé, comme en négatif. Il fait chaud mais c'est une chaleur
étrange, bizarre. Étouffante mais pas désagréable. Un craquement
retentit et il se met à pleuvoir. Une pluie noire. Là, j'ai peur.
Ce monde est-il souillé par l'Entropie ? C'est alors que je
prends conscience que je me trouve dans une forêt, où toutes les
couleurs sont des nuances de noir et blanc inversées. La Dimension
du Voyeur serait une sorte de négatif du notre, ou d'un autre ?
Lequel ? Un monde rongé par l'Entropie ? Corso ne m'avait
pas prévenu. Pourtant, il semblerait que je doive continuer à lui
faire confiance.
Je respire un grand coup
et fait un premier pas. Je ne sais pas pourquoi mais l'espace d'un
instant j'ai eu peur de ne pas pouvoir bouger, d'être paralysé et
de me briser les os en voulant esquisser le moindre mouvement. D'où
me vient cette appréhension ? « Qui a falsifié mon
journal intime ? »
J'avance entre les
troncs d'arbres. J'explore ce monde végétal. Cette forêt. Et je
pense à Millevaux. Le bourgeon, la végétation qui se développe,
grandit et envahit tout comme elle a envahi les ruines que j'aperçois
maintenant. Ces pans de murs sont d'un blanc éclatant. Il reste
encore quelques grilles faisant penser que cet endroit a pu être une
prison. Est-ce dans l'une des cellules que je trouverais ce que je
cherche, une fenêtre vers le monde d'où provient cette technologie
que veut récupérer Black Rain ? Non ! Pas une cellule, le
poste de surveillance ! Dans une prison, il y a un poste de
surveillance, un endroit avec des écrans permettant de tout voir !
C'est là que je dois me rendre. Cet endroit existe encore. Je le
sens. Et même si de toute évidence plus rien ne fonctionne ici, je
trouverai la réponse à ma question. J'ai confiance en Corso. S'il
m'affirme que je trouverai une fenêtre vers un autre monde dans
cette Dimension du Voyeur, c'est que c'est vrai !
J'erre dans ces ruines
beaucoup moins longtemps que je ne le craignais. Je trouve ce qui a
été un poste de contrôle. Il y a plusieurs écrans de
surveillance, tous brisés. Rien ne laisse penser qu'il y a la
moindre chance de les faire fonctionner. Pourtant, du fond de ma
mémoire falsifiée (pourquoi en suis-je à ce point convaincu ?)
je sais qu'il y a un moyen de voir à travers ces éclats de verre
brisé. Mais, je sais aussi que je dois faire marche arrière. La
solution est là, sous mes yeux, presque. Mais nous ne sommes pas
encore le 29 ! Je pourrais invoquer les Yeux, le Kraken ou la
Feuille mais ce n'est pas le moment. Je suis venu chercher une
fenêtre vers un autre monde mais c'est autre chose que je vais
ramener avec moi. Je vais ramener cette démangeaison. Ce truc qui me
gratte au niveau du bras. Cette... moisissure, ce champignon brun et
bleuâtre qui s'est taillé la route sous ma peau. Il bouge, il se
développe, il grandit. Il bourgeonne... et forme un mot.
« Crépuscule ! »
C'est le crépuscule,
déjà ? Une nuit et une journée entière se seraient donc
écoulées ? Peut-être... et je dois rentrer maintenant.
Et je me retrouve à mon
point de départ. Corso est à côté de moi. Je ne saisi pas
l'expression de son visage. À quoi pense-t-il ? A-t-il vu mon
bras et le champignon ? Je cache mon bras derrière mon dos
comme un gamin qu'on aurait pris en flagrant délit de dieu sait
quoi. Il me demande si j'ai trouvé là-bas ce que je cherchais mais
je vois bien qu'il n'attend pas vraiment de réponse. Alors, je me
borne à lui affirmer que je lui fais confiance et je m'en vais.
