Millevaux III

Une année tranquille

Pendant longtemps, nous avons été en guerre contre les Horlas. Maintenant, enfin, nous les avons repoussés, et nous connaissons une année de répit. Une année de tranquillité relative, pendant laquelle nous allons reconstruire notre communauté et réapprendre à travailler ensemble. Quand viendra l’hiver, les Bergers du Givre arriveront et nous pourrions ne pas survivre à cette rencontre. C’est là, maintenant, qu'il y a l’occasion de construire quelque chose.

Notre communauté s'est fixée à l'orée de la forêt, dans la partie Sud de l'île d'Oxos. Le climat y est chaud et humide. Parfois trop, étouffant. Nous sommes à quelques heures de marche de la mer mais tout proche d'un grand fleuve. Au loin, à l'intérieur des terres, nous voyons les montagnes. Nous sommes trop éloignés du Nord pour être inquiétés par la neige et les tempêtes glaciales.
Nous avons bâti nos abris au milieu de colonnes en ruine envahies par les plantes grimpantes. Les anciennes routes et places pavées, bien qu'étant elles aussi envahies par la végétation, continuent de nous servir comme à l'époque de leur splendeur passé. On raconte qu'ici, avant, se dresser un palais ou un temple. Plus loin, au Nord-Ouest, dans la forêt, il y a une pyramide. Mais personne n'y va. Cet endroit fait peur. On dit qu'une déité Horla y vit.
Proches du fleuve, nous ne manquons pas d'eau douce. Cela nous permet de boire mais aussi d'alimenter de petits moulins et norias. Par contre, nous manquons de métaux et autres matériaux de construction pour bâtir des abris solides.

1ère quinzaine :
Il y a une structure géante sur la carte, construite par des hommes. Où se trouve-t-elle ? Pourquoi est-elle abandonnée ?
Il s'agit d'une gigantesque pyramide à degrés. Elle se trouve au Nord-Ouest de notre communauté. On pense qu'à l'origine elle devait faire partie de ce grand ensemble architectural, quelle que fut sa fonction. Pourtant, elle présente quelques différences stylistiques. En effet, ses degrés rappellent les civilisations précolombiennes là où nos colonnes sont d'origine gréco-romaines. De plus, et c'est le plus étrange, elle « flotte » à quelques dizaines de centimètres du sol. Elle ,'est d'ailleurs retenue que par un épais entrelacs de racines et de plantes grimpantes qui l’empêche de s'envoler. Personne n'y va car on raconte qu'elle est la demeure d'un Horla.

Nous avons besoin de matériaux solides pour bâtir des abris en dur. Nous ne pouvons nous contenter de cabanes faites de branchages et de feuillages. Pour autant, nous ne pouvons pas utiliser les roches composant les ruines où nous nous sommes installées. D'une part, rien ne sous assure de la qualité de ces roches et, surtout, ce sera un sacrilège que de les détériorer. Aussi, une poignée d'hommes et de femmes s'est portée volontaire afin de partir plus au Sud à la recherche d'une sorte de carrière. Souhaitons leur bonne chance.

2nde quinzaine :
Quels prédateurs naturels errent dans cette région ? Êtes-vous en sécurité ?
Ici, le principal danger, au titre de prédateur naturel, serait les serpents et insectes géants. On compte finalement peu de gros prédateurs par ici. Pas de lion, de jaguar ou de tigres. Quelques rares crocodiles dans le fleuves. Ce sont surtout les serpents et les insectes qui sont nuisibles. Des légendes et rumeurs prétendent que cela vient de l'influence néfaste du Horla vivant dans la grande pyramide. Il serait si horrible et cruel que même les fauves ont fui. Toutefois, tant que nous restons prudent dans la forêt, nous parvenons sans trop de difficulté à éviter les attaques des serpents qui ne sortent que très rarement de la jungle. Nous n'en voyons quasiment jamais dans les ruines.

Toutefois, cette apparente tranquillité en inquiètent certains. Certes, nous avons réussi à tenir les Horlas en échec et nous avons pu nous installer ici mais, pour autant, sommes-nous réellement en sécurité. À leurs yeux, cette tranquillité a vraiment quelque chose de louche et ils craignent qu'une menace ne nous frappe plus tôt que prévu. En fait, il craignent la chose qui pourrait vivre dans la pyramide. Ils voudraient aller s'assurer qu'elle est bien inoccupée mais ont peur de s'y rendre. Alors, les gens discutent. Peut-être qu'un jour certains se décideront, prendront leurs armes et leur courage et se rendront là-bas pour en avoir le cœur net.

3ème quinzaine :
Y a-t-il plusieurs cellules familiales dans la communauté ? Si c’est le cas, quelles structures familiales sont communes ?
Il y a plusieurs familles dans notre communautés. Les Powl, de père en fils, communiquent avec les Lwas. Les Andes, de père en fils, communiquent avec les Arbres. Les Corso, de père en fils, sont de puissants guerriers. Chaque famille est dirigée soit par le plus ancien, soit par le plus sage, désigné alors par le plus ancien qui aura choisi de se retirer. Le chef de famille décide de tout mais en accord et avec le conseil d'un cercle restreint composé de membres de sa famille choisis par lui. Les dirigeants des différentes familles se regroupent ensuite en un grand conseil pour décider des questions importantes concernant la vie et le devenir de notre communauté. Ils peuvent, lors de ses conseils, se faire accompagner et aider, par des membres de leur famille.

Eles Corso est la fille de l'ancien du clan Corso. Elle n'est pas qu'une grande combattante, elle est aussi une « rêveuse ». Dans ses veines coulent aussi le sang des Powl et, parfois, elle converse avec les Lwas.

4ème quinzaine :
Une jeune fille charismatique convainc de nombreuses personnes de l’aider à accomplir un plan complexe. Quel est ce plan ? Qui se joint à elle ? Commencez un projet pour y réfléchir.
Edes Corso a rêvé. Elle a entendu les Lwas. Il y a quelque chose dans la pyramide. Et cette chose est une menace. La paix ici n'est qu'une illusion. Quelque chose de néfaste va bientôt se déchaîner et cela risque d'être pire que les Bergers du Givre. La chose qui vit dans la pyramide doit être chassée ou tuée. En tout cas, d'après les Lwas, un vent mauvais va souffler du Rêve vers l’Éveil. Le Temps du Cauchemar sera bientôt de retour.

Edes Corso mène une campagne pour constituer un groupe d'explorateurs. Elle veut découvrir ce qui se cache et se trame dans cette pyramide. S'il y a une menace pour la communauté, elle se fait fort de régler le problème. Mais elle a tout autant besoin d'aide que de l'aval du conseil des anciens.

5ème quinzaine :
Des conditions climatiques inquiétantes détruisent quelque chose. Quoi et comment ?
Contre toute attente, après des jours d'une météo clémente, il y a eu un violent orage. Il est tombée un véritable déluge. Le tonnerre fut assourdissant. Les éclairs ont déclenché des incendies dans la forêt qui ont été rapidement éteints par la fureur même de la pluie. Le niveau du fleuve est monté brutalement. Il y a eu quelques inondations. Ceux de la communauté qui s'étaient installés à la périphérie des colonnes ont dû s'enfuir en toute hâte. Et surtout, les serpents ! Des vagues entières de serpents géants ont jaillit des eaux en furies pour traverser les ruines. Personne ne peut vraiment en être sûr mais certains affirment qu'ils se dirigeaient vers la pyramide. Edes Corso fait partie de ceux-là.
Après l'orage, tous ont eu la tristesse de constater que la noria qui acheminé l'eau douce jusqu'au ruine avait été détruite par la tempête.

Après qu'on se soit assuré que tout le monde était en bonne santé et qu'il n'y avait aucune perte humaine à déplorer, les anciens décidèrent qu'il fallait au plus vite se mettre à reconstruire la noria. Certes, le fleuve n'était pas loin, mais la noria évitait des marches pénibles à travers la forêt, marches qui pouvaient même se révéler dangereuses en raison des serpents.

6ème quinzaine :
Quelqu’un de nouveau arrive. Qui est-ce ?
Une femme ? Un homme ? On ne sait pas trop. Elle ou il porte un manteau de cuir élimé, un chapeau de fourrure orné d’une tête de loup. Son visage est surmaquillé de noir. Elle dit s'appeler la Magicienne. Elle dit venir d'après la tempête. Elle nous met en garde contre ces Horlas qu'elle appelle les Coelacanthes. Ils vivent dans le Rêve et veulent faire du monde un cauchemar. Elle dit avoir un moyen pour aller les combattre sur leur propre terrain. Elle plonge la main dans sa besace et en sort une poignée de noix.

La présence de la Magicienne interroge. On ne sait pas trop si on peut lui faire confiance. Pourtant, malgré la méfiance que tout le monde lui témoigne, elle installe son bivouac au Sud-Est des colonnes. Le point le plus éloigné de la pyramide, remarque Edes Corso.

Le printemps s'achève...

7ème quinzaine :
Un petit groupe au sein de la communauté demande à être entendu. Qui sont-ils ? Que demandent-ils ?
Edes Corso a commencé à rassembler autour d'elle un petit groupe d'hommes et de femmes prêt à la suivre jusqu'à la pyramide. Toutefois, respectueuse des us et coutumes de la communauté, elle demande audience auprès du conseil des anciens pour obtenir leur aval. Il est peu probable qu'elle tente quoi que ce soit sans leur accord.

Une bonne nouvelle ! Les membres de l'expédition reviennent et ils ont trouvé un gisement de roches. C'est loin à l'intérieur des terre, vers les montagnes intérieures à l'Est. Cela demandera des efforts pour acheminer tout ce matériel jusqu'ici mais c'est possible. Si cet endroit se révèle un bon site où s'installer, cela vaudra effectivement le coup de s'organiser pour aller chercher là-bas de quoi construire des abris solide.

Une nouvelle plutôt inquiétantes... Des traces de pas ont été repéré à proximité des colonnes. Tous les regards se sont tournés vers la Magicienne mais elle jure que ce n'est pas elle qui a rôdé par là. Et tout le monde s'accorde quant au fait qu'elle a vraiment l'air sincère. En fait, la plupart des membres de la communauté craint qu'un ou plusieurs Horlas traînent dans les parages. La Magicienne, elle, craint qu'il ne s'agisse des terribles Coelacanthes.

8ème quinzaine :
Un projet se termine plus tôt que prévu. Qu’est-ce qui a permis sa réalisation anticipée ?
Entre le retour des membres de l'expédition vers les montagnes et la fait que la Magicienne se soit soudain décidée à mettre la main à la pâte, les travaux de reconstruction de la noria sont maintenant achevé. L'eau douce parvient de nouveau aux colonnes. Plus besoin de ces fatigants allers et retours au fleuve.

L'aide de la Magicienne a été apprécié. Elle suscite toujours la méfiance mais sa relation au Rêve lui attire tout de même une certaine bienveillance de la part des Powl. De plus, elle reste discrète, dans son bivouac. Elle se mêle rarement des affaires de la communauté. Elle rappelle régulièrement mais sans insistance la menace planante des Coelacanthes. Elle met tout le monde en garde mais sans crier au loup plus que nécessaire. Aussi, certains, de plus en plus nombreux, sont tentés d'accorder du crédit à ses propos. Certains hésitent même à accepter une de ses noix.

9ème quinzaine :
Le plus vieux d’entre vous est gravement malade. Prendre soin de lui et rechercher un remède nécessite l’aide de la communauté entière. Ne diminuez pas de dés de projet cette semaine.
L'ancien de la famille Corso est tombé gravement malade. Personne ne sait de quoi il souffre. Il est fiévreux et délire dans une demi-conscience permanente. Tout le monde y va de son hypothèse, de ses bons conseils. Mais objectivement, personne ne sait ce qu'il a ni comment le soigner. Le mystère quant à son état demeurait total jusqu'à ce que, dans son délire, il évoque les Coelacanthes. Il en appelait aux Lwas pour l'aider. Alors, les sages de la famille Powl se réunirent pour entrer en transe et rêver. Les Corso voulurent partir en guerre. Mais contre qui ? Les Andes en appelèrent à la sagesse des arbres qui leur envoyèrent l'image d'un... noyer. Alors, tous les regards se tournèrent vers la Magicienne.

Une délégation des Ande a rencontré la Magicienne pour discuter très sérieusement de la nature de ses noix. Ils ont confronté ses dires au jugement des arbres et il semble que ces derniers aient décidé qu'il était temps, maintenant, de s'en remettre à la Magicienne. Elle les a ainsi conduit plus profondément dans la forêt. Et, après plusieurs heures de marches dans cette jungle humide à la chaleur étouffante, elle leur a montré l'improbable, un noyer !

10ème quinzaine :
L’été est une bonne saison pour produire et s’occuper de la terre. Commencez un projet lié à la production de nourriture.
Bien que l'ancien des Powl n'aille pas mieux, les temps sont plutôt clément. Aussi, tout le monde en profite pour poser les bases d'une culture fruitière. Il s'agit, autant que possible, de faire en sorte de manquer le moins possible de nourriture quand les mauvais jours reviendront. On procède donc, sous le contrôle des Ande, au replantage d'arbres fruitiers à la lisière des colonnes. La noria permet en plus une irrigation satisfaisante même lorsque la température est au plus haut.

Edes Corso a rassemblé autour d'elle un petit groupe déterminé. On l'a aussi vu s'entretenir avec la Magicienne. De plus en plus de gens pensent que la maladie du vieux Powl est liée à la menace Coelacanthes et que, pour le guérir, il faudrait effectivement partir en guerre contre eux. Mais comment procéder ? Accepter de vivre un cauchemar pour les combattre sur leur propre terrain, comme le préconise la Magicienne ?

11ème quinzaine :
Quelqu’un de nouveau arrive. Qui ? Pourquoi cette personne est-elle en détresse ?
Une jeune femme du nom de Tanya fait irruption au sein de la communauté. Elle n'est pas des nôtres. Elle est blessée, dans un état de panique totale. Il faut toute la patience et la sagesse des anciens pour la calmer et la guérir. Une fois calmée, elle explique appartenir à un clan de nomades. Ils sont passés à proximité d'une étrange pyramide, un peu plus loin, au Nord-Ouest. Là, ils ont été attaqué par des Horlas ressemblant à des hommes-serpents à 7 têtes. Elle craint d'être la seule survivante.

Edes Corso profite du récit de Tanya pour obtenir l'autorisation des anciens de se rendre à la pyramide. Là, il s'agit notamment de porter secours aux éventuels survivants.
Ce n'est que plusieurs jours plus tard qu'Edes et ses hommes reviennent. Ils sont tous blessés et choqués. Plus de la moitié d'entre eux ont été tué dans la bataille qui les a opposé aux Horlas polycéphales. Edes elle-même a perdu un œil et, le craint-on, la raison. Alors, la Magicienne prend les choses en main. Elle nettoie la plaie d'Edes et place une de ses noix dans l'orbite creuse. Cela semble calmer Edes qui sombre dans un semi-coma. Au bout de plusieurs jours de cette léthargie, ses proches constatent que des sortes de branches lui poussent dans le dos. Au fil des jours, ces branches grandissent et se garnissent de feuillages, offrant à Edes une sorte de paire d'ailes végétales. La coquille de noix a parfaitement trouvée sa place dans l'orbite creuse. À tel point qu'Edes prétend entendre la voix des arbres. Examinée par l'ancien du clan Ande, ce dernier reconnaît la véracité de ses propos et lui donne le statut de membre de la famille Ande. Fille de la famille Corso ayant du sang Powl dans les veines et maintenant membre des Andes, Edes est maintenant perçue comme un personnage des plus importants de la communauté. Toutefois, cela n'est pas sans susciter certaines interrogations, notamment quant à une possible contre-attaque des Horlas.

12ème quinzaine :
Un projet se termine plus tôt que prévu. Lequel ? Pourquoi ?S’il n’y a pas de projet en cours, l’ennui mène aux conflits. Une bagarre éclate entre deux personnes. À quel sujet ?
Par quelle magie, nul ne le sait, le verger est maintenant arrivé à pleine maturité. Les fruits sont consommables, excellents. Fait étrange, on trouve des noyers parmi les arbres alors qu'il n'en a été planté aucun. Interrogés, voire soupçonnés, les Andes déclarent ne rien avoir à faire là-dedans, ni même ne rien savoir. Pour autant, les arbres sont plus que jamais les alliés de la communauté, même s'ils refusent de s'expliquer quant à cette soudaine maturation.

Une poignée d'hommes et de femmes ont décidé de traverser le fleuve, par curiosité. À leur retour, ils ont raconté avoir vu un arbre géant, plus au Sud et un peu à l'Ouest. Il y avait une porte en bois dans le tronc. Ils n'ont pas osé l'ouvrir.

L'été s'achève.

13ème quinzaine :
Une catastrophe naturelle frappe la région. Quelle est-elle ? Choisissez un élément :
Votre priorité est de mettre tout le monde à l’abri. Retirez une Abondance et un projet échoue.
Votre priorité est de protéger vos ressources et le résultat de votre dur labeur à tout prix. À cause de ce choix, plusieurs personnes meurent.
Un terrible tremblement de terre, au Sud-Est, a provoqué une gigantesque fissure dans le sol. L'eau du fleuve s'y est entièrement déversée et le lit est maintenant à sec. La communauté n'a maintenant plus d'accès à l'eau douce. Il n'y a plus, à proximité, d'eau à boire, ni pour entretenir les vergers. Aux colonnes, on a bien sûr ressenti la secousses. Les ruines ont globalement tenu le coup mais les quelques blocs qui se sont écroulés ont malgré tout fait des victimes.

Sans attendre, la communauté se met à reconstruire ce qui peut l'être. Tout le monde est solidaire. Des groupes se forment pour utiliser les blocs écroulés afin de reconstruire certains abris pendant que d'autres se rendent vers les montagnes afin d'en ramener de nouveaux blocs. D'autres, également, s'occupent du ravitaillement en eau et nourriture.

14ème quinzaine :
Les vents froids de l’automne chassent vos ennemis. Retirez une menace de la carte et de la région.
À ce malheur s'ajoutent les vents froids de l'automne. Privés de chaleur et de la rivière, les serpents géants ont déserté la région.

Les travaux avancent. On attend malgré tout le retour de ceux partis dans les montagnes. Malgré la catastrophe, personne ne se résout à démolir les ruines pour utiliser les blocs. Les anciens n'ont autorisé l'usage que des blocs écroulés durant le séisme. Pour autant, cette attente est source de discussion. Certains se demandent en effet si ce tremblement de terre n'est pas la conséquence de la récente transformation d'Edes. Et si les anciens s'étaient trompés en faisant d'elle un symbole de l'unité de la communauté. Et si, dans cette fusion quelle semble incarner, il fallait plutôt voir la fin des familles et donc de la communauté telle qu'on l'a connu jusqu'à présent ?

15ème quinzaine :
La communauté travaille sans relâche, ce qui fait qu’un projet finit plus tôt que prévu.
Les efforts de chacun portent leurs fruits, d'autant plus que les hommes de l'expédition vers les montagnes reviennent plus vite que prévu. Aussi, la reconstruction des abris en dur est-elle maintenant achevée.

Pour autant, la question de la nourriture n'est pas réglée. Aussi, une expédition est décidé afin de découvrir de nouveaux terrains de chasse.

16ème quinzaine :
La maladie se répand dans la communauté. Choisissez un élément :
Vous passez la semaine à établir des quarantaines et à soigner la maladie. Les dés de projet ne sont pas diminués cette semaine.
Personne ne sait quoi faire à ce sujet. Ajoutez “Santé et Fertilité” en tant que Pénuries.
La plus grande majorité des membres de la communauté est atteinte d'un mal étrange. Tous sont en proie à une fièvre accompagnée de délires. Certains, dans leur demi-sommeil cauchemardesque, perdent du sens par le nez, les oreilles. D'autres subissent d'étranges mutations. Les valides tentent d'apporter un peu de réconfort aux malades et à leurs proches. Les anciens interrogent les esprits des arbres et des Lwas. Tous vont dans la même direction et accusent les Coelacanthes de s'en prendre à la communauté. Mais pourquoi ? Et surtout, que faire ? Les regards se tournent alors vers Edes Corso et... la Magicienne.

La Magicienne avait prédit une attaque de ces Coelacanthes. Mais, aujourd'hui, on se demande si ce n'est pas elle qui les a fait venir. Si certains sont tentés de s'en prendre à elle, Edes Corso prend le parti de la Magicienne et compte s'en remettre aux noix pour contrer cette menace. Qui la suivra dans un monde de cauchemars pour mettre fin à cette menace ?

17ème quinzaine :
Introduisez un sombre mystère au sein des membres de votre communauté.
L'alliance entre Edes et la Magicienne devient de plus en plus solide. De symbole de l'union des principales familles composant la communauté, Edes devient le chef d'une nouvelle famille. Mais sa relation privilégiée avec le monde des esprits, qu'il s'agisse des Lwas ou des arbres, n'a plus pour vocation de vivre en harmonie avec la nature. Non, cette nouvelle famille qui se fonde dans l'ombre, a une vocation plus guerrière. Pour eux, le monde des esprits devient un champ de bataille autant qu'un arme.

