GREY
CELLS /
STURKEYVILLE
II
Lewis
Patrick Hatecroft se remet lentement des derniers événements.
Ceux-ci ont été éprouvants tant sur les plans physiques que
psychiques. Il doit non seulement se remettre de deux agressions mais
aussi apprendre à vivre avec, sur la conscience, la mort d'une
poignée de cultistes ; conséquence d'un rituel au cours duquel
il s'est lié à un Sombre Rejeton de Shub-Niggurath.
Toutefois,
un mystère demeure. Comment Archer et ses complices ont-ils su qu'il
possédait un exemplaire des Unaussprechlichen Kulten ?
C'est un sottise, il le sait. Pourtant, convaincu que tous les
complices d'Archer ne sont pas morts, il ne peut s'empêcher de
tenter de les pousser à se dévoiler. Ainsi, par l'entremise de
Lane, il fait publier dans la Gazette de Sturkeyville une soi-disant
nouvelle dans la rubrique fiction, espérant susciter quelques
réactions.
Quelques
jours après l'annonce du décès d'Archer, on pouvait lire :
« Parce
que tout a commencé par ce qui n'aurait pu être qu'un banal vol...
Votre serviteur, qui tient malgré tout à conserver l'anonymat
malgré le méfait dont il fut victime, a eu le triste privilège de
constater la disparition d'une pièce très particulière de sa
collection. Cet ouvrage se transmet dans notre famille de génération
en génération. Ce livre, véritable relique au contenu antique,
mystérieux, occulte... dangereux. De prime abord, pour le simple
amateur de l'art du détective, aucun indice, aucune trace
d'effraction. Pourtant, votre serviteur a retrouvé une unique
cartouche.
Votre
serviteur a alors immédiatement couru s'informer du modèle de
l'arme utilisant ce type de munition. Il s'agissait donc d'un fusil
ayant servi dans l'armée allemande durant la Grande Guerre. Ainsi,
comment le ou les auteurs de ce méfait sont-ils entrés en
possession d'une telle arme ? Sont-ils des vétérans ?
Sont-ils des proches ou des mercenaires au service d'anciens
soldats ?
Il
est de notoriété qu'un de ces vétérans, un marginal, vit à la
sortie de notre finalement pas si paisible Sturkeyville. Dire que
votre serviteur fut accueilli sans courtoisie est un euphémisme.
Point de violence physique - ce n'est que plus tard que votre
serviteur fut par deux fois vigoureusement agressé - , mais des mots
biens étranges évoquant autant les traumatismes générés par la
guerre que les contenus occultes de l'ouvrage dérobé : la mort
et la quête de la vie éternelle !
Filatures,
interrogatoires courtois, passage à tabac et, fort heureusement,
l'apparition d'un allié aussi inattendu que providentiel, me
permirent de tisser un faisceau de preuves convergeant vers une
personnalité de notre cité et, certainement derrière lui, tout un
réseau d'acolytes en quête également de la vie éternelle... à
n'importe quel prix. Et, gardien de cet ouvrage dangereusement
occulte, votre serviteur se trouve particulièrement bien placé pour
savoir que ce prix peut être extrêmement élevé. Mais comment les
confondre ? Comment mettre un point final à leurs sinistres
projets sans pour autant faire la lumière sur des réalités devant
rester dans l'ombre ? Une solution s'imposait à moi :
combattre le mal par le mal !
Mais,
le gardien des savoirs interdits peut-il ne pas être au fait des
sombres connaissances dont il a la charge de préserver le monde ?
Non, il ne le peut pas ! mais lui, à l'inverse des mebres de
cette sinistre secte, il ne veut pas payer ce prix. Et il ne veut pas
que l'humanité le paye non plus. Toutefois, votre serviteur s'est vu
contraint de risquer sa santé psychique, sa vie même! afin de
préserver l'humanité des manigances de ces vétérans en quête
d'immortalité. Alors, je me suis rendu dans les bois et j'ai obtenu
des sombres esprits qu'ils mettent un terme aux agissements de ces
sorciers. Le résultat ? Vous l'avez lu dans la rubrique
nécrologique de la Gazette... Et maintenant, sommes-nous sauvés
pour autant ? J'aimerais en être certain. je fuis le sommeil autant
qu'il me fuit, hanté que je suis par le prix que ces esprits de la
forêt vont exiger de moi. Car ils viendront... Et ce jour là, je
l'espère, le remède ne se révelera pas pire que le mal que j'ai
contribué à endiguer. »
A
se relire ainsi dans le journal, Lewis Patrick avait conscience tout
autant de la maladresse de sa démarche et de ses faiblesses
littéraires. Il ne savait ce qui le toucherait le plus entre une
réaction des cultistes ou un mauvais accueil de la part des
lecteurs. Pour autant, un fait divers sanglant éclipsait sa prose.
On venait de retrouver un cadavre ensanglanté et mutilé dans la
forêt. Celle-là même où il s'était livré à ce terrible rituel.
Le Sombre Rejeton hantait-il toujours les lieux ? Lane peut-il
lui en dire plus à ce sujet ?
Lewis
Patrick convie donc son ami reporter à Hatecroft Manor afin d'en
savoir plus à ce sujet. Mais Lane n'est au courant de rien. Il n'est
pas sur le coup et a en réalité d'autres chats à fouetter. En
effet, il est convaincu que le directeur adjoint de la banque de
Sturkeyville se livre à quelques malversations. Il est sur sa trace
depuis un bon moment maintenant. Il n'a pas l'instant rien trouvé
mais Horace Mumford a forcément quelque chose à cacher. En effet,
non seulement il a refusé plusieurs fois de répondre à ses
questions mais il a également disparu de la circulation depuis
plusieurs jours. Lane voit là un aveu de culpabilité. Se sachant
traqué, Mumford se serait donc enfui. Ou, en tout cas, il se cache.
Par ailleurs, un autre employé de la banque, Vernon Archer, est lui
aussi absent. Y a-t-il un lien ? Sont-ils complices ?
Lewis
Patrick connaît le jeune Archer et a du mal à voir en lui quelqu'un
de malhonnête. Pour autant, il en est conscient, cela ne prouve rien
et tout est possible, vraiment tout... Il n'y a à priori aucun
rapport entre l'enquête de Lane et le cadavre dans les bois mais
Lewis Patrick ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour Archer
vis-à-vis duquel il se sent redevable, voire même quelque peu
coupable. Mais, que faire ? Il est hors de question de révéler
à Lane comment il a fait la connaissance du jeune homme, ni même
pourquoi il s'intéresse à cette histoire de meurtre dans les bois.
Le
soir venu, Lewis Patrick est angoissé. Il traîne. Il lit, boit du
thé, erre dans les couloirs d'Hatecroft Manor. En réalité, il ne
veut pas se coucher. Il a peur de ce qui pourrait venir hanter ses
rêves. Mais, bien après minuit, il se résout finalement à gagner
son lit et le sommeil finit par le rattraper.
Lewis
Patrick se réveille. Il sait qu'il dort, qu'il rêve. Il est de
nouveau dans la forêt. Mais ce ne sont pas les bois de Sturkeyville.
C'est autre chose. C'est... Millevaux ! Il porte ses vêtements
habituels mais ils sont vieux, troués, raccommodés, élimés. Il
n'y a pas grand chose dans sa besace en cuir. Un peu de viande
séchées, une poignée de noix, son exemplaire des Unaussprechlichen
Kulten.
