SILENT HILL

Ce solo a été joué avec l'aide de jeu écrite par Rémy Broknpxl et dispo ici:
https://www.facebook.com/groups/SilentHillJDRGroupe/?ref=bookmarks
J'ai utilisé les règles de Lacuna et certains des Vertiges Logiques de Thomas Munier.
Il y aussi des "bouts" de Millevaux sous la forme de Coelacanthes et de Bois-Saule (pour le final).
Certaines parties, enfin, ont été joué avec Strings.
Le MJ est joué par Muses & Oracles.

 Je prends un café à la terrasse de ce bar avec une vue sur le lac de Toluca. Je ne suis pas originaire de Silent Hill. J'ai atterri là par hasard. Ma moto est en rade. J'ai été obligé de m'arrêter. Le gars a jeté un œil et m'a dit qu'il pourrait s'en occuper dans la journée. Alors je suis bon pour une journée de tourisme forcé dans cette petite ville.
La serveuse s'approche. Elle est d'une laideur à faire tourner le lait.

« M. Singer, Paul Singer ? »

Elle m'informe qu'il y a un appel téléphonique pour moi au bar. C'est bizarre. Personne ne sait que je suis ici. Et mon portable ? Je fouille les poches de mon blouson. Rien ! J'ai dû le laisser dans une des sacoches de ma moto.

« Paul Singer, j'écoute !

Faucheur Zero... Les Horlacanthes ! »

Cette voix m'est familière mais je n'arrive pas à la resituer.

« Vous êtes ?
Je suis Contrôle. Je ne suis pas ton ennemi. Je ne suis pas ton ami non plus. Mais je peux t'aider. Appelles-moi quand tu en auras besoin.
Je ne comprends pas. Pouvez-vous être un peu plus... explicite ?
Penses à nos Chairs Disparues. »

OK. Ce doit être une blague. Peut-être un des gars du garage. Il aura su où me trouver, il connaît mon nom et aura voulu rigoler un bon coup. Je ne relève pas. Mon café m'attend. La serveuse n'est pas au bar. Elle n'est pas en terrasse non plus. Je m'installe et finis mon café. Je ne lre remarque pas tout de suite mais... il n'y a personne. Personne n'est passé là depuis un bon moment et je n'ai pas revu la serveuse. Ce n'est pas très grave, ma consommation est déjà payée. Mais personne dans les rues, pas le moindre bruit de voiture, c'est déjà plus étrange. Je me lève et m'en vais sans laisser de pourboire.
Je prends le chemin du garage et je ne croise personne dans les rues. Par moment, j'ai envie de me mettre à crier « Il y a quelqu'un ? » mais je ne le fais pas. Ce serait ridicule, non ? Et tout d'un coup, je me sens mal, très mal. Ce n'est pas seulement de l'angoisse ou de la peur. Cette situation est stressante, c'est sûr, mais il y a autre chose et je ne sais pas quoi. Je suis seul mais... je ne le suis pas...
J'entends quelque chose derrière moi. Je me retourne. Qu'est-ce que c'est que ça ? Ça se tient debout et ça rampe en même temps. C'est rosâtre, grisâtre. C'est de la chair malade. Je reconnais des membres humains, des mains, des pieds. Et des têtes ! Et UNE tête ! On dirait la serveuse du café. La moche. Et là, c'est pire encore. Qu'est-ce que c'est que ça ? Si c'est un costume d'Halloween, c'est le plus atrocement réaliste que j'ai jamais vu. Avec prudence quand même, je m'approche. La chose, la serveuse ?, semble ne porter aucun vêtement. Elle avance vers moi, moitié marchant, moitié rampant. Je ne sais pas en quoi peut être fait ce costume. De la mousse de polystyrène, un truc expansé, du plastique, je ne sais pas mais c'est hyper réaliste en tous cas. Saisissant ! Le top du cosplay !
Ce truc doit être hyper lourd à porter. Elle (?) se redresse péniblement. De toute sa hauteur, elle est plus grande que moi. Et pourtant, je fais un bon mètre 85 ! Et, de plusieurs appendices ressemblant à des bras jaillissent plusieurs lames semblables à des faux !

Faucheur Zero ?