Edes et la magicienne commandent la construction de fortification autour du noyer se trouvant dans la forêt, au Nord-Est des colonnes.

18ème quinzaine :
Quelqu’un sabote un projet, ce qui le fait échouer. Qui a fait cela ? Pourquoi ?
IésAnde, de la famille Ande, est déclaré coupable d'avoir saboté la construction des fortifications autour du noyer. Il déclare avoir agi seul, sans le consentement des anciens de sa familles. Il explique son geste par un rêve dans lequel les arbres le mettaient en garde contre les noix. Les fruits de cette arbres seraient la cause des cauchemars qui ont terrassé une partie de la communauté. D'ailleurs, les noyers qui sont apparus dans le vergers proviennent des fruits de cet arbre justement ! IésAnde affirme que cet arbre et ses fruits sont maudits et maudits sont ceux qui les mangent.

À la recherche de nourriture, un groupe d'hommes et de femmes parcourent le lits asséché du fleuve. Au Sud, ils découvrent le gigantesque gouffre dans lequel se sont perdues les eaux. À 1ère vue, il n'y a pas de fond.

19ème quinzaine :
Un unique projet devient l’obsession de la communauté. Quel est-il ? Pourquoi ? Choisissez un élément :
Elle décide d’y passer plus de temps pour que cela soit parfait. Ajoutez 3 semaines au dé de projet.
Elle cesse toute autre activité pour s’y consacrer. Tous les autres projets échouent.
S’il n’y a pas d’autres projets en cours, une vision grandiose obsède la communauté. Parlez de cette vision, en plus de votre action habituelle pour la semaine.
Après bien des discussions, la décision est prise d'explorer ce gouffre. Certains sont mus par la curiosité, d'autres par la peur. Certains agissent conformément aux conseils des anciens et des Esprits, d'autres se sont rangés derrière la bannière d'Edes et de la Magicienne. Quoi qu'il en soit, tous les efforts actuellement sont tournés vers l'exploration de ce gouffre.

Si tout le monde est d'accord pour explorer ce gouffre, les motivations sont parfois bien différentes. Certains pensent y trouver l'origine des maux récents accablant la communauté, d'autres pensent y trouver un accès au monde des Coelacanthes. Certains agissent en conformité avec les esprits, d'autres par défiance. Quel qu'en soit la raison, tous pensent que ce gouffre joue un rôle primordial dans le destin qui frappe la communauté et tous veulent savoir de quoi il retourne.

L'automne s'achève.

20ème quinzaine :
Une étrange occasion se présente à quelqu’un sur le bord de la carte. Commencez un projet lié à cette découverte.
Leur quête de nouveau terrain de chasse a mené certains membres de la communauté aux confins de leur territoire. Là, à l'Ouest, ils ont trouvé un vieux bâtiment. Un bref tour montre qu'il s'agit d'une ancienne prison. Il y a encore des barreaux à certaines fenêtres et, à l'intérieur, on dénombre de nombreuses cellules et salles de tortures. Ils ont trouvé des textes relatifs au culte du Roi Volcan. Mais celui-ci semble éteint. Il règne d'ailleurs un froid polaire entre ces murs. Convaincus que cet endroit recèle d'autres secrets, ils décident d'entreprendre une fouille des plus exhaustive.

Les autres de la communauté, quant à eux, découvrent en remontant le lit asséché du fleuve ce qui semblent être plusieurs entrées vers des nids de serpents géants.

21ème quinzaine :
Un membre entêté de la communauté tente d’en prendre le contrôle. Comment l’en empêche-t-on ? En raison du conflit, ne diminuez pas les dés de projet cette semaine.
Face à tous ses mystères e fortes du soutien de la Magicienne et d'un partie non négligeable de la communauté, Edes Corso tente de s'imposer comme chef de l'ensemble des familles. Pourtant, malgré le respect que tous lui témoignent, les anciens s'y opposent. D'après eux, les esprits des arbres comme les Lwas veulent qu'elle soit un symbole fédérateur au sein de la communauté et non un chef qui, disent-ils, ne fera que les précipiter vers le conflit et le cauchemar. Edes accepte ce jugement des esprits et renonce. Elle déclare ne pas vouloir provoquer de scission au sein de la communauté, surtout quand, rappelle-t-elle, on sait que le Bergers du Givre sont annoncés pour cet hiver.

Un groupe de reconnaissance tentant de faire le tour du gouffre afin de trouver un passage vers l'autre côté découvre les ruines de ce qui semblent être un ancien sanatorium. L'un d'entre eux semble avoir perdu la raison. Il affirme avoir vu là-bas Dionysos, le porte-parole de la Bouche, qui lui aurait parlé de l'Ange-paon de Yézédis et de la Cité-Dieu d'Elyatis.

22ème quinzaine :
Les Bergers du Givre arrivent. La partie est terminée.
Sont-ils tous descendus dans le gouffre pour ne plus en remonter ? Se sont-ils perdus dans les montagnes et y ont-ils été dévorés par les monstres qui les peuplent ? Sont-ils restés prisonniers de la prison du Roi Volcan ? Les Bergers du Givre trouvèrent les colonnes vides. Ils y passèrent l'hiver et s'en allèrent. Ils revinrent plusieurs hivers de suite et trouvèrent ces ruines toujours désertes...

XxXxX

Omniscience

Après la Magicienne, c'est une jeune femme nommée Tanya qui arrive aux Colonnes.

Elle est blessée et dans un état de panique totale. Une fois soignée et calmée, elle explique appartenir elle aussi à un clan de nomades, Ceux de l'Oeil Sublime.. Ils sont passés à proximité d'une étrange pyramide, un peu plus loin, au Nord-Ouest. Là, ils ont été attaqué par des Horlas ressemblant à des hommes-serpents à 7 têtes. Elle craint d'être la seule survivante.

Edes Corso profite du récit de Tanya pour obtenir l'autorisation des anciens de se rendre à la pyramide. Là, il s'agit notamment de porter secours aux éventuels survivants.
Ce n'est que plusieurs jours plus tard qu'Edes et ses hommes reviennent. Ils sont tous blessés et choqués. Plus de la moitié d'entre eux ont été tué dans la bataille qui les a opposé aux Horlas polycéphales. Edes elle-même a perdu un œil et, le craint-on, la raison. Alors, la Magicienne prend les choses en main. Elle nettoie la plaie d'Edes et place une de ses noix dans l'orbite creuse. Cela semble calmer Edes qui sombre dans un semi-coma. Au bout de plusieurs jours de cette léthargie, ses proches constatent que des sortes de branches lui poussent dans le dos. Au fil des jours, ces branches grandissent et se garnissent de feuillages, offrant à Edes une sorte de paire d'ailes végétales. La coquille de noix a parfaitement trouvée sa place dans l'orbite creuse. À tel point qu'Edes prétend entendre la voix des arbres. Examinée par l'ancien du clan Ande, ce dernier reconnaît la véracité de ses propos et lui donne le statut de membre de la famille Ande. Fille de la famille Corso ayant du sang Powl dans les veines et maintenant membre des Andes, Edes est maintenant perçue comme un personnage des plus importants de la communauté. Toutefois, cela n'est pas sans susciter certaines interrogations, notamment quant à une possible contre-attaque des Horlas.

SiAber, comme à son habitude, a observé tout ça de loin. Le destin d'Edes Corso l'interroge. Moitié Corso, moitié Powl, elle intègre maintenant la famille Ande. Il sent que le vent souffle plus fort dans la cime des Arbres depuis que la Magicienne a fait son apparition. Si Edes entend désormais la Voix des Arbres, SiAber veut savoir ce qu'ils lui ont dit. Il se rappelle alors sa dernière vision. Alors qu'il interrogeait les Arbres justement, la Magicienne faisait irruption. Opportunité ou menace, il doit en avoir le cœur net. Quel que soit le destin que lui réservent les Arbres, il l'acceptera.
Mais, alors qu'il s'équipe de ces outils de chaman, SiAber est pris à parti par des membres du clan qui lui reproche de préparer un sale coup, d'avoir contracté avec les Horlas. Il a beau nier et tenter de s'expliquer, rien n'y fait. Après les reproches, ce sont les insultes. Et après les insultes, ce sont les coups qui s'abattent sur lui.
SiAber tentent de les raisonner, en vain. Alors, la douleur monte, grandit. Mais une Voix grandit aussi. Pas celle des Arbres. Celle du Corvidé. Alors, SiAber cherche du regard les Yeux de la forêt. Ils lui diront ce qu'il doit faire pour que la combativité du cerf devienne sienne et qu'il parvienne à se défaire des opposants. Aussi, soudain, il se redresse et clame d'une voix forte « Je suis le Corvidé. Ici et maintenant, pour maintenir l'équilibre entre la vie et la mort, j'invoque la combativité du cerf ! » L'espace d'un instant, ses adversaires stoppent net. SiAber, quant à lui, attend la réponse des Yeux.
Et les Yeux de la forêt se mirent à parler :
-Tu dois aller au bout de cette altercation, dit le 1er.
-Et nous offrir les yeux du perdant, dit le second.

Alors SiAber brame ! Dans sa sacoche, il saisit une poignée de clous. Il en prend un dans chaque main et se jette sur l'opposant le plus proche de lui. Tous deux, sous le choc de l'impact, se retrouve à terre. Animé de la combativité du cerf, SiAber immobilise rapidement son adversaire. A cheval sur son torse, il lui enfonce un clou dans chaque œil. Il se tourne ensuite lentement vers l'autre et se passe l'index sous la gorge. Il se saisit alors de sa dague et lui saute dessus. Bien qu'il soit solidement campé sur ses jambes, SiAber le jette lui aussi à terre et lui plante plusieurs fois sa dague dans la gorge. Le sang gicle et SiAber brame. Quand il arrête de hurler, le silence de la forêt n'est troublé que par les gémissement de l'aveugle qui convulse à terre. SiAber s'approche de lui et, de la pointe de sa dague, lui retire les yeux qu'il offre ensuite aux Yeux de la forêt. Et les Yeux ne sont pas avares. Après lui avoir fait don de la combativité du Cerf, ils lui font maintenant don d'une de ses effroyables visions de l'avenir dont seuls les Arbres et les Yeux connaissent les secrets et les significations. SiAber a l'impression qu'on le saisit par les cornes et qu'on le jette à terre. Alors que, hurlant, il se débats dans les feuilles et la boue, il voit !

SiAber reconnaît cet endroit mais il n'est pas comme il devrait être. Il s'agit de cet hôpital en ruine au Sud des Colonnes. Il est toujours envahi de plantes grimpantes mais aussi, et c'est nouveau, de feuilles de vigne. Et surtout, il est sous la neige. Il y a un escalier qui monte. La haut, il entend des rires et des chants. À mesure qu'il gravit les marches, la neige est remplacée par des algues et une indescriptible odeur de poisson mort. Plus il monte et plus il est difficile pour lui de se rappeler que ce n'est pas normal. Les Colonnes ne sont pas sous la neiges. Les Bergers du Givre ne sont pas encore arrivés. C'est trop tôt. Ce n'est pas le moment. Au milieu des marches, il se saisit la tête la tête à pleine main. Tout devient... clair ? Il avance.
Dans une grande pièce, une troupe d'hommes et de femmes, à moitié nus, chante et danse au pied d'un trône de fortune. Sur ce trône, un homme revêtu d'une toge grecque et d'un énorme masque à tête de scarabée. Au dessus de son épaule, sur sa gauche, une bouche dessinée sur le mur scande « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! »
SiAber fait un pas en arrière, de peur qu'on le remarque. Alors, il distingue un fragment de miroir brisé encore fixé à un mur. Il y plonge son regard mais n'y trouve pas le sien. Qui est cet homme au costume sombre. SiAber le connaît-il ? Il ne sait plus. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est celui qui porte la maladie ! Le Cruel Centipède !
Millevaux sous la neige ! Le Cruel Centipède ! Dionysos, la Bouche, des fous ! Que va-t-il advenir de son clan ? Vont-ils devoir quitter les Colonnes ? La menace que représentent les Bergers du givre est-elle pire que ce qu'il redoutait ? Que doit-il faire ? Prévenir les anciens ? Trouver cet homme ? Lui reprendre le Cruel Centipède ? Et Dionysos ? Et les fous ?

Cette vision n'est pas comme les autres. Qu'est-ce que ça veut dire ? Il comprend mieux maintenant le sens d'une des ses visions précédentes. Il doit, plus que jamais, interroger les Esprits des Arbres. Il doit comprendre le sens de cette vision. Et ce, même si la Magicienne doit lui jouer un sale tour.
Il s'approche d'un arbre, un noyer. Mais pas Le Noyer. Il pose la main sur le tronc, se saisit d'un clou et l'enfonce à travers le dos de sa main comme sa vision le lui indiquait, comme certains rites anciens des Andes l'indiquaient. Plus personne aujourd'hui ne communique ainsi avec les Arbres. Aujourd'hui, les Arbres et les hommes communient par l'Esprit. Mais à une époque, ils communiaient par le sang. SiAber ne sent pas la douleur. Il ressent la présence d'un corps étranger dans sa main. Il sent son sang s'écouler et se mêler à la sève de l'Arbre. Il attend. Il attend le message de l'Arbre. Il attend la Magicienne. Qui viendra en premier ?
La Magicienne !
« Le culte de Shub'Niggurath gagne en puissance, SiAber. Une nouvelle race de Horlas, les Coelacanthes, s'apprêtent à déferler sur les mondes pour répandre Millevaux. La malédiction du Cruel Centipède se répandra comme des pétales de fleurs portés par le vent. »
Alors, elle se tait et lui tend une noix. Une Noix !
SiAber a toujours sa main gauche clouée au tronc du noyer. Il regarde la Noix. Il regarde la Magicienne. Il cherche l'origine de ce soudain vent violent. Il sait qu'il doit accepter la Noix. Il a peur mais il sait qu'il doit l'accepter.
« Magicienne, resteras-tu près de moi ?
Non, mais tu ne seras pas seul face aux Coelacanthes. Les Araignées seront tes alliées. Elles sont en toi désormais. De même, si tu es en danger et souhaites quitter le monde des Coelacanthes, prends une Noix. Mais, saches-le, dans ton combat contre les Coelacanthes et pour une raison que toi seul peut connaître, les plaisirs de la chair, que tu les désires ou non, te sont plus que jamais interdits. Tu en mourrais. »

SiAber comprenait. Ou du moins, il pensait comprendre. Il avait peur mais se saisit de la poignée de Noix que lui tendait la Magicienne. Il y en avait maintenant 7 dans sa main. 7 Noix pour combattre les Coelacanthes. Alors, il ferma les yeux et se mit à rêver...

Il rêve. Il sait qu'il rêve. Ce ne peut être la réalité. Autour de lui, les arbres sont débités en tronçons replacés n'importe comment dans l'espace. On croise des chevreuils et des blaireaux découpés mais encore vivants, réhybridés avec des troncs, des branches et des fougères. Au fond de la forêt, on aperçoit un portail aquatique phosphorescent et le monde se reconfigure autour. Le sol se déplace et se redécoupe en permanence.
L'espace d'un instant, SiAber est enclin à céder à la panique. Mais, il se rappelle les enseignements du Corvidé : soit digne en toute circonstance ! Que doit-il faire face à ça ? Que peut-il faire ? Au milieu de ce chaos, il tente rester serein, droit, immobile, rigide. Il tente de faire sienne la grandeur et la majesté du Cerf. Il veut, il espère devenir ainsi le pivot autour duquel s'organisera ce chaos. Il ferme les yeux. Il respire profondément et entonne son mantra.
« Je suis le Corvidé. Je suis le présage du retour de l'ordre et de la sérénité. Je suis l'axe et l'équilibre nécessaire entre la vie et la mort. Le chaos est la vie. L'immobilisme est la mort. Le chaos est la mort, l'ordre est la vie. »
SiAber a les yeux fermés mais il sent tout autour de lui les Yeux s'ouvrir. Que doit-il faire pour stopper tout ça ? Les Yeux vont parler. Les Yeux ont peur de cette lumière aquatique. Il faut l'éteindre. Fermer ce portail. Barrer la route aux Coelacanthes. Il faut retourner au vide, au tombeau. Il faut... offrir un sacrifice.
SiAber ouvre les yeux. Les Yeux ne sont plus là. Il regarde autour de lui. Il sent qu'il ne peut bouger sous peine de se retrouver lui aussi découper et redécouper par ce chaos qui massacre la forêt. Pourtant, que sacrifier ? Et comment ? Il se rappelle alors les mots de la Magicienne. Les araignées. Elles sont en lui.
SiAber ferme de nouveau les yeux et regarde au fond de lui-même. Il finit par les voir monter, les araignées. Elles sont là, par centaines, par milliers. Elles n'attendent que son ordre pour déferler. Son regard se porte alors sur une de ses horribles chimères et les araignées sortent. De partout ? De ses yeux, ses oreilles, son nez, sa bouche... partout ! Et elles courent, volent, jusqu’à la créature qu'elles recouvrent et dévorent. Quand il ne reste plus rien qu'un tas d'os, le portail se referme.
La forêt est redevenue normale. Du moins, le semble-t-il. SiAber regarde tout autour de lui. Nulle trace du chaos qui régnait il y a encore quelques instants. Nulle trace des araignées. Prudemment, il fait un pas en avant. Rien d'anormal. C'est marchant qu'il se rend compte que sa main n'est plus clouée à l'arbre. Il comprends alors qu'il n'est pas revenu, qu'il est toujours dans le rêve de la Magicienne. D'ailleurs, n'est-ce pas elle, là-bas, devant cette maison en terre cuite ? Si ! Elle l'aperçoit et l'invite à entrer. La maison se réduit à une seule pièce, avec des fours et des athanors en ébullition. Chouettes, chats sauvages, araignées et crapauds grouillent dans les ombres. Racines, fougères, lierre et champignons envahissent les lieux. Deux grandes armures humanoïdes faites de terre cuite et de matériaux composites trônent au milieu. La Magicienne explique qu'il faut aller demander l'aide… de la personne qui incarne la Magicienne pour avoir une chance de vaincre les Abysses. Pour cela, SiAber doit monter dans cette armure-golem faite de ses souffrances. Cette armure lui permettra de supporter le passage vers le Méta-Monde.
SiAber n'est pas sûr de comprendre. Il doit demander de l'aide à celui qui incarne la Magicienne dans un autre monde ? Le Méta-Monde ? Et il ne peut gagner ce Méta-Monde que grâce à cette armure ? SiAber fait le tour de ce que la Magicienne appelle une armure-golem. Elle est de grande taille et grossière. Elle faite de terre, de boue, de branchages et de feuillages. Au toucher, elle paraît solide. Il se concentre. Il tente de capter les Esprits des Arbres. Il a besoin de conseils. Doit-il écouter la Magicienne ? Qu'est-ce que le sort lui réserve ? Les chamans de la famille Ande peuvent devenir des arbres et planter profondément leurs racines pour accéder à la mémoire de la Terre. Mais lui, est un paria. Il peut se changer en arbre seulement pour étendre ses branches vers le ciel et tenter de connaître l'avenir. Mais sa mémoire et celle de la Terre lui sont fermées. Sans un mot, il sort de la maison de terre. Une fois dehors, il enfonce ses pieds dans le sol. Il tire de sa sacoche de la poudre d'encens qu'il répand à ses pieds. De sa dague, il s'entaille la paume de la main et recouvre la poudre de goutte de sang. Au fond de lui, il sent les araignées refluer. Il sent les cornes du Corvidé s'agrandir. Ses pieds s'enfoncent dans la terre. Il lève ses bras. Ses bras s'allongent. Ses doigts aussi et se couvrent de feuillages. SiAber est un Arbre entièrement tourné vers le soleil. Il cherche la lumière. SiAber est un arbre. Un Noyer !
Il voit ! Il voit un animal mythique traqué. Quel animal ? Traqué par qui ? Pourquoi ? Un Noix tombe au sol. Il voit un nid de serpents géants. Une seconde Noix tombe au sol. Un nom. Sodek NoFink !
SiAber ouvre les yeux et tombe à genoux. Il n'est plus qu'un homme. Non ! Il se redresse. Il est le Corvidé, le Présage. Il se relève et retourne à l'intérieur de la maison en terre cuite. Il jette un regard qu'il souhaite plein d'assurance à la Magicienne et se laisse recouvrir par l'armure-golem. Il entend comme un assourdissement bruit d'aspiration puis... Plus rien.
Quand il ouvre les yeux, il est à genoux, dans la boue. L'armure-golem a disparu et il se rend compte qu'il pleure. Il relève la tête et voit... un vieux bâtiment. Il s'agit d'une ancienne prison envahit par la végétation. Il y a encore des barreaux à certaines fenêtres. Un chant résonne. Pas autour de lui. À l'intérieur de lui. « le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est le 13 » Il sent la panique l'envahir. Que s'est-il passé ? Où est l'armure ? A-t-il vu celui qui incarne la Magicienne dans le Méta-Monde ? Il ne se rappelle de rien. Rien ! Sauf... Traquer les serpents-géants jusque dans leur nid et... Sodek NoFink ! Mais avant tout, il doit retourner aux Colonnes. Il n'a aucune idée de là où il est. Il le saura peut-être, sûrement même, s'il regarde d'en haut. Il tire une nouvelle poignée de poudre de sa sacoche et accomplit le rituel faisant de lui un haut et majestueux Noyer. Et de la haut, du bout de ses branches, il voit les Colonnes, à l'Est.
De retour parmi son clan, SiAber s'attend à être pris à parti à propos de la mort des deux membres du clan dont il est responsable. Mais, comme souvent, personne ne prête attention à lui. Aujourd'hui tous les regards sont tournés vars une nouvelle venue. Une jeune femme blessée racontant que son clan a été décimé par un groupe de Horlas à tête de serpents. Sous son masque, SiAber sent la sueur perler à son front...