Une fois dehors, je ne
peux quand même m'empêcher de me demander si ma confiance est
vraiment bien placée...
On est le 27. Deux jours
avant l'arrivée de ce fameux Caspar dont je ne sais rien. Et je ne
sais toujours rien non plus concernant cette fameuse technologie d'un
autre monde. Mes seules pistes sont des rumeurs sur le web et un rêve
qui n'est même pas le mien. « Qui a falsifié mon journal
intime ? » Qui
suis-je? C'est dans ces moments là que j'aurais besoin du docteur M.
car c'est dans ces moments là que j'ai conscience de n'être qu'un
personnage de fiction, le personnage d'un jeu, l'avatar du Joueur. Je
ne suis pas moi-même car je n'existe pas. « On
n’existe plus pour eux. Peut-être même qu’on n’existe plus du
tout. » Rien de tout cela
n'est vrai, sauf les mots. Les mots sont mon allié. Ils sont mon
véhicule. La moto qui va propulser à plus de 250 km/h vers...
…
le cyber café le plus proche ! Je me connecte et explore les
recoins les plus sombres du web à la recherche d'infos concernant
cette vieille histoire. Mon bras me gratte. Ça me fait faire des
fautes de frappe et je tombe là-dessus :
« …la
vermine et les oiseaux morts jonchent les rues du centre-ville... »
Qu'est-ce
que ça veut dire ? Et surtout, qu'est-ce que ça fiche là ?
Quel est le rapport entre cette rumeur et mon affaire ? Cette
histoire ne date pas d'hier. En fait, elle a été posté quelques
jours à peine après que la vidéo des jeunes bourreaux ait été
mise en ligne. J'ai beau chercher, il n'y aucune image en ligne. Et
pour ce que j'en apprends, ça n'a même pas eu lieu dans le même
Rajon. Pourtant, je vérifie et ce lien n'est pas apparu entièrement
par hasard. Certes, il y a eu une faute de frappe mais pas à ce
point là. Ces deux faits sont liés. Comment ? Ou... qui ?
Évidemment, il n'y aucun nom.
Je
rentre chez moi. J'ai besoin d'un café. Sur le trajet, je me dis que
je devrais passer par les locaux de Black Rain et jeter un œil aux
vieux dossiers. Et je suis de nouveau suivi. J’accélère le pas
sans pour autant me mettre à courir. J'espère arriver au bureau
avant qu'ils ne me rattrapent. Ce sont maintenant cinq types plutôt
costauds qui sont à mes trousses. S'ils me chopent, quoi qu'ils me
veulent, je suis mal.
Ce
n'est qu'une fois au bureau que je me rends compte que j'avais
arrêter de respirer. Je donne des consignes à l'accueil, ainsi que
le signalement de ces types. Qui sont-ils ? Pour qui
bossent-ils ? Et qu'ont-il après moi ?
Finalement,
j'ai de la chance. Leurs têtes sont connues. Ce sont des hommes de
mains au service des Soars. Les Soars, ceux-là même à qui j'ai
remis la Reine de mon cœur au regard nonpareil...
Jusqu'à
présent, je pensais que la technologie utilisée par ces gosses
était issue d'un autre monde et liée à Millevaux mais... et si je
m'étais trompé ? Et si cette technologie n'était pas liée à
Millevaux mais aux Soars. Eux aussi voyagent entre les mondes.
Peut-être ne dois-je pas me focaliser sur la forêt et au contraire
explorer la piste Soar. D'une manière ou d'une autre, ils sont liés
à cette affaire et ont appris que j'étais sur le coup.
J'acquiers
la définitive certitude que je tiens quelque chose quand mes
recherches sur les PCs du bureau se soldent par un crash du système.
Je crois comprendre qu'il va falloir un moment aux gars de la
maintenance informatique pour tout remettre en état. Certains prient
déjà pour ne pas avoir perdu de données importantes. Je vais me
faire passer un sacré savon mais, l'air de rien, je tiens enfin un
début de piste.