OK, on ne joue plus. Je me casse en courant ! Vu sa masse, semer ce truc n'est pas compliqué mais... je ne veux pas penser à celui ou celle qui va croiser sa route ! Je cours jusqu’au garage. Je veux récupérer ma moto. Et connaître le fin mot de cette sale blague. Il ne me faut pas longtemps pour me retrouver devant le garage. Il n'y a personne. J'appelle. Rien. Ma moto est là. Et, évidemment, elle ne démarre pas. Je cherche mon téléphone mais je ne le trouve dans aucune des deux sacoches.
Je vais au comptoir. Toujours personne à l'horizon mais un téléphone. J'appelle chez moi.

« Contrôle, j'écoute !
Qu'est-ce que c'est que cette blague ? Vous vous foutez de moi ou quoi ?
Non ! Ce ceci n'est pas un jeu.
Qu'est-ce qui se passe ici ? Où sont les gens ? Pourquoi il n'y a personne dans les rues ? Et c'est quoi ce truc, là ?
Ne le prends pas sur ce ton. Je ne suis pas ton ennemi, mais je ne suis pas ton ami, non plus. Tu vas devoir t'en sortir mais tu n'es pas seul. Tu peux compter sur moi, mais...
Mais quoi ?
Reviens sur tes pas... »

Et il a raccroché. Revenir sur mes pas ? Retourner dans la rue où j'ai vu ce truc ? Pas très motivant mais... pourquoi pas après tout. Ce n'est pas un jeu mais ai-je d'autres choix que de le jouer ?
Dehors, les rues sont toujours vide et un épais brouillard est tombé d'un coup. La température est tombée, elle aussi.

Ça me rappelle cette randonnée qu'on avait faite entre potes. C'était il y a longtemps. On était huit et il y avait des filles. Il s'agissait entre autres de les impressionner, de leur montrer qu'on savait se débrouiller dans la nature et tout. Mais nous avions marché moins vite que prévu et la nuit, et la température, était tombé avant que nous n'ayons atteints le gîte d'étape. Nous n'étions pas assez couverts. Tout le monde commençait à être fatigué. L'ambiance était devenue tendue. Le silence qui régnait été à couper au couteau. Je me souviens clairement avoir pensé que le premier d'entre nous qui l'ouvrirait dirait une énorme connerie qui non seulement plomberait l'ambiance mais risquait même de gâcher la suite du séjour. Et je ne voulais pas que ce soit moi. Alors, je ne disais rien alors même que j'en avais vraiment marre de marcher dans le noir et le froid et que j'en avais marre d'entendre les autres geindre.
Alors, pour me changer les idées, je pensais à autre chose. J'essayais en tout cas. En fait, je sais que j'avais clairement en tête que j'avais voté pour cette randonnée parce que j'ai peur de la mer. Je n'ai pas peur de l'eau. J'ai peur de la mer. Je ne sais pas si c'est le syndrome des Dents de la Mer et la peur d'être dévoré par un requin ou si c'est quelque chose de plus freudien mais je déteste la mer. Je me forçais à garder ça en tête. Ça m'aidait à mettre un pied devant l'autre.
Et mes pensées s'envolaient. Je n'étais plus vraiment là. J'étais, je suis, dans une caverne. Il fait sombre et humide. Je n'y vois quasiment rien. Pourtant, sur une paroi, je vois de quoi accrocher un flambeau. Je rêvasse. C'est bizarre comme rêverie. Ce soit être à cause de la fatigue. Mais ça me permet de mettre de la distance justement. Et soudain, on m'agrippe par l'épaule. Je me retourne et mon regard se fixe sur un œil trop maquillé. Marcy ! Qu'est-ce qu'elle me veut ? Elle sourit. Elle m'explique gentiment que j'étais en train de m'endormir et que j'ai failli tomber. Les autres ricanent et me traitent de somnambule. Je suis fatigué, énervé, je les envois paître. Marcy tente de calmer le jeu. J'en remets une couche et fais allusion à la couche de maquillage dont elle s'est tartinée le visage et qui la fait ressembler à un œuf de Pâque.
Et voilà, je l'ai fait. J'ai ouvert ma gueule et j'ai plombé l'ambiance...