XxXxX

Dans La Nuit Longue... Protocol


Haze n'attend pas d'en savoir plus quant à ces coups de feu. Spontanément, il court dans la direction opposée et se retrouve à dévaler à toute vitesse ce flanc de montagne enneigée. À mesure qu'il s'éloigne de l'origine des détonations, il prend un peu plus le temps d'observer son environnement. Quelque chose cloche. Une forêt sous la neige, OK ! Mais pas une forêt comme ça. Haze finit par s'arrêter pour examiner un arbre. Il s'agit d'un arbre typique d'un forêt tropicale. Il n'y connaît rien, certes, mais il sait reconnaître un arbre tropical et il sait que ces régions ne connaissent jamais de périodes de neiges. Donc, quelque chose cloche.
L'espace d'un instant, il se demande si... mais non, impossible ! Son niveau d'accréditation est vert. Il n'a pas accès à Blue City et même dans ce cas, il faudra que ce soit une méga-interférence pour que la ville apparaisse sous cette forme. Où a-t-il atterri ? Quel est cet endroit ?
Haze vérifie le contenu de ses poches et de son sac. Du matériel d'escalade, super ! Des rations, mieux ! Le Virus, le plus important. Il doit l'emmener quelque part, mais où ? Curieusement, sa mémoire lui joue des tours. C'est comme quand on cherche un mot qu'on a sur le bout de la langue. On le connaît, pas de problème là-dessus ! Mais pour l'instant, impossible de s'en rappeler. Ça reviendra, on le sait. Mais quand ? Pas trop tard espère-t-il.
Par contre, il se rappelle bien de quelque chose. Le Virus. Le Cruel Centipède. Le Virus a été conçu à partir d'extrait du Cruel Centipède. Ce n'est pas facile, mais Haze rassemble sa mémoire. Il doit fixer ses idées quant au Virus avant d'oublier. Il sait que ce lieu, cet endroit, cette forêt va tenter de lui faire perdre la mémoire. Parce que cette forêt est... Millevaux. Et le Cruel Centipède est issu d'une variation, d'une interprétation de Millevaux. Le Virus est une variation de Millevaux. Une mutation de Millevaux. Parce que Millevaux est une maladie. Une maladie qui altère le temps et l'espace. Une maladie qui se répand d'autant plus facilement que, sous licence Creative Common, l'accès à ses diverses interprétations est gratuite. Auteurs comme joueurs peuvent s'en emparer sans problème pour créer et répandre leurs propres versions de Millevaux. Mais déjà il a oublié comment il avait mis la main sur cette version, le Cruel Centipède. Est-ce la Compagnie qui lui a donné ordre de le remettre à quelqu'un, quelque part ? Ou alors, l'a-t-il dérobé à quelqu'un et doit-il le remettre à la Compagnie au plus vite ?
Ces pensées dérivent alors vers les deux femmes qui partagent ses pensées et sa vie actuellement. Johanna Ackermann d'abord. Il culpabilise de cette relation car il sait au fond de lui qu'il l'entretient en grande partie pour percer le mystère entourant son « autre » personnalité : Sodek NoFink. Et Edes Corso. L ne sait pas ce qu'elle lui trouve. Elle a tout. L'argent, le pouvoir, la beauté. Pourquoi s'être intéressée à lui ? Et lui, pourquoi s’intéresse-t-il à elle, si différente, issue d'un monde si lointain. Un monde si lointain ?
Sans s'en rendre compte, il a repris sa marche dans la neige et est arrivé dans une clairière. Là, un autre fait étrange. Au milieu de cette forêt tropicale, un arbre qui une fois de plus n'a rien à faire là : un Noyer. Haze se sent bizarrement attiré par l'arbre. Quelque chose en lui... Non, quelqu'un à l'extérieur de lui sait que ce qu'il s'apprête à faire est complètement stupide et que cela va le précipiter dans un monde de cauchemar. Il sait que toutes ses interrogations ne sont que de futiles tentatives de gagner du temps car il va le faire. Il ne peut pas faire autrement. Il tente de se convaincre que cela lui permettra de mieux comprendre ce qu'a vécu Johanna. De mieux cerner la personnalité d'Edes. Une étrange association d'idées lui fait songer à l'Hadès. Et si la belle héritière était son monde des morts. Alors, Johanna serait la vie. Non, elle est la folie. Après Eros et Thanatos, il y aurait Hybris et Thanatos ? L'Hybris ? Dionysos ?
Haze soupire et regarde la Noix qu'il trouve dans le creux de sa main. Dans son sac, il se saisit d'un mousqueton d'escalade et s'en sert pour en briser la coquille. Une soudaine rafale de vent lui arrache quelques larmes. Il songe alors à cette chanson de Laibach, Hell Symmetry et à ces quelques mots relatifs à la « 7 deadly sins industry ». Sans même songer à s'essuyer les yeux, il gobe la Noix...

Il ouvre les yeux. Il est là mais n'est pas là. Il se voit quelques mètres devant lui. Il se souvient. C'était avant de venir profiler au FBI. Il était alors négociateur. Il intervenait là sur une prise d'otage. Cette grande avenue. Laquelle ? Quelle ville ? Il a déjà... oublié... Cette grande avenue avait été bloquée évacuée par les forces de l'ordre. Le forcené, un braqueur en fuite, s'était réfugié dans un bus et avait pris les passagers et le conducteur en otage. Des snipers avaient été placé en des endroits stratégiques dans les immeubles de chaque côté. Des SWAT, positionnés dans les rues perpendiculaires, attendaient le feu vert pour intervenir. Lui, tentait de gagner du temps, d'obtenir qu'il libère les otages et de détourner son attention pour permettre aux SWAT, menés par son coéquipier, de s'approcher sans être vue. Qu'est-ce qui avait cloché ? Tout semblait bien se passer puis la situation a dégénéré. Le braqueur a été abattu mais des otages sont morts et son coéquipier a reçu une balle qui lui a sectionné la moelle épinière. Haze revoit la scène de loin mais la revit de l'intérieur. De loin, il voit cette petite porte d'environ 1m de haut. Était-elle vraiment là ce jour ? Il ne sait pas. Et s'il l'avait emprunté ? Où l'aurait-elle mené ? Quelque part d'où il aurait pu sauver son coéquipier ? Et si... Il fait un pas dans cette direction. Et ce retrouve au milieu d'un cercle composé d'hommes et de femmes nus à tête de sanglier, le corps couvert d'humus, de mousse et d'asticots. Ils se tiennent debout, les bras croisés, sans mot dire. Autour de lui, La moisissure a pris des proportions dantesques : buissons de mousse et masses fongiques. Le limon coule de partout. On entend un grondement et on sent la terre trembler. Il pense alors à Johanna, à Sodek et, va savoir pourquoi, à Shub'Niggurath. Puis, les hommes et femmes sangliers disparaissent. Il n'en reste plus qu'un, avec une verge d'une taille monstrueuse qui pend entre ses cuisses et deux seins gonflés de lait. Verge comme seins dégoulinent de pus. Immobile, inerte, il se contente de dire : « Fais pire, au nom des Abysses. »
Pire ? Qu'est-ce qui peut être pire que ce fiasco à part avoir tiré lui-même sur son coéquipier ? À part l'avoir... tué ?
De tout cela, rien n'est réel. Haze le sait et c'est pour ça qu'il pointe son arme en direction du crane de son coéquipier et qu'il tire. Il garde les yeux fermés si fort que ça lui fait mal mais il ne veut pas les ouvrir. Il attend d'entendre siffler les coups de feu. Il attend d'entendre les cris. Il attend de se sentir projeter au sol et menotter par les SWAT.

Il attend et... rien ne se passe...

Le siège, ou en tout cas un des sièges, de la Compagnie. Depuis cette affaire qui l'a confronté à Millevaux, Haze a quitté le FBI. Il a été recruté par la Compagnie. On ne lui a pas présenté les choses ainsi mais il a compris qu'il devait remplacé un autre agent, Paul Singer, lié lui aussi à toute cette histoire. Haze sait, mais comment ?, que sous l'influence de Millevaux il a tendance à perdre la mémoire. Ou, du moins, certains éléments deviennent flous, disparaissent. Il sait qu'il connaît Paul Singer. Mais d'où ? Se sont-ils rencontrés ou a-t-il seulement entendu parler de lui ? Il ne sait plus. En tout cas, Singer est aujourd'hui porté disparu et Haze sait qu'ayant travaillé sur cette même affaire il est tout désigné pour remplacer Singer au sein de la Compagnie. Pour autant, il doit faire ses preuves. Pour l'instant, son niveau d'accréditation est Vert. Il n'a pas accès à Blue City. La Cité Bleue. Le bourreau de Johanna en avait parlé dans un de ses messages délirants. Le bourreau de Johanna ou l'instrument de Sodek NoFink ? Les dirigeants de la Compagnie savant-ils qu'il la fréquente ? Il n'en serait pas étonné. De même qu'il ne serait pas étonné qu'on le fasse suivre, qu'on l'espionne et que, comme lui, on cherche à percer le mystère de Johanna/Sodek. Le mystère de Millevaux. Enfin, un des mystères de Millevaux.
La mission de Singer a montré une chose. Millevaux est contagieuse. Millevaux n'aurait pas dû s'infiltrer dans Blue City, même au titre d'interférence. Quelque chose, quelqu'un, a volontairement contaminer Blue City en y introduisant le concept de Millevaux pour le pervertir, en faire la proie de Shub'Niggurath et du Roi en Jaune. Le Jaune contre le Bleu. Dans cette histoire, la Compagnie a perdu l'agent Singer. Et l'agent Singer, lui, a perdu... la raison ?
Pour l'instant, en tant qu'agent à la cravate verte, Haze doit « simplement » éplucher toutes les sources d'informations à sa disposition pour se faire l'idée la plus précise de la situation concernant Millevaux. D'une façon ou d'une autre, il faut « protéger » Blue City, ramener l'ordre. Ou au moins, ramener le niveau d'interférence à un degré plus convenable. Gérable ? Haze avait bien compris ce qu'on attendait de lui.

Haze reprend ses esprits. Il est toujours près du Noyer. Il n'a aucune idée du temps qui a bien pu s'écouler. Toutefois, il fait maintenant presque nuit et de plus en plus froid. Un vent glacial l'éloigne de l'arbre. Alors qu'il va pour se réchauffer les mains et les frottant l'une contre l'autre, il remarque que sa paume gauche saigne. Il se rend alors compte que sa main a été transpercé. Comment ? Quand ? Par qui ?
Alors que le vent le pousse, l'éloigne encore plus de l'arbre et de la montagne, un grincement attire son attention. À cause du vent, il a du mal à savoir d'où cela provient. Il tourne sur lui-même et son regard tombe alors sur un homme en fauteuil roulant. Son ancien coéquipier ! C'est forcément une illusion, une hallucination ! Comment il aurait pu arriver jusqu'ici en fauteuil roulant. En plus, il porte un costume-cravate complètement inadapté à la situation. Spontanément, Haze porte la main au niveau de son aisselle gauche mais ne trouve rien. Il n'a aucune arme sur lui.
Son ancien coéquipier sourit. À mesure que sa bouche s'élargit, s'ouvre, du sang en coule et inonde sa chemise. Il ouvre grand les yeux. Son sourire se crispe. Ses traits se figent. Il articule quelques mots que Haze saisit mal à cause du vent.
« Le nid de serpents géants... Là est le Niaucheur... Il parle le Langage Noir... ou le Langage Jaune... Il mange de la Viande Noire... ou fume l'Opium Jaune... »
Haze se précipite sur son coéquipier. Il se jette sur lui et reverse le fauteuil ! Il se réceptionne mal et une douleur aigu lui vrille la main. Il se relève et se rend compte qu'il est seul. La nuit est maintenant tombée. Haze se retrouve au bord d'un fleuve gelé. Il ne sait pas comment il est arrivé là. Il distingue l'ombre d'un bâtiment au loin. Il y a de la lumière.
Après une marche finalement assez courte, Haze se retrouve devant un portail en fer forgé. Le mur d'enceinte est haut mais en ruine. Il trouve facilement un passage et s'introduit à l'intérieur de cette ancienne propriété. Un peu plus loin s'élève la bâtisse. La porte d'entrée est ouverte. La neige a envahi l'accueil. Il s'agit bien d'un accueil, Haze reconnaît un comptoir. Il y a même un téléphone. Au cas où, il s'en empare : « Contrôle ?
Agent Haze ?
Oui. Contrôle ?
Oui. Que faites-vous là ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas où je suis.
Je... Je ne sais pas non plus.
Mais, si vous êtes Contrôle, c'est que je suis à Blue City, non ?
Oui, non. Normalement. Enfin, vu votre niveau d'accréditation vous ne devriez pas être à Blue City. Mais, si nous avons cette conversation c'est que vous êtes à Blue City, non ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas où je suis. Mon hélico s'est écrasé en pleine montagne. Il y a une tempête de neige. Je suis redescendu dans la vallée et me suis réfugié dans une propriété en ruine. On m'a tiré dessus. Enfin, j'ai entendu des coups de feu. J'ai le Virus. J'ai le Cruel Centipède.
Vous avez le Cruel Centipède ?!
Oui, je ne sais pas comment je l'ai eu mais je l'ai. Et je ne sais pas ce que je dois en faire. Contrôle ?
Surtout n'y jouez pas !
Y jouer ?
Oui, savez-vous ce qu'est le Cruel Centipède ?
Non. Un ver ? Une limace ? Un insecte dégoûtant ?
Non ! Oui, d'une certaine façon. Le Cruel Centipède est une maladie du temps et de l'espace. Une corruption, un corrupteur. Un jeu.
Comment ça un jeu ?
Agent Haze, souffrez-vous de pertes de mémoires ?
Je ne sais pas. Oui, peut-être, à cause du crash...
Ou à cause de Millevaux. Vous êtes dans une forêt, n'est-ce pas ?
Oui, j'ai traversé une forêt.
Millevaux est LE jeu, la corruption qui menace Blue City. Vous avez oublié ?
Je crois bien que oui.
Le Virus que vous transportez, agent Haze, cet extrait du Cruel Centipède, est un nouveau jeu de rôle dans l'univers de Millevaux. Et Millevaux est une maladie d'autant plus contagieuse que, sous licence Creative Common, sa gratuité fait qu'il est facile et tentant pour les auteurs et les joueurs d'investir cet univers, de le faire vivre, de l'explorer, le faire muter, le répandre. D'après ce que nous savons, un joueur qui se fait appeler Demian Hesse à introduit Millevaux dans Blue City, contaminant ainsi la Cité Bleu. Blue City et l’Hôpital sont des portes entre Millevaux et... un certain niveau de réalité que souhaitent atteindre les Coelacanthes. Pour ce Demian Hesse, tout ceci n'est qu'un jeu. Mais pour nous, c'est une menace réelle. Si les Coelacanthes... Agent Haze, vous êtes à l'hôpital, hein ?
Je ne sais pas. Il y avait une grille en fer forgé et là tout est en ruine.
C'EST UN HOPITAL, AGENT HAZE ! NE ME MENTEZ PAS ! VOUS ËTES A L'HOPITAL !
Je ne sais pas Contrôle, je ne suis pas sûr. C'est possible que cet endroit soit un ancien hôpital. Ce n'est pas une maison en tout cas. Contrôle ! Je dois vous laisser ! »

Haze raccroche précipitamment. Une ombre vient de lui passer devant. C'était fugace, presque translucide. Ça portait un masque... et des cornes. Ça s'est jeté dans les escaliers en direction de l'étage. Haze sent qu'il doit monter lui aussi.

En haut, Haze entend des rires et des chants. À mesure qu'il gravit les marches, la neige est remplacée par des algues et une indescriptible odeur de poisson mort. Plus il monte et plus il est difficile pour lui de se rappeler que rien de tout cela n'est normal. Il jette un œil ,aussi discrètement que possible à travers la porte d'où proviennent les chants et les rires. Dans une grande pièce, une troupe d'hommes et de femmes, à moitié nus, chante et danse au pied d'un trône de fortune. Sur ce trône, un homme revêtu d'une toge grecque et d'un énorme masque à tête de scarabée. Au dessus de son épaule, sur sa gauche, une bouche dessinée sur le mur scande « Je suis Dionysos ! La Voix de la Bouche ! Dansez ! Chantez, les ivres et les fous ! »
Haze fait un pas en arrière, de peur qu'on le remarque. Alors, il distingue un fragment de miroir brisé encore fixé à un mur. Il y plonge son regard mais n'y trouve pas le sien. Qui est cet homme au masque étrange, le connaît-il ? Il ne sait plus. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il est celui qui porte la maladie ! Le Cruel Centipède !

« Entres, Haze ! Entres en scène ! Rejoins mon petit théâtre ! La Bouche ne te veux aucun mal. »

Haze croit reconnaître cette voix. Il n'est sur de rien, à cause de ce masque mais... Paul Singer ? Cet homme est-il l'agent Paul Singer ? Cet agent de la Compagnie qui a disparu après cette étrange affaire ? C'est lui qui avait retrouvé Johanna dans Blue City puis dans Millevaux. Il ne sait plus trop, sa mémoire vacille.

« Paul... Singer ? Hasarde Haze en approchant lentement.
Oui, non. Je suis Dionysos, la Voix de la Bouche et la Bouche a des choses à te dire. »

Dionysos change alors de voix. Autour de lui, les hommes et les femmes dansent et chantent toujours en riant et buvant du vin à même la bouteille.

« Agent spécial Haze, les tueurs qui tu as arrêtés vont à l'hôpital ou en prison. Le Tueur du 13ème Jour du 13ème Mois n'est pas ici. Tu dois allez le chercher en prison. La Prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan te donnera un nombre et ce nombre sera le 13. En chemin, arrêtes-toi devant les nids de serpents. Parles au Niaucheur. Parles-lui le Langage Noir ou le Langage Jaune. Partages avec lui la Viande Noir ou l'Opium Jaune. Écoutes sa plainte. Maintenant, vas Agent Haze. La Bouche a parlé. »

Haze plonge sa main dans sa poche et en tire un jeu de cartes. Il en sait pas ce que ce jeu fait là. Il n'aime pas jouer aux cartes. Enfin, pas spécialement. Juste comme ça, il en tire 2 au hasard : 10 de cœur et 5 de trèfle. Il a envie d'un café. Dans ce parc, la température vient de chuter brutalement. Un café le réchauffera. Il fait signe a un des agents en uniforme, celui qui tient le petit plateau garni de gobelets en carton fumant. Une tasse à la main, il parcourt de nouveau la scène de crime des yeux.
La victime est un homme dans la cinquantaine. Légèrement en surpoids ,est-ce par coquetterie qu'il a les cheveux teints ? Il devait faire son jogging dans ce parc. Il porte encore ses vêtements sportswear. Pourtant, le tueur lui a baissé son pantalon. Ils se sont visiblement battu. Le visage de la victime est couvert d'hématome. On voit aussi des marques au niveau de ses cuisses. Haze parcourt les environs du regard. Cette partie du parc n'est pas la plus exposée aux regards. Pour autant, ce n'est pas non plus l'endroit le plus opportun pour une agression. Haze se laisse aller à penser que le tueur savait ce qu'il faisait en agissant ici. Peut-être a-t-il procédé à quelques repérages. Au fait du parcours de cet homme, il a estimé que c'était le meilleur endroit pour l'agresser. Oui, le tueur savait parfaitement où et quand attaquer. Avec un peu de chance, ça faisait plusieurs semaines que le sort de cet homme était scellé et personne ne le savait. À part le Tueur du Calendrier, celui qui tue le 13ème jour du 13ème mois. C'est SON calendrier. Il y a déjà eu 4 victimes, que des hommes dans la cinquantaine. Et les briseurs de codes du Bureau, en examinant les dates des meurtres, ont mis en évidence ce cycle de 13 mois et 13 jours. Toujours le même MO. La victime est rouée de coups puis étranglée. Le tueur lui baisse son pantalon mais ne procède à aucune agression sexuelle. Visiblement, il s'agit surtout d'une dernière humiliation consistant à laisser la victime dans cette posture pour le moins inconvenante. Les corps ne sont ni dissimulés ni spécialement mis en évidence. Le tueur les laisse là. Il sait qu'on les trouvera. Il veut qu'on les trouve, mais pas trop vite. Les autopsies ont montré que, vu les angles des coups portés, le tueur devait être plus petit que ses victimes mais en meilleure condition physique. Pourquoi s'en prendre à des hommes plutôt âgés ? Haze pense que le tueur a peut-être victime d'un pédophile et qu'il se venge. Il a même demandé à ce qu'on fouille le passé des victimes à ce sujet. Pour l'instant, cela n'a rien donné mais cela ne prouve pas grand chose. Il y a tant de criminels qui ne sont jamais inquiétés... Et si le tueur s'en prenait aux membres d'un réseau ? Ou alors, il fait une simple projection sur ces hommes là ? Ou alors, Haze fait totalement fausse route... Il n'exclue pas non plus que l'assassin soit une femme ou un enfant, un adolescent. Cela expliquerait sa taille. Haze soupire et boit une gorgée de café. Soudain, son téléphone sonne. C'est Johanna. Il la rappellera plus tard.