Les
mots sont mon alliés alors je pose des mots sur un bout de papier :
-Millevaux :
pour l'instant, rien de concret, si ce n'est ce truc au bras qui me
gratte par intermittence et change de forme.
-les
Soars : ils ont appris que j'enquêtais sur cette affaire. Ils
m'ont fait suivre et il est plus que probable qu'il soit à l'origine
du crash-système issue de mes recherches. Je ne suis sûr de rien
mais il est très probable que j'ai activé un truc, un logiciel ou
un virus installé là depuis 2011.
-cette
Technologie issue d'un autre monde ne vient peut-être pas de
Millevaux. Elle aurait peut-être même été introduite par les
Soars qui l'auraient refilée à ces gamins en vue d'un test en
grandeur nature.
-la
Vermine et les Oiseaux morts : je ne sais pas en quoi c'est lié
à mon affaire mais il y a un lien. Et si c'était dû à une
technologie d'un autre monde ? Mais quel monde pourrait mettre
au point des trucs pareils ? On a d'un côté quelque chose qui
vous fait ressentir ce que vous infligez à quelqu'un d'autre et de
l'autre un truc qui ferait mourir les oiseaux en masse. Dans les deux
cas, ça peut faire des dégâts.
Bon,
l'air de rien l'heure tourne. Il va bien falloir que je ressorte
et... les cinq gars sont toujours là. Ils sont sacrément confiants
car ils ne font même pas l'effort de se planquer. Ils m'attendent.
Si je les affronte, je vais juste me faire défoncer. Je peux aussi
voir si le chef ne m'en veut pas trop pour le système informatique
et veut bien envoyer quelques gros bras aussi.
Le
chef ne l'admettra pas mais il veut en savoir plus lui aussi. Alors,
oui, il me passe un savon mais accepte ma requête. Évidemment, il
me jure qu'après ça j'ai intérêt à ne plus rien lui demander
avant d'avoir ramené du concret et blablabla. Mais bon, il décroche
son téléphone et j'espère vraiment que nos gars vont flanquer la
pâtée à ceux qui m'attendent car sinon... je vais prendre très
cher.
Avec
le chef, on observe la scène à travers la fenêtre de son bureau.
Nos gars sont plutôt rapides et discrets. Ils abordent les hommes
des Soars comme si de rien était. Nous, on sait qu'ils leur ont bien
fait comprendre qu'ils étaient armés et qu'il valait mieux obéir
sans discuter. Et les gars ne discutent pas. Mais ça n'empêche pas
l'opération de partir en sucette. Au moins, personne n'a eu à
sortir son arme en public. Pourtant, il y a quand même eu une bonne
bagarre sur le trottoir d'en face. Et on peut dire que nos gars l'ont
suffisamment emporté pour faire fuir les autres. J'aurais aimé
qu'ils en ramènent au moins un histoire de le faire parler. Mais
d'une certaine façon, ils ont mieux que ça. Ils ont un nom. L'un
des gars, dans leur fuite, a mentionné un certain Lewis-Maria. Et
lui, il est bien connu de nos services. C'est un Cafard ! Mais
pas n'importe lequel. Ce n'est pas un agent du Tas de Merde. Il est
en free lance. Il serait même plus juste de dire qu'il mène sa
petite vie tranquille en essayant de mener ses petites affaires le
plus discrètement possible. Il ne souhaite pas du tout attirer
l'attention de ses anciens chefs qui lui feraient certainement
regretter son petit hobby. Lewis-Maria aime les « animaux ».
Il aime les zoos. Alors, il a monté son propre petit zoo personnel
ici, quelque part, à
Mertvecgorod.