Pourquoi me souvenir de ça maintenant ? Marcy... Ce n'est pas qu'elle était moche mais... elle ne me plaisait pas. Cette randonnée avait été organisé, aussi, pour créer quelques couples si c'était possible. Mais celui-là ne pouvait pas fonctionner, c'est comme ça. Après, OK, j'ai peut-être été inutilement blessant mais j'étais crevé et c'était peut-être pas la peine de m'en vouloir comme ça au point de tirer la tronche à toutes les soirées entre potes où on se croisait.
Et maintenant, où suis-je ?
Toluca Cemetary, indique le panneau. Mes pas m'ont finalement ramené près du lac. Mais pas au café. C'est peut-être aussi bien. Mais un cimetière... Est-ce vraiment mieux ?
Un éclat, un reflet, attire mon attention un peu plus loin. Merde ! Il y a du monde dans le cimetière ! Un homme et une femme. Elle a un couteau de cuisine et s'apprête à poignarder l'homme qui lui fait face. Je cries ! Les deux se figent mais aucun ne se retourne vers moi. La femme ne veut pas perdre sa proie des yeux et lui... c'est un peu la même chose. Je cours vers eux, espérant que la femme ne commettra pas l'irréparable.
C'est un peu surréaliste mais j'ai l'impression qu'ils m'ont attendu. L'homme est on ne peut plus fébrile. Il tremble. La femme est d'un calme olympien, impassible. Je la regarde et la trouve sale... et grosse aussi. De près, on dirait une grosse baleine dégueulasse. Un amas de chair gluant et armé d'une lame... Faucheur Zero ?
Et là, j'ai peur que ça parte en sucette.
Et j'ai raison d'avoir peur.
Ça part en sucette !
La grosse se retourne vers moi. L'homme reste immobile, tremblant. Il se borne à tourner lentement la tête vers moi. Il se mord les lèvres. Et elle lève son couteau dans ma direction. Gênée par sa propre graisse, ses mouvements sont maladroits. Je pourrais m'enfuir mais...
Je lui enfonce mon poing dans la figure !
Et mon poing s'enfonce et s'enfonce et s'enfonce dans sa chair. Elle va m'avaler si je ne fais rien ! Je tente de retirer mon poing de sa face. Mais ça ne va pas tout seul. Elle mord et j'y laisse de la viande. Je regarde mon poing en sang et aperçoit la lame s'abattre.
Je hurle alors que le couteau s'enfonce dans mon épaule. Je tourne la tête vers l'homme, toujours immobile à se mordre les lèvres. Je donne un coup de pied à cette folle. L'effort fait saigner ma blessure mais elle me lâche. Je ne veux pas en savoir plus. Je m'enfuis en courant.
Mon cœur bat à tout rompre. Mon épaule me fait atrocement mal. J'ai besoin d'aide, de soin. Et cette putain de ville est toujours déserte. Sur qui puis-je compter ici ? Personne ! Si, lui. Contrôle. Il me faut un téléphone.

Blue Creek Apartments. Je ne m'attends pas à y trouver qui que ce soit. Cette ville est déserte et il n'y traîne plus que des psychopathes... et moi. Mais au moins je devrais y trouver un téléphone. Le hall d'entrée est mal entretenu. Il y a de la poussière. Les murs sont abîmés par l'humidité. Ça sent mauvais. Par acquis de conscience, je frappe à une porte. Évidemment, pas de réponse. Je tente d'ouvrir la porte et, à ma propre surprise, elle s'ouvre.

Je ne m'attends pas à trouver qui que ce soit mais j'appelle quand même. Et effectivement, personne ne me répond. Pour autant, j'ai l'impression qu'il y avait quelqu'un il y a peu. Il y a des vêtements un peu partout, de la vaisselle dans l'évier. Peut-être que si j'attendais...
Je trouve le téléphone.

