SOTH/Rlim Shaikorth
Horace Mumford, 47 ans,
est le directeur adjoint de la principale banque de Sturkeyville.
Depuis la mort de son épouse, il vit seul dans une belle demeure des
quartiers chics de la ville. Entièrement dévoué au culte du Ver
Blanc, il ne songe même pas à refaire sa vie.
Il possède un
exemplaire des Manuscrits Pnakotiques. La texture de la couverture
évoque la pierre, une sorte de basalte. À l'intérieur, les
feuillets sont comme des parchemins usés, jaunis, craquelés,
fragiles et parsemés d'annotations et de symboles en diverses
langues.
Adorateur de Rlim
Shaikorth, il est devenu accroc à divers opiacés qu'il consomme de
plus en plus fréquemment afin d'accéder à la Contrée du Rêve où
vit le Dieu qu'il cherche à rencontrer. Il a par ailleurs noué
quelques contacts avec la pègre afin d'obtenir ses drogues.
Ces derniers temps, il a
pu éveiller quelques soupçons en prenant en filature quelques
citoyens de Sturkeyville. Les astres seront bientôt propices. Il
entend donc débuter un cycle de sacrifices rituel en l'honneur du
Ver Blanc. Il cherche donc des victimes potentielles.
Le sacrifice rituel peut
avoir lieu n'importe où mais de nuit. La victime comme le
sacrificateur doivent avoir consommé quelques narcotiques leur
permettant d'accéder à la Contrée du Rêve. À l'aide d'une dague
rituelle consacrée, le sacrificateur va tracer des symboles à même
la chair de la victime. Ces symboles varient selon l'alignement des
astres et la lune. L'âge et le sexe de la victime sont sans
importance mais le Ver Blanc appréciera une offrande en bonne santé.
En effet, par l'intermédiaire de la lame consacrée, il se nourrira
du sang de cette dernière et de ses rêves qu'il transformera en
ultime cauchemar.
La dague rituelle est
composée d'une lame noire mate parcourue de sillon qu'on ne discerne
que difficilement mais qui apparaissent clairement lorsqu'elle est
souillée de sang. Le manche est simple, en bois de noyer.
XxXxX
Jonas Parker est mort !
Pas de chance. Il aurait fait une victime parfaite, essentiellement
parce que personne ne se serait soucié de sa disparition. Les
victimes ne manquent pas à Sturkeyville. Mais les « bonnes »
victimes, celles qui satisferont le Ver Blanc et qui n'attireront pas
l'attention sont plus rare. J'avais de grandes espérances concernant
Parker. J'espérais que sa folie donnerait à ses cauchemars une
saveur qu'aurait apprécié Rlim Shaikorth. Maintenant, je vais
devoir me rabattre sur...
… cette femme noire
aux longues tresses. Elle fera l'affaire. Les Manuscrits Pnakotiques
décrivent les différents états de la lune auxquels chaque
sacrifice doit avoir lieu. Un nouveau cycle va débuter bientôt au
terme duquel une invocation de Rlim Shaikorth dans notre monde sera
possible. Et là, le Ver Blanc fera de mes rêves une réalité !
Kidnapper cette femme
n'a pas été très difficile. Et puis, qui va s'inquiéter du sort
d'une femme noire ici ? Au pire, il suffira de montrer le Klan
du doigt et tous se tairont. J'ai procédé aux injections d'opiacé.
Moi-même en est consommé. Je suis maintenant dans un état second,
entre l'éveil et le rêve. Je suis torse nu afin de ne pas souiller
ma chemise du sang de cette offrande. Je fais danser la lame rituelle
dans ma main. Je me remémore les chants à psalmodier tels qu'ils
sont retranscrits dans les Manuscrits Pnakotiques. Je me remémore
également les symboles à tracer sur sa chair.
Le moment fatidique !
Nous sommes là, dans ma cave. Ma victime, mon cadeau à Rlim
Shaikorth émerge quelque peu du sommeil artificiel dans lequel je
l'ai plongé. Et moi, je sombre encore un peu plus dans le rêve
éveillé. Alors, je m'approche en chantonnant, ânonnant,
psalmodiant. Je fais courir la lame sur tout le corps de ma victime.
Elle se tend au contact de la lame froide mais les liens tiennent
bon. Puis j'enfonce la lame et trace les sillons ensanglantés qui
vont nourrir le Ver Blanc. Je dessine les symboles rituels à l'encre
de sang sur le parchemin de sa peau sombre. Son sang abreuve les
glyphes gravés à même la lame qui l'aspire littéralement. Rlim
Shaikorth a soif de sang, de rêve et de cauchemar. Plus je m'enfonce
dans le monde du rêve à la recherche de mon Dieu, plus ma victime
s'éveille à la souffrance. Ses cris recouvrent mes chants mais peu
importe. Rlim Shaikorth est satisfait. Et lorsque le Dieu a enfin bu
la dernière goutte de sang, le dernier cri, le dernier soupir de mon
offrande, je lui ouvre la poitrine afin de dévorer son cœur encore
agité d'une ultime palpitation. Alors, je sombre dans un sommeil
empli des rêves de gloire, de puissance et de connaissances que
m'offre le Ver Blanc. Il est satisfait, je le sais. Je suis sur la
bonne voie.