Il
voit dans ces rêves récurrents l'influence de Shub-Niggurath. La
Chèvre Noire tente de le rallier à elle. Elle l'attire en ce lieu
pour le corrompre mais lui, contraint d'y errer, entend bien y
trouver quelques vérités afin de combattre l'influence néfaste
des Anciens. Combattre le mal par le mal, faire flèche de tout
bois... serait-ce là son nouveau credo ? On dirait. Mais il
sait qu'il y a toujours un prix à payer. Il a d'ailleurs conscience
d'être précisément en train de le payer. Mais il craint malgré
tout les intérêts. Et ces dernières réflexions « financières »
le font penser au jeune Archer qui travaille à la banque et à
l'enquête de Lane sur le directeur adjoint. Mumford ? Oui,
c'est ça.
Dans
le rêve, il ne sait plus quel jour il est dans l'éveil. Mais ici,
nous sommes le 14ème jours du mois de Serpente. Et ces mots,
différents à chaque fois, résonnent à ses oreilles :
« Tu
montres une telle confiance, une telle générosité... Tu as un
parfait profil de victime.
À
moins que tu ne sois un bourreau en puissance. »
Hum...
La confiance et la générosité font-elles parties de ses qualités.
Il ne sait plus trop. Est-il vraiment généreux ? Est-ce
généreux que de se résoudre à d'immonde rituel pour mettre fin
aux activités d'adorateurs des Anciens ? N'est-ce pas plutôt
un prétexte ? Il en a conscience. Il le sait. Il sait que son
altruisme n'est qu'une façade mais qu'en à réalité il n'a qu'une
envie, celle d'explorer les sombres mystères dont il est le gardien.
D'une certaine façon, il est le gardien d'une boite de Pandore et
lui aussi l'a ouverte. Mais parviendra-t-il à la refermer et à ne
pas succomber à la tentation de ne pas l'ouvrir à nouveau ?
La
nuit est brune. On y voit pas très bien. C'est bizarre car le temps
est sec mais, pourtant, il est trempé, comme s'il pleuvait à verse.
Et surtout, Lewis Patrick a faim. Il aperçoit un vieux bâtiment en
ruine. De loin, cela ressemble un peu à la scierie de Sturkeyville.
Il court pour s'y abriter. Mais de quelle pluie ? Il espère y
être au sec et à l'abri...
Il
a de nouveau senti cette présence. Cela fait plusieurs fois que,
dans ces bois, il sent une présence, quelqu'un, quelque chose le
suit depuis plusieurs rêves. Il ne l'a qu'entraperçu, une
silhouette haute, très musclée, recouverte de fourrure. Pas tout à
fait un ours mais pas tout à fait un homme non plus. Il y a tant de
chose étrange qui peuple cette forêt. Il ne sait pas si cette chose
le traque pour le tuer ou seulement pour jouer. Il est certain que,
si elle le voulait, cette créature ne ferait qu'une bouchée de lui.
Et il repense à cette affaire de cadavre dans la forêt.
Lewis
Patrick se laisse glisser le long d'un mur. Peut-il s'endormir dans
un rêve ? Et dans ce cas, où se réveillerait-il ? Dans
son lit ou... un autre rêve ? Alors qu'il se laisse aller à
ces pensées, son regard se porte sur le pan de mur qui lui fait
face. Une nuée d'insectes (des araignées?!) courent dans tous les
sens et tissent une toile immense et improbable à vitesse accélérée.
La toile et les araignées elles-mêmes forment des mots sur le mur :
La Capitale de la Douleur !
A
la vue de ces mots, et il ne sait pas pourquoi, Lewis Patrick se met
à trembler. Ses mâchoires se contractent douloureusement. Ses
muscles se tétanisent. Il voudrait se lever et arracher cette toile,
piétiner ces araignées. Il voudrait hurler mais ces mâchoires
restent soudées l'une à l'autre. Ses mains et ses doigts sont
soudain agités de mouvements saccadés et incontrôlables. Ses yeux
sont grands ouverts, exorbités. Lewis Patrick a l'impression qu'ils
vont quitter son crane. Un hurlement retentit au loin. Il bave de
rage. Il veut tourner la tête en direction du hurlement mais ne peut
détacher son regard du mur et des araignées.
Le
hurlement... est... le sien ! Lewis Patrick se réveille en
sursaut. Il se jette hors de son lit et secoue les draps à la
recherche d'araignées ! Il est convaincu que des insectes
grouillent dans ses draps. Mais après quelques minutes d'agitation
frénétique, il se rend à l'évidence. Il n'y a rien. Toutefois,
demain, il se rendra à la droguerie et fera provision de poudre
insecticide.
Aujourd'hui,
et au grand dame de ses domestique, Lewis Patrick fait donc la chasse
à l'arachnide. Il traque la moindre toile dans le moindre recoin. Il
s'agite dans tous les sens en marmonnant des propos plus ou moins
intelligibles et cohérents concernant la Capitale de la Douleur et
invectivant la peste des insectes. Mais c'est lorsqu'il entreprend de
répandre ses poudres dans la pièce où il conserve les éléments
les plus obscures de la collection dont il est le gardien que son
sang se glace. Deux pièces manquent à l'appel ! Deux fragments
de journaux intimes. De mémoire, il s'agit du journal d'un guerrier
viking qui aurait accosté en Amérique il y a fort longtemps, bien
avant la conquête espagnole. Et il décrit là ses contacts avec les
indiens et comment il a appris leurs coutumes, leurs mythes et
légendes. Mais il n'est plus vraiment certain du contenu. Il ne les
a que survolés il y a déjà fort longtemps. Pour autant, un second
vol si peu de temps après le premier, cela ne peut pas être une
coïncidence. Et si la publication de sa fausse nouvelle dans la
Gazette avait finalement l'effet désiré ?
Lewis
Patrick donne leur congés à tous ses domestiques. Il veut être
seul à Hatecroft Manor pour examiner les lieux du crime et tenter
d'y déceler un indice. Celui qui s'est introduit ici a bien dû
laisser une trace de son passage. Et surtout, cela confirme bien que
quelqu'un à Sturkeyville est au courant des raretés qu'il conserve
au manoir. Il ne pense pas un seul instant que ses domestiques
puissent être mêlés à cette effraction. Toutefois, s'il ne devait
trouver aucune autre piste, il faudra peut-être se résoudre à les
suspecter.
Mais,
après avoir fait plusieurs fois le tour de la pièce et en avoir
examiné le moindre recoin, rien! Lewis Patrick ne trouve rien!
Pourtant, il est certain que cela est en lien avec l'affaire Archer
sauf que... il ne peut même pas contacter le jeune Archer puisque
celui-ci a disparu, en même temps que son patron ! Alors,
désespéré, il se prépare une tasse de thé et s'installe dans la
pièce où il organise ses soirées spirites. Il songe alors que cela
fait longtemps maintenant qu'il n'en a pas organisé une. Et si...
Il
ne suffit que de quelques appels téléphoniques pour que les choses
se précipitent. Myrtle Veneti sera là bien sûr. Mais aussi Greg
Benson, le pharmacien et Julius Andrew, le notaire. À eux quatre,
ils devraient parvenir à contacter un esprit. Et peut-être que ce
dernier saura ce qui s'est réellement passé à Hatecroft Manor
aujourd'hui.