« Allô, Contrôle ? J'ai besoin d'aide...
Ah bon ?
Oui, je ne comprends à ce qu'il se passe. Cette ville. Elle est déserte. Il n'y a que des monstres ou des grosses folles psychopathes.
Elle est déserte ou il y a des monstres ? Sois précis !
OK, euh oui pardon. Elle est quasiment déserte. Et les seules personnes que j'ai rencontré sont soit des monstres soit des psychopathes qui ont essayé de me tuer. J'ai pris un coup de couteau à l'épaule et il faut qu'un médecin s'en occupe.
Vas à l'hôpital alors.
Oui, mais euh... est-ce qu'il y aura quelqu'un là-bas ?
Tu le sauras en y allant ! Que veux-tu de plus ?
Euh... je ne sais pas. Je voudrais comprendre. Ce n'est pas normal... cette situation... C'est insensé.
Si tu veux comprendre, commences par te poser les bonnes questions. Et non, ce n'est pas insensé ! Il y a du sens. Mais c'est à toi de le trouver ! Réfléchis, Paul. Et en parlant de réfléchir, t'es tu seulement regarder dans la glace ? »

Et je suis resté là, interdit, le combiné à la main alors que Contrôle venait de me raccrocher au nez.
Dans la salle de bain, je cherche de quoi nettoyer ma plaie. On dirait que ça ne saigne plus, c'est toujours ça de pris. Rien ! Pas d'alcool, pas de pansement. Au moins, il y a l'eau courante mais est-ce que je ne vais pas choper une infection. L'eau est tout sauf transparente. On dirait de la rouille.
Et j'ai eu un nouveau choc quand je me suis regardé dans la glace. Je ne me suis pas reconnu. J'avais pris, combien ? 20 ? 30 kilos ? J'étais devenu une horrible baleine. Comme l'autre folle. Comment c'était possible alors que je n'avais rien avalé depuis... le café sur le bord de Toluca Lake. Ça n'a aucun sens !
Pourtant, Contrôle m'a dit de me regarder dans la glace et de réfléchir. Il a dit que tout ça avait du sens et que je devais me poser des questions. Mais quelles questions me poser ? Par où commencer ? Une question s'impose. Pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Rien ! J'ai rien fait pour mériter ça. Je regarde autour de moi. La déco a changé. Pas en bien. Les murs sont devenus rouges. Rouges sang ! Ils ont une drôle de texture, dégoûtante, molle, comme de la... graisse. Mes doigts s'enfoncent dedans quand je les touche. Je sors de la salle de bain mais j'ai du mal à me déplacer avec toute cette graisse. Comment c'est possible de grossir comme ça en un clin d’œil ? Cette chair m'encombre. J'étouffe. J'ai mal. Je ne me sens pas bien et... je me sens moche !
Je me dandine grotesquement jusqu'au salon. Quelqu'un se tient là, debout. Quelqu'un ou quelque chose. Encore un monstre. Ce truc fait plus de deux mètres de haut. Il a sur les épaules une sorte de cape faite d'un tissus moisi et troué. Son visage, sa tête... ce sont des plaques d'os. Au fond de ses orbites, ses yeux sont noirs. Ses bras, ses quatre ! bras se terminent par des griffes acérées. Il me fixe et, avec une diction impeccable, il me dit :

« Il va falloir faire fondre cette chair. »

Et je me mets à courir aussi vite que je peux.
Je me précipite dans le couloir, je fonce vers la porte d'entrée de l'immeuble. Mon cœur bat à plus de 100 à l'heure. Il va exploser ! Une fois dehors, je suis de nouveau dans le brouillard. L'immeuble derrière moi a repris son apparence normale. Je regarde mes mains et ce ne sont plus ces horribles saucisses. Le trop plein de chair a disparu. J'ai repris mon apparence normale.
J'ai peur.
Je dois aller à l'hôpital.