Haze ne fait plus parti du Bureau. Aussi, un de ses anciens collègues lui signale le plus courtoisement possible qu'il va maintenant devoir quitter les lieux et... laisser la police faire son travail. Haze comprend. Il lui sourit et le remercie pour... le café. Il lui promet de le tenir informé si, de son côté, il devait apprendre quelque chose. Il prends ensuite un taxi et se rend à l'Auberge, ce café à thème où il doit retrouver le Chef-Instructeur Snyder. Son niveau d'accréditation est Indigo/Blanc. Il n'est plus envoyé à Blue City mais il joue, parfois encore, le rôle de mentor pour les nouveaux agents de la Compagnie comme Haze. Snyder n'est pas un rigolo. C'est un dur. Mais il est réglo et il connaît son boulot. Il est convaincu que ce Tueur du Calendrier a quelque à voir avec les affaires de la Compagnie et Haze lui fait confiance à ce sujet. Le 13ème jour du 13ème mois. Ce ne peut pas être une coïncidence. C'est forcément lié avec cette histoire de Patient 13. Que ce serait-il passé si Coleman était parvenu à tuer 13 femmes ? Il voulait ouvrir une porte vers Millevaux, pour les Coelacanthes. Et Johanna...
Snyder tire Haze de ses pensées d'un claquement de doigts. Il interpelle la serveuse et lui commande café et donut's. Haze est ravi. Il fait si froid en ce moment. Il est gelé, même à l'intérieur de l'Auberge. Un café lui fera du bien. Alors que la serveuse revient, il se rappelle avec amusement le chef DiCompain de la police d'Olympia, grand amateur de Donut's devant l’Éternel.

« Et que vient faire Ackermann dans cette histoire ?
Pardon ?
Oui, Ackermann... Vous la... fréquentez si je ne m'abuse.
Oui, non euh... Oui, nous nous... fréquentons, comme vous dîtes, Chef-Instructeur Snyder.
Bien, alors, quel est son rôle dans cette histoire ? Quelque chose m'échappe.
Et bien, pour faire court, Johanna... Miss Ackermann est une des victimes de Coleman. Il la retenait prisonnière, en vue de son exécution à venir, quand les forces de l'ordre sont intervenues dans sa planque. Elle a été admise en soin intensif sauf que, d'après les rapports de la Compagnie que j'ai lu, l'Agent Singer a eu au même moment un « contact » avec elle dans Blue City. Piursuivis par une créature, ils se sont retrouvés à Millevaux. C'est là que Johanna s'est révélé posséder une double personnalité. L'autre, nommé Sodek NoFink, semblait alors être un complice de la Magicienne, ou du Magicien, ce n'est pas... plus très clair... NoFink aurait en fait manipulé Coleman afin qu'il tue. Il aurait fait en sorte, malgré tout, de garder Johanna en vie, nécessité oblige. Mais, les investigations de Singer notamment tendent à montrer que les choses étaient en réalité plus complexes. Finalement, Johanna ne serait plus vraiment une victime. Elle aurait joué le rôle de la victime auprès de Coleman pour rester près de lui et serait passé par l'intermédiaire de la personnalité de Sodek NoFink pour le manipuler. Dans cette nouvelle configuration, Sodek n'est plus qu'un pion et Johanna n'est plus du tout une victime. Elle serait même, finalement, à l'origine des meurtres. Toutefois, aucun examen psychiatrique n'a pu mettre en évidence l'existence cette personnalité de Sodek NoFink. Aussi, les réflexions de l'agent Singer sont restées lettres mortes et Johanna continue d'être considérée comme une victime et uniquement comme cela.
Bien, et votre opinion ? Sachant que vous... fréquentez Johanna Ackermann.
Aucune trace de NoFink. Avec moi en tout cas, elle est à 100% Johanna. Je ne remets pas en cause l'existence de Sodek mais je ne peux qu'affirmer ne l'avoir jamais vu depuis la fin de cette affaire. Je pense, mais je n'ai aucun élément pour étayer ce point de vue, que Sodek ne peut se manifester que dans Blue City et Millevaux. Coleman était fou et obsédé par Millevaux. C'est sans doute pour ça que Sodek a pu lui apparaître. Il faudrait, je pense, ramener Johanna à Blue City puis à Millevaux pour pouvoir accéder à Sodek.
Et pensez-vous qu'elle ait quelque chose à voir avec cette affaire du Tueur du Calendrier ?
Non, mais je pense par contre que cette affaire est liée à Millevaux d'une façon ou d'une autre. Pour Coleman, Blue City était un sas entre Millevaux et notre réalité. Il est possible que le Tueur du Calendrier partage un délire similaire. Vous prenez le dernier donut ? »

Haze quitte donc l'Hôpital et Dionysos. Il ne sait pas pourquoi mais quelque chose lui manquera et ça le déprime encore plus, plus que la nuit et le froid. Cela lui semble aberrant. Qu'est-ce qui pourrait bien lui manquer dans un endroit pareil ? Aberrant aussi, cette idée que le Virus ne serait qu'une espèce de jeu de rôle qui parviendrait à contaminer la réalité. Mais après tout, lui aussi est roliste. Il en a joué des personnages, que ce soit irl, sur table, ou derrière son écran sur des forums. Finalement, il comprend un peu cette notion de contamination du réel par le jeu. Il se rappelle le jeu De Profundis, un jeu de rôle épistolaire dans un univers lovecraftien. Au passage, il note que Millevaux emprunte aussi au mythe de Chtulhu. Mais surtout, l'auteur de De Profundis insistait sur le fait que chaque expérience du quotidien pouvait venir enrichir le récit. Ainsi, d'une certaine façon, on ne sortait jamais du jeu et c'était finalement une sorte de contamination du réel par le jeu. Mais avec Millevaux, ça allait plus loin. Ça allait d'autant plus loin que Haze savait pertinemment qu'il n'avait pas lu De Profundis. Ce n'était pas lui, ce n'était pas son souvenir. Mais qui ? Demian Hesse ? Que signifiait tout ça ? Il ne savait plus vraiment. Sa mémoire commençait vraiment à lui jouer des tours. Il pensait savoir qui était ce Demian Hesse mais finalement en doutait. Il ne savait plus s'il était sensé le connaître ou non. Mais, il savait aussi que ces pertes de mémoires étaient caractéristiques de Millevaux. Était-il donc contaminé ? Se débarrasser du Cruel Centipède suffirait-il à lui rendre ses souvenirs ?
Haze longea le fleuve gelé jusqu'à ce que, sous la glace, il aperçut les entrées des nids de serpents géants. Là, il devait trouver le Niaucheur. Mais comment accéder aux nids ? Fouillant dans son sac, il se dit qu'il pouvait peut-être utiliser un gros mousqueton d'escalade pour tenter de briser la glace. Mais il n'avait en réalité que peu d'espoir d'y parvenir. Malgré tout, prudemment, il posa un pied sur la glace et entreprit de traverser le fleuve. Regardant à travers la glace, il ne voit rien de vivant. Pas un poisson ni même un batracien ne peut vivre dans ces conditions. Encore moins un serpent, fut-il géant. Il fait beaucoup trop froid. Au moins, pense-t-il, il en risque pas d'être la proie d'un reptile. Mais comment trouver le Niaucheur ?
Haze pose pied sur l'autre rive et entreprend de faire du feu. Cela le réchauffera et, peut-être, attirera le Niaucheur. Mais, contre toute attente, le feu prend bien mieux que prévu. Beaucoup trop même. Et le manteau de Haze prend feu. Il se jette dans la neige pour l'éteindre. Il y parvient rapidement mais souffre malgré tout de vilaines brûlures aux bras et au torse. Il ouvre son manteau et sa chemise et se recouvre de neige pour apaiser les brûlures. Malgré tout, il ne peut retenir ses larmes, autant de dépit que de douleur. Et il se surprend à pleurnicher comme un gamin. Pleurnicher... Niaucher comme dit Anke, son amie rôliste fribourgeoise. Le Niaucheur, le Pleurnicheur !! Est-ce possible ?
À 4 pattes, Haze gagne le bord du fleuve et contemple le reflet de son visage dans la glace. Presque torse nu, il est fasciné par les brûlures qui, remontant de son torse à son cou, le défigurent. Ou peu s'en faut qu'il ne soit défiguré en tout cas. Il fixe l'homme dans la glace. Il ne se reconnaît pas. Mais, il sait que c'est lui. Il se rappelle les mots de la Bouche. Il doit parler au Niaucheur, partager avec lui. Le Langage Noir ou le Langage Jaune. La Viande Noir ou l'Opium Jaune. Noir, c'est forcément négatif, ce sont les ténèbres, l'obscurité. Mais le Jaune, il le sait bien, c'est l'indicible, c'est la folie hasturienne ! Il se regarde droit dans les yeux et prend conscience qu'il ne sait pas quoi se dire.

« Qui es-tu, Niaucheur ? As-tu quelque chose à me dire ?
Non, mais... en vérité je te le dis, tout a déjà commencé à changer dans les murs de la Cité Bleue. Ce qui était pur devient vermine, ce qui était laid se pare d'une beauté artificielle et contre-nature, l'homme qui était vertueux devient un pécheur et la femme qui était fidèle voit son corps enfler de concupiscence. Et le cœur même de la Cité Bleue n'est jamais tout à fait ce qu'il était hier. Les palais deviennent des cloaques, les jardins deviennent des jungles. La bête docile et servile devient un monstre sauvage, elle mord la main qui l'a nourri, force les barreaux de sa cage et part semer la terreur dans la Cité Bleue. Et des choses dorment dans des cocons, ce qu'elles étaient auparavant n'est plus que limon à l'intérieur d'une carapace, et ce qui en sortira portera le visage du Démon.
Que le Juste châtie ses semblables qui ont déjà chuté, qu'il leur donne l'absolution, qu'il traite les maladies et les difformités, ou qu'il se prémunisse lui-même contre toute forme d'impureté et de changement, le Juste devra lire en son cœur pour savoir ce que Dieu veut qu'il fasse en son Nom. »

Haze fixe le Niaucheur, les yeux grand ouvert. Il croit comprendre. Il a peur de comprendre. La maladie a commencé à se répandre à Blue City. Et, de là, elle pourra se répandre dans le monde réel. L'avenir s'annonce bien sombre. Haze a parlé le Langage Noir. Il doit maintenant partager la Viande Noire. Dans la glace, il voit que son torse brûlé est devenu noir justement. Il retourne à son sac et trouve dedans un petit couteau. De retour au bord du fleuve, il s'attaque à découper un morceau de viande carbonisée à même son torse. La douleur est insupportable. Il y a du sang partout dans la neige, sur la glace. Le visage du Niaucheur ne lui apparaît plus que derrière un voile de larme et de sang. Pourtant, malgré tout, il présente un bout de chair sombre au Niaucheur et entreprend de dévorer cette Viande Noire et crue.
Puis, il s'écroule, inconscient, dans la neige et le sang.

L'appartement de Johanna Ackermann. Elle est seule. Elle fait la cuisine. Elle a de la visite ce soir. Damon Haze, l'ex agent du FBI qui s'est occupé d'elle suite à son kidnapping par le tueur Coleman. Elle a passé du temps en soin intensif puis, à sa sortie, Haze est revenue vers elle. Pour laider. Mais pas que. Aujourd'hui, ils ont une relation pour le moins ambiguë. À la limite du platonique et... d'autre chose. Elle sent bien que Haze n'en a pas fini avec cette histoire et qu'il reste auprès d'elle aussi, entre autre ou principalement pour en savoir plus sur les délires de Coleman. Et aussi sur tout ce qu'elle a ou croit avoir vécu dans cette Cité Bleue et cette forêt maudite. Mais rien de tout cela n'était réel, hein ? D'ailleurs, même le type avec qui elle s'est retrouvé là-bas a disparu. Elle ne sait même pas s'il a vraiment existé ailleurs que de son crane. D'après certains médecin, elle aurait inventé tout ça pour tenir psychologiquement face aux sévices infligés par Coleman. Une sorte de fuite, de fugue psychologique. Oui, elle est tentée d'y croire. Elle y croirait plus facilement si Haze y croyait et se décider à franchir le cap. Ce soir, peut-être...

« Toc Toc !
Qui est là ?
C'est moi, Sodek.
Qu'est-ce que tu me veux encore ?
Tu le sais, on a du travail. C'est bientôt le jour.
Non ! Ce n'est pas le jour. Il y a encore du temps. Beaucoup de temps avant la prochaine fois. Tu n'as aucune raison de venir m'importuner. Pourquoi ?
Pourquoi ? Mais... mais parce que tu t'es assez servi de moi Johanna. Maintenant, c'est mon tour. Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois pour s'amuser un peu. Qu'est-ce que ça changera. Rien du tout ?
Bien sûr que si ! Se laisser aller comme ça est le meilleur moyen de commettre une erreur qui les mettra sur ta trace, notre trace.
Mais non ! Il suffit de changer de mode opératoire. Là, ce ne sera pas pour ce que tu sais. Ce sera juste pour... s'amuser. Allez, il n'y a personne dont tu voudrais te débarrasser ?
Si ! Il y a cette femme. Edes Corso. Je sais que Damon la connaît. Je sais qu'il la voit.
Et tu voudrais qu'il lui arrive quelque chose à cette Edes Corso ? Pourquoi attendre le 13ème jour du 13ème mois ?
Tu es certain que ça ne bouleversera pas nos... tes plans ?
Certains !
Pourquoi ? Pourquoi fais tu ça, Sodek ?
Tu le sais très bien. Tu as eu ta chance, Johanna. Et tu as échoué. Maintenant, c'est moi qui prend les rênes. On va faire ça à ma manière. Ça va prendre un peu plus de temps mais ça marchera cette fois.
Sodek, pourquoi dis-tu qu'on a du travail alors que tu sais que le 13ème jour du 13ème est dans longtemps et que tu veux seulement t'amuser ?
Je dis ça parce qu'on a vraiment du travail. Certes, nous avons du temps devant nous mais il y aussi de long préparatifs et de longs rituels à accomplir pour que tout soit parfait. Tu sais bien de quoi je parle...

« Le roman qui rend fou ! » Voila quel sera désormais l'argument de vente de ce vieux roman de fantasy écrit en 1958 par un certain Jone King : La Quête de l'Ange-Paon de Yézédis. En vérité, l'intrigue importe peu. Ce qui importe, c'est ce qui s'est passé ce samedi 25 mai dans une bibliothèque de quartier d'Olympia, état de Washington. En effet, un homme d'une cinquantaine d'année en train de lire ce roman a subitement était pris de folie. Criant être l'un des personnages principaux, un certain Tad Corso – aventurier explorant une forêt hantée par des monstres nommés Horlas, l'homme s'en est pris avec les plus grande violence aux autres usagers ainsi qu'aux membres du personnel. Il a fallu l'intervention conjointe des forces de police et des services de sécurité de la bibliothèque pour maîtriser le forcené. Celui-ci a finalement succombé à une crise cardiaque. Ces derniers mots concernèrent le Roi-Volcan et parlèrent du 13ème jour du 13ème mois, un autre personnage et un moment fort du livre.

Haze émerge lentement et douloureusement de son inconscience. Il a l'impression qu'on s'agite autour de lui. Il sent des mains qui le palpent sans ménagement. On est en train de lui faire les poches ! Il se retourne sur le dos aussi vite qu'il peut et tente de voir à qui ou à quoi il a à faire.
« Edes ? »
Non, ce n'est pas elle. Impossible. Qu'est-ce qu'Edes ferait ici. Et puis, son œil ? Comme une coquille de noix. Et... ce déguisement ! Ces ailes en bois. Haze tente de se redresser en prenant appui sur son coude.
« Edes ? Qu'est-ce que tu fais ici ? Qu'est-ce que tu... ?
Qui es-tu ? D'où tu me connais ?
C'est moi, Damon.
Les seuls démons que je connais sont ceux que j'ai tué ! Es-tu un Horla ? Tu ne ressembles pas à un Cœlacanthe.
Non,non Edes. C'est moi, Damon Haze. Rappelles-toi, on est... ami. Enfin plus ou moins. Plus que moins même. Enfin, tu vois ce que je veux dire ? »
Il semblait bien que non. Cet étrange sosie d'Edes, qui répondait pourtant à son nom, fit un petit bond en arrière, s'arma d'une dague et fixait Haze avec méfiance.
« Euh, Edes... J'ai vu le Niaucheur. Il m'a dit que la corruption allait se répandre. Qu'elle s'était déjà répandue. Ça a déjà commencé. Elle traverse les mondes. Les Justes doivent éradiquer les démons... au nom de Dieu. »
Haze, en jouant franc jeu autant que possible, espérant ainsi apaiser cette femme et gagner sa confiance. Il savait qu'il n'était clairement en position de force. En cas de combat, elle l'emporterait certainement. Et puis, peut-être que tout ça aurait du sens pour elle.
La femme, Edes ? le fixait toujours mais son visage prit une nouvelle expression, moins menaçante. Elle semblait étonnée, surprise, mais aussi plus attentive.
« Tu parles comme lui
Comme qui ?
Le Fondateur de notre famille, l'Ange Guerrier, le Rêveur. Tad Edes Corso. C'est de lui que je tiens mon nom et mes dons. C'est grâce à lui que j'entends les Lwas en songe. C'est notre devoir d'aller dans le cauchemar combattre les Coelacanthes. Tu ne dois pas y aller. Tu ne peux pas. C'est à nous, les Corso héritiers du don du Fondateur, qu'incombe cette tâche. Et les Powl nous aident en attirant sur nous la bienveillance des Lwas. »

OK, cette femme est folle. Elle ressemble à Edes. Elle répond au même nom. Mais elle est folle. Comment se tirer de ce mauvais pas. Haze ne pense plus qu'à une chose, se tirer le plus vite possible. Pourtant...

« Je dois me rendre à la Prison du Roi-Volcan.
Non ! N'y vas pas ! Cet endroit est maudit. On ne peut y accéder sans danger que le 13ème jour du 13ème mois.
Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Que sais-tu du tueur du 13ème jour du 13ème mois ? »

Et Haze eut une vision. Un flash. Il se rappelle alors une conversation avec Johanna. Dans sa cuisine. Elle était en panique totale et lui a parlé du tueur. Elle disait le connaître. Elle disait que c'était lui, Sodek Nofink, qui tuait chaque 13ème jour du 13mois. Lui aussi, comme Coleman voudrait ouvrir une Porte aux Coelacanthes. Mais il aurait un plan à long terme. À beaucoup plus long terme. Cela ferait longtemps que Sodek mûrit son plan. Il aurait même commencé à tuer avant Coleman. Et Sodek voulait tuer... Edes !

Haze ne savait plus. Edes avait-elle été assassinée ou non ? Si oui, cette fille était un fantôme et il était... certainement pas au Paradis. Où ça alors ? L'Enfer ? Le Purgatoire ? Était-il mort lui aussi ? Dans le crash de l'hélicoptère... Avait-il basculer dans ce monde de folie et de cauchemars dont parlait Coleman, ce Millevaux ? Et jamais un téléphone quand on en a besoin ! Il aurait bien eu besoin des conseil de Contrôle à ce moment précis.

« Edes... Es-tu... Vivante ?
Évidemment, imbécile ! Je ne serais pas là à te parler sinon. Mais je suis la dernière, la seule survivante. Mon clan, toutes mes familles ont péri dans la fracture. Seules... enfin, nous avons pu remonter de l'Abysse.
Nous ?
Oui, la Magicienne. Elle aussi a pu remonter. C'est elle qui m'a tiré de là. Elle m'a sauvé, cette fois encore. »

Et Edes tapotait du doigt la coquille de noix qui lui servait d’œil.
« La Magicienne ? Je dois la voir. Où est-elle ?
Je suis là, Damon-Demian. »

Haze reconnu tout de suite cette silhouette. Ce long manteau et cette toque en fourrure. Le Magicien ! La Magicienne... C'était pourtant bien UN Magicien qu'il avait interrogé dans les locaux de la police d'Olympia quand il enquêtait sur Coleman ?

« Je dois rêver, lâcha-t-il dans un souffle. Mais je ne veux pas.
Tu vois, rebondit Edes. Tu parles encore comme lui. Le Fondateur disait ça lui aussi. Il devait rêver mais ne voulait pas. »

La magicienne l'observa avec un certain amusement. Elle fouilla dans sa besace et tendit devant lui ses deux paumes ouvertes.

« La Bille ou la Noix ? Le 13ème jour ou le 13ème mois ? Choisis ! »

Et le visage de la Magicienne se fendit d'un large sourire. Haze flairait l'arnaque à plusieurs kilomètres. Il ne voulait pas choisir. Et pourtant... Il fixa Edes droit dans les yeux. Dans l’œil et la Noix... Vas pour la Noix ?