Le
soir venu, les invités s'installent dans cette pièce qu'ils
connaissent bien. Il y a à boire et à manger mais personne n'y
prête vraiment attention. Lewis Patrick est nerveux. Il espère
vraiment qu'un esprit va se présenter pour lui apporter des réponses
mais sans toutefois trahir auprès de ses convives sa fonction de
gardien de savoirs occultes. Il pense pourtant ne pas pouvoir faire
autrement que prendre ce risque. Tous s'installent autour du
guéridon. Lewis Patrick se fait le maître de cérémonie, comme à
son habitude.
Au
bout de quelques minutes, tous remarquent que Myrtle Veneti est
animée de quelques légers tremblements. On dirait que quelque chose
la dérange mais personne n'ose prendre la parole pour lui demander
quoi. Puis, il laisse échapper un long souffle rauque.
« La
Capitale... de la... Douleur... »
Lewis
Patrick se fige. Comment est-ce possible ?
« Les
Araignées tissent leurs toiles en l’honneur de leur déesse !
Mais elles craignent les Champs de Feu, Lewis Patrick. Elles
craignent les Champs de Feu... »
Lewis
Patrick se lève de sa chaise. Il se penche vers Myrtle Veneti et la
presse de questions. Mais l'esprit s'en est allé, là laissant là
dans un état hébété, à moitié endormi. Benson et Andrew restent
silencieux et proposent de prendre congés. Ils se chargent de
reconduire Myrtle chez elle. Lewis Patrick se retrouve donc seul avec
ses pensées. Oui, manifestement tout est lié. Son dernier rêve
millevalien, les araignées, cette Capitale de la Douleur... Tout
cela paraît lié avec la déesse des araignées et ces Champs de Feu
qu'elle craindrait. Mais de quoi s'agit-il vraiment ? Il est
maintenant tard. Aussi se résout-il à laisser son inconscient trier
ses informations. La nuit porte conseil, non ?
Lewis
Patrick dort d'un sommeil agité. Ses songes le conduisent de nouveau
à Millevaux. Il fait nuit et il se retrouve à descendre le long
d'un tronc couvert de veinules et de débris de mues monstrueuses ou
humanoïdes. Il y a aussi des objets chargés de mémoire sont
incrustés dans les parois : camées, horloges, fleurs... Au fond,
deux sphincters géants avec chacun une pancarte : « les
meilleurs souvenirs » et « les pires souvenirs ».
Mais il y a une gardienne : une grosse limace garnie de rangées
de seins gonflés de pus avec une tête de femme craniotomisée, le
cerveau sous verre, la peau autour des yeux déchirée, à vif. Elle
a des pattes d'araignée à la place de la bouche et des cornes
ensanglantées en guise de bras. À la vue de ses pattes arachnides,
il pousse un hurlement. Il sait qu'il rêve et il espère que son
propre cri va le réveiller mais...
…
cette chose immonde se jette sur lui avec une rapidité surprenante.
Et lui, est littéralement paralysé par la peur. Le monstre
s'écroule sur lui de tout son poids et insère ses pattes dans la
bouche de Lewis Patrick, étouffant ses cris, l'étouffant tout
court...
…
et Lewis Patrick se réveille, en nage. Il a le souffle court. Il a
l'impression de s'être noyé. Il a un goût horrible dans la bouche.
Il boit et recrache plusieurs verre d'eau et se lave même la bouche
avec du savon. Et c'est devant le miroir de la salle de bain qu'il se
rend compte, qu'il voit...
…
sa peau... a... changé... de couleur ! Il a maintenant le teint
de ses fiers Incas ou Mayas. Comment cela est-il possible ?
Qu'est-ce que cela signifie ? Mais surtout, comment va-t-il
pouvoir se montrer en ville maintenant ?
Tôt
le lendemain, Lewis Patrick informe son personnel de maison qu'il
doit se rendre en urgence auprès d'un membre de sa famille à New
York. Son absence risquant d'être un peu longue, il les invite donc
à en profiter pour prendre quelques vacances bien méritées. Ainsi,
il pourra rester à Hatecroft Manor sans que personne ne puisse
témoigner de sa nouvelle apparence.
Et
maintenant, que faire ? Impossible de quitter le manoir ainsi !
Sa couleur de peau a changé mais pas ses traits. Il ne peut même
pas se faire passer pour un étranger de passage. Le jeune Archer, au
fait des manigances occultes de son père, aurait peut-être plus
facilement que d'autres accepté cette transformation mais il a
disparu. Vers qui se tourner ? Lane ? Pas sûr. Et il
semble si occupé par son enquête sur Mumford et... Archer justement
puisque les deux employés de la banque ont disparu quasiment en même
temps. Myrtle doit encore être trop secouée par son expérience de
la veille. Il l'appellera plus tard pour prendre de ses nouvelles.
Andrew, Benson ? À eux, il pense pouvoir leur faire confiance
et garder ce secret. Il leur téléphonera dans la journée.
Pour
l'heure, Lewis Patrick a besoin de faire le point sur les événements.
Tout d'abord, la mort de Lawrence Archer, Jonas Parker et tout ou
partie de leurs sbires suite à l'invocation du Sombre Rejeton de
Shub-Niggurath. Puis, la découverte de ce corps dans la forêt.
Ensuite, la disparition de Mumford et du jeune Archer. Parallèlement,
ces rêves étranges où il vagabonde dans une forêt sans fin, suivi
de loin par une créature humanoïde rappelant un ours. Et puis ce
message écrit par des araignées, repris par Myrtle. La Capitale de
la Douleur. La Déesse Araignée. Les Champs de Feu. Et ces carnets
qui lui ont été dérobé. Tous ces faits apparemment sans lien
mais, pour qui sait lever le voile, alors les fils apparaissent. Mais
comment lever ce voile ? Lewis Patrick va-t-il encore devoir se
résoudre à user de magie pour contraindre le réel à lui dévoiler
ses secrets ?
Soudain,
des rires se font entendre en provenance du sous-sol ! Ils
sonnent étrangement... creux ! Lewis Patrick se lève d'un
bond. Son premier réflexe est de se précipiter à la cave mais il a
subitement peur de se retrouver nez à nez avec quelques insectes
et... araignées ! Il attend quelques instants. Les rires ont
cessé. N'était-ce que son imagination ou y a-t-il réellement
quelqu'un d'autre au manoir ? Malgré sa peur, il ouvre la porte
de l'escalier et crie à l'attention d'un éventuel importun de se
montrer immédiatement. Et quelque chose sort de l'ombre...
Un
petit garçon d'une douzaine d'année se tient là, de bout, au pied
des escaliers et fixe Lewis Patrick en souriant. Il reste silencieux
mais on entend encore résonner cet étrange rire creux. Il semble
venir de derrière l'enfant. Il n'est donc pas seul.
« Montrez-vous ! »
ordonne Lewis Patrick, qui tente de conserver une certaine
contenance.
Et
l'enfant fait un pas en arrière, disparaissant dans l'ombre...