Ma blessure ne saigne plus et ne me lance pas trop. Mais je dois quand même montrer ça à un médecin, ne serait-ce que pour éviter tout risque d'infection. Les rues sont toujours aussi désertes. Le brouillard est toujours aussi épais mais j'arrive à me repérer et trouve assez facilement l'Alchemilla Hospital. Mais vu sa façade, je me demande s'il est encore en activité.
À l'intérieur, je n'entends pas un bruit. Il n'y a personne. J'appelle. Rien ! L'endroit semble abandonné mais il y a du matériel qui traîne ça et là. Peut-être qu'en fouillant un peu je trouverais de quoi nettoyer ma plaie. À défaut de trouver un médecin compétent. À tout hasard, je jette un œil sur le comptoir de l'accueil. J'y cherche un téléphone qui me permettrait de contacter Contrôle mais... rien.
Je passe derrière le comptoir à la recherche d'un plan ou de quoique ce soit qui me permettra de trouver là où le personnel stockait son matériel. Et si j'en crois le document que je viens de trouver, je dois me rendre au 4è. Maintenant, reste à savoir si l'ascenseur fonctionne encore.
Merde ! Les portes se referment. La lumière s'éteint et la cage ne bouge pas. Je tente d'ouvrir les portes. Je parviens à les entrouvrir mais il m'en compte. Je me faufile à travers l'étroite ouverture. Heureusement que j'ai retrouvé ma silhouette normale. Si j'étais resté aussi gros que totu à l'heure, j'aurais été piégé ici pour un bon moment.
Par contre, il s'est passé quelque chose. Je ne suis pas dans le couloir par lequel je suis entré. OK, je respire un grand coup. Je ne devrais plus me prendre la tête avec ce genre de « détails ». D'après Contrôle, tout ça a du sens. Je finirai bien par trouver lequel.
Ce long couloir a son mur gauche entièrement constitué d'un gigantesque miroir. Là, tout y est réfléchi à l'identique,sauf moi ! Ce n'est pas moi dans le reflet. C'est... Marcy ? Et elle est... grosse ! Non, elle n'était pas grosse comme ça dans mon souvenir. Je fais un peu en avant et elle avance aussi. Je fixe son regard. Elle détourne les yeux. Elle me regarde par en dessous et je lis de la haine dans son regard. Elle me hait, pourquoi ? Parce que je l'ai repoussée ? Hey ! Je ne suis pas obligé d'aimer tout le monde, si ? C'est pas ma faute si elle ne me plaît pas !
Je ne formule pas ces pensées à hautes voix mais pourtant elle se met à pleurer. Par réflexe, je tends le bras vers elle. Elle ne me plaît pas mais je ne la déteste pas. Ma main touche le miroir. Ma main est paume contre paume avec la sienne. Le miroir nous sépare. Sincèrement, je veux bien faire quelque chose pour qu'elle arrête de pleurer mais ce miroir m'en empêche. Je continues de la regarder et pense aux mots de Contrôle. Réfléchir, les Chairs Disparues... peut-être qu'elle était grosse avant que je la connaisse. Peut-être que refuser ses avances a fait remonter des choses et l'a rendu plus triste que je ne l'aurais imaginé ? Réfléchir, le miroir... Peut-être que je l'ai repoussée certes parce qu' elle ne me plaît pas mais aussi parce qu'elle me « renvois » quelque chose de désagréable, qu'elle me force à réfléchir, à voir en face quelque chose de moche chez... moi ?
Je me sens alors cruel et superficiel. Je ne connais pas le passé de Marcy mais peut-être que dans le passé elle a été grosse et qu'elle en souffert. Peut-être que ça lui a coûté de gros efforts pour perdre du poids – cette Chair Disparue – et moi... je me suis comporté comme un connard. Je n'ai pris aucun gant pour lui signifier que je n'étais pas intéressé, que je ne la trouvais pas à mon goût et que, finalement, tous ses efforts n'avaient servi à rien.
Je détache ma main du miroir. Je dois trouver un téléphone et demander à Contrôle si c'est bien ça. Si oui, je dois trouver Marcy et m'excuser. C'est ça, hein ? Ça me fera quitter cette ville pourrie, hein ? Ouais, c'est ça ! Je présente mes excuses et quitte Silent Hill pour aller faire la fête à Noisy Valley, hé !
Et Marcy lève les yeux vers moi. Son expression a changé. Elle a l'air réjoui, sûr d'elle. C'est ça ? J'ai trouvé la clé de cette putain d'énigme ? J'ai un doute. Son image change de l'autre côté du miroir. Elle devient floue. Elle grossit à toute vitesse. Elle tape du plat des mains contre le miroir qui se met à trembler. OK, je ne vais pas attendre là les bras ballants. Je me tire en courant !
Mais je n'ai pas le temps de retourner à l'ascenseur que le miroir vole en éclats. Et Marcy, qui ne cesse de grossir, court après moi. Elle pose une patte difforme sur mon épaule blessée et je pousse un cri. Elle sert fort. Je défaille. Je manque de tomber mais c'est elle qui me tient debout. Mais ma vue se brouille sous l'effet de la douleur. Tout devient noir.