On ne sait pas vraiment où, mais on sait qu'il retient captifs
plusieurs personnes, peut-être plusieurs dizaines même. Certaines
sont même portées disparues depuis plusieurs années. En tout cas,
le Cafard a l'air de rouler pour les Soars sur ce coup là. Il va
falloir que je le trouve. Et d'autant plus vite que, l'espace d'un
instant, je me surprends à craindre que la Reine n'est finie dans
une cage de son zoo. Si le Cafard possède quelque chose que les
Soars veulent, il peut leur avoir donné en échange de la Reine,
pensionnaire de choix pour son zoo s'il en est. Mais alors, pourquoi
Black Rain m'a demandé de remettre la Reine aux Soars. Nos chefs
savent des choses qu'on ne sait pas... Mais si la Reine est bien
captive du Cafard, je ne suis pas loin de penser que Black Rain
aurait fait en sorte de manigancer tout ça pour parvenir à des fins
que j'ai bien du mal à comprendre.
Il
me faut un plan d'action. Ou au moins un but. Et ce but, c'est de
trouver Lewis-Maria, trouver sa planque et savoir ce que les Soars
lui veulent. Et s'il retient bien la Reine... et bien, je la
sauverais et je serais un vrai héros !
On
est le 28 et Caspar rentre... demain ! J'ai une journée,
peut-être deux, pour trouver la planque de Lewis-Maria et savoir
s'il détient vraiment ma Reine captive. Cette perspective me fait
grave psychoter quant aux intentions de Black Rain. Est-il possible
qu'on m'ait contraint à la remettre aux Soars juste pour me
« motiver » à trouver le Cafard et l'origine de cette
technologie alien ou xeno-quelque chose (je ne sais même pas comment
on appelle une technologie venue d'ailleurs, extra-dimensionnelle ?).
Nos chefs sont-ils tordus à ce point ?
Ici,
ce qui se rapproche le plus du tas de merde des Cafards, c'est la
Zona. La question est alors de savoir si Lewis-Maria a voulu s'en
éloigner au possible ou si, au contraire, mû par un quelconque
atavisme ou juste la volonté de garder ses traqueurs sous
surveillance il s'est installé à proximité. Après tout, autant
commencé par-là et voir ce que ça donne.
D'après
la page Wikipédia qui lui est consacrée, la RIM « tire ses
principales ressources de la gestion et du recyclage des déchets
internationaux, y compris biologiques et nucléaires. Une grande part
de cette économie est souterraine.
[…]
Le trafic d'organes, aux mains du crime organisé, constitue une
autre source importante de richesses. [...] »
La
vue imprenable de mon studio sur la Zona me permet d'affirmer d'une
part que cette éc
onomie
de l'ordure n'a rien de souterrain ! Et d'autre part, les
rumeurs concernant Lewis-Maria attestent qu'on ne trafique pas que
des bouts d'humains mais aussi des humains entier.
C'est
en repassant par chez moi que j'ai eu la joie de constater que mon
appart. avait été savamment mis à sac. Évidemment, on m'a pris
tout ce qui pouvait avoir un semblant de valeur mais je reste
convaincu que les Soars sont derrière ça. D'ailleurs, ce n'est pas
par hasard que certains dossiers, heureusement sans réelle
importance, ont disparu. Je suis malin et tout ce qui concerne
l'affaire en cours et tout ce que je peux savoir concernant le Joueur
et la « vraie » réalité sont... ailleurs. Dans ma
tête ? Dans les notes du docteur Mugwump ? Dans ces
journaux intimes que je n'ai pas écrit mais qui ont pourtant été
falsifié ? Bref, je remettrai de l'ordre dans cette pièce plus
tard. Avant ou après avoir remis de l'ordre dans mes idées et dans
ma tête.
Je
descends. Je me balade aux alentours de la Zona. Je ne m'étais
jamais posé la question de savoir si le Cafard pouvait s'être
installé dans le coin. Mais si c'est le cas, peut-être que certains
le savent. Et alors, il me suffirait d'un peu de chance ou d'un coup
de pouce du destin. Et puis, les hommes de mains des Soars sont
peut-être toujours dans le coin...