XxXxX
Quelques jours plus
tard, à la banque, Mumford convoque le jeune Archer. Il a un travail
à lui confier, la vérification de certains registres pour un
commerçant local. Mais, sa nuit précédente ayant agité par des
rêves des plus étranges, il n'est pas vraiment aujourd'hui. Il
somnole depuis le début de la journée et, quand Archer se présente
dans son bureau, il le tire littéralement de son sommeil en
toussotant poliment. Mais Mumford, encore dans ses rêves à la
recherche du Ver Blanc, s'est laissé allé à prononcer quelques
paroles pouvant le trahir. Archer a-t-il compris quelque chose ou
pense-t-il juste que son patron fait la sieste durant ses heures de
travail ?
La même semaine,
Mumford reçoit une demande de rendez-vous de la part d'Herbert P.
Lane. Que veut encore ce fouineur ? Il a déjà écrit un
article ambiguë à propos de la banque, laissant penser que pouvait
s'exercer une certaine complaisance quant aux activités financières
potentiellement douteuses de certains clients. En l'absence de preuve
tangible, la Gazette avait publié un rectificatif mais Lane ne
lâchait rien pour autant. Mumford n'avait rien à lui dire. Il
n'avait rien envie de lui dire. Aussi, est-ce assez vertement qu'il
refusa sa demande, allant jusqu'à le menacer de représailles qu'il
qualifia de « particulières » s'il continuait de
l'importuner. Sur le coup, Lane s'était retrouvé sans voix mais,
depuis quelques jours, le reporter ne cessait de traîner dans les
parages.
XxXxX
Des représailles
« particulières », il n'en fallait pas plus à Lane pour
se mettre en chasse. Ce Mumford a vraiment des choses à cacher, il
est maintenant convaincu. Quelqu'un d'irréprochable ne parle pas
ainsi, même sous le coup de la colère. Là, il a vraiment
l'impression que le directeur adjoint, l'espace d'un instant, a perdu
le contrôle de lui-même. C'est un signe, il ne le lâchera plus !
Lane pense que si
Mumford a quelque à cacher, il ne prendra pas le risque de laisser
traîner des dossiers compromettant sur son lieu de travail. Ou, en
tout cas, il est convaincu qu'il doit ramener du travail à la
maison, quelle que soit la légalité de celui-ci. Aussi, il profite
de ce que Mumford soit justement à son travail pour tenter de
s'introduire chez lui discrètement.
Il sait qu'il n'a que
peu de temps devant lui. Non pas que Mumford rentre tôt du travail
mais il sait que les voisins, et surtout leurs épouses, ne
manqueront pas de le remarquer s'il s'éternise. Aussi, sa fouille se
veut-elle rapide mais efficace. Il trouve facilement le bureau de
Mumford mais malheureusement, rien dans ses papiers ne laissent
transparaître quoi que ce soit d'une activité malhonnête.
Finalement, si preuve il y a, il les conserverait donc dans son
bureau à la banque...
Un coup pour rien mais,
pour autant, Lane n'en démord pas. Mumford a quelque chose à
cacher. Et puis, surtout, on ne le menace pas impunément !
XxXxX
Mumford est fou de
rage ! On est rentré chez lui. On a fouillé ses papiers. Cela
a été fait avec discrétion mais il s'en est quand même rendu
compte. C'est un coup de Lane, il en est sûr. Aussi, ce dernier va
payer le prix fort pour cette effraction.
Il se plonge alors dans
la lecture des Mansucrits Pnakotiques. Il y a là des rituels à même
de faire en sorte que Lane ne soit plus jamais un problème sans pour
autant qu'on remonte jusqu'à lui. Et la solution à ce problème
prend la forme d'un avatar du Ver Blanc.
Mumford décide donc de
ne pas attendre plus longtemps pour invoquer Rlim Shaikorth. Une fois
dans notre monde, le Dieu dévorera Lane et tout ceux qui se
trouveront sur sa route vers la gloire, la puissance et la
connaissance.
Dans sa cave, le jeune
Archer est encore en train de dormir et de rêver, suite à plusieurs
injections de narcotique. Il lui avait demandé de venir chez lui
pour discuter du travail en cours. Si le pauvre garçon avait su...
Archer s'éveille peu à
peu, à mesure que Mumford lui même s'enfonce progressivement dans
un rêve éveillé. Aux imprécations en l'honneur de Rlim Shaikorth
se mélangent des invectives à l'encontre de Lane. Il sera la
prochaine victime, le premier témoin de l'avènement du Ver Blanc.
Mumford respecte à la
lettre les formules contenues dans les Manuscrits Pnakotiques. Et
pourtant... Rien ne se passe. Archer est mort, évidemment, mais le
Ver Blanc ne se manifeste pas. Mumford est pris au dépourvu. Que
faire ? Il reprend alors ses chants et ses imprécations et
retourne finalement la lame rituelle contre lui. C'est son propre
sang qui abreuvera le Ver Blanc !
Mumford sent la vie le
quitter. La température chute brusquement. On gèle ici ! Ses
mouvements sont de plus en plus lents et difficiles. Bientôt, il ne
parvient plus à bouger. Il n'est même pas arrivé au bas de
l'escalier menant au rez-de-chaussé. Sa vue se brouille. Il fait
bientôt noir tout autour de lui. Et il fait si froid...
Horace Mumford s'enfonce
dans un sommeil sans fin et sans rêve. Rlim Shaikorth est repu et
satisfait.
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