Lewis
Patrick reste un moment là, figé devant la porte, scrutant
l'obscurité. Mais il n'y a plus rien, ni personne. Puis, il trouve
enfin le courage de descendre. Une fois en bas, il appelle de
nouveau. Et de nouveau, il entend ce rire mais plus distant cette
fois. Comme si son auteur s'en allait. Il allume alors la lumière et
constate avec soulagement que, contrairement à ce qu'il craignait,
il n'y a pas de colonies d’araignées courant sur les murs. Par
contre, par terre, une montre de gousset. Lewis Patrick la ramasse.
Elle est tout ce qu'il y a de plus banal si ce n'est... qu'elle
tourne à l'envers !
Quand
Lewis Patrick lève la tête, il n'est plus dans sa cave mais dans
une grotte. Il porte de nouveau ses vêtements usés typiques de ses
voyages à Millevaux. Il rêve donc. Mais il se sent mal. Il a froid
et est en proie à de violents tremblements. Il a de la fièvre.
Peut-on souffrir de la grippe dans le rêve ? Est-ce ainsi que
son corps et son esprit lui hurlent qu'il est en danger et qu'il doit
tout faire pour s'enfuir, rentrer à Sturkeyville et, surtout,
retrouver une vie normale ? Mais comment ? Malgré la nuit
brune, il parvint à peu près à y voir dans cette caverne. Il
s'approche de la paroi. Elle est humide. Il y colle son front et
savoure cette fraîcheur.
Nous
sommes le 22ème jour du mois de Messe.
« Rouges
les rivières, rouges les racines et rouges mes bras. Bat ma poitrine
et bat l'écho.
Une
forêt de sang, d'artères et de cœurs battants. »
Lewis
Patrick regarde ses mains. Elles sont couvertes de sang. Ce n'est pas
de l'eau qui suinte de ces murs mais du sang. Par réflexe, il porte
ses mains à son visage et étale encore plus de ce sang qui fait de
lui... un peau rouge ?
Et
il sent une présence derrière lui. Il n'ose se retourner car il
sait qu se tient là. L'homme ours ! Alors, collant de nouveau
son front contre la paroi ensanglantée, il se met à marmonner :
« Je
suis la Feuille !
Ici
et maintenant, pour m'adapter aux changements, je m'en remets au dieu
du vent !
Je
suis la Feuille ! »
Et
il souffle alors un vent violent et son assaillant laisse échapper
un cri de surprise. Lewis Patrick ferme les yeux. Il serre les dents
puis, auprès quelques minutes, alors que le vent est retombé, il se
retourne. La grotte est déserte.
Adossé
à la paroi, il se laisse tomber et se met à sangloter. Alors, il
est envahi par une douce chaleur semblant venir de lui-même, de son
cœur. Et cette chaleur se répand et chasse les frissons et la
fièvre.
Il
veut dormir, se réveiller. Sa vie est devenu un cauchemar. Les
événements tragiques s’enchaînent depuis ce rituel dans les
bois. Et il n'a toujours aucune piste.
Ce
matin, Lewis patrick a toujours ce même teint qui le fait ressembler
à un indien. Aztèque, Apache, Incas, Sioux ? Quelle tribu a
cette couleur de peau ? Ce changement n'est-il le fait que d'un
triste hasard ou a-t-il une quelconque signification. La sonnerie du
téléphone le tire de ses pensées.
Une
voix volontairement étouffée commence par affirmer savoir que son
intérêt pur l'occulte est de notoriété. Toutefois, des choses
plus sérieuses et plus graves se trament à Sturkeyville. Ça, il
s'en doutait ! Le calme de Sturkeyville n'est qu'apparent et
c'est la raison même pour laquelle cette petite ville attire tous
ceux dont les activités les plus sombres nécessitent la plus grande
discrétion. Et là, Lewis Patrick se demande si ce n'est pas pur une
même raison que son oncle défunt s'est installé ici avec sa
collection secrète. Shub-Niggurath, Rlim Shaikorth, Atlach-Nacha...
Les astres s'alignent selon une funeste configuration. Ceux qui
savent doivent alerter le monde. Et ceux qui le peuvent doivent tout
tenter pour arrêter les adorateurs des Dieux Anciens. Ainsi parlait
cet homme... ou cette femme d'ailleurs, sans laisser le temps à
Lewis Patrick d'en placer une. Mais l'information qu'il n'attendait
plus finit par venir. Jonas Parker était fou de la Chèvre Noire et
elle l'a tué. Horace Mumford était fou du Ver Blanc et il l'a tué.
Ken Cellys est fou de la Déesse des Araignées mais... le
tuera-t-elle ou parviendra-t-il à la satisfaire ?
La
communication s'est arrêtée depuis quelques instants et Lewis
Patrick a toujours le combiné collé à l'oreille. Il murmure en
boucle ce nom : « Ken Cellys ». Qui est-ce ? Un
adorateur d'Atlach-Nacha, la Déesse des Araignées, manifestement.
Il finit par reposer le combiné et réfléchit. Trois adorateurs de
divinités Anciennes, sans compter leurs complices, se livrent à des
rituels en leur honneur. Pour deux d'entre eux, leur Dieu s'est
retourné contre eux. Qu'en sera-t-il du troisième ?
Avant
tout, vérifier que Mumford est bien mort. En effet, Lane atteste de
sa disparition mais pour l'heure rien ne le mêle aux affaires des
Anciens. Mais si tel devait être le cas, cela pourrait signifier que
lui aussi, comme Archer et ses complices, s'est livré à quelques
rituels. Ironie du sort, Archer vénérait Shub-Niggurath et c'est un
Sombre Rejeton de la Chèvre Noire que Lewis Patrick a invoqué pour
les arrêter... définitivement. D'après cet informateur anonyme,
une même ironie aurait frappé Mumford. On dirait que les Anciens
sont sans pitié vis-à-vis de ceux dont Ils ne sont pas satisfaits.
Et ce Cellys alors ? L'espace d'un instant, Lewis Patrick se
laisse aller à espérer que ce dernier déçoivent sa Déesse et que
celle-ci ne se débarrasse tout simplement de lui.
Si
Mumford est bien mort, il peut attendre. Ce Cellys, par contre... Une
recherche dans l'annuaire indique les numéro et adresse de Kendall
Cellys mais aussi de Kenneth Cellys. Il faut bien commencer, va donc
pour Kendall !
Ce
Cellys habite à la périphérie du centre-ville. Nous sommes encore
dans les « beaux-quartiers » mais pas très loin d'une
zone d'habitations plus populaire. Le vent souffle très fort
aujourd'hui et c'est une excellente raison pour porter chapeau et
imperméable. Lewis Patrick espère ainsi croiser peu de monde dehors
et, surtout, qu'on ne le reconnaîtra pas. Et il espère surtout
qu'un homme errant dans les rues par un temps pareil n'attirera pas
l'attention. Mais la réussite de son entreprise est au prix de ce
risque.
Les
rues sont désertes. Le vent et la pluie s'abattent méthodiquement
sur Sturkeyville. Kendall Cellys est manifestement chez lui. Il y a
de la lumière au rez-de-chaussé. Lewis Patrick, confiant,
s'approche. Il ouvre le portillon donnant sur le petit bout de
jardin. Certain que personne ne peut le voir, il s'approche et
regarde par la fenêtre. Cellys est dans son salon. Il s'agite et
fait les 100 pas devant un groupe d'une demi-douzaine d'hommes et de
femmes. Il note d'ailleurs qu'il y a une majorité de femmes dans
cette assemblée. D'ailleurs, il n'est pas sûr de lui mais il se
demande s'il n'a pas croisé l'une d'elle lors d'une soirée
mondaine. Mais il se recentre sur Cellys. Il déambule toujours dans
son salon, nerveux. Il agite ce qui est manifestement une dague de
sacrifice rituel. Va-t-il assister là à un rite sanglant ?