Bon,
c'est le moment de se rappeler que tout ça n'est qu'un jeu et que
rien de ce qui va arriver n'est vraiment réel. Chaque jeu a ses
règles. Dans les règles que le Joueur utilise, un « pouvoir »
lui/me permet d'être « au bon endroit, au bon moment »
mais il/je ne l'a/ai pas utilisé, préférant le garder pour plus
tard. Dommage ! Car à l'instant, alors que je posais
innocemment quelques questions pour savoir si quelqu'un avait vu dans
le coin quoi que ce soit qui puisse me laisser penser que le Cafard
créchait par-là, ce sont les hommes de mains des Soars qui me
tombent dessus et... je vais certainement prendre très cher. À ce
stade, ça ne sert à rien de faire dans la dentelle. Je sors mon
flingue et tire le premier.
OK !
J'aurais pu m'en tirer si j'avais eu un peu de chance mais les dés
en ont décidé autrement. C'était pas loin de passer pourtant. Mais
ça reste quand même un fail intégral. Je suis KO ! À peine
conscient. Et maintenant, que vont-ils faire de moi ? Me laisser
là ? M'achever ? Me conduire quelque part ? Oh
putain ! Je n'aurais pas dû mettre « achever » dans
les options car maintenant... ça peut vraiment arriver !
Mais
finalement j'ai du bol car ils m'abandonnent là. Ils doivent penser
que j'ai eu mon compte, que le message était clair et que je vais en
rester là. Erreur ! Je rampe jusqu'à chez moi. Je compte bien
m'accorder une bonne nuit de repos et voir demain si je peux
reprendre mes investigations.
Je
me réveille une dizaine d'heures plus tard. Je me sens à peine
mieux. Toujours crevé et des courbatures partout. Je suis couvert
d'hématomes. Niveau colorie, c'est dans le même ton que cette
mycose bizarre qui me court le long du bras.
On
est le 29. C'est aujourd'hui que Caspar doit rentrer.
Soyons
lucide, je suis loin d'avoir récupéré de ma raclée d'hier.
Pourtant, je dois sortir. Je dois poursuivre mon enquête. Surtout
que nous sommes le 29. Ce Caspar doit rentrer et j'ai un très
mauvais pressentiment. Une fois dehors, je me surprends à me
retourner tous les trois pas. Partout, je cherche un signe comme quoi
je serais suivi, comme quoi les types d'hier seraient là pour la
deuxième couche. Mais non...
Je
cherche toujours à savoir si Lewis-Maria a sa planque du côté de
la Zona ou si je vais devoir chercher ailleurs mais, soyons lucide là
encore, je n'ai aucune piste. Alors... « au bon endroit, au bon
moment », c'est maintenant ! Et c'est cette femme, là.
Elle n'a pas l'air d'aller très bien. Elle a tout de la travailleuse
occasionnelle et, dans le quartier, ça en dit long sur le secteur
d'activité. Pourtant, je le sais, c'est elle. La bonne personne au
bon endroit au bon moment. Je l'aborde.
Elle
a le regard flou. Elle est au moins moitié défoncée mais j'ai
l'impression que ce n'est pas de son fait. Je lui prends le bras
aussi délicatement que possible pour lui faire faire quelques pas,
tranquillement, mais aussi pour vérifier l'état de son coude. Je ne
vois aucune trace de piqûre, ce qui en soi ne veut rien dire. Il y a
tellement de moyens de camer quelqu'un contre son gré. Elle me suit
et marmonne :
« On
m'a trompé... on m'a trompé... »
Elle
est trop fracassée pour pouvoir répondre à mes questions mais j'ai
ROHUM. Grâce à ce pouvoir, je peux lire ses pensées, aussi
fracturées soient-elles par ce qu'on lui a fait gober. Je vois une
cellule, une porte en acier avec un gros judas. Je vois un couloir,
comme celui d'un appartement pourri dans un immeuble tout aussi
pourri. Un peu comme le mien. Non ? Quand même pas ? Et
pourtant si ! Cette femme est sortie de mon immeuble. Mais pas
par le hall d'entrée. J'apprends l'existence d'un réseau de
passages secrets dans mon propre immeuble menant à un étage dont je
ne connaissais pas l'existence. Et c'est étage, c'est là que crèche
Lewis-Maria. Le Cafard pouvait difficilement être plus près de la
Zona. Et si, comme je le crains, il retient ma Reine captive, ça
veut dire qu'elle est finalement plus près de moi que je ne
l'espérais.