Je ne suis pas un mec parfait. Mais je ne suis pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. J'ai quand même fait des trucs bien dans ma vie. Je ne suis pas un connard égoïste et superficiel. Pas tout le temps. Des fois, oui. Mais pas tout le temps. Je suis aussi un mec bien des fois.
Ce cauchemar semble me reprocher d'être superficiel parce que j'accorde de l'importance à l'apparence des gens mais je suis aussi sensible à la beauté des choses, de la nature en général. Et ça, c'est vrai, c'est sincère. C'est pour ça aussi que j'avais voté pour cette randonnée en montagne. Parce que j'aime cette beauté, cette perfection de la nature. C'est rassérénant, rassurant. C'est beau. C'est dans des endroits comme ça qu'on peut vivre des moments parfaits. Et c'est ce genre de moments que je voulais partager avec mes amis. Est-ce que ça fait de moi un salopard ?
Mais il a fallu que tout soit gâché par ces traînards qui nous fait arriver en retard au gîte ! Que tout soit gâché par Marcy qui me demande plus que je n'étais disposé à lui donner ! Merde ! Ce moment aurait pu, aurait dû être parfait et ces cons ont tout gâché ! Et moi... j'ai tout gâché en perdant mon calme. Je n'aurais pas dû m'énerver comme ça. Je n'aurais pas dû envoyer paître tout le monde, je n'aurais pas dû tirer la gueule et j'aurais dû être plus cool avec Marcy.
Je ne suis pas un mec parfait. Mais je ne suis pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. Mais des fois, je peux être un connard...

Et maintenant ?

Je me réveille... à l'hôpital. Je suis dans une chambre, allongé sur un lit. Je suis toujours à Silent Hill. Les murs sont dégoûtant et suintant. Je vois le brouillard à travers la fenêtre. On dirait que mon mea culpa n'a pas suffit. Mais bordel ! Qu'est-ce que cette ville veut de plus ?
Je me lève et regarde ma blessure. Elle ne s'est pas nettoyée toute seule mais la douleur s’atténue. Je vais pour sortir de la chambre. Elle s'entr'ouvre mais quelque chose bloque derrière. Je pousse, je force. Les vibrations remontent jusqu'à mon épaule et me cause une douleur difficilement soutenable. L'espace d'un instant, ma vue se brouille. Je glisse par terre, m'adosse au mur et reprends lentement ma respiration. Je sens mon cœur ralentir, la douleur pulser un peu moins. Mais, je le sais bien, ça ne suffira pas. L'espace d'un instant, j'ai peur d'être coincé dans cette chambre jusqu’à la fin de mes jours.
Je repense à Contrôle. Il n'est ni mon ami ni mon ennemi. Je ne sais pas d'où il sort celui-là. Il m'a dit de réfléchir. Il m'a mis en garde contre le Faucheur Zero et les Horlacanthes. Il a parlé des Chairs Disparues. Ces mots et ces idées tournent en boucle dans ma tête. Je les laisse faire. Je n'ai plus que ça à faire de toute façon.
Ces mots et ces idées, je tente malgré moi des les attraper, de les assembler, d'en faire quelque chose qui a du sens. Je pense à la montagne, à cette beauté que j'espère revoir un jour. J'ai peur. J'ai peur de ne pas y arriver. Pas seulement arriver à sortir de cette chambre et de cette ville pourrie. J'ai peur de ne pas y arriver... tout court. De ne pas arriver à faire face. De perdre le contrôle. Est-ce cela que m'ont renvoyé Marcy et les autres ? Tout ne s'est pas passé comme prévu et moi... j'ai pété un plomb. J'avais envie que tout soit parfait, que tout se passe comme prévu parce que... je gère. La situation est sous contrôle, son MON contrôle. Il ne peut rien m'arriver. Je gère. Je contrôle. Contrôle ? Lâcher prise. C'est ça ma difficulté ? Lâcher prise ? Accepter de ne pas totu contrôler, jusqu'au mon propre corps et mon propre esprit que je contrôle. Je contrôle mon esprit, je lui rends son calme et sa tranquillité quand je suis en montagne, là où tout est majestueux et... figé. Pas comme la mer, toujours animée, en mouvement, déchaînée et... incontrôlable. Le corps, c'est son absence de contrôle qui a fait de Marcy une grosse. Et c'est d'avoir récupéré le contrôle qui lui a fait perdre du poids. Mais ai-je raison de voir les choses ainsi. Contrôle m'a dit de réfléchir. Le miroir. Le miroir me renvoit une image. Il projette. Mais là, c'est moi qui projette des choses. Je ne sais rien du passé, des pensées profondes et intimes des uns et des autres. C'est moi qui projette sur eux ma perception de cette notion de contrôle parce que... j'ai envie d'y voir confirmer que moi je contrôle.
Je dois en finir avec ça. Je dois apprendre à lâcher prise, accepter de ne pas tout contrôler, que tout ne soit pas parfait et... que ce n'est pas grave.
Et je dois trouver un moyen de sortir d'ici.