Pourvu que non. Il essaye d'entendre ce qui se dit à l'intérieur
mais n'entend rien à cause du vent et de la pluie. Mais il a dû
trop s'approcher car un cri retentit. Il est repéré. Là, à
travers la fenêtre, un homme s'est levé et le pointe du doigt.
Lewis Patrick s'enfuit et rejoint son auto en courant.
De
retour à Hatecroft Manor, il remercie intérieurement ce mystérieux
informateur. Cellys a bien quelque chose à se reprocher et quelque
chose se trame. Maintenant, il lui fait creuser cette piste, en
savoir plus et l'arrêter. Mais il doit aussi confirmer les propos
concernant Mumford. Et il y a tout à croire que là-dessus non plus
on ne lui a pas menti. Et s'il mettait Lane sur le coup ? Et si
lui aussi devenait un informateur anonyme ? Bonne idée mais...
comment connaître alors le résultats des investigations de son
ami ? Celui-ci accepterait-il de tout lui révéler lors d'une
conversation « anodine » ? Lewis Patrick décide de
laisser la nuit lui porter conseil.
Lewis
Patrick dort mal. Il éprouve une sensation désagréable autour du
cou. Cela finit par le réveiller. Il se rend alors compte qu'il est
nu et qu'une sorte de cordon ombilical s'est enroulé autour de son
cou. Ce cordon est relié à un gigantesque arbre creux, calciné et
mourant sous un soleil brûlant qui racornit tout. L'arbre se dresse
sur un désert qui s'étend à perte de vue et reflète l'aveuglante
lumière d'un soleil rouge sur le point d'exploser.
Il
comment par désenrouler le cordon et tire doucement dessus. Il
ressent une légère douleur. Conscient qu'il ne pourra pas
s'éloigner de l'arbre sans couper le cordon et que le faire pourrait
se révéler, par contre, assez douloureux, il préfère s'approcher
du tronc et regarder à l'intérieur du creux. La morsure du soleil
est cruelle. Il veut se mettre à l'ombre mais, à l'intérieur du
tronc, il voit une espèce de poisson doté de trois paires de bras
humanoïdes foncer vers lui, une gueule munie de plusieurs rangées
de crocs acérés grande ouverte.
Souffrant
toujours plus du soleil, il met autant de distance que lui en permet
le cordon entre lui et cette créature. Il se retrouve alors face à
un pendu qui pourrit. Ses viscères dégoulinent hors de son abdomen.
Lewis Patrick s'avance vers le pendu. Un coup d’œil en arrière
lui indique que le monstre a renoncé à le poursuivre. Il lève les
yeux vers le cadavre et reconnaît son visage !
Lewis
Patrick se réveille en sursaut et court dans la salle de bain pour
se regarder dans la glace. Mais il a toujours ce même teint qui le
fait ressembler à un indien. Mais, est-ce à cause de ses propres
traits caucasiens inchangés, il ne saurait dire s'il ressemble
désormais à un indien d'Amérique du nord ou du sud.
Quoi
qu'il en soit, la nuit lui a porté conseil, malgré ce cauchemar. Ou
peut-être grâce à lui. En effet, est-ce que, confronté à sa
mort, il a alors saisi l'urgence de passer à l'action ? Il
décide donc d'appeler la Gazette de Sturkeyville et demande à
parler à H. P. Lane. Dès qu'on le lui passe, il colle un chiffon
sur le combiné pour masquer sa voix et explique que les activités
louches et occultes de Mumford ont causé sa mort. Et il raccroche
avant que Lane ne put poser la moindre question. Maintenant, il n'y a
plus qu'à attendre que le reporter mène son enquête. Il le
rappellera dans quelques jours sous prétexte de prendre des
nouvelles et tentera alors de lui tirer les vers du nez. Mais pour
l'heure, que faire ? Comment confondre et arrêter Cellys ?
L'espace d'un instant, il songe à retourner dans les bois pour
demander au Sombre Rejeton de se charger de lui mais... de quels
stigmates sera-t-il alors affligé ? Et quels cauchemars
hanteront ses nuits ? Non, le prix qu'il doit déjà payer est
bien assez élevé. Mais il a néanmoins une idée. Il croit bien
avoir reconnu parmi les complices de Cellys une femme qu'il pense
avoir croisé lors d'une soirée mondaine. Et s'il organisait une
soirée à laquelle il inviterait le gotha de Sturkeyville ?
Cette femme devrait alors être là et il pourrait l'identifier,
voire la confondre. Mais comment organiser une soirée au manoir
alors qu'il a donné son congés à son personnel et qu'il ne peut se
montrer en public avec cette nouvelle couleur de peau ? Un nom
s'impose : Myrtle Veneti, bien sûr ! Il avait d'ailleurs
promis de la rappeler suite à leur dernière soirée spiritisme.
Au
téléphone, Myrtle affirme aller bien mais Lewis Patrick la sent
quelque peu tendue, voire à cran. Lui en veut-elle de cette étrange
soirée ? Non, bien sûr mais elle aura souhaité que les choses
se passent comme... d'habitude.
« Cahcallah
nohuiyan īnentlah... cocōc... »
A
ces mots, Lewis Patrick l'arrête tout de suite et lui demande de
répéter mais Myrtle répète les derniers mots qu'elle a prononcé
avant de parler dans cette langue étrange. Et elle ne voit pas du
tout de quoi Lewis Patrick veut parler. Ce dernier comprend que ce
n'est pas la peine d'insister mais demande à son ami de patienter,
le temps de s'emparer de quoi noter et tenter de bien se rappeler ce
qu'il a entendu. Ceci fait, il reprends alors la conversation sur un
ton plus léger et lui propose d'organiser une fête costumée. Il
explique qu'il aurait bien organisé cela à Hatecroft Manor mais son
personnel de maison étant en congés, Myrtle accepterait-elle
d'accueillir les festivités ? Mais, à son grand étonnement,
il se heurte à un refus catégorique. Et il sent bien que ce n'est
pas la peine d'insister. Lewis Patrick prend alors poliment congés
et raccroche. Jamais son amie ne lui a parlé sur ce ton. Et jamais
elle n'a refusé de participer ni d'organiser une réception. Que se
passe-t-il ?
Le
10ème jour du mois de Chien...
« La
sarcomancienne vous greffe la peau tatouée d'étrangers ;
alors
leurs souvenirs et leurs émotions coulent encore chaudes dans vos
veines. »
Lewis
Patrick est de nouveau dans cette forêt, Millevaux. Il regarde ses
mains. Dans le rêve aussi sa peau a changé de couleur. Et il
repense à l'historiette. Et si les souvenirs de cette peau étrangère
se mettaient à couler dans ses veines ?
La
Nuit Brune, encore, et il pleut, encore. Lewis Patrick est à la
recherche d'un abri. Il ne cherche pas à se protéger de la pluie
mais de ce qui le traque. Car, il le sent, il le sait, cette chose
est de nouveau derrière lui. Elle approche.