Et il saisit la...

Le réfectoire d'un hôpital. Non ! Le réfectoire DE l'Hôpital. Les patients sont en train de manger. Soudain, l'un d'eux se lève. Pris d'une crise de démence, il renverse sa chaise. La bave aux lèvres, il se jette sur son voisin et lui plante sa fourchette dans la gorge.
Le patient 58,un homme d'une cinquantaine d'années, est rapidement maîtrisé par les Blouses Blanches. Sodek, comme beaucoup d'autres patients, est resté impassible. Il a tout de même remarqué que le patient 58 a les épaules couvertes de pellicules. Mentalement, il prend des notes. Aujourd'hui, le 58. Avant-hier, le 71. Demain, le 46...
Pour Sodek, n° 82, tout est clair. Ceci est un message. Et qui dit message, dit messager. Et sui dit messager dit... Nyarlathotep !

Ville de XXXX. Ce parc d'attraction est particulièrement bien gardé, de jour comme de nuit, car son sous-sol abrite des locaux de la Compagnie. Aujourd'hui, ici-même, le chef-instructeur Snyder participe à une réunion du Département Spécial de la Compagnie avec des cadres de l'Ingénierie Mnémonique et de la Mythographie.
Ce matin, tout le monde tente de faire bonne figure mais, contrairement à ce qui se passe en surface, l'ambiance n'est pas à la fête. Le désespoir et la peur se lisent dans les regards des uns et des autres. La nouvelle est tombé et elle est mauvaise. Très mauvaise. Blue City est en proie à une corruption d'origine inconnue. Des noms reviennent néanmoins : le Cruel Centipède, Shub'Niggurath, le Roi en Jaune, Millevaux.
Snyder tente malgré tout d'être rassurant. Il a une piste, affirme-t-il, un atout. Ce nouvel agent, Haze. Il connaît Millevaux. Il y a encore une chance de sauver Blue City... et le monde.

XxXxX

Omniscience

Depuis quelques jours, depuis qu'il a tué deux membres de sa communauté, SiAber se sent mal. Ce ne sont ni les remords, ni la culpabilité mais des images étranges qui lui sont venues en rêve peu de temps après qui le rongent. En réalité, ce ne sont pas des rêves mais des souvenirs. Mais, ce ne sont pas les siens. Ce sont ceux des personnes qu'il a tué. Il voit ainsi la première dans une cabane à moitié en ruine, sorte de taverne, perdue dans des marais. Là, il boit en compagnie d'une bande de dégénérés qui ont tout l'air d'une bande de cannibales. Tous, ils rient en buvant et se donnant de grandes tapes dans le dos. Son autre rêve lui paraît plus intéressant. Même si plus mystérieux. Il revoit la Prison du Roi-Volcan. Ce membre de son clan s'y est rendu. Il a vu, dans ces ruines, le Roi-Volcan et le Roi-Volcan lui a donné un nombre. Ce nombre était le 13.

Aujourd'hui, SiAber a suivi la Magicienne dans la forêt. Ou plutôt, elle s'est laissée suivre. Arrivé au Noyer, elle lui fait face et, lui tendant les mains, paumes ouvertes, lui propose de choisir entre une Noix et une Bille.
SiAber choisit la...
Ses visions le transportent dans un autre monde ou un autre temps. Il ne sait plus. En tout cas, cela n'a rien à voir avec ses visions habituelles. Là, il ne se contente pas de voir fugacement, partiellement, ce qui va advenir. Ses visions lui donnent... une mission. Il doit accomplir quelque chose pour accéder à une vision « Primordiale », quelque chose d'important, de capital !

Quand il ouvre les yeux, SiAber reconnaît cette étrange pyramide au Nord-Ouest des Colonnes. Mais quelque chose a changé. Quelque chose de majeur. De radical ! Il neige !!! La pyramide. La forêt. Millevaux est sous la neige !
Une silhouette se dessine à l'une des entrées de la pyramide. Un Horla ! Il a un corps d'homme mais sa tête est un amas de tentacules grouillants. Le torse de la créature est scarifié au niveau du cœur. Ces cicatrices, SiAber le sait, symbolise le nombre 13. malgré la neige et le froid, le Horla ne porte qu'un long pagne de couleur pourpre. Il a les bras levés en croix et semble dans une sorte de transe qui le fait onduler lentement. Autour de lui, l'air se cristallise en pétales de fleurs tombant à ses pieds. Fragments de rose en hologramme...
SiAber est terrifié. Pourtant, le Horla semble inoffensif. Il ne bouge pas. À se demander s'il a conscience de la présence de SiAber. Pourtant...
« Je suis le Kraken ! L'oubli m'a jeté au fond d'un océan de solitude, à 13000 m de profondeur. Retrouver mon nom apaiserait mon âme... Parce que le joueur le sait, je le sais et tu le sais. La forêt est Millevaux est Shub'Niggurath. La neige est Ithaqua. La Magicienne est à tes côtés. »
Et à ces mots, le Kraken s'en retourne à l'intérieur de la pyramide laissant SiAber là, interdit. Un raclement de gorge à sa droite attire son attention. La Magicienne est là... à ses côtés. Mais quelques choses a changé chez elle. Son long manteau glisse sur ses épaules qui se révelent être en acier. Des symboles sont gravés dessus. SiAber s'approche pour mieux les voir mais la Magicienne recule et remonte son manteau. Elle le regarde droit dans les yeux. SiAber jurerait qu'elle tente de le charmer. Elle fouille dans ses poches et en sort une Bille et une Noix.
« Choisis »
Et SiAber choisit la...

Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? Là, de jeunes garçons sont la proie de horlacanthes qui leur arrachent les bourses avec une arme-cactus électrique, sans anesthésie. L'arme les cautérise. Puis ils restent parqués ici, vivant captifs dans leur propre merde. Qu'est-ce que ça veut dire ? Que doit-il faire ? Sauver un enfant ? Lequel ? Déjà, il cherche un endroit d'où pouvoir mieux observer la scène sans être vu des Coelacanthes.
Une fois à l'abri derrière... Derrière quoi ? SiAber se rend alors compte que si les enfants et les Coelacanthes lui apparaissent très nettement, tout me reste est flou. Concrètement, il lui est impossible de dire où il est, à quoi ressemble cet endroit. Cela lui donne presque le tournis. Il doit même se concentrer pour que les enfants ne deviennent pas flous eux aussi. Il sent qu'il doit agir vite. Aussi, il relâche les araignées qu'il a en lui et les envoie faire diversion. Il espère ainsi attirer ailleurs l'attention des monstres pendant qu'il s'emparera d'un enfant (mais lequel et pourquoi celui-là plus qu'un autre?) et s'enfuira par cette porte qu'il sait (mais comment?) être derrière luin sur sa gauche.
Il se recroqueville alors sur lui-même et ouvre grand les yeux et la bouche. Il sent alors des milliers d'araignées s'agiter et sortir de son corps. Alors qu'elles se mettent à recouvrir deux horlacanthes opérant sur de jeunes garçons, SiAber rampe dans la direction opposée. Il s'approche d'un enfant et le tire par le bras. Il lui plaque la main sur la bouche pour l'empêcher de crier et, alors que les monstres se débattent avec les araignées, il le tire vers la sortie. Mais avant de passer la porte, il tire deux Noix de sa besace et lui en tend une. Et lui dit :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant je te donne cette Noix pour transporter ton âme dans la vie suivante. Je suis le Corvidé !
Écoutes les yeux, répond le garçon. Ils te disent de répéter ton mantra pour accéder à la Vision. Ils te disent que mon sang doit couler »

SiAber acquiesce. Il sort une dague de sa besace et entaille la main du garçon. Alors, le décor cesse d'être flou. Et la porte apparaît nettement. Il entraîne le garçon.

Dehors, dans la neige, la Magicienne est là. Elle attend.

« Camille ! Viens ! »

Elle ouvre grand son manteau et le jeune garçon s'y réfugie, à l'abri du froid. Alors qu'elle le referme sur eux deux, elle prend soin de laisser nues ses épaules d'acier. SiAber s'approche et parcourt du doigts les étranges gravures en langue putride. Il comprend...

Le Cruel Centipède, une nouvelle forme de Millevaux, cette maladie qui ronge l'espace et le temps. Cette corruption. Cette putréfaction. L'univers, les univers meurent ! Il(s) se décompose(ent) et Millevaux sont ses miasmes protéiformes et pourrissant qui en émanent et se répandent condamnant ce qui reste du cadavre de l'Hommonde à une lente désagrégation. L'Hommonde ? Qu'est-ce que c'est ?
SiAber a un mouvement de recul. La Magicienne se retourne et lui présente son autre épaule. D'autres gravures, mais pas en langue putride cette fois. Les « Dunes Vivantes », la paix contre la nocive alliance.
SiAber fixe son regard sur la Magicienne mais elle ne lui accorde plus aucune attention. Elle ne songe plus qu'à réchauffer et cajoler le jeune Camille. Mais il sait ! Il sait que les Dunes Vivantes l'aideront à vaincre la neige, à vaincre la forêt, à faire reculer Millevaux !

SiAber ouvre les yeux. La Magicienne, celle aux épaules de chair, est face a lui. Elle lui sourit. Quelque chose dans son regard lui dit qu'elle sait. Elle sait tout ! Tout ?
Elle lui tend les mains, paumes ouvertes. L'une est vide. Dans l'autre, il reste une...
SiAber s'en saisit...

Il reconnaît cet endroit. Il est consacré au Roi-Volcan. Devant la porte, deux personnes semblent l'attendre. Un homme, plutôt mal en point, à l'air nerveux se présente comme étant un certain Damon Haze. Le femme prétend s'appeler Sodek NoFink et elle fait peur à SiAber. Elle lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »

Et d'un geste, elle nous invite ce Haze et moi à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, Haze et SiAber ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
SiAber se rappelle que tout cela n'est qu'une vision. Rien n'est réel. Pas encore. Il sait, en tant qu chaman du clan des Arbres, qu'il a la main-mise sur une partie de ce qui va se passer. Ce Haze est certainement un homme bon, mais s'il veut savoir, percer les secret, SiAber doit trouver le Roi-Volcan avant lui.
Haze entre et prend immédiatement le couloir sur sa gauche. SiAber, lui, demeure immobile et se concentre. Mais il a du mal à conserve son calme. Une voix résonne en lui. « Commences par la dernière chose ! Le monde est un cut-up ! »
Ses yeux lui piquent d'une façon vraiment désagréable. Ça bourdonne dans sa tête. Il farfouille dans sa besace et en sort une carte. Une sorte de lame de tarot. Mais dessus, il y a des mots. Sur tout le pourtour de la carte, des mots. Au milieu de la carte, des mots ! Un titre : Soudain... Juste en dessous : « Commence par la dernière chose. Perds ton calme. Aide l'ennemi ou le monstre. Un tremblement de terre. Une personne a en fait un dédoublement de personnalité. » Il y a bien d'autres mots sur cette carte mais SiAber ne parvient pas à les lire. Il comprend que cette douleur dans sa tête et dans ses yeux est la rage qui tente de sortir. Il comprend que l'ennemi qu'il doit aider est Sodek. Il comprend que cet homme dans ce corps de femme, Sodek, souffre d'un dédoublement de la personnalité. Et quand il se concentre sur la terre, pour écouter les conseils des racines des arbres, il entend les prémices d'un tremblement de terre. La dernière chose à faire... serait de rester dans cette prison dont ce qui reste des ruines va bientôt s'effondrer sur ceux qui seront à l'intérieur. Et il aidera son ennemi, Johanna, en la délivrant de Sodek. Tuer Sodek ! Ce serait vraiment la dernière à faire. Comment percer ses secrets s'il meurt ? Ça, ce serait vraiment la dernière chose à faire. « Perds ton calme ! »

SiAber pousse un grognement et sort de la prison. Il se plante, les deux pieds dans la neige, face à Sodek et crie :
« Je suis le Corvidé ! Ici et maintenant, pour maintenir l'équilibre entre la vie et la mrt, je vais transporter ton âme dans sa vie suivante ! Je suis le Corvidé ! Je vais vider ton corps ! »

Sodek s'empare alors de son arme, une sorte de pistolet-cactus, et la braque en direction de SiAber. Mais quelque chose l'empêche de tirer. Les Yeux de la forêt sont braqués sur eux. Ils vont dire à SiAber ce qu'il doit faire. S'il accepte, alors Sodek mourra.

« Tout cela est un cycle dont l'ivresse te guérira... Mais Haze mourra...
J'accepte ! »

Alors, la terre se met à trembler. Derrière lui, les ruines de la prison du Roi-Volcan s'écroule. Le bruit est tel qu'on entend même pas les cris de Haze. SiAber enfonce profondément ses pieds dans la neige. Il sent les vibrations de la terre. Il veut se transformer en arbre pour tuer Sodek mais quelque chose ne fonctionne pas dans son mantra. Le Corvidé est là. Il fait obstacle. Il s’immisce. Alors que SiAber tente de plonger ses racines dans le sol à la recherche de celles de son totem, il sent les cornes de son masque pousser. Vers le haut, dans le ciel. Mais aussi vers le bas, dans son crane. Les bois s'enfoncent dans son cerveau et chemine tout le long de son système nerveux. Jusqu'au bout de ses pieds, de ses racines, pour enfin s'enfoncer dans la sol. Les bois vont jusqu'au bout de ses doigts qu'ils transpercent pour devenir d'improbables griffes. SiAber lève les bras en direction de Sodek et ses branchages s'allongent à toute vitesse, transperçant Sodek de part en part. Alors, le sang de Sodek se mêlant à la sève de SiAber, ce dernier sait. Il sait qui est la Terre et il sait qui est la Neige qui la recouvre. Ithaqua, le Marcheur du Vent, s'est allié à Shub'Niggurath. Il a recouvert Millevaux de son manteau de neige protectrice, figeant ainsi la forêt dans un hiver éternel. La Neige, la poudre, la poussière d'ange, l'ivresse, la défonce, l'hubris, la folie dionysiaque... La Neige d'Ithaqua est cette cocaïne qui maintient Millevaux dans une perpétuelle folie. Johanna était folle. Folle car habitée par Sodek NoFink. Les meurtres perpétrés par Sodek n'avaient pas pour seule vocation d'ouvrir une porte aux Coelacanthes. Sodek savait ce que Johanna ne savait pas. Ces meurtres n'avaient pour seule vocation de sceller l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Sodek savait pour l'Hommonde ! Il savait que l'Hommonde était mort et que sa mort, sa décomposition avait engendré un cycle d'entropie. Or,l'entropie c'est la vie ! La mort de l'Hommonde était donc synonyme de vie. Mais cette décomposition s'achèverait nécessairement par la disparition totale du cadavre de l'Hommonde, signifiant alors la fin de la vie, de toutes les formes de vie ayant émergé de ce corps mort. Toutes les formes de vie dont Millevaux, les miasmes putrescent s'échappant de ce corps en putréfaction. Ces miasmes portés par le vent qui se répandaient et contaminer le Néant, accélérant (involontairement?) la décomposition du cadavre de l'Hommonde. Les hommes que tuait Sodek n'étaient pas que d'anciens patient de l'Hôpital, ils étaient aussi, à ses yeux, des symboles de l'Hommonde, un vieil homme mourrant. Tel était donc le secret de Sodek. SiAber n'était pas certain d'avoir tout saisi ni tout compris. Mais cela, il le sentait, ne lui appartenait plus. Sous son masque, par sa bouche de bois, les araignées quittaient son corps par milliers. Elles courraient le long des branches jusqu'à Sodek et tissaient leur toile autour de lui. Certaines commençaient à le manger, à pondre. SiAber se sentit étrangement vide quand la dernière araignée eut déserté son corps de chair et de bois. Mais alors, une mouche vint se poser sur lui. Et d'autres arrivèrent. Elles, elles achèveraient de comprendre tout ce que cela voulait dire...

SiAber ouvre les yeux. Il est dans une clairière. Au centre, un gigantesque noyer. Au pied de l'arbre, un vieux gramophone. Il y a un disque posé dessus. SiAber remonte la mécanique en tournant la manivelle. Une musique dissonante et discordante se fait entendre. Puis une voix...

« Je suis le Corps Vidé. Je ne suis ni un bon ni un mauvais présage. La dernière âme que j'ai accompagné au repos est celle de Johanna Ackermann. C'est dur de vivre entre la vie et la mort... »

SiAber se met à pleurer. Il se dirige vers l'arbre et cueille une poignée de Noix.

XxXxX

Dans La Nuit... Protocol

Haze ouvre les yeux dans une salle de bain. Les murs sont fait de carrelages vieillots, la faïence est fendue. Les robinets sont ouvragés avec raffinement mais très abîmés et gouttent en permanence. Il fait froid et la fenêtre ouverte donne sur la forêt, on entend des chouettes. Le bidet et le lavabo sont sales. Il y a une baignoire remplie d'une eau grise où surnagent des feuilles mortes. Une étrnage musique vient de... impossible à définir. Haze reconnaît l'album Body and Soul de Cabaret Voltaire. Il se plante devant la glace et ne se reconnaît pas. Face à lui se tient un enfant. Une fille ou un garçon, difficile d'en être sûr juste en regardant ce visage triste.
Haze s'approche de la baignoire. Quelque chose de fatal va arriver, il le sent. Mais il sent aussi que...
Il se plonge dans l'eau sale. Il aspire une grande goulée d'air et plonge la tête la dans l'eau en fermant les yeux. Quand il les ouvre à nouveau, il est de nouveau dans cette forêt enneigée. Il entend toujours la musique. Devant lui, un vieux bâtiment en ruine. Adossée à un mur, une cigarette à la bouche, Johanna. Non, Sodek NoFink !

« Edes ? Elle est morte ? Tu l'as tuée finalement ?
Oui, et j'ai fait ça salement si tu veux savoir. Comme un porc... »

Haze se jette sur Sodek ! Mais il pare le coup, lui saisit le bras, le retourne et manque de lui démettre l'épaule.

« Ne fais pas l'enfant ! Calmes-toi. On attend quelqu'un.
Qui ça ?
Je ne sais pas trop. Un chaman du Clan des Arbres. Sais-tu où nous sommes ?
Non.
La prison du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan doit me donner un nombre.
Un nombre ?
Oui, mais... C'est compliqué Damon. Tout ça te dépasse. Nous dépasse. Tout a un sens mais ce n'est pas forcément à nous qu'il incombe de le saisir. C'est la tâche du Joueur. Nous ne sommes que des révélateurs. Des pions améliorés. Mes morts ont un nombre et le Roi-Volcan en a un aussi. Je tuerai à nouveau, comme j'ai tué Edes et comme j'ai tué ces nombres. Mais il me faut aussi le nombre du Roi-Volcan. Le Roi-Volcan est bon mais il lui faut un sacrifice. Ce sera toi ou lui. »

Haze se tourne dans la direction indiquée par Sodek et voit un homme étrange. Aucune idée d'où il surgit, ni même de comment. Ses vêtements de cuir et de fourrures sont sales, couverts de terre et de sang. Il porte un masque, sorte de sac de toile sur lequel sont fixées des cornes de cerf.

Sodek se tourne vers le nouvel arrivant, lève la main et déclare.
« Le Roi-Volcan m'a donné un nombre et ce nombre est... »

...d'un geste, elle nous invite ce type et moi à entrer dans la prison du Roi-Volcan. Elle n'a pas besoin d'en dire plus, tous deux ont très bien compris ce qu'il doivent faire : trouver le Roi-Volcan pour qu'il leur donne leur nombre.
Haze ne sait plus si tout cela est bien réel, mais s'il veut savoir, percer les secret, il doit trouver le Roi-Volcan avant ce type. Haze entre et, plantant l'homme dans l'entrée, prend immédiatement le couloir sur sa gauche.

Haze n'a aucune idée de comment trouver ce foutu Roi-Volcan. Il n'a même aucune idée de ce à quoi il peut bien ressembler. En tout cas, tout ça est lié à Millevaux. Et il porte une part de Millevaux sur lui : le Cruel Centipède. Après avoir vérifié que l'autre gars ne l'avait pas suivi, il se saisit du Cruel Centipède et le fixe du regard, espérant un signe. Aucune réaction de la part de cette chose mais... Haze se rend compte qu'il entend toujours cette musique. Toujours le même album du même groupe. Ça n'a pas de sens. Si, ça a forcément du sens. Réfléchis Haze !