Mes
pas nous mènent devant la devanture d'un Delikatessen. Sur le
trottoir, deux filles et un garçon. Je regarde celle que je tiens
pas le bras. Le plus délicatement que je peux, je l'installe à côté
des autres et regarde le tableau et...
Je leur demande des
nouvelles du quartier.
Alors, quoi de neuf,
depuis que je suis parti ? ce genre de connerie.
Les trois filles
m’envoient un regard vitreux, comme si elles ne m’avaient jamais
vu.
Le gars, en revanche, a
les yeux qui pétillent.
Ils n’ont pas dû
prendre les mêmes drogues.
Ils commencent à se
dessaper.
Deux des filles
s’embrassent ; la troisième se caresse.
J’ai l’impression
qu’on est là depuis des heures.
Comme si la scène se
déroulait au ralenti.
Soudain, ma compagne
brise le silence.
On va peut-être y
aller, mon amour ? elle demande.
Tu sais que Caspar
rentre le 29 ; on pourrait aller le voir.
Bonne idée, ma belle,
je lui réponds.
Je me retourne
subitement pour faire face à ma compagne mais... il n'y a personne.
Je suis seul face à ces quatre jeunes camés. Bon, j'ai ma piste.
Pas la peine de traîner.
Je ne sais pas trop
comment cette fille a pu quitter sa cellule. On dirait que la porte
s'est ouverte à cause d'un court-circuit. Cela ne fait pas longtemps
qu'elle est dehors et avec un peu de chance le problème n'a pas été
résolu. Il est donc possible que je puisse m'introduire chez
Lewis-Maria sans trop de difficulté. J'espère...
Et j'espère aussi que
Caspar ne m'attend pas là-bas.
Mon bras me gratte. Je
relève ma manche. Entre les hématomes, ma mycose a écrit :
« Crépuscule. » Putain, clair que ça m'aide ça !
À moins que cela ne veuille dire que quelque chose va se passer à
ce moment là de la journée et qu'il vaudrait mieux que j'en ai fini
avec tout ça. Mais j'ai encore du temps devant moi, non ? En
vrai, il ne m'en reste pas tant que ça. J'accélère.
Mon bras me gratte
encore. Là, c'est franchement désagréable. Je relève encore ma
manche et lit que Lewis-Maria appartient à un culte secret dont les
membres sont solidaires face à quelque chose. Est-ce que ce culte
inclut les Soars ? Oui, me répond la mycose (l'ami cause...)
mais ce sont des Soars dissidents, des rebelles. Et ils font face à
quoi ? Là, évidemment, elle ne sait pas !
J'arrive au local
poubelle de mon immeuble. C'est par-là que la fille s'est enfuie. Je
cherche mais ne trouve pas l'accès. Pire que ça, si j'étais
Spiderman, c'est mon sens d'araignée qui serait en train de hurler.
Là, ce n'est que mon intuition. Mais quelque chose craint vraiment.
Je regarde autour de moi. Le local est vide. Je suis seul. Alors,
pourquoi je suis fébrile tout à coup ? Je regarde mon bras. Il
est écrit « Courage » en lettres moisies. Du courage,
mais pourquoi ?
Le crépuscule, cette
période qui précède la nuit noire. La Nuit Noire ! La fin !