C'est
quand on cherche qu'on ne trouve pas et c'est quand on ne cherche
plus qu'on trouve. Fatigué, ruisselant de pluie, Lewis Patrick
continue de marcher mais sans plus prêter attention à là où ses
pas le guide. En réalité, il est ailleurs. Il rêve, il le sait.
Mais il est encore ailleurs. Son corps est dans son lit, à Hatecroft
Manor. Son esprit, ou du moins une partie de son esprit, est ici dans
ces bois. Mais une autre partie de son esprit a quitté le rêve pour
retourner à Hatecroft Manor, dans la bibliothèque. La bibliothèque
secrète, celle où sa famille cache depuis des générations ces
livres aux contenus mystiques, occultes, ésotériques, interdits,
dangereux. Là, il compulse un ouvrage relatif à une créature
venant du fin fond de l'espace et du temps. Le chapitre décrit un
conglomérat de cadavres d'êtres issus de tous les mondes et de
toutes les époques, de toutes les dimensions. Et cette chose, quand
elle s'approche d'un nouveau monde, diffuse ses spores morbides. Et
ces spores infectent alors les habitants de ce nouveau monde. Ces
derniers mutent. Leurs corps subissent d'horribles transformations.
Mais leurs esprits changent également. Ils se reconnaissent, se
fédèrent, s'organisent et œuvrent afin de hâter la venue de ce
géniteur qu'ils considèrent comme une divinité devant ce repaître
de toute la vie présente ici-bas. Eux, ils seront sauvés car ils
rejoindront le conglomérat.
Lewis
Patrick referme le livre et le repose dans le coffre, juste à côté
de ces vieux carnets. Par curiosité, il en prend un.
« J'ai
passé beaucoup de temps à écouter les légendes du peuple de
Nokomis. J'ai aussi passé beaucoup de temps à chanter et danser
pour voir son autre monde. Cette forêt est bien étrange. Elle est
sans fin. Là, j'ai croisé la route de biens des esprits et certains
m'ont parlé de celle qu'ils appellent la Mauvaises Mère ou encore
la Chèvre Noire. Curieux, je l'ai cherchée. Je ne pouvais croire
que celle qui avait crée cette forêt pouvait réellement être
mauvaise. Cette forêt ne m'apparaissait pas comme une malédiction.
Je ne comprenais pas l'ingratitude de ces esprits face à la beauté
de ces lieux et à la vie foisonnante qui les peuplait. Esprits,
créatures chimérique, hommes et femmes de tous les âges semblaient
s'être donnés rendez-vous là, sous l'égide bienveillante de
Shub-Niggurath. Pourtant, tous n'appréciaient pas ce don. Millevaux
est un cadeau. Et Millevaux m'a offert Echidna, une voyageuse
solitaire parcourant Millevaux. Je ne sais pas d'où elle vient. Elle
vient d'une autre Terre, d'une autre époque. Elle me parle de son
monde mais je ne comprends pas. Elle me parle de Mouches et de
Cafards. Elle rêve, elle aussi. Nous nous retrouvons de plus en plus
dans cette région de Millevaux qu'elle appelle les Forêts
Limbiques. Là, nous nous abandonnons au rêve. Nous nous abandonnons
l'un à l'autre. Je ne veux rien lui cacher. Alors, je lui fais don
de cette partie de mon passé qui déjà devient floue. Je fais
d'elle la gardienne de ma mémoire, d'une partie de ma mémoire. Je
compte désormais sur elle pour me rappeler qui je suis.
Le temps passe. Echidna
m'initie aux secrets du Foutre de Mouche, de l'Opium Jaune et de la
Viande Noire. Même dans le rêve nous rêvons. Nous parcourons
d'autres mondes, parfois merveilleux, parfois horribles. Nous
croisons la route d'autres hommes et d'autres femmes venus de tous
les mondes et de toutes les époques. Certains nous prennent pour des
esprits, des hallucinations. D'autres ne nous voient même pas. Et
une nuit, alors qu'Echidna se repose, il me prend de consommer seul
de cet étrange Jus de Singe. Et quand je me réveille, j'ai quitté
Millevaux. Je suis de nouveau... chez moi ? Combien de temps a
passé. Je ne reconnais rien, ni personne. Où sont Echidna et
Nokomis ?
Ce
monde a changé. Je ne l'aime pas. La forêt me manque. Il y a de
plus en plus d'hommes blancs. Ils ont apporté la guerre. Ils ont
détruit la forêt pour construire des villes toujours plus étendues,
toujours plus hautes. Avant, leurs maisons étaient en bois.
Maintenant, elles sont en pierre. Je me réfugie de plus en plus dans
les forêts limbiques. Là, je cherche la paix. Ou, au moins, je
cherche la solitude. Et peut-être que je finirais par trouver, sinon
l'oubli, la Chèvre Noire. Alors, je saurai... mais quoi ? Et
pourquoi ? Et c'est parce que l'oubli me gagne, me ronge, que
j'écris ces quelques lignes. Je fixe là ma mémoire. Mais pourquoi
et pour qui ? »
Lewis
Patrick referme le journal. Il n'a pas le temps de le replacer dans
le coffre qu'il est de nouveau dans Millevaux. Ses pensées ont
retrouvé le chemin du rêve. Il stoppe net ! Il pleut toujours.
Il regarde autour de lui. Il sent la présence du monstre qui le
traque. Et il sait maintenant qu'il s'agit d'un être dévoué à
Shub-Niggurath. Est-là le prix qu'il doit payer pour avoir invoquer
un Rejeton de la Chèvre Noire ? Et ce carnet ? Il fait
partie de ceux qu'on lui a volé récemment. Quel message le rêve
cherche-t-il a lui délivrer ? Qui est cette Echidna ? Que
sont ce Foutre de Mouche et cet Opium Jaune ? Et Nokomis ?
C'est un prénom indien.
En
tout cas, bien des gens parcourent cette forêt, que ce soit en rêve
ou réellement. Et il y a des moyens d'accéder volontairement à
Millevaux, pas seulement au hasard d'un rêve mais en utilisant
certains produits. Mais pourquoi l'auteur de ce carnet est-il sur ses
traces ? Et si... et s'il voulait récupérer ses carnets ?
Et si c'était lui qui les avaient volés ? Mais dans ce cas,
pourquoi continuer à le pourchasser ? À moins que ce ne soit
quelqu'un d'autre qui les ait dérobé, sachant qui en été
l'auteur...
D'une
certaine façon, Lewis Patrick est rassuré. En effet, s'il retrouve
ces carnets, il pourra tout simplement les rendre à leur
propriétaire et tout devrait rentrer dans l'ordre. Du moins
l'espère-t-il...
Bien
qu'il pleuve toujours, il s'assoit et s'adosse à une arbre. Il ferme
les yeux et se réveille.
Lewis
Patrick sort de son lit et gagne la salle de bain. Dans un premier,
il n'y prête pas attention mais sa peau a de nouveau changé de
couleur. Elle est redevenue comme avant. Il laisse éclater un cri de
joie en même temps que le téléphone sonne.
Lane
ne prend pas la peine de le saluer.
« C'est
vrai ce qu'on raconte ? On dit que si on ne te voyais plus ces
derniers temps, c'est parce que tu étais interné dans un asile
Psychiatrique. »
Lewis
Patrick n'en revient pas. Qui a pu raconter de telles sottises ?