Cabaret Voltaire, Body and Soul. Cabaret, une scène, un spectacle, une illusion. Voltaire, un philosophe, les Lumières, LA Lumière, la métaphysique. Body, le corps, mortel, un corps mort. Le meurtre métaphysique ! Soul, l'âme. Une âme, celle de qui ? La sienne ? Celle de Johanna, de Sodek ? De ses victimes ? L'âme ? Qu'est-ce que l'âme ? Une illusion. Un produit permettant à un organisme de percevoir son unité en vue de mettre en place les stratégies de préservation de son intégrité. Une illusion, un spectacle, un cabaret... Paul Singer, Dionysos, l'a dit. Tout ça n'est qu'un petit théâtre. Et si ce qui était le plus important aux yeux des hommes n'était qu'une illusion, un spectacle ? À destination de quel spectateur ? Qui se réjouit du spectacle de nos âmes ? Un Dieu ? Le Joueur ? Des Dieux ? Millevaux est hanté par des Dieux.
Haze croit comprendre. Il y a un message derrière tout ça. Ce spectacle est à destination de quelqu'un. C'est bien un message. Mais qui dit message dit messager. Et qui dit Messager dit Nyarlathotep ! Nyarlatothep ! Le messager des Dieux, le message et le moyen de communication. Et quel meilleur moyen de communication pour un Dieu fou qu'une série de meurtres ? Les meurtres de Sodek ne sont pas que les bornes d'un rituel visant à ouvrir une porte aux Coelacanthes. C'est aussi un message. Un message chiffré puisqu'à chaque victime correspond un nombre. Mais lequel ? Des... coordonnées. Tous ces chiffres doivent être des coordonnées, ou un code dont le Roi-Volcan aurait la clé ?
Haze secoue la tête. Comment sait-il que les victimes de Sodek ont chacune un nombre ? Johanna lui a raconté une partie de son histoire. Mais celle-là ? Il ne sait plus. Mais il sait que ce que sait le Joueur, les personnages le savent également. Ou du moins, ils peuvent accéder à quelques bribes de ce savoir. La musique ! C'est ça ! Haze comprend. C'est le Joueur qui écoute cette musique. Là, maintenant, tout de suite, il a accès au Joueur !

Soudain, la terre tremble ! Quelques briques tombent du haut des murs. Haze sait qu'il n'en a plus pour très longtemps. Mais il sait ce qu'il doit chercher. Les Yeux ont menti. Il ne mourra pas ! Ou alors, il mourra pour renaitre.

La terre tremble de plus en plus et ce sont maintenant des pans de murs entier qui s'écroulent. Haze regarde autour de lui et ne trouve nul part où se mettre à l'abri. Dans sa main, il tient toujours le Cruel Centipède. Il a une idée. Ça va marcher. C'est obligé !

Il libère alors le Cruel Centipède. La créature tombe au sol. Elle se met à grandir et se tortille, s'enroule sur elle-même en un motif compliqué. Haze, grâce au Joueur, reconnaît ce motif. C'est la rune Hshl et le nombre du Roi-Volcan est le 1808. Haze cligne des yeux. Un horrible bourdonnement de mouches lui vrille le crane. Il se sent aspiré par le Néant dans lequel git le cadavre de l'Hommonde. Ça n'a aucun sens. Pas encore... Il doit mourir pour renaître...

Haze a donné rendez-vous à Johanna sur le front de mer. Il comptait prendre un verre avant de l'emmener au restaurant mais... la conversation a pris une autre tournure. Sodek s'est invité. Non en tant qu'interlocuteur mais malgré tout en tant que sujet. Johanna a peur. Elle fait de son mieux pour garder une certaine contenance mais Haze sent bien qu'elle est à deux doigts de craquer. Il sent aussi que c'est le bon moment.

« Johanna, c'est toi qui a tué Edes ?
Oui. Enfin, c'est Sodek.
Et tout ça a à voir avec son « grand plan » ?
Bien sûr. Il n'y a pas de hasard. Ces autres victimes ont un nombre. Mais pas Edes. Elle, c'est différent mais ça fait aussi parti du plan. Ce meurtre là, c'est comme... une fractale. Un fragment de rose en hologramme. C'est l'univers...
Des nombres ?
Oui, chaque victime avait un nombre, un numéro... à l'Hôpital. Je crois que tout ça forme une série. Je ne sais pas trop. Il ne m'a pas tout dit. Mais il y a une histoire de nombre.
Et Edes, pourquoi cette mise en scène ? Pourquoi le... porc ?
Parce que... c'est comme ça. Partout. Partout où Le Meurtre a lieu, il y a... le porc. Et le Tueur... Des fois, c'est un tueur en série. Des fois, c'est un enfant. Des fois, il est aveugle. Des fois, il a des cornes sur la tête. Mais tout le temps, il y a le porc...
Est-ce que... est-ce que je vais mourir ?
Oui, mais... pour renaître... »

Haze a reçu un appel anonyme. On lui a donné rendez-vous dans un terrain vague. Il doit venir cette nuit. Seul, évidemment. Et sans arme bien sûr. Son interlocuteur a déclaré travaillé pour quelqu'un qui avait quelque chose à lui remettre pour la Compagnie. Il n'a pas voulu en dire plus mais cette référence à la Compagnie était suffisante pour qu'Haze prenne le risque d'accepter ces conditions.
À l'heure dîtes, une limousine aux vitres teintées fait son apparition, phares éteints. Le véhicule s'arrête à une dizaine de mètre de Haze. Il fait mine de s'approcher mais la porte du conducteur s'ouvre. Celui-ci fait mine de porter la main droite au niveau de son aisselle gauche et, de la main gauche, lui fait signe de rester là où il est. Haze obéit. Le chauffeur ouvre alors la portière arrière. Le chauffeur se penche et échange quelques mots inaudibles avec son patron. Il ferme la portière et se dirige vers Haze. Sans un mot, il lui remet une boite. Haze ne peut s'empêcher de l'ouvrir. Dedans, une fiole en verre. Et dans la fiole, le Cruel Centipède. Le chauffeur se barre les lèvres de son index puis, les deux paumes levées, fait signe à Haze de reculer. Marchant à reculons, le chauffeur regagne la limousine et redémarre.
Haze range la boite dans la poche intérieure de sa veste. Il en est convaincu, l'Horreur vient de prendre une nouvelle forme, arpentant le monde au milieu des mortels...

Le meurtre d'Edes Corso a fait la une de tous les journaux et l'ouverture de tous les JT nationaux et même internationaux. La riche héritière était très célèbre et les journalistes ont adoré décrire encore et encore les détails les plus salaces de la scène de crime. Les blessures au visage mais surtout... le porc. Célébrité et argent oblige, la police a mis les bouchée double sur l'affaire. Des croisements effectués à la suite de prélèvements d'ADN ont permis de remonter jusqu'à une certaine Johanna Ackermann. Il semblerait donc que cette femme ait été présente sur toutes les scène de crime. Pas seulement celle d'Edes Corso mais aussi celles de ces hommes dont la mort était attribuée au Tueur du Calendrier.
Ackermann s'est rendue sans opposer de résistance. Lors des premiers interrogatoires, elle a peiné à raconter ce qu'elle savait. On aurait dit qu'elle racontait une histoire vécu par un autre. Puis, au détour d'un entretien avec un des experts psychiatres, la personnalité de Sodek NoFink a fait son apparition. Il a tenu alors des propos plus qu'incohérents, affirmant que oui toutes ces morts, même celle d'Edes Corso s'inscrivaient dans un vaste plan. Oui, ce plan était interrompu mais, après tout, le mal était fait et rien n'empêcherait plus sa réalisation. Ici ou ailleurs... il affirma également que ce n'était pas par hasard qu'Edes Corso s'était entiché de cet ancien agent du FBI. Elle savait qu'il était mêlé à tout ça. Et elle savait qu'elle allait mourir. Il alla même jusqu'à dire que c'était pour l'approcher lui, Sodek, qu'elle avait fait la connaissance de l'ex agent Haze. Tout ça faisait donc parti de ce fameux plan. Aucune logique là-dedans, aux dires du psychiatre. Les délires d'un fou. Ou plutôt, d'une folle. C'était certainement par unique jalousie qu'elle s'était attaquée à Edes Corso. Et pour les autres hommes, une enquête sur l'enfance de Johanna fit état d'une hospitalisation en maison de repos. Là, il semblerait qu'elle fut abusé par un autre patient pouvant présenter des ressemblances avec ses victimes en tant que Tueur du Calendrier.
Ackermann fut condamnée à être internée en institut psychiatrique de haute sécurité pour une durée de 13 ans.

XxXxX

Mantra/The Name of God

Je suis le Kraken. Ce n'est pas mon nom. J'ai oublié mon nom, mon passé, mon histoire. Je sais seulement que je suis le Kraken. Cet oublié est la cause de ma solitude. Je vis dans cette pyramide abandonnée par les Horlas mais au fond de moi, je me sens comme abandonné au fond de l'océan. Retrouver mon nom, connaître mon histoire, voilà qui apaiserait mon âme.

Comme chaque jour, je quitte la chambre obscure où je m'abandonne aux rêves et viens contempler ce cauchemar qu'est Millevaux. Cette année, les Bergers du Givre sont venus... et ils ne sont toujours pas partis. Cela fait bien trop longtemps maintenant que dure l'hiver. Et jamais hiver n'a ici était aussi rude. Jusqu'alors et autant qu'on s'en souvienne, les Bergers du Givre apporter avec le froid de l'hiver et repartaient avec au printemps. Là, ils sont venus avec la neige et le vent. Et ils semblent décidés à ne plus quitter ces lieux.

Millevaux sous la neige. Ce serait presque beau...

Aujourd'hui, j'ai décidé de rendre visite au Niaucheur. Avant, je savais qu’il existait mais je ne savais pas où le trouver. Maintenant, depuis que cet hélicoptère est passé dans le ciel, je le sais. Et depuis, je lui rend régulièrement visite. Le Niaucheur se terre non loin des nids des serpents géants. Avec cette glace, ils sont soit partis soit morts de froid. Je ne les crains pas. Je crains plutôt que le Niaucheur n'ait finalement rien à m'apprendre et que ses plaintes lui fassent plus de bien à lui qu'à moi. Nous verrons bien. Je serais peut-être le témoin d'un événement inédit, qui sait ?

Je descends les degrés qui me séparent du sol millevalien. Je sais qu'il fait froid mais n'en ressens aucune gêne. Cela vient peut-être de ce que le Kraken est habitué à errer dans les fonds glacés de l'océan.

Il me faut plus de deux heures de marche pour atteindre les rives du fleuve gelé. Il se jette dans un gouffre sans fond. Un jour, je me rendrai là-bas. Demain, peut-être. J'aperçois le Niaucheur. Il est là, allongé dans la neige, face contre terre rampant vers la glace, répandant des traînées de sang noirâtre derrière lui. Je le rattrape rapidement. Dès qu'il perçoit ma présence, il se retourne sur le dos et exhibe son torse calciné et écorché vif. Dans sa main droite, la lame de son couteau est dégoulinante de sang. Il a recommencé. Il est accroc à la Viande Noire. Et dès qu'il me voit, il commence à se plaindre et à pleurnicher sur son sort. D'un côté, je le plains effectivement. Je pourrais l'aider mais il ne le veut pas. De quoi aurait-il à se plaindre si je panser ses plaies ? Et où trouverait-il sa Viande Noire ? Mais, que va-t-il me raconter aujourd'hui ? Va-t-il se mettre à délirer ou seulement s'apitoyer sur son sort ? Ou va-t-il enfin me dire quelque chose d'intéressant sur... moi ?

Bonjour, Niaucheur. Est-ce le jour ?
Le jour ? Quel jour, Kraken ?
Le jour où tu me donnes un début de réponse.
Mon pauvre ami... Regardes-moi. Regardes dans quel état je suis. Je suis pitoyable. Qu'est-ce qu'un loque comme moi peut bien avoir à donner. Non ! Je n'ai rien à donner. J'ai tant besoin de recevoir. Mais je ne suis qu'une loque dégoûtante et repoussante. Personne ne voudrait me témoigner la moindre compassion. Toi, Kraken, tu viens me voir car tu veux des visions. Tu veux la Viande Noire. Tu ne m'aimes pas vraiment.

Le Niaucheur a raison. Je ne l'aime pas vraiment. Je compatis à son malheur mais je sais aussi qu'il en est responsable et qu'il s'y complaît. Je n’éprouve aucune pitié ni aucune compassion pour lui. Je voudrais qu'il me donne sa Viande Noire, celle qui me donnera la connaissance. J'ai été patient. Mais aujourd'hui, je ne vais pas vainement espérer qu'il me donne. Je suis venu prendre.

Niaucheur, donnes moi la Viande Noire. Donnes moi la Vision et la Connaissance.

Je sors de ma réserve naturelle. Je brise ces chaînes qui me retiennent. Elles se matérialisent entre mes mains. Mon Karma est comme le lac dans lequel on vient de jeter une grosse pierre. Il y a des remous et il lui faudra du temps pour retrouver son calme mais... Je veux la Viande Noire. Je la veux maintenant.
Le Niaucheur est trop affaibli pour esquiver ou parer mon coup. Les chaînes s'abattent sur son corps déjà meurtri et le sang coule à nouveau. Pourtant, quelque chose d'imprévu arrive. Un casque translucide apparaît au niveau de son visage. Ce n'est pas comme s'il portait ce casque, non ! C'est plutôt comme si le casque s'interposait entre lui et moi. Qu'est-ce que cela signifie ? Je tends la main pour m'en saisir mais il disparaît aussitôt. Je lis dans le regard du Niaucheur qu'il ne comprend pas non plus ce qui vient de se passer mais il a quand même une idée derrière la tête.

Expliques-toi, Niaucheur ! Qu'est-ce que ça veut dire ?
Je ne sais pas Kraken. Je te le jure !
Mais ce n'est pas la première fois que tu vois ce casque. Ne mens pas !
C'est vrai. J'ai déjà vu ce casque et le chevalier.
Le chevalier ?
Oui, l'Homme-Libre, libre comme le feu, celui des champs de feu !
Donnes-moi la Viande Noire, Niaucheur ! Je dois savoir ce que sont ces champs de feu !

Alors que j'abats de nouveau mes chaînes sur son visage, le casque apparaît de nouveau. Je ne lutte pas. Aujourd'hui encore je n'aurai pas la Viande Noire, mais j'aurai le casque de l'Homme-Libre. Je fais disparaître mes chaînes. Je me penche lentement en direction du Niaucheur. Je me saisis du casque. La configuration de ma tête m'empêche de l'enfiler. Toutefois, je peux lui ménager une place au centre des mes tentacules. Une fois délicatement posé, j'enroule autour de lui mes longs appendices et attends la révélation.

Je vois ce que le Niaucheur appelle les Champs de Feu. Il y fait effectivement une chaleur accablante. Un être tel que moi, profondément attaché à la mer, ne pourrait espérer y survivre. Une fois ce constat fait, je remarque également qu'il n'y a aucune trace de Millevaux. Aucune forêt. Seulement du sable. Des dunes à perte de vue. Et ces dunes se déplacent. Elles sont vivantes. J'ignore comment et pourquoi le Niaucheur est entré en possession de ce casque mais cette vision me donne une idée. Je dois trouver l'Homme-Libre, celui qui vient des Champs de Feu. Ensemble, nous dompterons les Dunes Vivantes et chasserons la neige de Millevaux. Puis, nous chasserons Millevaux.

J'ai abandonné là le Niaucheur. Je suis reparti sans aucune des réponses auxquelles je m'attendais. Une fois de plus... J'ai même des questions supplémentaires. Qui est cet Homme-Libre ? Où sont les Champs de Feu ? Pourquoi ce casque ? Pourquoi est-il apparu au Niaucheur ? Mais surtout, et plus qu'avant, j'ai maintenant un but véritable. Libérer les Colonnes de l'influence néfaste de Millevaux et des Horlas n'est pas un but. C'est un rêve. Trouver l'Homme-Libre et lui demander, le contraindre si nécessaire, de m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes pour chasser la neige et Millevaux, ça c'est un but ! Mais où trouver un passage vers ces Champs de Feu en ces terres gelées par les Bergers du Givre ? Le gouffre ! Là où le fleuve gelé s'enfonce dans les ténèbres. Le fond des océans est glacé. Mais en dessous, sous la croûte terrestre, le magma est brûlant. S'il reste une source de chaleur ici, c'est là que je dois chercher.

Longue est la marche qui me mène au gouffre mais j'y parviens sans effort. Je suis le Kraken. Je ne suis pas soumis à ces rigueurs comme le sont les humains. Mais, peut-être ai-je été un humain, avant ? Je ne l'exclue pas. Je le saurai, un jour.
Arrivé au bord du gouffre, je ressens pourtant une sorte de malaise diffus. Le temps est plutôt doux en comparaison des jours précédents. Mais il y a dans l'air quelque chose de corrompu, de hanté... Un Horla ? Mes sens sont en éveil. Les Yeux vont me dire si je suis effectivement en danger. Ils sont mes yeux, d'une certaine façon.
Cet endroit est désolé. Il n'y a ici que neige et glace. Cette végétation caractéristique des climats tropicaux ne supporte que difficilement les rigueurs anormales imposées par les Bergers du Givre. Leurs feuilles, courageusement, ne sont pas tombées mais leurs branches plient sous le poids de la neige. Ce fleuve jadis tranquille et source de vie est maintenant gelé. Le calme et la tranquillité d'une vie paisible et serein ont laissé la place à l'immobilité de la mort. Plus rien ne vit ici, pas même les serpents géants. Et ce gouffre... Alors que les rayons du soleil ne percent que rarement et difficilement l'épaisse couche de nuages, la glace s'enfonce dans des ténèbres insondables. Je devras m'y sentir chez moi.
Malgré les apparences, je ne suis pas seul. Dissimulés sous la neige, camouflés grâce à leurs vêtements de cuir blanc, ils m'observent. Mais moi aussi je les observe. Je sens leur présence. Je veux en savoir plus. Dans la paume de main, une Noix. Je fais craquer la coquille entre mes doigts et porte la chair du fruit à mon bec.
Je pensais que la Noix me dirait comment vaincre mes ennemis mais elle me fait pressentir la nécessité de la défaite. Qu'il en soit ainsi. Je demeure immobile et laisse les Bergers du Givre, car il s'agit bien d'eux, se saisir de moi. Alors qu'ils me soulèvent du sol et se dirige vers le gouffre, je comprends. J'écoute leurs imprécations scandées en Langue Putride. Ils comptent me sacrifier, m'offrir à leur Dieu : Ithaqua, le Marcheur du Vent. Je devrais mourir. Cette chute devrait m'être fatale. Mais, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai eu accès par le passé aux pensées et aux connaissances du Joueur. Je sais qu'il ne souhaite pas ma mort. Je sais qu'il joue pour savoir ce qui va se passer. Il me sauvera de cette chute mortelle pour que je continue mes aventures. Mais je sais aussi que les Bergers du Givre sont des adorateurs d'Ithaqua. C'est lui qui maintient cet hiver perpétuel sur Millevaux. Pourquoi ? Ça, je dois encore l'apprendre.
Hurlant, les Bergers du Givre me jettent dans le gouffre glacé. Confiant, je me laisse bercer par cette sensation de chute. Ithaqua veillent sur les Bergers du Givre. Le Joueur veille sur moi. Au moins pour cette fois. Je n'ai pas fait l'expérience de l'impact de cette chute. C'est comme si la réalité avait cligné des Yeux. Je chutai et maintenant je suis debout, au fond du gouffre, dans le noir et le froid.
Mais je ne suis pas seul. Elle est là, la Magicienne. Elle me sourit mais son sourire est triste. Elle est préoccupée. À ses côtés gît un ange aux ailes de bois et de feuilles. Edes Corso. Je la croyais morte...

Je me penche sur Edes. Ses ailes de bois sont brisées. Les feuilles qui lui restent sont brunes et rousses. Elle a de la fièvre. Je ne suis même pas sûr qu'elle est conscience de ma présence. Je suis le Kraken et, à ce titre, je peux me régénérer. Mais comment le régénérer elle ? En faisant comme les shamans. Je vais lui raconter une histoire. Nous allons la vivre ensemble. Ce sera une aventure symbolique et elle en ressortira guérie. J'espère. Mais quelle est cette histoire ? Je ne la connais pas moi-même...

Le Joueur a relu Immondys cette semaine. Une bande dessinée aux accents lynchesques teintés de Bacon avec, peut-être, un arrière goût de Giger. Le personnage principal, un dénommé Ange, y explore cette ville étrange mais aussi sa vie, son inconscient. Et si je lui racontais une histoire de ce genre ?

« Écoutes-moi, Edes Corso. Tu n'es pas morte. Tu es affaiblie, certes, mais tu vas t'en sortir. Nous allons tous les deux explorer une ville étrange. Nous y ferons peut-être des rencontres. J'espère qu'elles seront bénéfiques. En tout cas, nous vivrons une expérience au terme de laquelle tu reviendra parmi nous en bonne santé, régénérée. Mais avant de savoir à quoi ressemble cette ville, ta ville, interrogeons les Yeux. »

On dirait que mes mots ont fait mouche, Edes tourne son visage vers moi. Elle ouvre les yeux, ou plutôt son œil valide et la Noix que la Magicienne a placé dans l'autre. Je suis tenté de le prendre. Est-ce une bonne idée ? Qu'en penses les Yeux ?
Une image se dessine dans l’œil valide d'Edes. La réponse !

Un couteau ! Un œil, encore ! La lame du couteau s'abat sur un visage, transperce un œil, l’œil d'Edes Corso. Mais pas l'Edes aux ailes de bois et de feuilles. Une autre. Une Edes qui a très peur. Peur de mourir. Une Edes qui vit loin de la forêt, loin de la crasse mais qui est rattrapée par la Crasse. Il y a cet homme et son couteau. Et le porc... Cet homme est le Diable. Il est déchainé. Il faut être déchaîné, libéré des chaînes et des entraves de la morale, de toutes vertus pour l'avoir contrainte avec ce porc, pour l'avoir lardée d'autant de coups de couteau. Et pour avoir permis au porc de recommencer, après ça...