La douleur, l'ennuie, le temps qui passe... J'avais fini par somnoler, puis m'endormir quand je fus réveiller par une sirène, comme celle qui annonce la fin du boulot à l'usine ou un bombardement imminent. Je sursautais et me rendis compte que je n'étais plus à l'hôpital. Je n'étais plus dans une chambre. Je ne sais pas comment mais je m'étais retrouvé dehors, dans la forêt.
Le brouillard est toujours là, omniprésent. Il fait presque nuit et je n'y vois quasiment rien. Je me sens mal, fiévreux. Ça pulse douloureusement dans mon épaule. À force de ne pas être soigné, ça a dû s'infecter. Maintenant, chaque pas est difficile. Je transpire. Je respire mal. Mes pas me guident tant bien que mal vers un bâtiment en ruine. Ce qui reste de la structure est en acier. Il y a aussi des éclats de verre. Mais tout est envahi par la végétation. Il y a des tubes qui pendent de ce qui a été le plafond. À l'intérieur, il y a des traces de fluides séchés. Certaines sont marrons, d'autres jaunâtres. Je ne reconnais rien. Je suis littéralement dans le brouillard. Non loin, j'entends un hibou hululer. Je me retourne dans la direction et voit l'oiseau se poser sur l'épaule de cette chose que j'ai vu dans l'appartement, à Silent Hill. Cette tête en plaque d'os et ces quatre bras.
Nous nous regardons sans bouger. J'ai peur que si j'esquisse le moindre geste il ne jette sur moi et me tue. Si je ne fais rien, il me tuera aussi certainement. Je me sens à bout, au bout du chemin. J'ai fait ce que m'a dit Contrôle, j'ai réfléchi et j'ai fait mon mea culpa. Mais ça ne suffit pas, hein ? Ça ne TE suffit pas ? Toi, tu es là pour autre chose. Pourquoi ?

« Mais qu'est-ce que tu me veux, bordel ?!! »

Sur son épaule, le hibou déploie ses ailes, pousse un long hululement et s'envole. La chose me fixe de ses yeux noirs et me dit d'une voix claire et douce :

« Je suis le futur. »

Et une faux apparaît entre ses mains. Je cours, malgré la douleur.
Je n'ai le temps de faire que quelques pas que je sens la lame s'enfoncer dans mon dos. Je la vois nettement ressortir par ma poitrine. La douleur fulgurante me fait prendre conscience de l'exacte position de mon poumon droit. Je sens la lame qui le transperce. Je vois le sang sur la lame.
Je vais mourir. En vérité, je suis déjà mort. Je suis mort depuis que j'ai mis les pieds à Silent Hill. Je suis même peut-être mort avant d'arriver. En vérité, je ne sais pas quand ni de quoi je suis mort. Je suis mort, c'est tout.
Que dira-t-on de moi ? Il n'était pas un mec parfait. Mais il n'était pas non plus le plus mauvais. Il y a pire, nettement pire. Il a quand même fait des trucs bien dans sa vie. C'était pas un connard égoïste et superficiel. Pas tout le temps. Des fois, oui. Mais pas tout le temps. C'était aussi un mec bien des fois.


GAME OVER

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