Lane n'en sait trop rien, c'est un bruit qui court. Et il court
d'autant plus que cela fait plusieurs jours que personne ne l'a vu en
ville et que les seuls contacts qu'il a pu avoir furent par
l'intermédiaire du téléphone. Lane lui rappelle qu'il a donné son
congés à ses domestiques et qu'il peut très bien avoir passé ses
appels d'un sanatorium. Mais s'il est à Hatecroft Manor ce matin,
cela veut-il dire qu'il est de retour ? Et que tout va bien ?
L'espace
d'un instant, Lewis Patrick craint que ce ne soit Myrtle Veneti qui
ait lancé cette rumeur. Mais pourquoi ? Pour ce venger de cette
douloureuse expérience ésotérique ? Il ne ne saurait
peut-être jamais. Mais pour autant, il devait profiter d'avoir Lane
au téléphone pour en savoir plus au sujet de Mumford. Et,
innocemment, il lui demande de ses nouvelles, notamment au sujet de
ces investigations pour la Gazette. Et à sa grande surprise, Lane ne
se fait pas prier. Il raconte avoir remonté la piste de Mumford et
l'avoir retrouvé mais... que faire maintenant ?
Lewis
Patrick apprend ainsi que son ami s'est introduit, pour la seconde
fois, par effraction chez le banquier. Et cette fois, dans la cave,
il fut le témoin d'une scène des plus étrange, horrible et
inimaginable. Oui, Horace Mumford avait bien des choses à se
reprocher. Mais rien concernant la falsification de comptes et de
vulgaires histoires d'argent. La cave de Mumford s'était révélé
le théâtre d'un meurtre rituel. Et la victime innocente n'était
autre que le jeune Archer ! Mais le plus étrange, outre le
froid régnant là, était que Mumford était présent lui aussi,
mais... congelé, littéralement réduit à l'état de statue de
glace. Il tenait à la main une sorte de couteau ouvragé qu'il n'a
pas réussi à lui ôté mais, par contre, il a fait main basse sur
un livre qui avait l'air important. Lane est étonnant désemparé.
Face à une telle scène, il n'a pas appelé la police. D'une part
parce qu'il aurait eu à justifier son effraction et le vol de ce
livre, ces Manuscrits Pnakotiques, et d'autres part parce
qu'il était tout simplement incapable d'expliquer l'état de
Mumford.
Lewis
Patrick est quelque peu honteux car il a conscience qu'il va profiter
de la détresse de son ami mais il lui propose toutefois de l'aider à
condition de lui remettre cet ouvrage et de l'introduire chez
Mumford. Une fois qu'il aura fait sa propre enquête, il verra
comment en informer la police sans que Lane ne soit inquiété. Après
tout, il est une figure locale de Sturkeyville. Il a des relations.
Et, ayant retrouvé sa couleur de peau, il va pouvoir de nouveau se
montrer en ville et faire taire cette rumeur. Peut-être même que
Myrtle Veneti se montrera plus affable.
Maintenant,
il s'agit d'être efficace et d'élaborer un plan d'action. Lewis
Patrick a invité Lane au manoir pour le lendemain. D'ici là, il va
rappeler son personnel de maison et organiser cette soirée mondaine
qu'il voulait organiser chez Myrtle. Maintenant, il peut l'organiser
à Hatecroft Manor. Il appelle donc certaines personnalités de
Sturkeyville, les invite à cette « soirée de retour »
et les charge également de faire circuler l'information. Il espère
ainsi que la complice de Cellys sera là et qu'il pourra la confondre
d'une manière ou d'une autre. D'ici cette soirée, il aura visité
la cave de Mumford et peut-être trouvé un lien entre lui et Cellys.
Par définition, la Déesse Araignée tisse sa toile donc, d'une
manière ou d'une autre, tout doit être lié.
Lewis
Patrick s'endort ce soir avec le sourire. Il a le sentiment que tout
va aller pour le mieux maintenant. Les choses lui semblent rentrer
dans l'ordre. Il sait qu'il va rêver mais il est sûr que ce sera un
beau rêve. Il ne va pas se rendre dans Millevaux cette nuit. Il
n'affrontera pas le vent et la pluie. Il ne sera pas traqué par
cette créature étrange. Non, il rêve d'une Une grande maison de
terre cuite, d’une seule pièce, avec des fours et des athanors en
ébullition. Chouettes, chats sauvages, araignées (il frissonne en y
pensant) et crapauds grouillent dans les ombres. Racines, fougères,
lierre et champignons envahissent les lieux. Une grande armure
humanoïde faite de terre cuite et de matériaux composites trône au
milieu. Et elle est là, la Magicienne. Elle lui explique qu'il faut
aller demander l'aide… de la personne qui incarne la Magicienne
pour avoir une chance de vaincre les Abysses.
Lewis
Patrick comprend que cette armure est sensé lui permettre de gagner
ce que la Magicienne appelle le « Méta-Monde ». Là, il
doit retrouver celui dont elle est l'avatar, celui qu' on appelle
« le Joueur ». Lui sait. Lui peut. Il joue pour jouer. Il
joue pour connaître la suite de l’histoire. Peu lui importe que
les Anciens ou les Coelacanthes triomphent. Peu lui importe la fin de
l'histoire. Il veut simplement la connaître, la jouer. Mais, affirme
la Magicienne, il peut la changer. Il peut décider de leur sort à
tous. Alors, Lewis Patrick doit enfiler cette armure et convaincre le
Joueur de faire triompher la Lumière.
Quand
Lewis Patrick se réveille, il se sent bizarre. L'espace d'un
instant, il a peur d'avoir de nouveau changé de couleur mais ce
n'est pas le cas. Il est toujours lui-même. Mais, se dit-il, après
tout il est toujours lui-même quelle que soit la couleur de sa peau.
Pour autant, il a l'impression que quelque chose a changé. Si ce
n'est pas lui, c'est autour de lui. Il a ce sentiment désagréable
que la réalité qui l'entoure n'est plus aussi consistante que la
veille, qu'elle n'est plus aussi... réelle...
Aujourd'hui,
Lewis Patrick doit donc prendre connaissance et tenter de comprendre
ce qui s'est passé dans la cave d'Horace Mumford. Il doit aussi
prendre possession des Manuscrits Pnakotiques. Aussi, il
attend Lane avec une certaine impatience doublée d'une nervosité
non moins certaine.
Lane
arrive en fin de matinée. Lui aussi est nerveux. Pas à l'idée de
rentrer par effraction chez un citoyen de Sturkeyville mais à celle
de revoir cette scène étrange et ces cadavres, l'un sacrifié,
l'autre... gelé. Lewis Patrick, lui, est toujours sous le coup de
son rêve de la veille. Il repense aux propos de la Magicienne, aux
Joueurs, à cette armure en terre sensé lui permettre de changer de
monde. Durant le trajet, il survole les Manuscrits Pnakotiques.
Et son attention se porte sur les paragraphes concernant Rlim
Shaikorth, le Ver Blanc. Mumford aurait donc été un adorateur de ce
monstre. Ne prêtant aucune attention à ce que lui raconte Lane, il
poursuit sa lecture et apprend que le Ver Blanc vivrait dans la
Contrée des Rêves. Dans le rêve, comme Millevaux ? La
Millevaux de Shub-Niggurath ? Là serait le lien tissé par
Atlach-Nacha ? Le rêve semble être le nœud où tous ces fils
se retrouvent et s'emmêlent.