Mes tentacules frissonnent d'effroi. Pauvre Edes. Est-ce cela qu'elle doit revivre ? Peut-être ? Mais cette fois, je serai là. Je me saisis de la Noix et la remplace par une Bille. Je vois mon reflet dans la Bille. Je gobe la Noix.

Un terrain vague. Le corps d'une femme, Edes. Pas l'ange. L'autre Edes. Non loin, celui du porc. Pauvre bête... Je regarde autour de moi. Le meurtrier a disparu. Mais il y a du bruit. Des gens approchent. On dirait des mortels mais je sens que ce n'est pas le cas. Amis ou ennemis ? Ils approchent du corps d'Edes. Je suis le Kraken, je me fonds dans le décor et j'observe.

« Quelque chose cloche, dit l'un d'eux. Un homme aux lèvres minces. Tout est là mais... ça devrait être un homme. C'est toujours un homme d'habitude, non ?
Si, répond un autre homme. »

Au premier regard, j'ai l'impression qu'il a une tâche de naissance sur le visage. Puis, je me rends compte que ce n'est pas une tâche, c'est... autre chose. L'homme est mort. Et il marche. Et il parle.
Les deux hommes font le tour de la scène de crime, prenant soin de relever le moindre indice sans pour autant nuire au travail de la police qui ne devrait plus tarder à intervenir.
Le 1er homme se retourne ensuite vers celui dont je pense qu'il est mort.

« Les Mouches Cosmiques sont catégoriques. Ce meurtre est LE Meurtre. Même si la victime est une femme. C'est... l'exception qui confirme la règle.
Et tes mouches t'ont dit qui étaient l'assassin ?
Oui, il s'agit d'un certain Sodek NoFink.
On intervient ?
Non, la police va le trouver et l'arrêter. C'est après. Après, on reprendra le dossier. Pour l'instant, nous devons partir et laisser la police faire son travail. Ce meurtre nous apportera son lot de révélations mais plus tard. Viens, on rentre... »

Les deux hommes s'éloignent. Je sors de l'ombre. Sodek NoFink. Ce nom ne m'est pas inconnu. Pourquoi faut-il que ma mémoire me fasse tant défaut ? Que sont ces Mouches Cosmiques dont a parlé cet homme ?
Si ce Sodek s'est montré suffisamment déchaîné pour infliger ces tourments à Edes, est-ce parce qu'il s'est libéré des entraves des conventions, de la culpabilités ? Ce déchaînement et cette libération sont-ils un moyen ou le but en soi ? Et si c'était Sodek NoFink cet homme-libre que je dois trouver ? Il connaîtrait le secret des Dunes Vivantes ?
Sodek vit ici, comme vivait Edes. Edes le connaissait peut-être. Elle pourrait me le dire mais elle est morte. Elle est morte aujourd'hui mais elle n'était pas morte hier. Je me rappelle qu'il y a longtemps, ailleurs, j'ai su ouvrir des Portails à travers le temps et l'espace. À l'époque, je m'appelais Tad Corso. Si, aujourd'hui, je prenais ce nom, pourrais-je remonter ne serait-ce que quelques jours dans le passé pour trouver Edes et lui poser la question ?
Mes tentacules sourient. J'aime cette idée. Que dois-je faire pour ouvrir un Portail ?
Oh ! Les yeux sont cruels avec moi. Une Brume s'étend. Tad Corso connaît cette Brume. Et Damon Haze craint ce qui s'y cache. Les Gargouilles. Tad Corso était aux commandes d'une sorte d'exosquelette surarmés. Moi, je n'ai que mes chaînes. Et les Yeux exigent que je perde quelque chose qui mes chers. Mes chaînes ? Et si cela me... libérer. Deviendrai-je moi aussi un homme-libre comme Sodek NoFink ?
Je fais tournoyer mes chaînes au dessus de ma tête et les jette sur les gargouilles. Je ne sais pas si cela les blesse ou les même les ralentit. Les Yeux sont beaux joueurs. J'ai perdu mes chaînes mais... J'ai huit jours devant moi pour trouver Edes Corso et savoir si elle connaît son assassin, Sodek NoFink.

J'erre dans les rues de cette ville que je ne connais pas. Pourtant, j'ai le sentiment que je devrais. Conscient que mon apparence pourrait me causer des problèmes, j'use de cette capacité de mon totem, la Kraken, pour changer mon apparence, me camoufler, me fondre dans le décor. Alors que je prends une apparence humaine, j'entends un effroyable fracas. La terre tremble, se fend en deux presque sous mes pieds. Je manque de tomber dans une terrible gorge dans laquelle s'engouffre un blizzard des plus violents. J'entends une explosion, des coups de feu ! Les montagnes, au nord de ma pyramide ! Je suis... de retour ? Non ! C'est une hallucination due à la Noix. Mais je vois cet hélicoptère s'écraser. Je vois le Niaucheur s'extraire de la carcasse. Je le sens, il porte sur lui le Cruel Centipède. Un reflet attire mon regard qui se porte sur le canon d'une arme à feu. Impossible ! Ce ne peut être qu'un sosie ! L'Ange-Paon de Yézédis ! Que fait-il ici ? Et pourquoi tenter de tuer le Niaucheur ?

Quand je reprends mes esprits, la rue est redevenue comme avant. Et moi, j'ai un visage humain. Je ne sais plus où je suis. Je sais que ce monde n'est pas la réalité. C'est un voyage shamanique pour guérir Edes. Serais-je donc revenu, l'espace d'un instant dans la réalité. Ma réalité de Millevaux ? Mais pourquoi dans les montagnes et non auprès d'Edes ? Était-ce le présent, le passé ou l'avenir ? Je ne sais plus. Ma mémoire me joue des tours. J'y réfléchirait plus tard. Pour l'instant, je dois trouver Edes.

Savoir où la trouver ne devrait pas être très compliqué. Après tout, je suis le Kraken. L'atteindre sera peut-être plus difficile. Je fouille dans ma mémoire et y trouve mon amie, la machine-cafard. Elle écrira pour moi ce qui va arriver. Dans ma pyramide, je sais où la trouver. Mais ici, où est-elle ? Forcément, elle n'est pas loin. Mais où ? Comment la voir ?

La Noix ou la Bille ? La Bille ou la Noix ? Laquelle me donnera la vision la plus précise ? Je choisis la...

...jeunesse ! Pourquoi ce mot s'impose-t-il à moi ? Spontanément, je la cherche autour de moi, la jeunesse. Il est peu probable de la trouver ici et à cette heure de la nuit. D'autant plus que cette pluie fine chasse la plupart des noctambules. Et pourtant, elle est là, la jeunesse. Camille ! Je te reconnais ! Pourtant, ce n'est pas lui. Ce n'est plus lui. Ce n'est plus le protégé de la Magicienne. Je vois à l'intérieur de lui. Le cafard ! Immonde et énorme ! Est-ce mon amie ? Un craquement sec secoue le petit garçon. Il se secoue. Son corps se retrouve penché en avant, à la limite de tomber. Le craquement s'amplifie. Son dos s'ouvre en une béance horrible. Je vois le détail de son anatomie, comme celui d'une grenouille clouée sur la planche d'un biologiste. De là, de cette cavité, s'extrait un cafard. Un gigantesque cafard de près de 2 mètres de haut. Son « visage » est totalement inexpressif mais je ressens pourtant une certaine joie qui en émane. La joie de me revoir mais également une autre... plus malsaine.

« Les souffrances de ce petit garçon sont un délice, Kraken. Les Carognes ne l'ont pas loupé. Tu en veux ? »

Les mots ne parviennent pas à sortir de ma gorge. Je pointe du doigt la machine que le cafard porte sous le bras. Il... sourit ? Il produit une espèce de bruit de bouche puis lève la machine au dessus de sa tête. Il abat ensuite violemment et l'enfonce sur ce qui lui sert de crane. Il secoue un peu la machine, la fait tourner, fait craquer ses cervicales. La machine a trouvé sa place. J'ai retrouvé mon amie, ma fidèle Clark Nova !

Je m'approche de Clark Nova. Mes doigts glissent le long des lignes de la machine. Je commence à pianoter. C'est le moment ! Le moment de (me) taper une vision d'enfer !

Je suis dans une chambre d'hôtel propre et vide. Elle donne sur une ruelle, vide également. Il pleut. Je sais que je fuis une menace. Mais je sais aussi qu'ici règne une menace tout aussi grande. Les deux menaces sont-elles liées ? Quelles sont leur nature ? C'est cela que je dois comprendre. Alors, je trouverai Edes.

Je sens que cette menace va bientôt se manifester. Je ne peux pourtant pas quitter cette chambre. D'une part parce qu'une autre menace m'attend dehors. D'autre part, il y a ici quelque chose que je dois trouver. La magicienne a l'habitude de cacher des Billes et des Noix un peu partout. Est-ce cela que je dois trouver ? Je commence par les tiroirs.
Un... pénis (?!) de métal chromé, strié de veines rouges, de 18 cm au garrot. Je ne peux m'empêcher de penser que c'est effectivement menaçant.

Mais mon sourire se fige. Je comprends ce que signifie la présence de cet objet, à qui, ou plutôt à quoi il appartient. Je connais ces êtres dominateurs et pourtant esclaves de leurs pulsions les plus viles et les plus basses. Un Soar ! Un homme-porc. J'ai trouvé dans ma pyramide des textes à propos de ce peuple, de son histoire, de sa magie... Les Soar peuvent se rendre invisibles. Il est là ! L'homme-porc est là et il m'observe. Qu'attend-il ? Pourquoi ai-je peur ? Va-t-il m'attaquer ? Attend-il seulement que je quitte les lieux ? Sait-il ce que je cherche ? Sait-il que j'ai compris qu'il était là ?
J'ouvre un autre tiroir...

Un petit sachet en plastique. Des petits morceaux de papiers découpés. Un mode d'emploi. J'ai 2 mn !

J'ai réussi !!! mais qu'est-ce que ça veut dire ? Dans tous les sens, des séries de chiffres et de lettres. C'est un code. Je le mémorise et, l'air de rien, remet le tout à sa place en tentant de repérer le Soar. Si je devais se battre, l'emporterais-je ?

Je dois me rappeler que tout cela n'est qu'une vision, une illusion. Ce n'est pas vraiment réel. Je dois garder la tête froide. Je suis le Kraken. Je sais ce qu'est ce code. Il m'indique là où je peux trouver Edes Corso. La question n'est pas tant de savoir pourquoi ce Soar détient une information concernant Edes. Il n'y a peut-être, d'ailleurs aucun lien entre les deux. Le lien, c'est la vision. Ma vision. Le lien, c'est moi ! Cette vision me permet de trouver Edes et me met en garde contre les Soar. Mais aussi contre autre chose qui m'attend dehors. Je ne dois pas douter un seul de ma capacité à aller au bout de ce voyage. Je ne dois pas douter de ma capacité à guérir Edes. Mais je ne dois pas douter non plus de la réalité de la menace qui pèse sur nous. Et cette menace semble plus grande que je ne l'imaginait au départ. Quels étaient donc les plans de Sodek NoFink ?

Le Soar ne se manifeste toujours pas. Peut-être pense-t-il que je n'ai pas percé le code, que je ne suis pas une menace. C'est aussi bien. Mais peut-être tout simplement prolonge-t-il l'extase qui le cache à mes yeux ? Je ne veux pas vraiment le savoir. Ces hommes-porcs sont un mystère et j'aimerais autant qu'ils le restent. Pour l'instant, je dois sortir. Par la fenêtre, la rue semble déserte. Pourtant, je sais qu'une menace m'attend à l'extérieur. Une menace extérieure... alors que je me saisis malgré ma peur de la poignée de la porte, je comprends. Une menace extérieure. Un Dieu Extérieur ! Nyarlathotep ! Le messager et le message ! Le code ! J'ai mémorisé le code. C'est lui la menace ! Et je l'ai dans la tête. Je pâlies. Je suis tombé dans le piège du Soar. Oui, ce code va me permettre de trouver Edes, mais il va aussi me ronger. Ce code est une maladie ! C'est le Cruel Centipède !

Je tourne la poignée... Elle refuse de plier. Je dois forcer. Je tremble sous l'effort. Une horrible puanteur envahit soudain la chambre. JE DOIS SORTIR D'ICI !!!

Je suis de nouveau dans la rue. Cette pluie fine tombe toujours et se mélange à la sueur qui courent le long de mon dos et trempe ma chemise. Sous mon visage humain illusoire, je sens mes tentacules s'agiter. Je le regarde sans le voir. Le cafard me tourne le dos. Il a ôté Clark Nova de sa tête et s'en retourne à l'intérieur du petit Camille afin de se repaître des horreurs qu'il a subit dans la maison Carogne. Je sens un très très mauvais Karma ! Je cherchais Edes pour la sauver et j'ai le sentiment de m'être fait avoir. Je cligne des yeux. Devant moi, une voiture aux vitre teintées me barre le chemin. Derrière, la même chose. Un homme sort de la 1ère voiture. Il porte un costume sombre, des lunettes de soleil et une coiffure mohawk teinte en orange vif qui détonne avec son look de men in black. Brodé sur son épaule gauche, je crois reconnaître ce symbole. Une swastika déformée sur une croix copte. J'ai le cafard mais... peut-être ne devrais-je pas prendre la mouche... Qu'en pensent les Yeux ?

Je suis en danger. Pour de bon, pour de vrai ! Ces types sont au mieux des humains adorateurs des cafards et au pire des cafards eux-mêmes. Dans tous les cas, ils seront moins bienveillant à mon égard que ma fidèle Clark Nova. Les Soar, les cafards ! Dans quel pétrin s'est mise Edes ? Mais pour l'instant, je dois me sortir de là. Je reprends mon apparence de Kraken. Mes tentacules se déplient et savourent cette pluie fine. Je lève les bras et les fait onduler lentement, au rythme de mes tentacules.

« Je suis le Kraken ! Ici et maintenant, je vous plonge tous dans l'obscurité. Vous allez sombrer dans le sommeil. Et à votre réveil, vous serez au plus profond de l'océan. Je suis le Kraken ! »

Alors, j'écoute les Yeux. Qu'attendent-ils de moi ?

« Kraken ! Nous sommes les Yeux. Tu dois avaler l'anarchie ! Ton sang doit couler ! »

Est-ce sous l'influence des yeux, ma main droite se pare de griffes longues et acérées. Le temps semble s'être figé mais c'est faux. Je dois agir maintenant ! Je lève ma main et laboure mon torse. Mon sang coule. Il est sombre comme le fond de l'océan. J'avale l'anarchie. Je la fais mienne. Je rejette toute forme de gouvernement concernant mes pensées et mes actions. Désormais, je sors de ma réserve. Je cesse d'être un témoin passif. Mon sang coule en vagues énormes et déchaînées. Il entraîne les adorateurs des cafards par le fond. Quand le calme revient dans cette ruelle. Je suis seul et je suis un autre. Ces griffes ont disparue de ma main droite. Je me saisi alors de cette clepsydre trouvée dans ma pyramide. Le temps s'écoule plus vite. Non, pas le temps. Le Karma. J'ai 8 jours pour trouver Edes mais beaucoup moins avant la catastrophe.

Malgré tout, la réalité, le monde, l'Hommonde (?), ont tenu parole. Je sais où trouver Edes ! Je vois une cathédrale. Des dunes. Tout cela se mêle dans ma tête. Edes assiste ce soir à un vernissage. Un peintre italien expose ses nouvelles toiles. Elles représentent des temples et autres lieux sacrées, mais aussi des paysages désertiques.

« Taxi ! »

A l'entrée de la galerie, je parviens à tromper la vigilance des hommes de la sécurité mais cela me coûte une nouvelle Noix. Il ne m'en reste que deux pour sauver Edes. À l'intérieur, je la cherche parmi les invités. Je ne la vois pas mais j'entends un groupe de personnes parler d'elle. Je m'approche et tente de capter de leur conversation. Ils parlent d'un orchestre dans une autre salle. Elle s'y serait rendue. Je trouve effectivement cette salle mais la porte est fermée. Je colle mon oreille à la porte. Il y a effectivement de la musique. Que cette porte soit close m'intrigue. Et je me demande si les affaires dont on traite ici ont vraiment à voir avec l'art. Je dois absolument entrer. Par acquis de conscience, je tourne lentement la poignée mais la porte refuse de s'ouvrir. Et si elle était en danger ? Il ne me reste que 2 Noix. Je colle à nouveau mon oreille à la porte, tentant de capter une conversation par dessus la musique. Des gémissements étouffés. Un bruit de chute. De la vaisselle, des verres qui se brisent. Quelqu'un vient de tomber. Je le sais maintenant, je peux être brutal à l'occasion. Et j'ai renoncé à obéir à cette réserve qui était la mienne jusqu'à présent. D'un coup d'épaule, j'enfonce la porte.

Alors que je fais une entrée fracassante dans le petit salon, l'orchestre enchaîne spontanément sur une adaptation de Wagner. Edes Corso, magnifique dans cette robe de soirée, me jette un regard des plus dédaigneux. Au sol, un homme-porc en smoking est en train de se relever. D'un geste agacé, il refuse l'aide de ce congénères. Edes est la seule humaine présente mais elle ne semble pas en danger. Le Soar se relève, lisse sa veste de smoking et tente de retrouver une certaine contenance. Contre toute attente, personne ne semble gêné par le spectacle offert par ce porc ivre. Au contraire même, ils semblent attendre quelque chose. Le Soar va parler.

« Hum, désolé Edes. Je... J'ai vu... Des innocents vont périr. Et il y a... plusieurs assassins. Prends soin de toi. »

Puis, enfin, tous se tournent vers... moi !

« Qui êtes-vous ? demande Edes, calmant d'un geste les Soar s'emparant de leurs armes.
Je suis le Kraken. Le Soar a raison. Des innocents vont mourir. Tu vas mourir. Dans une semaine. Je suis là pour t'aider, Edes. Je suis le Kraken. »

A ma grande surprise, l'ambiance se détend. Les Soar rangent leurs armes et Edes s'approche de moi, visiblement très à l'aise avec la nouvelle que j'apporte. Dans un coin de la pièce, des Soar chuchotent en me regardant. Je n'entends pas bien ce qu'ils racontent mais j'entends parler de Black Rain. Ça me dit vaguement quelque chose mais impossible de faire le lien avec quoi que ce soit. Edes m'invite à m’asseoir et me tend un verre. Elle veut tout savoir. Mais avant, elle congédie les hommes-porcs. Ceux-ci refusent. Ils veulent eux aussi entendre ce que j'ai à dire. J'espère qu'elle va refuser. Je n'ai aucune confiance en eux. Heureusement, Edes reste ferme et leur intime l'ordre de quitter la pièce. L'orchestre joue toujours. Du Bach, maintenant. Le Soar ivre tente de négocier sa présence et agitant sous son nez un vieux carnet. Edes répond qu'elle aussi sait des choses qu'ils veulent savoir. Elle explique que ce que j'ai à dire ne concerne qu'elle seule et qu'ils reprendront leurs transaction là où je l'ai interrompue quand nous en aurons fini. Tenir ainsi tête à une délégation d'hommes-porcs, je reconnais ma Edes Corso.

Les Soar quittent finalement la pièce, apparemment sans rancune. Edes se retourne vers moi. Je la sens pleine d'entrain. Je lui raconte tout. Comment je suis revenu dans le passé pour empêcher sa mort. Comment je suis arrivé sur les lieux du crime en provenance de Millevaux. Et surtout, cmment, de mon point de vue, sa réalité n'est qu'une vision fantasmatique, un voyage onirique afin de délivrer l'Edes Corso de Millevaux de sa fièvre. Comment va-t-elle réagir à ça ? Va-t-elle me croire ? Va-t-elle me prendre pou un fou ? Je suis... anxieux. Ma vision se trouble. Autour de moi, l'air se fige, se cristallise et forme une suite de mots. « La répétition est une forme de changement. Une malédiction. Elle ne veut pas être sauvée. »

« … serait un certain Yézédis Corso, tu comprends ? »

Edes a poursuivi son récit. Elle n'a, dirait-on, rien perçu de mon trouble passager. Mais je comprends alors certaines choses moi aussi. Edes, ici, trafique avec les Soar afin d'en savoir plus sur un de ses ancêtres. Un certain Yézédis Corso. Les hommes-porcs auraient des informations le concernant. En échange, ils veulent des informations sur Damon Haze. C'est donc pour ça qu'elle s'est approchée de lui. Yézédis Corso ? L'Ange-Paon de Yézédis ? C'est lui qui a tiré sur Haze quand son hélicoptère s'est crashé dans les montagnes millevaliennes. Je le lui dis. Et elle me confirme que Haze a quelque chose à voir avec Millevaux, qu'une de ses enquêtes, quand il était agent du FBI, lui a fait toucher certains des mystères de cette forêt. Elle sait aussi que cela est en lien avec un certain Sodek NoFink. « La répétition... » J'ai l'impression d'une boucle, d'un cycle dans l'espace et le temps entre Millevaux et cette réalité. Quoi qu'il en soit, dans ces deux mondes, Edes est liée à tout ça. Et dans ces deux mondes, son sort est des plus précaire. Et elle ne voudrait pas être sauvée ? Dois-je vraiment la laisser mourir ? Dois-je la laisser au fond du gouffre ? Et est-ce possible que ce Yézédis Corso et l'Ange-Paon soit une seule et même personne ?