Et je pense à ce roman avec ce tueur barjo disciple d'Antéros !
C'est ça le crépuscule ! C'est pas la fin de cette putain de
journée. C'est ma fin à moi, signifiée par l'arrivée d'un barjo
disciple d'Antéros ! C'est ça ? Je regarde mon bras.
Rien ! Évidemment !
Je laisse tomber le
Cafard, pour l'instant, et quitte le local poubelle en courant. On
est le 29 et Caspar doit rentrer. C'est Caspar l'envoyé d'Antéros !
Mais qui l'a envoyé à mes basques. Et pourquoi ? Et où aller
pour être en sécurité ? Le bureau de Black Rain !
Putain ! C'est
toujours quand on a besoin d'un taxi qu'il n'y en a pas ! Je
fonce dans le métro. C'est pas normal ! Il n'y a personne.
C'est impossible que les quais soient déserts à cette heure-ci.
Caspar est donc déjà là et il m'attend quelque part. Je
m'engouffre dans la première rame qui se présente. Elle est vide
elle aussi et je réalise que j'ai certainement fait une énorme
connerie. Le métro s'enfonce dans le noir, dans la Nuit Noire.
L'éclairage fonctionne correctement dans le wagon. Pourtant, la
luminosité décroit peu à peu. Le wagon est vide mais je sens une
présence. La Vision m'informe de la présence d'un Soar invisible.
Je feins de ne pas l'avoir vu. Il a l'air calme. Il m'observe. Je
quitte la rame dès que possible. Ce quai là est également désert.
J'ai l'impression d'être dans un niveau de Silent Hill 3 et je
m'attends à voir débarquer des monstres à tout moment. Je n'ai
aucune idée d'où je suis. Je regarde l'heure. C'est le crépuscule,
le vrai, l'officiel. Et il y a un homme. Caspar !
Je me fige. Comme un
herbivore, j'espère qu'il ne m'a pas vu. Conneries ! Il m'a
très bien vu mais il ne bouge pas. Je sens que quelque chose de
terrible va m'arriver alors je consacre ces derniers instants, mes
derniers instants à mettre un peu d'ordre dans mes pensées.
Black Rain m'a demandé
de remettre la Reine à des Soars. Je pense qu'ils l'ont remise à
Lewis-Maria en échange de l'accès à un de ses pensionnaires venant
du monde où ces Soars ont trouvé cette technologie, celle utilisée
par les gamins en 2011, que veut récupérer Black Rain. Je pense que
ces Soars et Lewis-Maria font partis d'une organisation secrète
devant faire face à quelque chose, une menace. Et cette menace, je
suis en train de me demander si je ne suis pas en train de lui faire
face. Et si c'était pour s'en assurer que ce Soar invisible me
surveiller tout à l'heure ? Et si cette menace était liée à
Antéros ? Et c'est quoi ce type ? C'est quoi Caspar ?
Et je comprends quand je le vois se mettre à bourdonner. Je vois se
tordre subitement de douleur, pris de convulsions. Et je comprends ce
que le Joueur sait depuis le début mais qu'il m'a caché. Il ne
savait pas que Caspar était lié à Antéros. Non! Ça, il vient de
l'apprendre en même temps que moi. Mais il savait que Caspar est un
Were-World, un monde-garou ! Ce type va se transformer en un
monde, en une réalité qui va m'aspirer comme un trou noir et je
n'ai aucune idée de là où je vais me retrouver ! Autour de
moi, la réalité s'effrite par couches successives, comme un vieux
papier peint qu'on arrache. Et dessous, c'est toujours le même motif
qui se répète invariablement. Et j'entends ces mots :
« La reine de mon
cœur au regard non pareil,
Qui riait avec eux de ma
sombre détresse
Et leur versait parfois
quelque sale caresse. »
Et alors, je me dis
qu'elle ne m'a peut-être finalement jamais aimé. Et j'ai envie de
chialer. Et la Nuit devient Noire...
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