Et
quelques minutes plus tard, après s'être étonné de l'aisance avec
laquelle Lane force, une fois de plus, la porte de derrière de la
maison de Mumford, Lewis Patrick descend les marches menant à la
cave. À chaque marche, il a l'impression que la température baisse.
Réalité ou simple impression ? En bas, tout est comme Lane l'a
décrit. Il n'a touché à rien, si ce n'est aux Manuscrits
Pnakotiques. Le corps de Mumford
est parfaitement conservé, gelé, alors que celui du pauvre Archer,
malgré le froid ambiant, commence déjà à montrer des signes de
pourriture et à sentir. Même s'il ne prévient pas la police, les
voisins devraient le faire d'ici quelques jours car ils seront
indisposés par l'odeur et ils se poseront des questions. Mais avant
tout, il est là pour examiner la scène de ce crime rituel. Y a-t-il
ici un indice qui aurait échappé à Lane ou un indice que seul un
spécialiste des sciences occultes pourrait trouver ? Peut-être
bien oui !
Une
poupée d'enfant... Que fait-elle là ? Et pourquoi Lane
n'a-t-il pas remarqué un objet à la présence aussi improbable en
ces lieux ? Lewis Patrick repense à sa vision, celle qu'il a eu
dans sa propre cave. Un rire, un enfant et quelque chose derrière.
C'est là qu'il avait trouvé cette montre étrange qui l'avait
précipité dans Millevaux. Cette montre, il l'a toujours... Mais,
que doit-il comprendre ?
Atlach-Nacha
tisse sa toile, donc tout est lié d'une manière ou d'une autre.
Lewis Patrick réfléchit. Cette montre l'a projeté dans le rêve.
Le Ver Blanc vit dans le rêve. Mumford a certainement accédé au
monde du rêve lui aussi. A-t-il utilisé une montre ou autre chose ?
La Magicienne lui a dit de trouver le Joueur, d'aller le chercher
dans son monde en utilisant l'armure de terre. Mais cette armure se
trouve dans le rêve. Le rêve est la clé, la porte...
La
clé et la porte... Pourquoi ces mots tournent ainsi dans sa tête.
La clé et la porte. La Clé et la Porte ! Yog-Sothoth !
Lewis Patrick a lu des choses concernant cette horreur. Et il repense
à Atlach-Nacha dont on dit que quand sa toile sera achevée, cela
sera la fin du monde. Est-il possible que Cellys et ses complices
souhaitent en réalité s'attirer les faveurs de Yog-Sothoth en lui
offrant la fin du monde ? Ce serait donc à cette fin qu'ils
tenteraient de hâter les plans d'Atlach-Nacha ? Il faut
vraiment être... tordu pour échafauder un pareil plan, pour avoir
de telles pensées mais... la folie n'est-elle pas le guide des
adorateurs des Anciens ?
Lorsque
Lane lui demande s'il a trouvé quelque chose, Lewis Patrick ne sait
quoi répondre. Oui, il a trouvé quelque chose, mais comment
expliquer ça à quelqu'un comme Lane, quelqu'un de... normal !
« Je...
Je dois rêver. Maintenant !
Non,
tu ne rêve pas. Mumford est bien congelé et...
Tu
ne comprends pas ! Je sais que je ne rêve pas. Mais je dois
rêver. Je dois rêver maintenant ! Il faut que je rêve ! »
Et
Lewis Patrick fouille dans ses poches mais il ne trouve pas la
montre. Il saisit Lane au col.
« Herbert,
je dois dormir ! Tout de suite ! Fais moi dormir !
C'est une question de vie ou de mort ! C'est la fin du monde ! »
Et
Lewis Patrick a dû se montrer particulièrement convaincant car son
ami lui décoche un crochet au visage qui le plonge dans les ténèbres
et le ramène... dans la maison de la Magicienne.
Et
elle est là, assise sur un petit tabouret de bois. On dirait qu'elle
attendait. Qu'elle l'attendait. Elle lui sourit. On dirait qu'elle
sait. Elle s'approche de l'armure de terre, l'ouvre et explique son
fonctionnement. Elle explique aussi qu'il ne faut surtout pas en
sortir car l'air du méta-monde pourrait lui être fatal, à lui,
être de fiction. Mais il faut faire vite. Cellys et ses complices
ont déjà commencé leur rituel. Lewis Patrick n'a aucune idée de
ce qui lui permet d'affirmer cela mais il la croit. Aussi, il entre
dans l'armure et la Magicienne la referme sur lui.
On
ne voit pas très bien à travers les deux ouvertures faisant office
d'yeux. Sa vision se trouble. Les murs de la cabane de la Magicienne
laissent la place à des murs blancs. Comme chez la magicienne, il y
a peu de meubles. Mais point d'athanor ou de créatures dans des
bocaux. Là, il n'y a que quelques livres sur des étagères blanches
ou en bois. Il y a deux malles bleues devant lui. Mais son attention
est attirée par un raclement venant de sa droite. De l'autre côté
d'une porte ouverte, un homme est penché sur une sorte de machine à
écrire dont émane un halo lumineux. Lewis Patrick fait un pas dans
sa direction. L'homme ne lui parle pas. Il se borne à taper sur son
étrange machine et Lewis Patrick entend les mots résonner dans sa
tête.
« Bonjour
Lewis Patrick Hatecroft. Je suis le Joueur. À l'occasion, on
m'appelle aussi Demian ou Demian Hesse. Mais aujourd'hui, je suis le
Joueur. Tout ne s'est pas passé comme prévu. Cellys et ses
complices sont passés à l'action plus vite que je ne le pensais et
tu n'as plus beaucoup de temps si tu veux sauver ton monde. La
Magicienne a raison. Je peux faire quelque chose. Je peux décider
qu'Atlach-Nacha ne finira pas sa toile aujourd'hui. Je peux décider
que ce ne sera pas la fin du monde, que Sturkeyville ne deviendra pas
la Capitale de la Douleur.
Je peux décider que Yog-Sothoth ne viendra pas apprécier ce cadeau
et récompenser ceux qui le lui ont fait. Mais je suis le Joueur. Je
joue pour connaître la suite de l'histoire. Si je fais ça,
l'histoire s'achève. Mais si je ne le fais pas... elle s'achève
aussi. À moins que je ne choisisse de jouer dans un monde ravagé
par les Anciens... Lewis Patrick, tu connais l'expression mourir pour
renaître. Si tu acceptes de mourir pour renaître, pour vivre une
autre histoire et de nouveau combattre les Anciens, je sauve ton
monde. Mais tu as conscience que si tu accepte, ce sera un autre
Lewis Patrick Hatecroft qui se réveillera demain. Tu ne seras plus
le gardien d'ouvrages occultes. Tu ne vivras peut-être même plus à
Sturkeyville. Il ne te restera que ton nom et ta volonté de
combattre les Anciens et leurs adorateurs. Acceptes-tu ? »
Et
le joueur s'empare d'un dé à six face.
« Pair,
tu accepte. Impair, tu refuse. »
Et
le dé tombe sur six !
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