Edes se tait maintenant. Et moi, je réfléchis. Peut-être dois-je me résoudre à renoncer à la sauver, dans ce monde comme dans le mien. Sa mort ici serait, comme l'a dit l'homme sur la scène de crime, l'exception qui confirme la règle. Changement et répétition... Et sa mort au fond du gouffre de Millevaux ? Quel sens cela pourrait-il bien avoir ? Peut-être n'y a-t-il finalement aucun moyen, ni aucune raison de la sauver ? Et si, pour en savoir plus maintenant, et sauver les Colonnes, je devais trouver l'Ange-Paon de Yézédis ? Et si c'était lui l'Homme-Libre ? Et si c'était lui qui pouvait m'apprendre à dompter les Dunes Vivantes ?

La malédiction... Le Soar m'a fait ingérer le code du Cruel Centipède. Il me ronge. Mon temps ici est compté et... Edes ne veut pas être sauvée. Elle est un élément du cycle. L'exception qui confirme la règle. Je pense avoir mes réponses. Je dois maintenant retourner à Millevaux. Retourner au fond du gouffre et lui annoncer qu'elle va mourir, pour le cycle.

Je suis de retour au fond du gouffre. Edes est toujours en proie à la fièvre. Est-ce un effet de l'obscurité mais je lui trouve l'air méfiant. Et elle a raison. Je suis de retour pour lui annoncer mon échec. Pour lui faire part de son souhait de mourir. De la nécessité de sa mort pour que se poursuive le cycle. Je sens des images se former à l'arrière de mon crane. Cela parle d'oubli, d'amnésie. Je les refuse. Je vacille. Je me tourne vers la Magicienne. Elle s'agite dans l'ombre. J'ai le sentiment horrible d'avoir oublié quelque de primordial. Mais quoi ? Je sombre... Est-il possible de tomber encore plus bas ?

Je suis de nouveau à la surface. Au bord du gouffre, celui-là même où j'ai abandonné Edes et la Magicienne. Une assemblée de corbeaux est attroupée autour de l'abîme aux parois garnies de racines et grouillantes de vers. Au fond, j’aperçois les Abysses qui remontent pour envahir Millevaux. Alors, certains corbeaux se transforment en humains et en humaines. Leur mutation est horrible. Leurs corps se tordent, se déchirent. Les os saillent et le sang coule. Les chairs sont à vif. Ces craquement et crissements sont effrayant. Je les reconnais. Ce sont des Corax. Peuvent-ils m'apprendre quelque chose ? Je ne suis pas leur ennemi. Mais le savent-ils ?

Je m'approche de l'un d'entre eux, nouvellement transformé en être humain. Ses gestes sont lents et mesurés. Il émane de lui une odeur parfumée plutôt agréable. C'est étrange en ce lieu. Il m'a l'air sympathique et j'essaye de lui paraître sympathique également. Pourtant, quand il parle, il me prend de haut. Il dit qu'eux, les Corax, sont la race à venir, et que l’humanité a démérité de sa suprématie. Je lui rappelle que ces propos ne sont nullement provocateurs me concernant puisque je ne suis pas humain. Je suis le Kraken. Pas un humain. Et si les humains ne méritent plus d'être les maîtres de cette terre, doivent-ils pour autant disparaître ? Ne peut-on pas tout simplement les laisser en paix ? Aujourd'hui, il ne s'agit pas tant de maintenir les humains au sommet de cette hiérarchie que de chasser cet hiver qui n'en finit plus et qui tue même les Horlas. Je lui parle de l'alliance entre Ithaqua et Shub'Niggurath. Je lui parle aussi des Dunes Vivantes et de l'Ange-Paon de Yézédis. Je lui dis que la Magicienne et Edes Corso sont au fond du gouffre et qu'Edes n'en sortira pas. Mais moi, je dois trouver l'Ange-Paon. Les Corax peuvent-ils m'aider ? Il me dit que oui. Je lui demande s'il a quelque chose pour moi. Mais non ! Il n'a rien à m'offrir. Au contraire même. Il exige de moi... une épidémie ? Je ne comprends pas. Ou plutôt, j'ai peur de comprendre. Aurais-je ramené avec moi le Cruel Centipède ? Ou une « version » ? Le code trouvé dans la chambre du Soar serait toujours dans ma tête ? Et le Corax le veut ? Il tend la main dans ma direction. Je ne peux pas lui donner ma tête ! Mais lui, peut-il extraire ce code ? Non ! Et il m'explique même que cela me tuerait de le faire. Ce code risque donc de me tuer à petit feu et cela me tuerait de tenter de l'extraire. Mais, si je ne l'extrais pas, puis-je l'effacer de ma mémoire, le remplacer par autre chose, l'écraser ? Oui, mais... par quoi le remplacer ? Un autre code, je lui dis. Ou par ce que je cherche. Au-delà des Dunes Vivantes, de l'Ange-Paon et de l'Homme-Libre, ce que je cherche par dessus tout, c'est mon nom ! Mon nom... Je réalise alors que cela forme un palindrome. Je m'en ouvre au Corax. Il sourit et sa main tendue vers moi en attente de quelque chose devient une main tendue en attente d'être serrée. Je crois m'être fait un nouvel ami. Il se sépare alors de la chaîne pendant à son cou. Il me ta tend et m'explique que cette pépite lui permettra de me retrouver où que je sois. Alors, il me viendra en aide, mais une seule et unique fois. J'ai compris et le remercies.
Je regarde au fond du gouffre. Point de Magicienne ni d'Edes. Les ténèbres continuent de progresser lentement mais sûrement vers la surface. Plus que jamais, je dois retrouver l'Ange-Paon. Et plus que jamais je dois retrouver mon nom.

Je quitte alors l'assemblée des Corax. Je me dirige vers les montagnes. C'est là, pour ce que je m'en rappelle, que l'Ange-Paon a tiré sur Haze. Sur le trajet, je fais toutefois un détour par le Noyer. Je n'ai plus ni Noix, ni Bille. Et la Magicienne ne m'en a pas donné d'autres.

La route conduisant aux montagnes me fait m'arrêter dans cette clairière où s'élève un gigantesque Noyer. Malgré l'hiver, il regorge de fruits. Aussi, je m'autorise à en manger une et à en garder une autre pour plus tard. Je n'ose en prendre plus. Je croque la Noix et m'enfonce dans un profond sommeil.

Je suis le Kraken. Tout n'est que ténèbres autour de moi. Il fait froid et sombre comme au fond de l'océan. Je me sens seul, si seul. Et soudain, alors que je commençais à me perdre dans ma solitude, je sens une présence. Elle est diffuse, lointaine. Mais elle est bien présente et je la sens bien intentionnée à mon égard. Je pointe mes tentacules dans ce que je crois, ce que j'espère être sa direction. Mais c'est de la folie que je ressens alors ! Je vois d'horribles Gargouilles s'animer dans les Brumes de Millevaux. Qu'est-ce que cela signifie ? Qui s'interpose ainsi entre mon nouvel ami et moi ? Où est-il ?
Horreur ! C'est une vision d'horreur ! Comment ai-je pu me retrouver sur le territoire de Celui Qui Rêve Au Fond de l'Océan ? Chtulhu ! Je le vois ! Je le sens ! Sa menace plane sur nous, sur moi ! Mais il y a toujours de l'espoir. Je me concentre et cherche mon étrange ami. Je veux lui transmettre cet espoir qu'au-delà de la mort et de la folie, il y a... l'amour ?
Quelque chose fonce vers nous ! C'est lui, le Messager, Nyarlathoptep !
Je suis en proie à une terreur indicible. Mais, je sens toujours la présence de mon ami et cela me donne de la force. Nyarlathotep peut venir, je suis prêt ! Quel que soit le message des Dieux, je suis prêt à la recevoir. Je suis le Kraken.
Et mon ami du rêve est une amie. Un ange. Edes Alom. Qui es-tu ? Es-tu liée à Edes Corso ? Si oui, je suis désolé d'avoir dû la laisser mourir mais c'était son choix. Au fond d'elle, elle souhaitait participer du cycle. Mais, ô Edes, j'aurais vraiment voulu faire plus. Je voulais te sauver. Crois-moi !

J'ouvre les yeux. Je suis assis, dos contre le Noyer. Sur mes genoux, un vieux carnet. Il n'y a pas de titre. Je l'ouvre et crois reconnaître l'écriture. Mais en vérité, je ne suis sûr de rien. Est-ce la mienne ? Peut-être ? Peut-être pas ? Ma mémoire me joue des tours.
Non, ce n'est pas moi. Ce n'est pas mon journal. C'est celui d'un certain Dorso, un légionnaire romain. Je lis qu'enfant il a été mordu par un serpent. Un Horla ? Un de ces homme-serpent à 7 têtes ou un serpent géant comme ceux qui nichent sur les abords du fleuve ? Ce Dorso s'est ensuite engagé dans la légion. Envoyé combattre en Germanie avec son ami Lento, c'est là qu'il se fait mordre et devient un être de la nuit se nourrissant du sang d'autrui. Il serait donc ainsi devenu une sorte de Horla lui aussi. Le journal raconte aussi comment il s'est disputé avec son ami Pavo au sujet d'une pierre, d'une amulette. Un peu comme celle que m'a donné le Corax ? Pavo ? Le Paon en latin. Cet homme serait-il l'Ange-Paon ? Quelle horreur ! Quelle froideur lorsqu'il raconte comment il s'est nourri de sa propre mère. Puis comment, de retour à Rome, il n'a cessé de tuer pour survivre. Qui est ce Thot-Hermès ? Ce serait à son initiative qu'il aurait étudié l'alchimie. Sous son influence involontaire, il aurait appris à créer des goules, s'ajoutant à ses serviteurs mortels. Ce fragment de journal se conclut par ces mots : « En effet, je relis les lignes de mon journal et constate que ces souvenirs ne sont plus les miens. Ce ne sont plus que des mots... Je gagne en âge et celui que j'étais disparaît. Il devient une... fiction ! »
C'est un étrange cadeau que tu m'as fait là Edes Alom. Tu as bravé le territoire de Chtulhu. Tu as risqué de subir le courroux de Nyarlathotep pour me transmettre ce fragment de journal. Dorso, Pavo le paon, Thot-Hermès... Qui m'attend au sommet de ces montagnes ?

C'est un bien étrange spectacle qui s'offre à moi alors que j'approche du sommet. Un hélicoptère est la proie d'un assaut mené par un essaim de gargouilles. Au sol, des cris attirent mon attention. C'est lui ! Je le reconnais à la couleur de ses ailes. L'Ange-Paon de Yézédis ! Yézédis Corso. Le légionnaire Dorso. Il popinte son fusil en direction de l'engin volant mais ne tire pas. Nul besoin. Les gargouilles font du bon travail et le pilote a manifestement perdu le contrôle de l'appareil qui perd très- trop ? - rapidement de l'altitude. Il est à bord ! Je le sens. Je ne sais pas qui il est mais je sens que lui aussi, comme moi, est porteur du Cruel Centipède. Qui est-il ? Dois-je lui porter secours ou le laisser mourir ? Le Kraken est un témoin, pas un acteur... Mais peut-être qu'aujourd'hui je suis l'Homme-Libre, celui des Champs de Feu, le Dompteurs des Dunes Vivantes. Je dois agir. Je veux savoir comment cet homme c'est retrouvé en possession du Cruel Centipède. Et je veux que l'Ange-Paon accède à ma requête et m'enseigne. Mais ce dernier semble vouloir que l'homme meurt. J'ai une idée !
Je m'approche calmement de l'Ange-Paon. Il ne semble pas avoir pris conscience de ma présence. Il continue de tirer en hurlant et je dois faire attention à ne pas prendre une balle perdue. Une fois à porter de voix, je lui dis :
« Je suis le Kraken ! Je repose à plus de 6 000 mètres au fond de l'océan. Je me sens si seul depuis que j'ai perdu la mémoire. Retrouver au moins mon nom apaiserait mon âme. Je suis le Kraken ! »
Un dernier de coup de feu claque comme un coup de fouet. L'Ange-Paon se tourne alors vers moi, l'air étrangement conciliant.
« Je suis l'Ange-Paon de Yézédis. Je vis au sommet des montagnes du Roi-Volcan. Moi aussi, je me sens seul. Moi aussi, je ne sais plus qui je suis. Mais je me suis fabriqué un peuple, le Peuple des Gargouilles. Je ne suis plus seul. Je suis l'Ange-Paon de Yézédis ! »

Je le regarde, circonspect. Devrais-je moi aussi me fabriquer un peuple de pierre pour ne plus être seul ?

« Tu as raison, Ange-Paon ! Moi aussi, je veux me fabriquer un peuple. Et si cet homme qui tombe du ciel devenait le premier membre de mon peuple ?
Non, Kraken ! Lui, Haze doit mourir !
Pourquoi ?
Je dois tenir ma promesse.
Soit ! Je ne ferai pas de toi un parjure. Mais puis-je te faire cette proposition. Laisses moi conduire cet homme vers la mort et, en échange, apprends moi à dompter les Dunes Vivantes. »

L'Ange-Paon a l'air intrigué.

« Et comment comptes-tu t'y prendre, Kraken ?
Je compte lui faire ec qu'on nous a fait. Un être peut mourir même si son corps ne meurt pas. Il lui suffit de perdre tout ou partie de son identité. Pour toi, je vais altérer cette identité, sa mémoire, et cela le conduira vers la mort. Je n'ai qu'à m'approcher de lui pour ce faire. »

l'Ange-Paon ne se départ pas de son expression amicale mais pointe néanmoins son fusil vers moi.

« Non, Kraken ! Haze doit et va mourir ! Ici et maintenant !
Soit, mais accepteras-tu malgré tout de m'enseigner?
Non ! Jamais ! Les Dunes Vivantes transformeront Millevaux en désert et moi seul serait le Roi-Soleil de ce désert à venir !
Soit, dans ce cas, je te volerai tes secrets. Je les prendrai par la force ! »

Et alors, je sers dans ma main l'amulette offerte par le Corax. J'espère qu'il saura comment s'y prendre contre Yézédis. Ai-je vraiment raison d'agir ainsi ? Ne vais-je pas le payer plus tard, ou même... maintenant ? Il me reste une Noix. Une dernière. Je la croque pour forcer le destin, mon Karma, ? et obtenir ce que je désire... Étrange sensation de quitte ou double ! Je … Glisse...

...le long d'un intestin géant avec tout un tas d'espèces fossiles ou disparues : des limules, des ichtyosaures, des ammonites et des choses gerbantes avec des tentacules écumantes de foutre primordial.

Cœlacanthe !

J'émerge dans la poche à merde du Coelacanthe, qui est pleine à ras bord de fange liquide et de squelettes de dinosaures morts. Je mourrais étouffé si je n'étais pas le Kraken. Je mourrais écrasé par la pression si je n'étais pas le Kraken. Je ne suis pas chez moi au fond de cet océan de merde mais je peux y vivre, y survivre.
Une silhouette au loin. Je la reconnais. La Magicienne ! Que fait-elle là ? Elle est... étrange. Elle a des branchies à la place du sexe et sous les joues. Et ses mains et ses jambes commencent à évoluer en pseudo-nageoires. Elle me fait un signe de la main. Elle me montre une direction. Le bas. Je lui fais confiance.

Je me retrouve maintenant aspirées dans une forêt immergée. Il y a de l'eau à perte de vue, dans tous les sens, au-dessus de ma tête, en-dessous. L'effet de la pression est titanesque. Je mourrais si je n'étais pas le Kraken ! Il y a des arbres gigantesques aux branches moisies par l'eau. Des milliers de cœlacanthes mous et fluorescents remontent des Abysses. Je suis au fond de l'océan mais je ne suis pas chez moi. Cet océan est celui des Coelacanthes. Je veux retrouver ma pyramide. Je veux retrouver mon nom. Peu m'importe maintenant d'être l'Homme-Libre, le Dompteur des Dunes Vivantes. Je suis le Kraken et je veux retrouver mon nom ! Je remonte vers la surface.

Je suis maintenant à la surface. Mais il n'y a pas d'eau. Par où suis donc arrivé ? Je ne sais pas. C'est une petite pièce au mur blanc. Il y a peu de meubles mais tout est propre. Par la fenêtre, je vois que je ne suis plus à Millevaux. Derrière moi, j'entends du bruit. Il y a quelqu'un dans ce petit appartement. Silencieusement, je m'approche. Il y a une porte entrouverte. Je l'ouvre doucement. Je suis accueilli par l'ombre d'un Soar. Pas tout à fait un Soar. Un homme-sanglier. Son corps translucide est dans un état de putréfaction avancé. À deux pas devant lui, je vois un homme, de dos, penché sur son bureau. Il tape sur le clavier de son ordinateur. Je me tourne vers l'homme-sanglier. Il s'appelle NoAnde. Je ne sais pas comment je le sais mais... Quand je le dépasse, il disparaît. L'homme qui tape à l'ordinateur est le Joueur. Ça aussi, je le sais. Et je sais qu'il sait que je suis là. Pourtant, il ne se retourne pas. Il sait que s'il se retournait il ne me verrait pas. Pourtant, je suis là. Nous le savons tous les deux. Je suis là, hein ? Ne te retournes pas, Joueur ! S'il te plaît !

Le Joueur est tenté de se retourner mais résiste !

Je m'approche et lis par dessus son épaule.

« Bonjour Kraken. C'est un peu bizarre de (ne pas) te voir ici. Tu n'as pas besoin de parler. Je sais ce que tu veux. Tu veux retrouver ton nom ; je vais te le dire. Tu veux dompter les Dunes Vivantes pour chasser Ithaqua et les Bergers du Givre. Je vais les chasser. Ne t'inquiètes pas pour Haze. Finalement, il n'est pas mort. Et l'Ange-Paon de Yézédis ne semble pas disposé à mourir non plus. Son histoire va continuer encore un peu. La tienne, par contre, va s'arrêter là. Pour l'instant. Tu reviendras, Kraken, en tant que Kraken ou... qui sait ? Je ne sais pas encore. Je t'aime bien Kraken. Je pense que ce serait bien que tu reviennes. Mais plus tard. Pour l'instant, j'ai d'autres projets. Je vais laisser les Dunes Vivantes s'occuper de Millevaux. Moi, nous, nous allons devoir nous occuper d'autres mystères planant aussi autour de Millevaux mais peut-être plus vastes encore. Je te parle de la Crasse, de l'Hommonde. Tu le sais, Millevaux contient bien des mondes en son sein, les Forêts Limbiques, les mondes des Déités Horlas. Même cette région des Colonnes est un peu comme une « poupée russe », un Millevaux dans Millevaux. Et bien, j'ai découvert que Millevaux était également une partie d'un univers plus vaste composé lui-même de bien des mondes. Et ces mondes ont été tué. Je sais que les Mouches enquêtent. Je veux percer ce secret. Je veux explorer ces mondes. Et j'aurais besoin de toi pour ça Kraken ; donc, ne t'inquiètes pas, tu reviendras. Mais, j'ai l'impression de tourner autour du pot Kraken. Je repousse ce moment car même si elle n'est que provisoire c'est quand même une fin et ça me rend un peu triste. Mais bon, je t'ai promis de te dire ton nom alors je vais te le dire. Je vais même faire mieux. Je vais te dire TES noms, car tu en as deux !
Le premier nom que je te révélerai est Demian Hesse. Mais Demian Hesse est lui aussi une sorte d'avatar. C'est le pseudonyme que je prends, parfois, pour jouer ; car oui, c'est un jeu. Un jeu de rôles dont toi, Kraken, est un personnage, présenté à d'autres par celui qui se fait appeler Demian Hesse mais qui est en réalité, et c'est le deuxième nom que je te révélerai, Damien : le Joueur ! Et oui, je suis le Joueur ! Et tu es mon personnage que joue en utilisant, parfois, le pseudonyme de Demian. Tu comprends ?
Les Dunes Vivantes vont certainement ravager les Colonnes. Mais Millevaux reviendra d'une façon ou d'une autre car j'aime cette univers. J'ai encore envie de l'explorer. Nous aurons donc encore des Horlas et des Coelacanthes à combattre. Nous croiserons encore la route de la Magicienne, ou du Magicien, je ne sais pas encore. Et maintenant, nous croiserons aussi des Mouches, dont je pense qu'elles seront nos alliées ; Nous croiserons aussi des Cafards et des Soar. J'ai un peu plus de doutes les concernant.
Il est 17h02. Il pleut. C'est la fin, pour l'instant. Je vais me retourner et il n'y aura personne derrière moi. Ni Kraken, ni fantôme de NoAnde. Haze est perdu quelque part mais je sais qu'il va s'en sortir. L'Ange-Paon de Yézédis n'est pas encore mort lui non plus. SiAber a toutes les qualités requises à mon goût pour être recruté par Black Rain. Et Edes et Tad pourraient bien m'être utiles de nouveau...


Je n'ai pas besoin de me retourner. Je sais bien qu'il n'y a personne derrière moi. Pas vrai ?

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